Vallée et Cité de Ïafalan

Invité

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La vallée de Ïafalan, plus vive qu'impétueuse, impatiente à ses rives, les molles inflexions du sol ondoyant comme des vagues qui se balançaient sous un vent doux et léger, accueillant un bourg opulent dans ses contrées, malgré qu'elle fut ravagée par un torrent furieux, exposée aux éboulements des pentes escarpées entre lesquelles elle était resserrée, dévastée par les avalanches, aride et sans arbres, n'ayant qu'un bétail souffrant et des pâtres grossiers quand le rivage riche d'une source inépuisable de poissons variés, lui, faisait la fortune et le bonheur des Natifs qui avaient fait de la pêche leur activité première et principale.

La cité de Ïafalan. Une vieille ville édifiée de bric et de broc au coeur d'une splendide vallée aux brisants acérées. Un colossale fouillis de voies bourbeuses, de toits de chaumes et de gourbis en bois. Elle était construite en pierre, et chacune de ses rues, jusqu'à la plus miteuse de ses venelles, jouissait de pavés, assez rare en Outre-mer, outre la capitale Roc-le Chastel. Les rois d'antan, fort de leur guerres incessantes, et grands conquérants avaient maintes fois sacrifié le bien être de leur peuple à la grandeur, privilégié la conquête et la gloire de la Nation au détriment de sa richesse et de sa prospérité. Il n'en restait pas moins que les vestiges de ce passé glorieux qui avaient vu défilé nombre d'histoire, de légendes et de phénomènes incroyables se paraient d'une beauté resplendissante tel un joyau s'hérissant d'un fier passé et qui avaient fait d'elles jadis des reines auréolées de splendeur que les temps d'aujourd'hui sous le joug de Kalamaï n'avaientt qu'à peine effleurés, atténués.

La cité n'était jamais plus magnifique qu'au lever du jour à Ïafalan. A l'ouest de l'hôtel de ville, véritable centre névralgique de ce bastion de pêcheur et de marins, du côté du port qui accueillait une vaste baie sur le rivage d'ou provenait les navires au loin, les tavernes, quais, et bateaux de pêches qui bordaient la berge s'y alignaient comme autant de palais.

Au delà se dressait à contre jour du matin la masse altière de la grande tour qui veillait à la sécurité des citoyens qu'elle surplomblait superbement avec ses feux éblouissants du point qu'elle occupait tout en haut des falaises, son ombre tranchant la ville à la façon d'une épée. Les Natifs du Village n'avaient qu'à jeter un coups d'oeil sur la localisation de cette ombre là pour vous annoncer l'heure qu'il était. Extraordinaire.

Au premier rayon de soleil qui perçait les nuages accumulés à l'est, les cloches du matin de Ïafalan commençaient à carillonner en bas, près du port, au temple unique de Synodar qui vantait à son sommet une splendide statue de son dieu armé d'une épée, jusqu'à finir de résonner dans les profondeurs lointaines des gorges de la vallée. De tout ce tintamarre matinal et quotidien, résultait toujours un chant singulièrement puissant, un symbole de fierté que tous fortement éveillés accueillaient volontier et de manière égayée, en lieu et place du coq traditionnel brigué par la pluspart des autres villes, comme réveil et signal à l'orée de l'aube qui pointait à l'horizon au ciel rougi de sommeil. Au fur et à mesure que les nappes de brûmes se consumaient, Ïafalan, grise avec ses murs en pierre, reprenait forme autour de lui, tel un fantôme émergeant peu à peu des ombres indécises, devançant l'aurore.

Sous les volées de cloches se percevaient alors après quelques temps, comme toujours, les mélopées humaines, lourdes, bruyantes, dissonnantes, le train-train vertigineux, brusque, intense de la journée qui commençait, prenant le pas sur l'état léthargique qu'imposaient les nuits. Tous les matins ainsi, au point du jour, les marins et pêcheurs se rassemblaient, du côté des quais, sur le parvis de leur modeste hotel de ville, afin d'accueillir dans la bonne humeur le retour du soleil, et de se ravir de la reprise du travail et des moeurs pour le moins heureuses et sans histoires par ici.

Avant.

