Le Monde de Kalamaï
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Les ordres donnés à la Velue


Le griffon avait emporté Mélandriel et la Velue par-dessus les nuages. Serrée contre lui, la vieille naine avait vu défiler sous ses pieds les pics acérés, les gorges profondes et les vallées glacées.

La première étape de leur voyage les emporta jusqu’à la Capitale comme leur maîtresse leur avait ordonné. La marchande fit porter par un serviteur la somme exacte que Lulyane avait empruntée à la Corporation des Arcanes pendant que l’elfe regroupait quelques-uns de ses amis pour acheter et équiper à l’Ecurie Impériale un grand nombre de griffons.

Il préparait la flotte aérienne de la Comtesse, en s’assurant qu’elle possèderait suffisamment de montures et de cavaliers. Plus d’une cinquantaine de griffons s’élevèrent alors dans le ciel de la grande cité, chevauchés par autant d’elfes armés de leurs longs arcs, et s’éloignèrent en direction de l’est.

La nuée vola pendant deux jours, faisant halte pour la nuit, et survola la moitié de l’ancienne province de Vénopole, glissant par-dessus Samothrace sans s’y arrêter pour se rendre au pied des montagnes du nord, dans la seigneurie de Burgondie, terre natale de Lulyane.

La stupeur frappa les paysans qui habitaient le village berceau de la vampire quand ils virent cet essaim de bêtes volantes se poser dans la plaine qui entourait le bourg. Ils crurent d’abord à une invasion, à un raid meurtrier conduit par quelque ennemi de leur seigneur.

Quelques-uns se mirent à prier Dinas de leur accorder la vie sauve, d’autres se précipitaient à l’intérieur de leur maison pour y trouver un refuge illusoire, d’autres encore s’armèrent de leurs fourches, de vieux coutelas rouillés et de tout ce qui pourrait servir à défendre leurs jours et ceux de leurs proches.

Mais le calme retomba bien vite quand Mélandriel clama dans un discours pacifique les raisons de sa présence, avant de céder la parole à la Velue.

Elle leur expliqua longuement que leur ancienne concitoyenne, celle qui s’était comportée comme un monstre, les saignant à blanc, prenant les vies des uns ou des autres au gré de sa fantaisie et de sa fureur vengeresse, celle qui les avait tant effrayés, s’était amendée et désirait maintenant leur offrir la paix et la prospérité, leur offrir l’asile protecteur d’une terre que nulle guerre ne ravagerait jamais, leur faire partager l’opulence d’un sol toujours fertile et généreux, leur faire don d’un hospice où leurs enfants pourraient grandir, s’épanouir, s’éduquer sans avoir à craindre les caprices d’un maître belliqueux et tyrannique.

Et dans les cœurs et les têtes de tous revint la mémoire de l’enfant du pays, de la douce et belle jeune femme qui avait couru à leurs côtés sur la place du village, dans les herbes hautes qui cernaient la rivière, qui avait écorché ses genoux dans les fétus de paille fraîchement moissonnés, qui avait chanté comme eux à toutes les fêtes d’après-récolte. Dans les cœurs et les têtes revint la mémoire de l’horreur que leur sœur avait eu à endurer par la faute de leur suzerain implacable, du hurlement qui avait résonné dans la nuit, glaçant leur sang et vrillant leurs oreilles, de ce hurlement de douleur inextinguible qui avait ému chacun d’eux jusqu’à leur faire oublier les atrocités auxquelles elle s’était adonnée.

La Velue fut si convaincante, le souvenir fut si vif qu’ils se laissèrent tous convaincre, sans exception, les plus récalcitrants se laissant charmer finalement par le tintement de l’or que la naine n’oublia pas de brandir.

Et dans l’aube du lendemain, c’est une colonne sans fin qui commença de gravir les premiers contreforts pour gagner le nord.

