Le sort de la bataille, en peu de temps, en vérité, fut joué ; à peine avait-il mené son attaque qui, bien qu'opportune, qui sait quels auraient été les pertes si les archers n'avaient pas été confronté à une seconde menace, n'avait pas vraiment décidé directement de l'issue de la bataille, que déjà la ligne impériale avait triomphé, et que les assaillants se débandaient en tous sens.
Chacun avait cessé le combat, avec une célérité comparable à celle déployée dans la mêlée, quoiqu'inférieure, et l'on s'occupait désormais de soigner les blessés et d'enterrer les morts.
L'attaque, sous ses airs de simple escarmouche, avait coûté cher, c'était indéniable, cependant, la victoire des forces Alliées de l'Empire était indiscutable également.
A peine eut-il fait ces observations sur une terre souillée pour sans doute des années par le présent carnage qu'il s'aperçut de deux choses.
La première était la présence d'un prêtre, rendant les derniers hommages.
Encore une de ces fadaises humaines : qu'importe aux morts le sort de leur corps putréfié? Le plus ridicule étant cependant que ce soit un représentant de la gent nanesque qui fasse l'office.
Pour qui se prenaient-ils, ces fous qui imploraient d'absurdes déités?
Oh, bien sûr, certaines de ces divinités avaient un jour existé ; souvent de grands mages tellement révérés qu'élevés dans l'esprit du commun au rang de dieux.
La plupart des autres n'étaient que personnifications de concepts et d'idées, et, bien qu'il soit louable de respecter les principes véhiculés par ces concepts, faire une offrande ou une prière directes à ces concepts relevaient d'une bêtise que seule la vermine humanoïde était en mesure de concevoir.
Enfin, certains même n'étaient qu'inventions de vieillards séniles, qui ont utilisé la crédulité populaire pour asseoir leur empire sur cette bande d'incompétents et d'inaptes à l'imagination même de l'idée d'Arcane
Mais pourquoi, pourquoi, ô Forces de l'Arcane, ces êtres éprouvent-ils un tel besoin de révérer des choses qui n'existent pas ou plus?
Après cela, comment voir la racaille humaine sous un bon œil? Et que penser de la dépravation nanesque, d'une race s'humiliant en de si basses pratiques...
D'un regard de profond mépris, il quitta cette désolante scène.
La seconde chose qu'il remarqua en ces lieux était que l'Empereur et le Spadassin de l'Ombre parlait à l'une des engeances qu'ils venaient d'affronter, et qui apparemment s'en était tirée vivante...pour l'instant.
Plus intrigué et intéressé par cette scène que par les boniments incohérents du nain d'à-côté, il s'en approcha.
Messire Adola venait de se diriger vers un autre point en ce lendemain de charnier, et, s'adressant à l'Empereur, il dit ceci :
- Sire. Avec votre permission, j'aiderai le Spadassin Adola dans sa tâche. Si cette engeance a la moindre idée de la raison de cette attaque, voire de qui il est et qui sont ses frères, soyez sûrs qu'il nous le révélera...tôt ou tard...
Le ton était loin d'être servile, toutefois, un auditeur chevronné aurait pu déceler dans les paroles du vampire un respect plus présent qu'auparavant. Car après la démonstration du sens de l'honneur de cet Empereur, le mépris n'était plus de mise.
Puis, se retournant vers la créature, déjà dans une position lamentable avant même que douleur réelle ne lui soit infligée, il ajouta, d'un air de cruauté désinvolte, presque dans un sourire,
- Insecte... Tu n'ignores sans doute pas à quel point la douleur physique, la douleur qu'on t'inflige en meurtrissant ta carcasse peut être intolérable.
Mais que sais-tu, toi, que sais-tu de la douleur magique?
De cette douleur causée par un feu qui te brûle de l'intérieur? De sentir tes organes se putréfier lentement? De sentir l'acide mélangé à la moelle de tes os? D'exciter à un point si amusant le centre de la douleur? Mais de malgré tout rester vivant, rester conscient, conscient uniquement pour souffrir davantage...
Mais n'aies crainte...tu n'en mourras pas...du moins...pas tout de suite...
Hmmm, sans doute avait-il négligé un détail...
Ah, oui, le voilà!
Le sens éthique, si étrange et changeant, dont faisait preuve les hommes.
Bien sûr, il est possible, voire probable, que ses dernières paroles eussent choqué l'Empereur.
Enfin, qu'y pouvait-il? Revenir sur ses paroles lui était impossible ; ce serait à la fois un mensonge éhonté et un sabotage de tous les efforts déployés, certes modestes, mais existants, pour faire céder le prisonnier à la terreur, cet impitoyable sentiment qui pouvait se révéler...plus qu'utile.
Mais si on s'attendrissait sur un ennemi, la compassion guettait.
Et avec la compassion vient souvent la faiblesse, et il se refusait à cela.
Et l'étude de l'Arcane ne tolérait aucune faiblesse : perdre de la cadence, s'était s'exposer à la fois au risque d'être contrôlé par ses connaissance, et à la fois à celui de concevoir des idées faussées par un jugement partial, qui ne manquerait pas d'être erroné par essence.
Mais allez expliquer cela à des êtres capables, dans le meilleur des cas, de vivre quelques décennies, à des êtres s'accrochant désespérément à une vie qui leur serait retirée...tellement rapidement.
Allez donc expliquer la qualité d'une vie faite de connaissance et de pouvoir à un papillon éphémère, qui voyait l'aube et le crépuscule de sa vie suivre le même cours que celui du soleil...
Allez donc expliquer que tout n'est que vain, sauf ce qui fait avancer.
De l'absurde et de la vaine existence...