Les ombres de l'après-midi se vautraient déjà loin, toutes sombres, et le soleil se montrait aussi pourpre et boursoufflé que les membres colorés des jeunes Natifs qu'étaient Syv et l'Elfe Irkos quand finit par se détacher sur le ciel, à l'est, la Grande Tour de Ïafalan qui étirait son ombre sur les quais du village ou étaient rassemblés bon nombre d'hommes et de femmes en haillons, intrigués par un évènement particulier. Dès lors, on avait cessé de beuglé des ordres à tort et à travers, d'entamer les pavés à grande foulée, les filets ne tenaillant plus le moindre poisson entre leur mailles, ainsi que les charettes qui semblaient avoir été mises à l'arrêt pendant que les regards obnibulés par cette vision magnifique d'une foule de voile apparaissant depuis l'horizon restaient figés.

Le vent soufflait quand les navires battant pavillon d'Ald'rhune contournèrent la pointe du cap et pénétrèrent dans la baie sacée dénommée berceau d'Alfalin devant les yeux émerveillés des marins natifs qui savaient appréciés la valeur des bateaux, dont certains tiraient même fierté à vanter leur connaissance en domaine de construction de ces machins là, le vieux rivage sanctifié par autant de présence que d'allure sur ses eaux foulées avec tant d' agilité et tant de puissance.

Nul ne pouvait le contester, les Frégates d'Ald'Rhune qui conversaient par états lumineux avaient la classe, disséminant réconfort et fierté alentour, autant qu'en fit en son temps la grande flotte navale de leur empire d'antan d'Outre-Mer avant que celle-ci ne vienne à s'en briser devant les flôts de Kalamaï. A côté la flotte marchande de Luluferati que tous reconnaissaient aisément par l'intermédiaire de ses drapeaux aux dessins grossiers de gnomes qui avaient pour trait le Maître Nosferan, avait bien piètre allure, même si de façon intelligente elle semblait guider leur hôtes à bon port, connaissant les mesures de mouillage et de profondeur à proximité des quais.

Les navires se rabattirent sur la terre ferme sous les yeux des pêcheurs, cinglant la marée du matin, et s'étirant en colonne assez décousue, derière sur pas mal de lieue. La vue de ces voiles hautes et imposantes appartenant à son défunt maître à cette distance si proche, emplit Syv qui attendait sur le quai aux côtés du seigneur Irkos, de soulagement autant que de tristesse. Le long du rivage, les alignements de navires vinrent border la grêve à perte de vue du village, leurs mâts dressés comme autant de piques tandis que les marins s'empressaient de répondre à leur signaux et travaillaient à l'arrimage conjoint avec les capitaines des Navires.

Les bannières d'Ald'Rhune qui possédait déjà un comptoir en Outre-mer étaient connues par-ici, nul ne s'étonnait et plus encore s'effrayait d'apercevoir des navires de guerre à cette période. D'aucun connaissaient les intentions louables et pacifiques de la Comtesse, de ses marchands et de son royaume, tout comme de son honneur.

On jeta enfin l'ancre. Syv jeta un coups d'oeil à son voisin elfe et lui dit avec un sérieux conséquent, les bras croisés sur sa poitrine :

Cher ami, je crois que c'est ici que tout commence. Allons donc accueillir nos chers amis de Prévèze, Zibel et le corps de mon défunt maître.

Sur ces mots il entama le premier la marche vers la frégate principale qui abaissait son ponton de fer.

La frégate Firmament achevait de déployer sa rampe d'accès lorsque Kaleb Al Hassann aperçut qu'un certain nombre de personnages importants les attendaient. Son ignorance crasse des personnalités d'Outre-mer risquait de le mettre mal à l'aise. Il ne savait pas comment pouvait faire la comtesse pour se débrouiller dans de telles situations...
L'intendant entreprit de quitter le bord, accompagné par le chef d'escadre, également capitaine du Firmament, le capitaine Stavro. La frégate Tarao avait mouillée dans la baie, à l'abri des vagues du large. Son équipage devrait vraisemblablement mettre à l'eau un canot pour rejoindre la terre, retardant d'autant son capitaine...

