L'Auberge du Molosse cendré et ses alentours

Après avoir pris soin d'héberger notre monture, il était temps pour Vulin de trouver le lieu de repos dans la cité de Magnésie. Comme Elune pensait, il n'en était pas à son premier séjour et il avait déjà une petite idée sur l'auberge que le couple prendrait pour la nuit.

Je vais nous trouver un petit lit douillet, sois en sûr. Tu vas même être comblé par la présence d'un marché de quartier dans la rue voisine.

Alors que le duo marchait dans les premières rues de la ville, l'ambiance festive de la capitale de Maon se faisait sentir. Vulin voyait ceux de sa race en plus grand nombre qu'à l'habitude et en fier adepte de la discussion, il arrêtait continuellement pour entamer conversation avec des gnomes, des elfes, des hommes et même un orc. Elune le regardait parler, apprenant les astuces de la langue et certaines formules de politesse selon la race. Après une bonne marche et de nombreux arrêts, les deux voyageurs furent devant la porte le l'établissement recherché par le petit homme.

Nous y voici jeune demoiselle, le Molosse Cendré ! Auberge peu connu dont le nom repousse les moins téméraires mais dont le confort du lit et la qualité de la nourriture sont sans reproches. Quoi que la taverne de Mira se classe assez haut... il faudrait faire une compétition de repas. dit-il, sourire aux lèvres et signes de pièces d'or dans les yeux.

Désires-tu te rafraîchir dans un bon bain avant de rendre visite aux étalages marchands ? Ou bien j'y rentre seul pour réserver notre chambre ?

Magnésie !

Une ville à la campagne !

La nature fleurissait partout ici, les rues étaient ombragées par les larges branchages d'arbres centenaires, des parcs dispensaient leur verdure et les multiples couleurs de leurs fleurs variées. L'eau s'écoulait en abondance dans des fontaines, des canaux qui parcouraient les artères populeuses.

La cité n'avait pas défiguré la forêt qui la cernait, elle faisait communion avec elle, s'y insérait sans qu'on en voit les limites clairement. Les faubourgs semblaient sortir des frondaisons d'une manière parfaitement naturelle. On sentait dans ces constructions respectueuses de la nature l'influence des elfes, des druides, de tous ceux qui chérissent l'écosystème sylvestre tel que les dieux l'ont créé.

Vulin avait l'air de se sentir chez lui ici, au milieu des siens et des autres races qu'on croise plus rarement à la Capitale. Mais il est vrai que Vulin semblait se sentir chez lui partout.

Tandis qu'il lui vantait les mérites comparés de leur future auberge avec celle de Mira, Elune eut une idée qui lui apparu comme une illumination.

- Une compétition ? Peut-être pas... Mais on pourrait profiter de notre voyage pour rédiger un guide des meilleures auberges... Qu'en dis-tu ? Les voyageurs seraient heureux de trouver un ouvrage qui leur indiquerait à l'avance les meilleurs endroits pour se reposer et manger.

Elle sourit en se disant qu'elle venait d'inventer une idée qui pourrait révolutionner le tourisme à Kalamaï et qui si, comme elle le pensait, intéressait les nomades et les itinérants, pourrait être une source de profits très lucrative.

- Moui... C'est une idée à creuser ! En attendant, je suis d'accord pour un bon bain relaxant. Myos ne sera pas là avant au moins deux jours, prenons le temps de prendre le temps...

Elle suivit donc son petit compagnon quand il poussa la porte du "Molosse Cendré".

Elune s’avança doucement, en souriant.

- J’en pense, dit-elle, que je vais être ravie de dormir dans des draps de soie et prendre des bains de lait d’ânesse. Car c’est bien ce que nous propose notre hôte.

Elle planta son regard dans celui de l’aubergiste, de manière à lui faire comprendre qu’elle n’était pas dupe.

- En tout cas, c’est tout ce qui peut justifier ce prix ! Puisque j’imagine que dans une maison de cette qualité, le client est roi, je prendrai donc deux bains par jour… Le lait d’ânesse est très bon pour la peau.

L’elfe eut une déglutition difficile. Il avait volontairement gonflé la note et en conséquence, la jeune femme se faisait exigeante, attendant de lui des prestations qu’il n’offrait pas. Où donc pourrait-il trouver suffisamment de lait pour assurer deux bains quotidiens ? Et combien ce service allait-il lui coûter ?