Un exode massif d’hommes, de femmes, d’enfants, lourdement chargés de leurs biens les plus précieux, traînant à leur suite tout un bestiaire domestique : veaux, vaches, cochons,… Des ânes et des chevaux bâtés, tirant des carrioles branlantes, des poules et des oies caquetantes, des chèvres bêlantes,…

La fuite de toute une population, de centaines d’âmes qui escaladaient les pentes abruptes qui montaient vers leur salut, encadrées par le vol serein et protecteur de leur demi centaine de gardiens des cieux.

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- Comment ça, partis ?

Ivre de fureur, le chevalier frappait tout ce qui passait à sa portée. Sur sa table de travail, le chandelier, les parchemins, les sceaux partaient à la volée. Il saisissait le moindre objet et l’envoyait planer à travers la pièce.

Amaryllion se tenait coi, observant un silence prudent. Il avait appris à gérer les colères incommensurables de son maître. Depuis qu’il avait perdu sa bien-aimée, Carolus n’était plus lui-même. Il se laissait aller à des assauts de rage inextinguible, s’emportait pour un rien, tempêtait et punissait à la moindre contrariété.

Son peuple, qui l’avait tant aimé et suivi aveuglément, vivait désormais sous son joug tyrannique, sous l’arbitraire de ses décisions empiriques prises dans l’emportement de réactions à chaud, rarement réfléchies, rarement soupesées et de plus en plus iniques.

L’intendant le savait bien ! Si tout un village avait disparu, si tous ses habitants avaient émigrés les Dieux savent où, c’était certainement en partie pour échapper à la tyrannie qui émanait désormais de leur Seigneur.

Les paysans de Burgondie ne supportaient plus l’autoritarisme forcené, l’absolutisme despotique de leur maître. Il n’avait sans doute fallu que peu de mots, que peu de choses pour qu’ils acceptent ainsi de quitter leur terre natale, d’abandonner tout ce qui avait fait leur vie pour trouver asile ailleurs.

Amaryllion l’avait bien souvent mis en garde. On ne peut pas pressurer le peuple indéfiniment, on ne peut pas considérer le moindre de ses sujets comme une chose non-pensante, destinée à obéir coûte que coûte, vouée à subir les colères et les décrets abusifs d’un dirigeant qui ne se contrôlait plus.

Il avait souvent prévenu qu’un jour, il faudrait en payer le prix. Et il avait craint longtemps que ce prix fût celui du sang, que la révolte latente finirait par éclater, que la masse oppressée finirait par se rebeller, réclamer la destitution et peut-être même la mort de son bourreau.

La tempête se calmait, le courroux s’apaisait peu à peu et le regard irascible de Magnus commençait de perdre la couleur sanguinolente qui l’éclairait.

- Comment un village tout entier peut-il disparaître en une nuit ? Comment des maisons peuvent-elles se vider de tous leurs habitants, hommes, femmes, enfants, vieillards,… ? Comment est-il possible qu’un bourg animé soit le lendemain une localité fantôme, aux bicoques vides de toute vie ?

Le chevalier ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Jamais il n’avait soupçonné qu’on pût faillir au serment d’allégeance qu’on lui avait prêté, jamais dans son orgueil boursouflé, il n’avait imaginé que ses sujets pussent choisir de quitter la protection qu’il leur offrait.

- Peut-être est-il temps, mon maître, de revoir votre mode de gouvernance ? osa murmurer Amaryllion. Je vous en conjure, écoutez mes conseils ! Oublions le village de Lulyane et essayons de préserver le reste des bourgades que nous administrons…

Magnus tourna vivement la tête vers son conseiller. Le rouge de la haine injectait de nouveau le blanc de ses yeux. Avec véhémence, il l’attrapa au col, manquant de l’étouffer sous son étreinte rageuse.

- Qu’as-tu dit ? Quel nom viens-tu de prononcer ?

Il repoussa avec violence l’intendant, l’envoyant cogner avec force contre un mur.

- Lulyane ! Elle est revenue ! Bien sûr, elle seule, cette damnée, est capable d’un tel enchantement. Elle seule me hait suffisamment pour vider mes terres de la force vive qui les anime.