Hughes Stavro et l'Intendant descendirent en douceur sur le quai. Kaleb faillit néanmoins louper le quai... Les deux hommes saluèrent leurs hôtes:
-Kaleb Al Hassann, intendant de Méthone. Heureux de faire votre connaissance, malgré les circonstances.
-Capitaine Hughes Stavro, commandant la frégate Firmament. L'officier effectua un salut militaire impeccable.
Il se tournèrent vers le navire-amiral de la flotte marchande de Luluferati. A son bord se trouvait le corps de Tilk Nosferan.
L'Intendant espérait que sa conservation permettrait de découvrir de quoi il en avait retourné. Qu'avait donc pu provoquer sa mort? Qui? Pourquoi? Tant de question dont les réponses étaient suspendues à l'examen de ce corps désormais inerte.
Pour le moment, Kaleb préférait conserver ses spéculations pour lui. D'une part parce qu'ils n'étaient pas en privé, d'autre part car il ne s'agissait encore que de pures spéculations...

L'intendant ne pouvait s'empêcher de penser à ce que lui avait dit Zibel. Il réprima douloureusement ses larmes et essaya de demeurer impassible quand il pensa à ce qui l'attendait une fois de retour sur sa terre natale. Cette terre qu'il foulait déjà. La cousine de feu Tilk Nosferan s'était beaucoup attaché à lui et c'était dans une certaine mesure réciproque. Il y aurait toujours une petite place pour la charmante Zibel dans son esprit...

Enfin, Syv vint le libérer de la présence du masqué, et ensemble ils sortirent du sanctuaire, dans lequel Irkos commençait à se sentir claustrophobe. Le Strategor lui apprit aussi sa montée en grade, il passait de Centurion à Chevalier-Dragon. L'elfe ne sachant pas trop les règles hiérarchiques régissant l'Oracle, Syv lui fournit plusieurs explications au cours du voyage. Les Ovalis avait décidé de le monter en grade grâce à ses actions et à sa loyauté. Cela rappela de nombreux souvenirs à l'elfe, dont sa première mission, et pas n'importe laquelle: la prise de Kharnas. Aussi, cette progression hiérarchique lui donnait plus de pouvoir, et ce faisant, sur tous les autre centurion. . Il avait tout donné pour l'Oracle, qui guidait maintenant sa vie, et sa promotion témoignait d'un respect réciproque s'étant installé entre Irkos et l'Oracle. Le voyage vers la vallée de Ïafalan se déroula sans encombre, le trajet fut seulement bercé par le claquement des sabots de leurs chevaux, et par les cris de ses faucons qui continuaient de le talonner. On sentait de plus en plus l'odeur de la mer, ce petit air salé, mais agréable.

Arrivé dans la vallée, Irkos ne put qu'être ébahi devant tant de splendeur. Ci et là, on apercevait des ruines de ce qui devait être par le passé d'immenses forts et châteaux. Ce lieu transpirait d'histoires, de légendes, mais un brouhaha ambiant perturbait ce tableau mythique. En effet, en progressant un peu plus, on apercevait une cité, dont l'activité maritime semblait florissante. Néanmoins, la cité était dépourvu de verdure, chose qui manquait à l'être sylvestre qu'était l'elfe, et le bétail était rare. L'activité économique de Ïafalan tournait sans doute autour de la pêche, on voyait que les structures de la ville autour de la mer. Les rues étaient pleines de monde, de marchands vendant leurs poissons plus ou moins frais. Syv et Irkos durent déposer leurs montures dans une écurie qui semblait décente, avant de poursuivre dans les rues bondés.

Enfin, les navires d'Ald'Rhune arrivèrent, jetant un silence sur le port. Les marchands arrêtaient de beugler, les pêcheurs avaient lâché leur canne, tout le monde regardaient les imposants pavillons accoster. Dans un autre contexte, Irkos se serait réjoui d'un tel spectacle, lui qui n'avait jamais vu de navires si imposants. Mais c'est ce que transportait ces bateaux qui répugnaient l'elfe, et qui lui rappelait que Tilk Nosferan était bel et bien mort, tout doutes s'étaient maintenant envolés. En attendant que les frégates jètent l'ancre, il se perdit dans de sombres pensées. Partout où il était passé, il avait rencontré des gens près à l'aider, et ils étaient tous mort. Nucter n'avait jamais réussi à prendre la vie d'Irkos, et ce n'est pas faute d'avoir eu des occasions, alors le Dieu de la Mort semblait jeter son dévolu sur toutes les personnes qui l'avait aidé. Son peuple, sa famille, Guedric, Tilk, la liste ne cessait de s'allonger. Il ne remarqua même pas le bateau qui avait abaissé son pont, et ce fut la voix de Syv qui le tira de ses rêveries.