Assurément, de quoi faire fondre sa marge, lui ôtant tout le bénéfice qu’il attendait de sa légère escroquerie. Ces clients n’étaient pas naïfs, il comprit qu’il avait à faire à des voyageurs aguerris et que sa tromperie n’avait trompé personne.

Saisissant la note avec un geste théâtral, il frappa son front du plat de sa main.

- Mais où ai-je la tête ce matin ? Je ne sais donc plus compter ?

Il fit la tentative de feindre un petit rire gêné, bien maladroitement imité, et ratura avec force la somme qu’il avait demandé pour en écrire une autre, beaucoup plus raisonnable. Elune saisit le papier et fut heureuse du résultat de sa manœuvre : comme par magie, le prix avait diminué des deux tiers.

- Parfait ! Pendant que notre aubergiste fait chauffer de l’eau et prépare mon bain, que dirais-tu d’aller faire un tour au marché tout proche ? demanda-t-elle à Vulin. J’ai une première commande à honorer pour notre nouvel ami.

Elle se dirigea vers la porte, assez fière d’elle et gonflée d’optimisme à l’idée de trouver pour Myos un bouclier qu’elle pourrait peut-être obtenir au meilleur prix.

Vulin se retenait pour ne pas rire de l'elfe qui venait d'être totalement déconfit par Elune et ses petites demandes. La note pour la chambre avait maintenant un prix tout à fait convenable, ce qui démontrait les talents de sa protégé. Il était fier de sa décision. Une fois terminé avec l'aubergiste, Elune s'adressa au gnome, lui demandant si il voulait aller au marché. D'un signe de tête affirmatif, sourire dans la barbe, il acquiesça et se dirigea vers la porte.

Une fois à l'extérieur, le duo arpentait les allées du marché, traversant les étalages de fruits et légumes, de viandes fumées et salées puis celui des jouets artisanaux. Vulin tira brièvement sur le pan de robe de sa compagne pour lui signifier d'arrêter. S'approchant des objets en vente, il prit un magnifique bouclier en bois ouvragé, ayant à la fois style et prestance pour autant que l'on soit un enfant.

Que dirais-tu de celui-ci ?

Elune pointa un regard sévère tout en ayant un léger sourire en coin. Avait-elle aussi l'image du minotaure nain avec un bouclier pour enfant ? Le gnome déposa l'objet sur son étalage et salua le marchand avant de poursuivre leur route.

C'est bon ... c'était pas le bon modèle pour notre ami mais cela aurait fait une blague géniale !

Continuant leur route, un marchand venait d'ouvrir son kiosque, offrant de véritables armes et bouclier. Elune allait s'y diriger rapidement mais Vulin lui prit la main pour la retenir et la força à se pencher vers lui.

Tout bas il lui dit : Ne jamais démontrer son empressement à acheter, le prix pourrait soudainement gonflé si le marchand voit une trop grande volonté d'acheter.

Le commerçant regardait le couple et le gnome s'en aperçu. Ce dernier déposa un baiser sur la joue de celle-ci pour ne rien laisser paraître des conseils fraichement donnés.

Elune accepta le baiser et répondit :

- Mais oui, mon chéri, je vais essayer de t'offrir cette dague dont tu rêves...

Elle s'avança ensuite vers l'étalage et examina chacune des dagues présentes, certaines courtes, d'autres longues, le choix ne manquait pas.

- Chéri, quel modèle préfères-tu ?

Vulin s'approcha d'un pas lent, admira les pièces puis d'un signe de la main répondit à sa compagne qui comprit, sans hésitation, les désirs de son homme. Le commerçant, désireux de faire une grosse vente, se mit à montrer les plus dispendieuses de ses lames.

- Voyez madame, voyez comme elle brille. Voyez l'ouvrage dans la poignée. Voyez la précision de la coupe de cette dague. Prenez-là dans vos mains, elle est en argent massif celle là. Un produit rare pour votre amour.

Un véritable pot de colle cherchant à arnaquer la demoiselle qui veut offrir un cadeau. Il avait clairement entendu les désirs de celle-ci et profiterait de cette opportunité. Pendant de longues minutes, l'homme présenta ses objets à vendre, mais Elune ne souriait plus, elle n'aimait pas le matériel ou l'aspect. Chaque fois un petit quelque chose la dérangeait. Le commerçant désespérait de faire une vente et baissa graduellement son prix, à contrecœur, pour espérer vendre.