Il empoigna son épée posée sur un coffre et quitta la pièce dans un tourbillon, ceignant sa ceinture.

- J’ai été trop faible avec elle ! J’aurais dû m’en débarrasser, l’anéantir quand elle était à ma main, comme j’ai débarrassé le monde de son engeance diabolique, de sa descendance maudite.

Hurlant ses ordres, il fit irruption dans la cour du château sous les regards craintifs des hommes d’armes qui se trouvaient là.

- Que l’on réunisse tous mes fantassins, tous mes cavaliers ! Que l’on convoque mon ost sans plus attendre ! Nous rattraperons les fuyards et puisqu’il refusent de continuer à me servir, nous les passerons tous par le fil de l’épée. Tous ! Sans exception ! Jusqu’aux enfants qui portent en eux le vice inculqués par leurs pères.


Dernière édition par Lulyane le Ven 27 Aoû 2010 - 0:51, édité 1 fois

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La colonne avançait, tant bien que mal, cahin-caha. Les premiers contreforts avaient été malaisés à passer dans une cohue indescriptible. Les villageois éprouvaient de grandes difficultés à s’organiser dans les pentes, les chariots ayant du mal à gravir les sentiers escarpés.

Les soldats elfes, habitués à la discipline et à la logistique d’une troupe en campagne, mirent pied à terre pour indiquer la façon de procéder, pour sortir des ornières les roues des carrioles embourbées, pour aider par tous les moyens la transhumance humaine à rendre efficace son déplacement de masse sur ce terrain abrupt.

Beaucoup de cols restaient encore à franchir, et de bien plus hauts avant d’atteindre le refuge de la vallée lointaine de Roc-Pointe, et il fallait dès maintenant inculquer aux paysans comment rendre leur migration possible pour les longs jours qui les attendaient.

Mélandriel volait d’un bout à l’autre de la procession interminable pour aboyer ses ordres, s’assurer du bon déroulement des opérations et s’enquérir de la nécessité éventuelle de son aide.

Comme il revenait vers l’arrière de la file d’émigrants, il aperçut au loin une tâche bizarre qui noircissait l’horizon.

Il n’était pas à sa première expédition militaire, il avait connu bien des guerres tragiques, bien des combats meurtriers au cours des 371 ans de sa courte vie d’elfe… Et même s’il avait choisi de servir aux Ecuries Impériales pour s’éloigner du fracas des luttes armées, il n’avait pas perdu les réflexes qui lui avaient permis de survivre.

Aujourd’hui, il était au service de la Comtesse Lulyane, le chef de sa cavalerie et, en l’occurrence, de sa cavalerie aérienne. Et c’est sans erreur possible qu’il identifiait l’auréole sombre qui ondoyait sur la plaine.

Une troupe ! Une troupe s’avançait sur leur piste, remontant leurs traces et se rapprochant dangereusement !

Au jugé, il estima que le régiment se trouvait à une bonne journée de marche. Même s’ils semblaient tout près, un bataillon lourdement armé et cuirassé ne pouvait se déplacer très vite. Et son pas ralentirait forcément à l’endroit où meurt la plaine et où naissent les premières pentes.

Mélandriel s’approcha d’un de ses hommes et lui cria dans la bise des hauteurs :

- Volez à tire-d’aile jusqu’à la Tour Opaline pour prévenir la Comtesse que nous sommes poursuivis. Il s’agit certainement des troupes du Seigneur Magnus… Je protégerai la colonne mais je ne veux pas déclencher une guerre entre deux Seigneurs sans un ordre clair.

Le chevaucheur des cieux salua son chef et lança son griffon vers le nord, qui se mit à fendre le vent à grande vitesse.

Puis Mélandriel vola à la rencontre des soldats pour tenter une négociation diplomatique. Il y serait en moins d’une heure.

**********

Plus d’une centaine de fantassins en armure légère d’opération marchait au pas dans un ordre parfait, précédée d’une lourde cavalerie de fer, d’une cinquantaine de cavaliers d’élites.