Cher ami, je crois que c'est ici que tout commence. Allons donc accueillir nos chers amis de Prévèze, Zibel et le corps de mon défunt maître.

Irkos répondit par un simple hochement de tête, et emboîta le pas à l'humain. Un homme fit son apparition, la mine attristé. Il devait s'agir de Kaleb, l'homme de Prévèze qui avait dû accueillir en son temps le gnome Tilk Nosferan de son vivant, et venu personnellement leur rapporter ce qu'il restait de son invité. En avançant, l'elfe se demandait qui devait parler en premier, Syv ou lui? Le Strategor était sûrement mieux placé pour briser la glace, puis c'était son supérieur hierarchique. Mais l'elfe se décida néanmoins à parler, dans le doute, et il prit la voix la plus rassurante qu'il pouvait:

- Enchanté, Messire Kaleb. Je suis le Chevalier-Dragon Irkos, c'est à moi qu'est apparu feu Tilk Nosferan votre cousin, après son... départ. Et voici Syv, son élève et fils spirituel. Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour vous en ces lieux, ce serait avec un grand plaisir.

L'elfe espérait ne pas avoir été trop maladroit, et il avait fait le choix de présenter brièvement Syv, pour que celui-ci puisse en profiter pour se présenter et réconforter Kaleb.

- Enchanté, Messire Kaleb. Je suis le Chevalier-Dragon Irkos, c'est à moi qu'est apparu feu Tilk Nosferan, après son... départ. Et voici Syv, son élève et fils spirituel. Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour vous en ces lieux, ce serait avec un grand plaisir.

L'elfe qu'il avait devant ses yeux était amical, malgré les circonstances. Le fait que le grand leader de l'Outre-mer décède dans "son" palatinat avait apporté quelques craintes à Kaleb quant aux réactions liées à son arrivée. Bien qu'il n'ait rien à se reprocher, ce n'était guère plaisant d'être un oiseau de mauvaise augure. Toutefois, il espérait comme bon nombre que les tensions entre l'Outre-mer et Kalamaï s'effaceraient. Oh, pas comme ça, en claquant des doigts. Mais un long processus allait être nécessaire, au cours duquel tous devraient apprendre à connaitre l'autre, celui d'en face.
Apporter son aide à son voisin lorsque les choses n'allaient pas fort pour ce dernier contribuait à établir de bonnes relations...

-Merci de votre accueil, Messire Irkos.
Se tournant vers le dénommé Syv:
-Messire. Il se pencha légèrement en avant en guise de salut.

Les gnomes avaient entrepris de décharger leurs navires. Un grand nombre de coffres étaient transbordés et portés avec un soin quasi-religieux. Kaleb savait bien ce qu'ils transportaient: l'or de Méthone. Mais désormais, l'or de Luluferati. Les gnomes l'avaient bien mérités, pour l'excellent travail accompli. Toutefois il était presque certain que sans chef, les industrieux habitants de Luluferati verraient leurs installations sur le déclin.
Se penchant à l'oreille de l'elfe Irkos, Kaleb lui glissa:
-Beaucoup pensent que le seigneur Nosferan aurait été assassiné. Auriez-vous la moindre idée de qui lui en voudrait? Mis à part l'Empire, bien sur: je n'ignore rien des relations des puissants au sein de Kalamaï... Loin de moi l'idée d'insinuer que l'assassin pourrait venir d'Outre-mer, mais vu les circonstances, je pense qu'il vaut mieux ne pas rayer cette éventualité de notre faisceau de recherche, n'est-ce pas?

L'intendant se redressa pour continuer son observation des vas-et-viens sur le quai. Des marins d'Ald'Rhune allaient et venaient autour des amarres, vérifiant les attaches et les cordages. Le capitaine Stavro discutait avec un officier du bord. Ce dernier lui faisait visiblement un compte-rendu de la situation de son bâtiment: voiles, coque, vivres, armement...
Il vérifiait que tout soit prêt pour un retour à Prévèze. Bien que beaucoup le considère comme paranoïaque, Stavro affectionnait particulièrement être prêt à tout. Cela lui évitait de fait bien des ennuis et le rendait surtout dur à surprendre. Incontestable qualité en matière militaire, ça pouvait passer pour de la méfiance et -éventuellement- pour de la paranoïa dans un cadre moins martial. Mais si un mouillage de la Flotte se faisait attaquer par surprise, on pouvait être sûr que le premier navire à le défendre serait le Firmament...
Au loin, la frégate Tarao achevait son ancrage tandis qu'un canot allait vers la côte. Son capitaine devait être à bord, ralliant la côte pour recevoir ses ordres du chef d'escadre et lui rendre compte. Mécanique bien rodée que celle de la hiérarchie militaire...

