Perganon ! Enfin ! Aquilodon, Prophète de l'Equilibre, en fut fort heureux. Son bras sanguinolent allait enfin pouvoir être soigné, et son message écouté.
C'était la première fois que le géant s'aventurait dans cette cité, le coeur battant (d'aucun aurait pu faire une plaisanterie là-dessus) d'Edhesse. Mais, comme nombre de lettrés de Kalamaï, il en avait beaucoup entendu parler. Ici avait régné le célèbre Beth-Aran, et ici il était mort. Cette cité était celle des comtes vampires et des repris de justice. En bref, de tous les criminels et autres parias de l'Empire. Mais l'Ombre était présente aussi, ici. Dangereuse et discrète, elle faisait à Aquilodon la sensation d'un serpent prêt à frapper. Elle était le Serpent, et il était la proie. Enfin, il la serait surement d'ici peu, et probablement une proie juteuse. Mais il n'aurait certainement pas l'indicible honneur d'être tué par le Spadassin (comme on l'appelait apparemment) lui-même, Adola des Plaines Perdues. En fait, il n'aurait pas l'honneur d'être tué du tout, pensait-il.
Succédé du Basilic, Aquilodon fendait la foule des badauds puants qui infestaient les rues. Pourquoi diable était-il entré par la porte des bas-quartiers ? Il y réfléchit, puis se rendit compte que si la porte avait été gardée, le reptile géant ne serait jamais entré, pour la simple et bonne raison qu'on ne fait pas entrer un monstre qui peut rivaliser de force avec son maître déjà immense et formidablement fort dans une ville surpeuplée. Justement parce qu'elle risquait de se dépeupler d'un coup, rien qu'à la vue des crocs du monstre susnommé.
Tout d'abord, il fallait trouver une auberge, avec une porte et une salle assez grandes pour Aquilodon. Ensuite, il fallait trouver un guérisseur, pour aider le Prophète à se guérir, car il n'aimait guère le faire seul. Enfin, il fallait trouver la place centrale, mais peut-être devrait-il commencer par cela, car sur les grands'places se trouvent généralement des guérisseurs et des auberges. Il fit donc cela. Il demanda son chemin à un homme habillé de guenilles noires, qui demandait un sou. Celui-ci lui répondit, tremblant de peur. En sentant trop dans le secteur, Aquilodon tua l'homme d'un simple coup de poing sur la nuque. Avec un sourire, il posa son corps à terre et dit à son oreille :
- Que l'Equilibre soit, mon fils. Sois béni, toi qui Le sert à présent.
Il alla ensuite jusqu'à la place principale de Perganon. Une grande auberge y était effectivement. Alors Aquilodon se dirigea vers elle et entra. Par la Sainte Balance ! Il y avait un garde ! Alors qu'aucun ne rôdait sur la Grand'Place ! Peut-être n'était-il pas de service. Le géant jeta un regard au Basilic et incanta un court sortilège. Une brume presque imperceptible alla se placer devant le reptile, le rendant invisible.
Enfin, Aquilodon put s'avancer tranquillement vers le comptoir, à l'autre bout de la grande salle.
L'auberge était en pierre, mais ses murs étaient tapissés de bois, de l'ébène, si la vue du shaman ne lui jouait pas des tours. Il y avait peu de clients, à cette heure, seulement le garde, assis à une table, trois hommes à une autre, qui jouaient au carte et qui trichaient comme ils respiraient. Enfin, un elfe noir et un homme masqué étaient assis à une troisième table. Dans l'âtre formé d'arches de pierre rougeoyaient les restes d'un grand feu. Au comptoir était accoudé un humain vêtu d'une veste blanche à manches bouffantes et d'un gilet rouge. A son côté, le videur, un orque avec un bandeau sur l'oeil, se tenait droit, les mains sur le manche de son gourdin.
Le Chef de Ménéxène lui, portait une peau d'ours en guise de cape. Une coiffe de cuir auquelle était attaché un masque représentant une tête de lynx lui cachait le visage le visage. Il était en dehors de cela vêtu de vêtements de combat en cuir, excepté ses bras musclés et tatoués, qui étaient nus. De ses trois mètres de haut, il toisa le videur à travers les fentes de son masque. Ce dernier lui rendit son regard, mais baissa bien vite les yeux, gêné par le magnétisme dérangeant qui émananit du géant.
Alors Aquilodon demanda à l'aubergiste, ou celui qui s'occupait de l'auberge pendant la nuit :
- Où puis-je dormir, ici, humain ? Où peut-on trouver un guérisseur, dans cette cité ?
- Tu es nouveau, ici, non ? Sinon tu saurais déjà qu'un géant dort dehors. On ne veut pas de ces sales brutes chez nous, répondit sèchement l'homme aux manches bouffantes.
- Et eux alors ? rétorqua le géant en désignant les autres clients, et le videur. Ce sont des enfants de choeur, peut-être ?
- J'ai dit "dehors", mon gros. Tu n'est pas en pays conquis, ici.
- Ca peut se faire.