A leur tête chevauchait Magnus, dans une tenue de cuir renforcée de plaques de fer, armure légère et commode pour de longs déplacements et offrant cependant une bonne protection, surtout à un combattant de sa trempe. Et puis, après tout, il n’aurait qu’à massacrer quelques centaines de paysans, une formalité qui ne nécessitait pas qu’il supportât la lourdeur ou l’inconfort d’une armure de plates.

Un griffon apparut dans le bleu du ciel, perçant les nuages et s’approchant en descente rapide de l’avant du bataillon.

Un elfe le chevauchait et tendait la main en l’air en signe de paix. Il vint se poser juste devant Carolus qui levant son poing fit stopper la marche de ses hommes.

- Je suppose que vous êtes Messire Magnus ?

- Je suis le Seigneur de ces terres que vous êtes en train de fouler ! Et de leur espace aérien que vous venez de violer ! Et je suis là pour apprendre le respect que des serfs doivent avoir pour leur suzerain. Ne restez pas en travers de mon chemin, j’ai des fuyards à rattraper.

- Ces hommes, femmes et enfants sont désormais les sujets de la Comtesse de la Tour Opaline. Et ils sont sous sa protection !

- Sa protection ? Et c’est vous la protection ? Et qui êtes-vous donc ?

- Je suis Mélandriel, le Connétable de la Comtesse.

- Connétable ? Même moi je n’ai pas de connétable. La vampire se prend pour une Princesse ? ricana-t-il d’un ton mauvais.

- Je vous demande d’abandonner la poursuite et de laisser ces gens partir en paix. Sinon, je serai au regret de devoir faire intervenir mon armée.

- Et c’est quoi ton armée ? Quelques pouilleux avec des fourches ? Des enfants avec des billes ? Ces gens sont à moi ! Et il n’est pas question que je les laisse partir. Quant à ta maudite maîtresse, va donc lui dire que non seulement je les embrocherai un par un, mais lorsque ma besogne sera achevée, je continuerai mon chemin jusqu’à sa Tour, pour la dépecer moi-même.

Mélandriel eut une moue. Aucune médiation ne serait possible avec cet homme obtus et il n’avait plus qu’à espérer que Lulyane trouverait une solution pacifique.

Sans un mot, il fit décoller son griffon pour rejoindre l’exode, en espérant revoir au plus vite son messager avec des instructions qui empêcheraient que le sang ne coule.

Pendant ce temps

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Lulyane fit se poser son Iltarn à l’avant de la colonne. Devant l’animal flamboyant, les premiers marcheurs eurent un temps d’arrêt. Bientôt, toute la file s’arrêta de serpenter lentement sur l’étroit sentier qui longeait une gorge. Délaissant bagages et lourds fardeaux, les villageois remontaient peu à peu vers l’avant. Chacun voulait voir la Comtesse de ses propres yeux, l’admirant avec un sentiment d’effroi mêlé à une profonde émotion.

Comment pouvaient-ils faire confiance à celle-là même qui les avait égorgés, un par un, eux, leurs fils et leurs neveux, leurs femmes et leurs anciens ? Comment pouvaient-ils se précipiter avec lenteur et conviction dans les bras du monstre qui les avait décimés ?

Et pourtant, peu d’entre eux avaient hésité à quitter leurs terres ancestrales, ne tenant plus sous la main oppressante de Magnus et persuadés de trouver au bout de leur longue route une terre promise, vide de misère et de malheur, dénuée d’arbitraire et d'injustice. Et maintenant qu’elle leur faisait face, aucun d’entre eux ne doutait qu’elle fût leur nouvelle maîtresse.

Elle se tenait droite, le menton haut, le regard fier, le port de tête altier… Elle chevauchait avec maîtrise un animal volant cauchemardesque, fait de feu et de flammes, presque aussi grand qu’un dragon, en tout cas, dans leur imaginaire.