Kaleb ne savait pas trop quoi faire d'autre sinon attendre. Pour le moment, il avait le statut d'invité. Il aspirait à celui d'investigateur, alors qu'il avait endossé celui de protecteur durant le voyage. Cela faisait beaucoup pour quelqu'un qui en plus n'en avait ni les prérogatives ni la préparation.
Mais l'Outre-mer comptait nombre de surprises pour un continental...

Alors qu'ils franchissaient enfin la distance qui les séparait sur le quai, son regard perçant se posa immédiatement sur celui paré d'assurance - malgré qu'il ait failli loupé la berge en passant - qui faisait figure de supérieur à tous ces hommes. Sûrement l'intendant tant attendu.

Syv, sous ses longs et minces sourcils bruns, bougeaient ses yeux durs, intenses, d'un sombre profond, qui se ne semblaient laisser échapper aucun détail du tableau que représentait les deux hommes - L'un d'un port altier et noble, l'autre d'un pas tout militaire, droit comme un i - débarqués du quai, avec à l'arrière plan la majesté de leur frégates à l'abordage du port, sur lesquelles son regard de marbre restait perpetuellement figé. Le tumulte de la Cité, les cris des pêcheurs, les marins d'Ald'Rhune qui allaient et venaient d'un ton remarquablement professionnel, et rires enfantins.

Tout ceci s'était évanoui, tout ceci n'existait plus alentour. Syv avait devant lui ceux qui avaient eu la responsabilité d'accueillir son maître, ceux qui s'étaient fait un devoir de lui remettre en main propre son corps inerte. Ils arrivèrent, mais le Stratégor demeurra silencieux, mu par des sentiments chaotiques dissimulés dans un visage pétrifié d'une froide et méticuleuse analyse de ces gens. L'Officier qui les saluait à la manière tant reconnu des militaires, laissa traîner ses yeux partout, signe d'un comportement prudent, à l'affût, d'une méfiance aisément perceptible. Que craignait-il ? Avait t-il des raisons de craindre quoi que ce soit ? s'interrogea le jeune humain d'une soudaine humeur ombrageuse, accusatrice à présent.

L'autre homme, celui à qui ils auraient à faire de manière étroite, durant tout leur séjour, le représentant de l'une des grandes autorités de Kalamai se comportait totalement à l'opposé, véritablement à l'aise pour quelqu'un qui abordait des terres inconnues. Kaleb, l'intendant. Syv qui n'a dit mot jusque là, ayant à coeur de jauger le coeur et l'âme de son vis à vis étranger, malgré le salut respectif adressé à son égard, fut surpris. Car il aperçevait des ombres sur sa face, un voile de douce mélancolie abaissé à ses yeux. L'accablement affligeait véritablement le visage franc de leur invité. Que ressentait-il ? Avait-il entretenu une quelconque relation avec son maître malgré le laps de temps infiniment court passé là-bas ? Quel avait été son rôle au juste ? Ou bien était-ce autre chose qui le tiraillait de manière si visible ? Peut être la culpabilité. Il n'avait pu qu'être impuissant face au monstrueux incident, tout comme lui et l'Oracle l'avaient été, séparés de l'océan à des milliers de kilomètres. S'il en était honorablement, profondément blessé, Syv ne pouvait qu'amplement comprendre sa douleur, la ressentir, palpable, atroce, comme une lame qui vous lascère le coeur et qui tourne admirablement son tranchant dans les cavités, jusqu'à vous donner envie de tout balancer, de mettre fin à tout afin de néantiser toute souffrance, simplement. Il avait juré pourtant. Oui. De protéger son maître, celui qui lui avait rendu espoir lorsqu'il était prêt de s'éteindre, et qu'il avait depuis toujours considéré comme son trésor, son père.