Elune se tourna alors vers un bouclier, d'une taille appréciable pour leur ami minotaure, ayant une poignée solide et une courroie de cuir pour aider à le tenir en place sur le bras. Elle le prit et le tendit vers le gnome qui était aussi grand que la pièce de métal.

- Tiens le devant toi mon chéri, je veux l'observer. Voir s'il te va bien.

- Il coûte dix-huit pièces d'argent celui là.

- À ce prix je vais aller voir ailleurs. Laisse là ce bouclier, cet homme demande trop cher pour si peu. Ainsi vouloir m'arnaquer car je suis une femme...

- Je vois que la dame à le don du commerce et sait ce dont elle parle.

- Trêve de flatterie !

Le commerçant n'eut pas le temps de répondre, un célestial c'était posé sur la place et rapidement des soldats le prirent en charge et menèrent l'individu à l'endroit demandé.

- Un instant, marchand, je reviens.

Elune s'éloigna pour suivre l'être ailé, elle était curieuse. Il ne devait pas venir en simple visite, peut-être une occasion à saisir. De loin elle put constater que la Coalition Marchande de Maon était sa destination, elle tourna alors les talons pour retourner vers Vulin.

Croyant retrouver le gnome près de l'étalage, elle le vit déambuler vers elle, tant bien que mal, avec l'énorme bouclier dans ses mains.

- Tu ne l'as pas acheté à ce prix de fou ?

- Non bien sûr, tu devrais commencer à me connaître ma douce depuis toutes ses années. Cinq pièces d'argent sur son étalage auront suffit à le convaincre. Maintenant rentrons pour la nuit, je suis las de temps de marchandage. Je préfère, et de loin, vendre qu'acheter.

La demoiselle prit le bouclier et détailla ce qu'elle avait vu. D'un commun accord ils iraient à ce bâtiment le lendemain matin, une fois que Myos serait arrivé, pour obtenir un nouveau financier pour leur expédition et s'informer sur l'inconnu. Toute opportunité était bonne à prendre.

Quand il revinrent à l'intérieur de l'auberge, l'elfe de la réception informa que le bain venait tout juste d'être terminé selon les désirs d'Elune. Vulin paya le tiers de la somme de l'addition puis fit signe à sa compagne de le suivre à la chambre tout en prenant possession de la clé.

- Prêt pour une autre nuit mouvementé ma douce ?

Avoir convenu de se retrouver aux alentours de la porte ouest était bien. Certes c’était relativement vague, mais cela ne posait pas tant de problèmes à Myos : même dans une cité aussi cosmopolite que Magnésie, un couple humaine-gnome arrivé en griffon devait se faire remarquer facilement.

En réalité, le paladin se trompait lourdement. Levé tôt, systématique et ne connaissant pas particulièrement bien la ville, il se fit indiquer les divers étables à griffons. Malheureusement, il se perdit plusieurs fois, rechignant à le reconnaître et à demander son chemin, par fierté. Si un jour il devait mener une ville, ses rues seraient aussi droites que la Loi et il serait aisé de s’y repérer et d’y trouver son chemin. Quelle idée que de ne pas utiliser la civilisation pour servir l’Ordre jusqu’au bout, laissant le Chaos infect juger de l’agencement des villes !

De plus, Myos dut visiter plusieurs gîtes avant qu’un palefrenier ne reconnaisse sa description du couple, sans pour autant pouvoir lui indiquer un lieu de résidence. Si bien que c’est totalement par hasard que le minotaure repéra Elune et Vulin dans la foule, après plusieurs heures de vaines courses à travers la ville, alors qu’il se dirigeait en désespoir de cause vers la porte ouest.

— Salutations à vous, votre voyage s’est-il bien passé ?

Ils retournaient à leur auberge, se réjouissant d'avance du bon repas qui les attendait. Elune était souriante, enjouée... Sa nouvelle vie lui plaisait décidément: voir du pays, négocier des achats avec des rapaces âpres au gain, envisager d'autres rencontres et d'autres voyages... Voilà qui la changeait tellement de la vie de paysanne à laquelle elle était promise depuis sa naissance, et puis finalement à sa vie de fugitive traquée, cachée, isolée qui était devenue la sienne depuis que sa sœur avait reçu le don de la nuit.