Ses yeux noirs s’animaient d’une ardeur incomparable, elle jetait sur chacun d’eux un regard auguste qui les appelait séparément à la rejoindre. Comme si chacun d’eux, chacune de leur vie était importante pour elle, primordiale. Comme si elle les avait choisi personnellement, un par un… Comme si elle s’adressait à chacun en ne s’adressant à personne. Elle ne prononça aucun mot qu’ils étaient déjà convaincus.

La Velue sauta à terre d’un chariot qui cheminait en tête. Elle avait préféré faire le voyage aux côtés des villageois plutôt que de partager le griffon de Mélandriel. Celui-ci ne mit du reste pas longtemps à les rejoindre, quittant son altitude pour venir se poser aux côtés du Iltarn.

- Je me suis porté à la hauteur de Magnus, Ma Dame ! Il refuse d’entendre raison !

- Je n’en suis pas surprise. Il faudra le forcer à reculer ! Regroupez tous vos hommes, la caravane pourra se passer d’escorte, surtout si nous allons au-devant de la menace.

Mélandriel s’envola pour voler d’un groupe de griffons à l’autre et les réunir en formation. Lulyane se tourna vers la Velue :

- Continuez le voyage ! Nous ne pourrons que retenir Magnus, il vous faut gagner l’abri de la vallée au plus vite.

Dans un flamboiement, le Iltarn s'envola, prit la tête des cinquante griffons et la nuée s'éloigna en rangs serrés vers la plaine.

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Le Sanglant cheminait sur son molosse depuis quelques jours, ayant semé la peur sur son passage dans les villages environnants en guise de loisirs pour égayer son voyage. Alors qu'il approchait des montagnes nordiques, il ressentit une certaine aura, une puissance magique. Quelques choses de puissant mais qu'il ne pouvait identifier. Sa curiosité prit le dessus et il fit accélérer sa monture.

Au sommet d'une colline, Mogoth eu une vision bien nette de tout ce qui se passe au loin. Une troupe armée portant bannière d'un seigneur quelconque, une multitude de paysans qui quittent dans les montagnes. L'infernal resta sur les hauteurs pour voir comme la situation allait tourné. Il ressentait une haine et une rage destructrice en provenance du seigneur, une odeur et un goût que le Sanglant adore.

Une impression de conflit imminent l'enivrait, il avait besoin d'action. Mais il hésitait à foncer sur la plaine car une présence magique l'inquiétait. Une grande source de mana et de connaissance se déplaçait dans les environs, se rapprochant. Mogoth tenait avant tout à être sûr de ses adversaires pour ne pas se faire prendre à revers.

De la patience, il en avait et son poste d'observation était confortable et à l'abri des regards.

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De loin, on aurait dit une nuée d’insectes, comme un nuage de sauterelles ou un essaim d’abeilles. Mais plus les points se rapprochaient, moins il faisait de doute qu’il s’agissait d’animaux bien plus gros.

Dans les rangs impeccablement alignés des fantassins, l’inquiétude gagnait comme une vague, de la tête à l’arrière de la colonne. Même les visages des cavaliers d’élite s’assombrissaient.

Dans le ciel lourd et gris, un grand nombre de griffons fondaient sur eux. A leur tête se dessinait maintenant distinctement la tâche éclatante d’un animal ardent. Les plus aguerris, ceux qui avaient bourlingué, reconnurent la silhouette inquiétante d’un Iltarn, adversaire rude et meurtrier.

La troupe n’était pas préparée à une attaque aérienne. Magnus n’avait emporté que le nombre suffisant pour perpétrer un massacre rapide et bien mené, pas pour se livrer à une bataille rangée avec un ennemi qui avait l’avantage des cieux.

Une cinquantaine de griffons tournoyaient maintenant au-dessus d’eux, en cercle, comme des vautours dont ils étaient les futures charognes. Le Iltarn décrivait des cercles plus courts, juste au-devant de Carolus.