Kaleb a vue d'oeil avait l'air tout ce qu'il y avait de plus sympathique. Pourtant tout n'était que fureurs et tourments dans le coeur du jeune homme malgré son expression froide et contenue. Le stratégor faillit à l'accueillir dignement, en tant qu'hôte. Les mots n'étaient guère sortis de sa gorge, aucun geste pour répondre à son salut, ils avaient paru bien trop douloureux à concevoir dans l'immédiat, insurmontables à exécuter. Sans aucun doute, ardemment, il les voulait pour responsable - en quelque sorte - de la mort de Tilk Nosferan, eux qui avaient été leur hôtes. Pensée absurde évidemment, il le savait. Mais l'irrationnel ressurgissait toujours dans les pires moments, au coeur des pires souffrances aigues surtout lorsqu'elles étaient longtemps ressassées. Au moins connaissait-il la source de son idiote pensée. Il voulait se défosser, transmettre cette culpabilité qu'il éprouvait si intensément, qui étreignait son âme dans un carcan, à quelqu'un d'autre, pouvoir se soulager d'un fardeau bien trop lourd à lui seul, et sans personne à qui se confier. Cela lui serait tellement bon de pouvoir accabler cet homme, lui jeter tous les reproches qu'il lui passait par la tête, lui faire admettre des torts inexistants. Un bonheur, un réconfort.

- Enchanté, Messire Kaleb. Je suis le Chevalier-Dragon Irkos, c'est à moi qu'est apparu feu Tilk Nosferan, après son... départ. Et voici Syv, son élève et fils spirituel. Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour vous en ces lieux, ce serait avec un grand plaisir.

-Beaucoup pensent que le seigneur Nosferan aurait été assassiné. Auriez-vous la moindre idée de qui lui en voudrait? Mis à part l'Empire, bien sur: je n'ignore rien des relations des puissants au sein de Kalamaï... Loin de moi l'idée d'insinuer que l'assassin pourrait venir d'Outre-mer, mais vu les circonstances, je pense qu'il vaut mieux ne pas rayer cette éventualité de notre faisceau de recherche, n'est-ce pas?

Syv, le regard larmoyant, reprenant formidablement ses esprit grâce à un effort d'une prouesse extraordinaire, sourit tristement pendant que l'intendant Kaleb glissait sa réponse à l'oreille d'Irkos, s'assurant de n'attirer l'attention de ceux externes à l'enquête, assez fort cependant pour être entendu par lui-même, présents aux côtés de l'Elfe. Comme d'habitude il s'était sur-estimé, senti capable de surmonter l'épreuve en claquant seulement des doitgs, pensé pouvoir faire fi de la douleur. A l'Oracle, il avait réussi à tout effacé en un rien de temps pourtant, et là bam tout lui éclatait à la figure, tout rejaillissait et ce au plus mauvais moment.

L'enquête commençait à peine, qu'il se retrouvait déjà déconcerté, au bord de s'effondrer à présent qu'il était prêt de recevoir à ses mains le frêle corps de son maître, nu et bouleversé, sans moyen face à tant d'émotions explosives. Il lui fallait néanamoins se ressaissir, pour son Tilk, pour avoir une chance de le venger !
Intérieurement le Stratégor, remercia chaleureusement le seigneur Irkos qui avait pris l'initiative de prendre les choses en mains, d'avoir sauvé les apparences. Heureusement qu'il avait été présent. Diplomatiquement, sans lui, les choses n'auraient guère été arrangé entre l'Outre-Mer et Kalamaï s'il s'était trouvé seul à ce début d'entrevu. Kaleb semblait d'ailleurs faire montre de bonne volonté, paraissant vouloir éclaircir cette affaire tout autant qu'eux, et sa coopération paraissait déjà dépassé les limites de ce qu'ils avaient pu concevoir, même imaginé. Tout faisait penser à croire que l'irrationnel, qui aurait pu être source de catastrophe s'il s'était laissé allé, était loin de la vérité sur leur intentions.

