Les flammes rougeoyante crépitèrent de plus belle lorsqu'une goutte de graisse tomba de la pièce de bœuf qui cuisait lentement, léchée de temps à autre par une langue de feu plus haute que les autres. Au bout d'un temps, il se saisit du morceau de viande et entreprit de le dévorer goulument. Après quelques bouchées, Dorunn le reposa cependant au dessus des flammes et se lécha les doigts avant de rabattre sa capuche sur son visage.
« Vous devriez faire ajuster vos côtes de mailles et porter une tunique de cuir complète par dessus, ça vous éviterait de faire ce boucan lorsque vous tentez une approche discrète, lâcha-t-il suffisamment fort pour que les quatre hommes qui se faufilaient dans les fourrés derrière lui puissent entendre.
Après quelques secondes, ils approchèrent du feu, le visage assombri par leur orgueil blessé de s'être fait prendre. Ils ressemblaient à des bandits, mais Dorunn perçut en eux une discipline qui réfutait cette théorie.
- Salut à toi, voyageur, commença l'un d'eux. Tu m'as l'air d'être un fameux rôdeur. J'ai une proposition à te faire.
Le vampire scruta les hommes dans l'ombre de con capuchon en attendant la suite
- Nous sillonnons les campagne d'Edhesse afin de réunir des hommes que l'empire a blessé. Tes sens aiguisés seraient un sérieux atout pour notre combat. Qu'en dis-tu?
- Je suis flatté par votre proposition. Malheureusement, je ne peux l'accepter. Des affaires importantes m'attendent à la capitale. Et puis, je n'ai aucun grief contre mon Empereur.
- Tu ferais mieux d'y réfléchir à deux fois, voyageur, grogna un des autres d'un ton menaçant. Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous. Perganon sera bientôt à nous, et alors le reste de l'empire suivra.
Dorunn qui s'apprêtait à reprendre son repas stoppa son geste. Il se leva lentement et rabattit sa capuche. À la lumière vacillante du feu, son visage blafard semblait presque embrasé et ses yeux intégralement noir luisaient d'un éclat sombre.
- Bien peu d'hommes peuvent me menacer sans en payer le prix.
En une fraction de seconde, l'assassin avait plongé un poignard dans la gorge d'un rebelle. Il envoya son coude dans le visage d'un second avant d'égorger un troisième. Le dernier lança un coup de hache dans sa direction mais Dorunn esquiva l'attaque avant de briser la nuque de l'homme d'un coup sec. Il regarda le rebelle au nez ensanglanté se relever en titubant et s'approcha de lui.
- Dis ceci à ton chef : il n'est pas bon de chasser sur les terres des plus grands prédateurs de Kalamaï. À présent pars avant que je ne décide de donner la chasse! »

Dorunn regarda l'homme s'enfuir en jetant des regard effrayés par dessus son épaule. Il se rassit ensuite et finit son repas avant de reprendre sa route dans la nuit noire...

HRP:

Dorunn laissa lentement retomber la carcasse exsangue du Maraudeur qui heurta le sol avec un bruit sourd avant de s’essuyer le coin des lèvres. Ses yeux intégralement noirs luisaient dans la nuit, reflétant la lointaine lumière des torches du campement. Narsès aurait certainement une ou deux remarques à faire s’il savait que son ami « récoltait » parmi les forces armées d’Edhesse ; ais il ne le saurait jamais. De toute façon, les Maraudeurs avaient franchi la frontière avec Scitopole de cinq bonnes lieues, se rendant théoriquement coupable de désertion. Et peu importait au vampire que cet écart soit dû au manque de connaissance géographique des soldats…
 
Cela faisait une semaine que Dorunn tentait de suivre la trace du chef rebelle à travers les épaisses forêts d’Edhesse, une semaine qu’il errait dans les montagnes formant la frontière avec Scitopole sans parvenir à rattraper sa proie. Il était tombé deux fois sur des campements rebelles, mais il semblait que même ses propres hommes ignoraient où se terrait Fenrir : le guerrier couvrait ses traces. Mais ces longues nuits de traque avaient réveillé les plus anciens instincts du vampire. Il avait abandonné sa vie de seigneur, sa vie d’ombre et sa vie de conseiller. Peu lui importaient à présent l’Empire, Edhesse ou même Ombresang. Sa soif de vengeance, ravivée par le goût longtemps oublié du sang, grondait en lui comme un fleuve en furie.
 
Il reprit la direction du nord, suivant la piste d’un groupe de rebelles qui semblaient prendre la direction de Fort Altaron. À chaque foulée, il laissait un peu plus ses instincts de prédateurs prendre le dessus. À chaque foulée, il s’éloignait un peu plus de son humanité. À chaque foulée, le noir profond de ses yeux se teintait de rouge…