A basse altitude, le chevalier pouvait parfaitement reconnaître Lulyane. Et elle ne se priva pas de le regarder dans les yeux, tourbillonnant à quelques toises de lui. Leur prise de regard sembla durer de longues heures tant il semblait se dire de choses en silence. Aucun des deux ne baissa les yeux, aucun des deux ne lâcha prise. Leurs vis-à-vis muet était bien plus éloquent que n’aurait plus l’être le moindre dialogue. Leur conversation était toute intérieure et bien que rien ne fût dit, rien ne fut oublié.

Puis, la Comtesse cessa de tourner et s’éleva lentement. Sans lâcher la pupille de Magnus, elle leva la main doucement et la baissa avec vivacité en murmurant entre ses lèvres, dans un souffle léger que seul les elfes pouvaient entendre : " Feu !"

Une volée de bois s’abattit sur le bataillon. Plusieurs hommes furent transpercés et s’écroulèrent au sol.

- A TERRE ! hurla Magnus, sautant de son cheval pour se coucher au sol, la face contre la poussière grasse de la plaine.

Tous les cavaliers l’imitèrent tandis que continuait le déluge de flèches. Les hommes à pied, étendus à terre, tenaient au-dessus d’eux leur lourd et large bouclier qui les abritait de la pluie meurtrière.

Lulyane incantait à voix basse le sort qu’elle connaissait le mieux : jaillissement de flammes.

"Pryk se-ska bavrida", un jet de flammes se propulsait de sa main et venait frapper de plein fouet un homme qu’elle visait au hasard.
"Pryk se-ska bavrida", répétait-elle et la langue enflammée vint lécher un bouclier, le rendant si incandescent que son porteur dû le lâcher en poussant un hurlement.
"Pryk se-ska bavrida", dit-elle encore et le visage d’un soldat se mit à fondre, emportant en coulant la grimace de stupeur qui fut sa dernière.

A chaque fois, la même sensation de tête qui tourne, la même impression d’énergie qui se vide. Mais Lulyane se sentait suffisamment chargée de mana pour lancer le sort trois, quatre fois…

- RETRAITE ! cria cette fois Magnus.

Il bondit sur sa monture et s’éloigna au galop. La trentaine de cavaliers survivants fit de même et la piétaille s’égaya dans tous les sens, cherchant désespérément à atteindre la vitesse des chevaux.

La moitié au moins de l’armée du chevalier gisait au sol. Il aurait été facile de les anéantir tous, surtout en poursuivant les fuyards. Et de cribler le corps de Carolus, d’en faire une botte d’épingles qu’elle pourrait laisser pendre sous son Iltarn et promener comme un trophée.

Mais Lulyane refusa la mise à mort. Elle leva la main, sans prononcer un mot, et ses archers comprirent tous le sens de son ordre. Ils cessèrent le feu et renoncèrent à la chasse.

Puis, l’escadrille se regroupa autour du Iltarn et la nuée s’éloigna, redevenant un groupe de petits points infimes, de moucherons noirâtres dans l’horizon blafard.

Le calme retomba, on cessa de courir. Il était temps de faire le compte des morts, l’inventaire des blessés…

L’attaque avait été un désastre pour le fier Seigneur. Il s’attendait à une expédition punitive, pas à un peloton d’exécution pour ses hommes. Il savait désormais qu’il n’avait d’autre choix que d’abandonner la poursuite. Ils bivouaqueraient ici pendant qu’un éclaireur partirait chercher des renforts. Et c’est avec une solide armée, prête à résister et à répondre à des archers qu’il reprendrait sa marche.

La piste serait facile à suivre, d’un village tout entier fuyant dans les montagnes. Peu importait leur avance ! Magnus savait où ils allaient et grâce à leurs traces, il saurait comment y aller.

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Le Sanglant avait assisté au spectacle, à la domination des elfes sur les hommes. Un seigneur furieux sonnant la retraite par une femme à l'énergie magique débordante. L'infernal voyait dans cet événement une occasion de se divertir en contrôlant un humain et créant une touche de chaos dans la région. Menant des armées en guerre et s'approchant de cette demoiselle pour mieux connaître ses capacités.