Lulyane lui manquait ! Elle rêvait déjà de l'instant où elles se retrouveraient et où elle lui raconterait fièrement son ascension sociale. Qu'était-elle devenue ? Était-elle enfin cette magicienne redoutable qu'elle promettait de devenir ? Où qu'elle soit à cet instant, Elune ne doutait pas qu'elle avait depuis longtemps oublié Magnus et les souffrances qu'il lui avait causées. Son prince charmant était assurément devenu de l'histoire ancienne et Lulyane n'avait certainement aucune raison d'encombrer son esprit avec les souvenirs de ce chevalier si cruel pour elle.

Un jour, Elune reviendrait à la Capitale, passant par la Corporation des Arcanes. Alors, riche et influente, elle tâcherait de retrouver la trace de sa sœur et de son bon géant rustique.

Au détour d'un étal, ils tombèrent nez à cornes avec Myos, leur petit mais puissant protecteur minotaure.

— Salutations à vous, votre voyage s’est-il bien passé ?

La surprise fut complète. Ils s'attendaient bien sûr à retrouver Myos puisqu'ils avaient un quasi rendez-vous, mais le croiser sur le marché, parmi les éventaires colorés était la dernière chose à laquelle ils auraient pensé, persuadés de le voir débarquer épuisé et fourbu de sa longue marche un soir, franchissant la porte de l'auberge où ils avaient établi leurs quartiers.

- Cher Myos, s'exclama Elune. Vous tombez fort bien ! Nous venons justement de faire l'acquisition de votre nouveau bouclier. Qu'en pensez-vous ?

Elle tendit l'objet au paladin pour lui permettre d'en juger la qualité, tout en continuant son propos:

- Demain matin, nous nous rendrons dans les bâtiments de la Coalition Marchande... C'est bien le diable si nous n'y trouvons pas quelques riches seigneurs prêts à investir dans notre petite affaire... Peut-être que nous réunirons des fonds, enfin, et que votre protection nous deviendra cette fois réellement nécessaire.

Quelle contentement que de voir ses compagnons fidèles et attentionnés, quelle joie de les revoir et quelle vexation de s’être fait acheté un bouclier d’occasion… Le minotaure ne savait trop que penser, Vulin et Elune le tenaient si peu en estime ? Ou alors le pensaient-ils trop sot pour remarquer la supercherie de marchand ? N’importe quel guerrier d’expérience peut faire la différence entre du matériel neuf et du matériel grossièrement retapé, un coup de polissage et de peinture ne cachait pas certaines éraflures.

L’évidence frappa soudain le paladin, ni l’un, ni l’autre des marchands ne devait avoir de grande expérience dans l’armement. Et puis, si le bouclier avait si bien survécu, probablement plus que son premier possesseur, pour se retrouver sur les étales du marché, il devait être de bonne qualité.

La moue désapprobatrice qu’avait eu Myos de prime abord laissa place à un quasi sourire presque amical.

— Il est parfait, dit-il en essayant la pièce. Combien vous dois-je pour cette merveille ? Ensuite, qu’avez-vous prévu pour cette journée ?

Le petit minotaure avait d'abord eu l'air déçu puis finalement, après avoir détaillé le bouclier, il afficha un sourire de satisfaction. Il sembla même à Elune que son rictus témoignait d'une certaine reconnaissance, voire une bienveillance à leur égard. Même si elle ne pouvait être sûre de rien, car il était difficile de discerner les sentiments de leur compagnon sous son mufle peu éloquent.

- Vous ne nous devez rien du tout, dit-elle. Il est bien normal que nous vous fournissions vos outils de travail. Considérez donc qu'il s'agit d'un bouclier de fonction. Quant à la fin de cette journée, occupez-là comme il vous sied. Pour notre part, nous retournons à notre auberge où un repas nous attend. Venez le partager avec nous si le cœur vous en dit...
Préoccupé peut-être, distrait sûrement, en tout cas peu concentré sur ce qu'elle avait déjà dit, le mini-Paladin ne paraissait pas avoir saisi ce que la jeune femme avait suggéré quelques instants plus tôt.Au matin, ils se rendraient tous ensemble au siège de la Coalition Marchande où la venue d'un célestial, race qui ne fréquentait guère Magnésie habituellement, était assurément le signe que quelque chose se préparait. Quelque chose qui impliquerait les riches membres de cette armada bien connue, quelque chose dont ils ignoraient la nature à cet instant, mais qui leur offrirait certainement l'opportunité de commencer leur collecte de fonds...