Prenant son courage à deux main, marqué de remords, Syv qui inspira profondément se résolut enfin à prendre la parole qui lui manquait tant un instant auparavant, à rattrapper ses premières erreurs. Il approcha, posa une main sur l'épaule de l'intendant et glissa dans un murmure en inclinant la tête vers lui :

Permettez que je vous réponde Kaleb : TIlk a bien été assassiné. Je puis aisément comprendre votre étonnement devant notre forte certitude que vous considérez peut être comme, prématurée ou véhémente, alors que nous étions à des milliers de lieues de l'incident, mais il vous manque certains éléments qui éclairaient votre lanterne, sur lesquels nous vous toucheront quelques mots afin que vous puissiez saisir. Le regard de Syv s'attarda un instant sur Irkos, celui qui avait eu la vision , la communication avec Tilk qui l'avait averti de sa mort et de son empoisement, celui qui était à l'origine de la nouvelle avant même que n'en soient informé l'Oracle. Les yeux du Stratégor se reportèrent de nouveau sur leur invité de manière insondable, se voulant aussi distant - car il faisait évidemment de Kalamaï le premier accusé - que sincère et rassurant dans le ton. Tilk Nosferan est mort. Une enquête à laquelle nous avons été mandaté mon jeune ami et moi, va être mené d'une rigoureuse objectivité, je vous le promets. Aucune piste ne sera négligée, aucune hypothèse, quelque quelle soit, ne sera écartée. Une façon aussi peut être d'annoncer dans une certaine langue de bois, à demi-mots que si rien ne serait rien écarté, sans aller jusqu'aux conclusions hâtives il n'était pas interdit de privilégier les premiers soupçons qui leur viendrait en tête. Maintenant je crois qu'avant d'oser prétendre quoi que ce soit sur l'identité des meurtriers, il va nous falloir nous pencher sur certains points qui demeurrent dans l'ombre et surtout rassembler les pièces, tout du moins importantes du puzzle.

Nous esperons d'ailleurs que vous serez à nos côtés à cette enquête Messire Kaleb, et que vous demeurrez parmi les notres un temps jusqu'à ce que cette affaire soit résolue. D'autant plus qu'il semble que vous fûtes notablement présents durant tout le séjour aux côtés de Nosferan. Vous pourrez sommes toutes répondre à de nombreuses questions qui nous taraudent, et satisfaire à nos demandes sur tel ou tel détail là-bas sur le Chef de l'Oracle de son vivant durant son périple. Comme vous pouvez alors le constater, votre aide nous sera essentielle et gagera d'un sincère engagement de Prévèze que les Natifs pourraient ne pas oublier.

Mais tout d'abord, coutume oblige, place à l'accueil de ces mêmes Natifs de Ïafalan qui vous attendent avec impatience à la lumière d'une taverne. Un repas chaud concoté à la spécialité de la maison, à savoir des mets à base de poissons et de la cervoise s'effarouchent d'impatience quant à votre venue. S'il vous en dis, nous vous tiendront compagnie le seigneur Irkos et moi même.

Tilk Nosferan devra suivre, un certain gnome l'y attend pour l'examiner. Le meilleur gnome renifleur de la Nation, sa capacité à détecter nombre de choses infines comme incalculables dépassant l'entendement. Il examinera le corps, et une autre technique typique d'Outre-Mer sera utilisée, mais je vous en réserve la surprise. Quoi qu'ils nous en coûte, nous aurons les réponses à nos questions, n'en doutez pas messire.

Ces dernières paroles prononcées d'un ton déterminé et dur, Svy tendit enfin sa main, désireux de faire meilleur impression. Quelle ironie, lui un Natif, voulant apparaître au mieux à un Kalamien. Décidément, depuis quelques temps, les choses n'allaient pas dans le sens de la logique et des traditions. . .

En fait. . . Enchanté de faire votre connaissance, Kaleb. Vous.. enfin oui, vous êtes ici chez vous. Les Paroles du seigneur Irkos ne sont pas à prendre à la légère. Si vous souhaitez quoi que ce soit, n'hésitez pas à faire entendre vos désirs. Nous répondrons dans la mesure du possible.

Après ces mots difficiles, Syv s'empressa d'échapper au regard inquisiteur de l'intendant et d'Irkos, détournant les yeux vers le rivage ou enfin, commençait -on à décharger le corps du mort, alité.