Reprenant place sur son molosse, Mogoth descendit dans la plaine pour rejoindre Magnus et ce qui lui restait d'hommes, une vulgaire poignée de soldats au moral dans les talons. La défaite n'était jamais bonne à prendre, surtout lorsque votre chef vous promet victoire et émulsion de sang ennemi. À l'approche du Sanglant, les soldats se mirent en garde par réflexes mais la force et la volonté n'y était pas. Il se fit entendre en s'adressant à Magnus.

Soldats, baissez vos armes, vous n'avez rien à craindre. J'ai tout vu ce qui vient de se passer et je viens vous offrir mon aide en échange de quelques réponses.

Qui est tu et pourquoi je devrais te faire confiance ? lança Magnus d'un air supérieur.

Je suis qui je suis et te dire mon nom causerait ta perte plutôt que ton salut. Pourquoi confiance ? Car tu viens de te prendre une rouste par une poignée d'elfes et que je suis puissant. La seule chose qui peut t'être utile à savoir est que je suis un infernal.

Je ne veux pas te ton aide ! Je suis le Puissant Magnus, depuis des décennies je règne en maître sur ce territoire et ce n'est pas cette damné Lulyane qui m'empêchera de continuer a soumettre le peuple qu'elle m'a dérobé. Je le reprendrais et serez encore plus dur avec eux pour les châtier de leur trahison.


Bien, tu ne veux pas ? Alors tu me forces à jouer avec toi.

Mogoth pris sa forme infernal et profita de la surprise générale pour empoigner Magnus par le torse, la victime se retrouvant les pieds flottant dans les airs à la recherche de terre ferme. Les soldats reculèrent, n'osant pas s'en prendre à cette... chose.

Toi tu vas m'obéir Magnus !! Sois de ton plein gré, sois je prend le contrôle de ta tête et tu risque de ne pas aimer la migraine que tu vas avoir. Tu as demandé des renforts, attends-les, mais c'est moi qui donne les ordres à partir de maintenant. C'est compris ?

Non ! Je ne t'écouterais pas et tu ne m'effraie pas ! Je ne suis pas un lâche et je ne serais jamais soumis à quiconque.

Je n'ai pas parler de soumissions, tu n'as juste pas le choix.

Le Sanglant s'immisce alors dans l'esprit du pauvre mortel, prenant contrôle de ses faits et gestes. L'infernal repose l'homme au sol et relâche le torse de son nouveau jouet pour débuter la partie d'échec militaire avec la milice de son pantin. Magnus beugle des consignes à ses hommes, guidé de l'intérieur par Mogoth. L'armée restante se relève et se motive tant bien que mal suite aux nouveaux ordres. Les renforts prévu pour le lendemain serait signe de la suite de l'affrontement.

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L’homme, caché sous une capuche qui ne laissait entrevoir que du noir, se déploya soudain. Une vision de cauchemar s’offrit alors aux yeux de Magnus. Un démon à l’aspect terrifiant le souleva du sol.

Presque aussitôt, il sentit quelque chose qui vrilla dans son crâne. Une douleur intense, comme si l’on perçait son cerveau à l’aide d’une chignole qui tournerait dans sa chair à une vitesse prodigieuse.

Et quand la forme issue des enfers le reposa à terre, il avait le sentiment de n’être plus lui-même, de ne plus s’appartenir. Il se vit bouger, s’entendit hurler des ordres et bien qu’il soit d’accord avec chacune des consignes, il sentait que c’était seulement sa voix qui les prononçait. Lui-même n’avait nulle intention de proférer ses paroles, il n’avait même pas eu le temps de les penser.

A présent, ils étaient deux dans son propre corps. La puissance démoniaque s’était emparée de lui, elle le possédait. Il n’était qu’une marionnette, une enveloppe de peau et d’os destinée à assouvir les caprices d’une créature du mal.

Quelle ironie ! Lui qui avait toute sa vie combattu les forces du chaos, cherché à purifier le monde par l’épée, à anéantir les suppôts du vice, voilà qu’il était condamné à servir de jouet à un infernal !

