Quelques jours plus tôt...
Paul vérifia une nouvelle fois sa tenue et ses armes. Pour sa première affectation depuis la prise de Mende, le jeune homme tenait à faire bonne impression, d'autant qu'il occupait désormais un poste faisant bien des envieux. A dire vrai, sa bonne étoile ne l'avait plus quitté depuis que le pommeau de son épée avait heurté la tête du légat Sorald.
Une décision qu'il ne regrettait aucunement.
Les bannières de la Bien-Aimée flottaient sur les murailles de la forteresse depuis deux nuits seulement, et on avait tôt fait de l'assigner à la garde des appartements de la nouvelle maîtresse des lieux. Un grand honneur, mais aussi un privilège convoité par l'ensemble de la soldatesque présente à la garnison. Après tout, ne murmurait-on pas que la merveilleuse Fyrüul invitait à l'occasion des roturiers dans sa couche ?
A cette pensée, Paul réprima un frisson. Le simple fait d'apercevoir au loin la sculpturale despote réveillait déjà en lui des émotions aussi violentes qu'inattendues... L'heure avançant, Fyrüul ne tarderait plus à rejoindre sa chambre, et alors... peut-être que...
Un bruit ténu, semblable à un froissement d'étoffe, l'arracha à ses plaisantes rêveries.
Machinalement, le jeune garde raffermit sa prise sur la hampe de sa hallebarde, scrutant la semi-obscurité du couloir dont il avait la charge, à peine illuminé par de rares flambeaux disséminés ça et là sur les murs dénudés. Selon les souhaits de son occupante, l'éclairage des appartements était volontairement tamisé mais il sembla à Paul que la luminosité ambiante avait légèrement décru.
Les fenêtres, rares au sein de la forteresse, s'apparentaient le plus souvent à d'étroites meurtrières et celles parsemant cette pièce ne faisaient pas exception. Mal à l'aise, Paul s'en approcha pourtant, à pas hésitants. Pour se faire brutalement assaillir par une véritable nuée de chauves-souris, sifflante et grinçante. Plus surpris qu'effrayé, le jeune homme recula d'un pas, tentant instinctivement de protéger son visage avant de réaliser que les furieux petits mammifères volants avaient déjà disparu.
A la place se tenait la silhouette d'une femme superbe... et complètement nue. Paul cligna des yeux, ne parvenant pas à détacher son regard de la créature qui venait d'apparaître, littéralement sortie de nulle part. De sa démarche de fauve en chasse, elle s'approchait lentement de lui.
Sa longue chevelure écarlate comme du sang frais ondulait à chacun de ses pas, soulignant son corps aux courbes voluptueuses et à la pâleur lunaire. Un sourire cruel se dessina sur le visage aux traits parfaits de l'intruse... et dévoila deux canines proéminentes.
« Le voyage m'a donné faim, mon mignon... Tu as bien de la chance. Maintenant, pose ce jouet, tu risques de te blesser... »
Subjugué tant par l'apparence que la voix mélodieuse de son interlocutrice, le malheureux garde obéit sans discuter. Oubliée, Fyrüul la Bien-Aimée et son décolleté prometteur... l'étreinte de la belle inconnue semblait tellement plus réelle, accessible... mais surtout, totalement irrésistible. Oui, décidément, sa bonne étoile ne le quittait plus.
Le son de sa hallebarde heurtant le sol dur et froid du couloir parvint à peine aux oreilles du pauvre Paul.