Leur voyage reprendrait sans doute dès le lendemain pour les conduire de nouveau sur les routes jusqu'à une destination qui leur était encore inconnue.

La fin de cette journée ? Myos regarda le ciel et remarqua que le soleil commençait à baisser. C’était donc déjà si tard ? Ses errances à travers la ville lui avait fait perdre la notion du temps, sans doute, et surtout toute une journée. Une journée bien mal investie, l’avoir utilisé pour un entraînement guerrier aurait mieux plus à Myos.

Considérer son boulier comme du matériel de fonction, par contre ne le dérangeait pas. C’est effectivement dans l’ordre des choses, que l’employeur fournisse le matériel à ses employés, bien qu’on ne puisse pas parler ainsi réellement du paladin qui n’était pas un mercenaire. C’était un guerrier qui offrait son aide au nom de Kanderak, non vraiment rien à voir avec un vulgaire mercenaire.

L’évocation d’un repas réveilla soudain son estomac, qui avait subi sans se plaindre une journée bien frugale. Ainsi c’est presque avec entrain que Myos accepta la perspective de souper avec ses Vulin et Elune.

Lorsqu’ils arrivèrent à l’auberge, le minotaure constata avec effroi qu’il avait bien du passer une demi-douzaine de fois devant l’enseigne, au cours de ses pérégrination de la journée. Maudit soit Chezzner !

Le repas fut délicieux, à la hauteur de leurs espérances. Ils restèrent longtemps après la dernière bouchée à discuter gaiement, engloutissant bière sur bière. Même si Myos n'était pas un compagnon très "fantaisiste", ils avaient eu plaisir à le retrouver et à partager un moment avec lui.

Elune négocia sa chambre auprès de l'aubergiste, avec beaucoup plus de facilité que la première fois. L'elfe avait compris qu'il était inutile de lui en conter et il proposa immédiatement un prix conforme à la modestie de son établissement.

Puis, le sommeil les gagnant, ils se quittèrent pour rejoindre le cocon douillet de leurs draps de lin. La nuit fut douce et reposante, le sommeil profond et réparateur. Et c'est joyeux et plein d'entrain qu'ils se retrouvèrent au matin dans la salle à manger.

- Alors, messieurs, prêts à démarrer vraiment notre projet ?

Le petit déjeuner fut rapidement avalé. Elune dans une impatience de petite fille fixait le rythme que les deux autres étaient bien obligés de suivre. Ils parcoururent des artères populeuses, où de hauts arbres dispensaient leur ombre, où la nature faisait valoir ses droits et repoussait comme elle pouvait les hideuses constructions humaines en enroulant sur ses murs les feuilles luisantes d'un lierre conquérant, où les canaux émettaient le doux bruit du ruissellement d'une eau claire...

Vulin connaissait bien les lieux et aurait pu s'y déplacer les yeux fermés. Elune, pendant sa promenade de la veille avait eu l'occasion de mémoriser plus ou moins le plan de la cité. Tous les deux arpentaient les rues avec facilité, ne se méprenant jamais sur les embranchements qu'il fallait suivre, sur l'itinéraire le plus court pour parvenir à leur but.Seul Myos paraissait un peu perdu, sans doute rebuté par le désordre apparent d'un urbanisme écologique, où il semblait que la forêt avait envahie une ville abandonnée. Et pourtant, Maon, loin d'être en ruine, était bien vivante, abritant une population nombreuse et active... Elune pensa que le mini minotaure aurait de loin préféré une cité aux rues droites, parallèles et perpendiculaires, tracées au cordeau comme pouvait l'être un casernement.

Ce fouillis naturel de massifs et de pelouses, d'arbres centenaires dont les souches soulevaient parfois les fondations des maisons, cet écosystème où les oiseaux, les écureuils, les insectes trouvaient leur place parmi cette société humaine, semblait pour lui synonyme d'un désordre que son esprit un peu rigide ne parvenait pas à concevoir.

Il suivait donc ses deux compagnons sans goûter à l'originalité de cette cité à la campagne et sans prononcer un mot. Enfin, après quelques minutes, ils arrivèrent devant la Coalition Marchande. Elune se tourna vers ses camarades:

- Nous y voilà ! Vulin, tu as sûrement quelques connaissances dans cette Corporation... Tu pourrais peut-être lancer la conversation... A moins que Myos n'ait une idée pour nous présenter.