A cet instant, il voulut mourir ! Plutôt ça que d’être le récipient d’une âme diabolique, l’outil à la volonté brisée d’un être parmi ceux qu’il abhorrait par-dessus tout.

A cet instant, un éclair de lucidité, fugace, déjà enfui, lui permit de comprendre un peu mieux Lulyane. Oui, on peut se transformer en serviteur du mal contre son gré… Oui, on peut être davantage victime que coupable…

Mais cette pensée, il la chassa très vite. Rien, sinon son propre désir, n’avait pu conduire la femme qu’il aimait à opter pour la non-vie plutôt que pour la mort. Au moment même de ce choix ultime, suprême, elle avait préféré vivre dans la souillure de son âme plutôt que de mourir pure.

C’était ce choix initial, qui prouvait son manque de perfection et de foi, que Magnus ne pouvait tolérer. D’ailleurs, lui, ici et maintenant, voudrait mourir pour éprouver sa propre pureté.

Comme il ne pouvait rien faire pour s’ôter la vie, il employa toute l’énergie qui restait à son esprit pour chercher un moyen de se libérer du joug infernal. Mais, au fur et à mesure des heures qui passaient, sa pensée s’embrumait davantage, sa vision se faisait moins nette, son oreille distinguait moins bien les sons.

Il comprit que dans peu de temps, son esprit serait enfermé comme dans une boîte hermétique et qu’il ne saurait même plus ce que son propre corps ressentirait.

Il comprit que dans peu de temps, il ne serait plus qu’une coquille vide, qui agit en dépit de ses souhaits, sans qu’il perçoive aucun des gestes qu’il ferait, sans qu’il entende aucune des paroles qu’il prononcerait.

Il comprit que dans peu de temps, le démon se serait totalement emparé de lui.

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L'assimilation et le contrôle de Magnus était maintenant complet, il n'était plus qu'une âme cloitré dans un corps qu'il ne contrôlait plus. Il voyait pourtant tout ses gestes, entendait toutes ses paroles, mais n'y avait aucun volonté. Depuis plusieurs jours le pauvre mortel endurait ce calvaire, voyant ses troupes de renforts arriver et se mettre en place en vue de l'assaut de vengeance sur Lulyane.

Les soldats voyaient maintenant en leur chef un homme déterminé, sans faille, qui ne dormait jamais. Un guerrier redoutable qui ne quitterait le champs de bataille qu'avec la victoire ou les pieds devants. Cette nouvelle attitude donna un regain d'énergie à la milice, désireuse de satisfaire leur maître. Loin d'eux l'idée que c'est l'homme en capuche qui tire les ficelles, ce dernier ayant repris sa forme humaine peu de temps après avoir soumis Magnus. Les militaires ayant vu Mogoth sous sa véritable forme furent prévenu de ne pas parler sous peine de mort lente et atroce.

Le Sanglant, bien installé sur son molosse la plupart du temps., passait ainsi pour un espèce de champion à la solde de Magnus. Propos qui aurait pu faire sourire Mogoth si son visage eut été visible, en fait bien des troufions se demandait si cet être inconnu avait un visage.

Un matin, alors que le camp était calme et endormi pour la majorité, un groupe d'unité volante se posa en plein coeur du campement, devant Mogoth qui s'y tenait debout sans broncher. Il attendait ses bêtes, des chacals volants, auxquels il avait envoyé une missive dans son royaume après avoir asservie Magnus. Rien d'extravagant mais bien utile pour équilibrer les forces face à l'escouade de griffons monté d'elfe. Le mouvement des toiles lors de l'atterrissage provoqua la réveil des humains qui dormait encore trop. Le Sanglant fit approcher le seigneur soumis pour le faire hurler ses ordres.

Allez bande d'endormis ! Dans trente minutes on se met en marche !
Ramassez tout, vos vivres, vos armes.
Formation en rang de trois, prêt à avancer !
Préparer les armes de sièges, elle doivent être prêtes à rouler !
Tout ceux qui ne seront pas prêt serviront de repas aux chacals, affamés par leur voyage !


Spoiler :

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