Sujet: Re: Vallée et Cité de Ïafalan Lun 15 Mar 2010 - 14:37

La nouvelle de l'attaque de l'Outre-mer par les pirates se répandit comme une trainée de poudre. De folles rumeurs couraient, comme quoi la jadis puissante flotte de la Vice-Royauté n'était plus, laissant le continent sans aucune protection. Ou encore que Roc-le-Chastel avait été prise, et les troupes de l'Outre-mer défaites. Une autre concernait Port-Espérance, qui aurait aussi succombée sous le nombre après une défense acharnée et héroïque...
De telles nouvelles avaient rejoint Ïafalan.
Et les navires Ald'Rhunais, au nombre de deux, ne pouvaient guère faire le poids fasse à une flotte complète. Mais était-ce une flotte qui avait attaquée l'Outre-mer? Probablement. Peut être?
Comment être sûr des informations si l'on n'avait à sa disposition qu'un nombre toujours croissant de rumeurs dans lesquelles les exagérations croissaient proportionnellement à la panique générale?

Un albatros venu de Méthone porteur d'un message du palatinat allait décider du sort de ces navires:

Spoiler:

Repliant le message avant de le tendre au capitaine Stavro. Ce dernier le parcouru rapidement, avant de le lui rendre.
Méthone en avait décidée ainsi. L'Intendant avait du apparaitre comme le plus apte à se trouver à ce Conclave. Toutefois, il restait la présence de cette flotte d'invasion autour de l'Outre-mer.
Nul doute que les deux frégates pourraient aisément se faufiler entre les mailles du filet. Mais qu'adviendrait-il des habitants de la cité de Ïafalan? Ils ne pouvaient pas fuir avec le vent, eux...
Mais Kaleb avait bel et bien une idée en tête. Il devait seulement en parler avec Stavro. Ce serait la partie la plus dure de son plan, en fait.

-Quoi?! Vous êtes tombé sur la tête?!
-Capitaine, ces gens n'ont presque pas de défense navale.
-Parce que vous croyez que la présence d'une frégate fera le poids face à une armada complète?! Vous vous trompez lourdement!
-Ecoutez, capitaine, vous êtes aux ordres du palatinat, n'est-ce pas?
-...Oui, monsieur.
-Vous obéirez donc aux ordres donné par le palatinat, n'est-ce pas?
-Oui, monsieur.
-Je suis le représentant de Prévèze le plus haut gradé après la palatine elle-même. Et je vous donne l'ordre de rester ici à protéger cette cité. C'est bien clair, capitaine?
-...Oui...monsieur.
-Pour l'opération, vous répartirez les troupes embarquées en votre faveur. Que vous ayez la puissance nécessaire pour remplir votre mission. Et n'oubliez pas, la comtesse devait se trouver en Outre-mer lorsque les attaques sont survenues. Peut être viendra-t-elle ici. Et à ce moment là, pensez que c'est sur mon ordre que vous êtes resté noblement protéger une population civile aux côtés des soldats de ce pays. Faites honneur à notre province, capitaine. Et je m'assurerais moi même à ce que l'on fasse de vous un héros.
-Fort bien monsieur. Nous tiendrons cette ville avec ses soldats, dussions-nous mourir pour cela. Mais si je dois choisir entre cette cité et mon navire, je choisirais mon navire.
-N'oubliez pas que vous pouvez sauver cette ville en sauvant votre navire. Ne l'oubliez pas. Au revoir, capitaine. Et bonne chance.

L'Intendant se présenta à ses hôtes, leur expliquant la raison de son départ avec l'une des frégates. Il leur expliqua aussi la raison de la présence de la frégate Firmament et du redéploiement des troupes d'Infanterie de Marine depuis la frégate Tarao à bord de cette dernière. Kaleb espérait que cela soit utile à cette petite ville nichée dans une vallée que de hautes montagnes encadraient.
Mais il apparaissait comme capital qu'une veille navale reste sur l'Outre-mer. On ne pouvait pas savoir dans quel état se trouvait désormais l'escorte navale de la comtesse. Ni même si cette dernière était encore en vie.
Mais tant que Stavro tiendrait cette position, on pouvait être certain que tout ressortissant Ald'Rhunais ou Prévèzien trouverait en lui un protecteur acharné. Il fallait juste qu'il ouvre ces sentiments aux Ïafalans en faisant du combat en Outre-mer son combat...

Et c'est ainsi que Kaleb l'intendant de Méthone quitta les côtes de l'Outre-mer pour rejoindre Kalamaï. Le vent les porta de la vitesse de son souffle, effaçant progressivement les montagnes outre-îlienne de la vue des gens du bord...