Not l'Acide et son ost de plus en plus conséquent pénétrèrent dans Halicarnasse sans difficultés, la Province étant sans tête dirigeante : si les gens s'alarmèrent de l'entrée d'une armée en ville, aucune mesure ne put être prise, et l'on se rendit vite compte que les soldats n'étaient pas là pour envahir la cité. Aussi la tension redescendit et l'on s'habitua aux conscrits en quelques jours.

Le prêtre drow fit placarder des appels à la conscription et envoya ses hérauts alpaguer les foules, mais le résultat fut bien inférieur à celui qu'il escomptait : seules trois cents personnes rejoignirent les rangs de l'Eglise (dont une cinquantaine seulement de véritables soldats), au lieu du bon millier qui était son objectif. Sur les vingtaines de milliers d'habitants, cela ne faisait vraiment pas foule. C'est ainsi que Not l'Acide prit la décision de prêcher lui même sur la Grand Place.


- Peuple d'Halicarnasse ! Où est passé ton courage ? Où sont passés ta vertu, ta foi, ta splendeur ? Où est la cité jadis dominée par l'Aiglon ? Et celle qui résista aux massacres de l'Usurpateur ? Je n'en vois ici que les ombres.

Les Scitopoliens étaient fiers, et l'Acide n'était pas surnommé l'Acide pour rien. La populace qui l'écoutait fut choqué et commençait à s'indigner alors qu'il poursuivait.

- Car non, je ne peux croire que ce soit cette éminence de l'Empire, ce haut-lieu de l'Eglise, ce fief de Kanderak qui refuse de se joindre à nous. Sachez le, mon nom est Not, et je suis ici pour racheter vos âmes qui de fortes devinrent faibles. Car oui, regardez-vous ! Vous vous terrez dans votre ville, sans défense ! Si tel avait été le but de l'Eglise, nous n'aurions eu aucun mal à nous emparer du Palatinat et de la direction de la Province. Est-ce là l'efficacité de Scitopole ? Il faut bien croire que oui.

Le discours n'était pas d'une grande profondeur. Il cherchait surtout à provoquer la honte chez les auditeurs, et il y parvenait, grâce à l'aisance et à la prestance oratoire du drow.

- Saisissez votre chance de prouver à nouveau que vous n'avez pas perdu votre valeur ! Au nom de Sa Sainteté Aquilodon l'Aveugle, je vous enjoins à rallier la croisade vers Dunamopole, fief usurpé par Aedric Von Seviand l'excommunié. Le Rouge a bafoué les lois impériales et, pire encore, les lois divines ! Puissent les dieux faire de vous la main et le fer du châtiment.

Marchez avec moi, en rémission de vos péchés et pour la grandeur de l'Eglise, de l'Empire et d'Halicarnasse !


Les applaudissement fusèrent par centaines, et les jours qui suivirent virent affluer les recrues, qui atteignirent bientôt les trois mille. Le septième jour, cinq centaines de moines montés, caparaçonnés et armés jusqu'aux dents rejoignirent la croisade. Ils étaient, selon leurs dires, des moines-chevaliers de l'Ordre de Saint Siméon, et ils étaient venus des quatre coins de la Province, sortant de leurs retraites où ils priaient depuis l'avènement de l'Empereur Fardall. Not les accueillit avec bonheur, tout comme il accueillit le général Carazin, chef des armées de Scitopole, et les cinq mille hommes qui le suivaient, le reste de l'armée provinciale étant assigné à sa sécurité. Quelques centaines vinrent encore avant le départ de l'ost de la cité.

La colonne d'environ dix mille guerriers, dont plus de six mille professionnels, brandissant les bannières de Scitopole et de l'Eglise, quitta Halicarnasse sous les ovations du peuple. Not avait réussi à négocier, avec l'aide de Carazin, la continuité de la conscription provinciale avec les dignitaires d'Halicarnasse. Aussi pourrait-il s'attendre ultérieurement à des renforts.

L'armée amassa encore mille hommes avant de parvenir au nord de Zakinthe.