L'homme éclata d'un grand rire.
- Même avec tes trois mètres, tu ne pourras pas nous vaincre tous, stupide, dit-il.
- Je n'en ai pas l'intention. Je veux juste que ton imbécile de videur fasse son boulot avec tous les gens ici présent, lui et toi compris, que tu me donnes les clés de l'auberge, que tu me laisses dormir en paix dans cette salle, à moins que tu n'aies un dortoir. S'il fait ça je te rends tes clés demain matin, sinon, je te les prends de force, j'offre une grosse somme à ton orque et à la moitié des clients pour qu'il s'en aille, et je tue les autres. Est-ce bien clair ?
- Tu n'oserais même pas, gros lard.
- Ca suffit, je vais te montrer de quoi je suis capable.
L'aubergiste et le videur réagirent instantanément. L'homme tira une épée de sous le comptoir tandis que l'orque s'emparait de sa massue et se jetait sur le géant en poussant un cri de guerre. Aquilodon tendit le bras, se préparant à renvoyer le videur se clouer au mur avec un rayon de Garlox, mais le Basilic apparut, et, tel la foudre se découpant sur le ciel noir, bondit sur l'orque en pleine charge. Le gobelinoïde s'arrêta net, signant ainsi son arrêt de mort. Il finit sur le sol, dans une mare de sang, la gorge déchiqueté.
Pendant ce temps, le garde, l'elfe noir et l'homme masqué s'étaient levés, empoignant leurs armes respectives, tandis que les trois joueurs s'esquivaient discrètement.
Aquilodon envoya une onde de choc sur l'aubergiste, qui fut projeté sur le comptoir, assommé, pendant que le grand reptile se jetait sur les trois derniers. Le garde fut envoyé à terre rapidement, mal en point, sous les coups des griffes du monstre, mais les deux autres résistaient, totalement indemnes. Les trois adversaires tournoyaient, grognaient, criaient, soufflaient, faisaient pleuvoir des coups qui ne faisaient jamais mouche, esquivaient les coups des autres, et recommençaient ce manège incessant, cette sublime danse de la mort. Assurément, Aquilodon ne pouvait rivaliser avec les deux fines lames qui affrontaient sa bête, et avait eu beaucoup de chance de vaincre cette dernière. Alors il tenta de prendre le contrôle d'un des deux hommes, comme le faisait les psionistes Kalamaïens. S'agenouillant, il entra en transe shamanique et fit sortir son esprit de son corps, comme son maître le lui avait jadis enseigné. Il se dirigea alors vers l'elfe noir, mais se heurta à une défense mentale hors du commun. Même si une tempête magique se déchaînait, ce bougre ne saignerait même pas du nez.
Alors le Prophète tenta de s'infiltrer dans l'esprit de l'humain. Avec encore moins de succès. Si celui-ci se retrouvait face à une tempête de mana, c'est elle qu'il ferait saigner. Ces résistances dépassaient l'entendement. Ils étaient forcément protégés de l'extérieur. L'humain, tout du moins.
Aquilodon réintégra son enveloppe charnelle, déçu, et s'aperçut dès qu'il recouvrit la vue que le Basilic avait été touché à la patte avant gauche. Le shaman se releva et s'empara de sa hache. Décidé, il rajusta son masque et lança d'une voix terrible à l'elfe noir :
- Regarde moi, chien noir ! Viens te battre si tu as de la force dans les bras et de l'énergie à revendre !
- T'es provocations stupides sont inutiles, géant ! Je suis plus fort que ta bête les yeux fermés, dos à lui avec une main sur le torse,dit le sombre personnage en continuant de ferailler contre le reptile.
- Tu fais erreur, et il va te le prouver.
La suite se passa en une fraction de seconde. Dans un affreux crissement, l'épée de l'elfe noir se brisa entre les crocs du Basilic, ses fragments aux lueurs incandescentes cascadant sur le sol dallé. D'un simple coup de patte, rapide et précis, l'elfe noir fut propulsé quelques mètres en arrière, assommé.
L'humain, voyant cela, tendit sa lame devant son visage et frappa avec force les écailles du grand reptile, sans aucun succès. Un second coup de patte, bien plus violent, atteignit l'homme au plexus, et les griffes du terrible monstre lacérèrent l'intérieur de son ventre et brisèrent ses côtes, laissant ses entrailles à vif.
Aquilodon se détourna du macabre spectacle et, tandis que le Basilic dévorait le corps chaud de sa victime, il s'approcha de l'aubergiste inconscient. Il l'attrapa par le col et le frappa sur la joue. L'homme reprit conscience, et ses yeux s'écarquillèrent d'horreur lorqu'il aperçut le visage barbu du Prophète.
- Qui étaient ces deux là ? tonna le géant.
- Messire, ayez pitié de moi, j'ai trois enfants, et...
- Je n'ai cure de tes enfants, sale rat. Tu vois ce Basilic ? Il te mangera la moitié de la tête et la moitié de la tête de chacun de tes enfants si tu ne réponds pas ! Qui étaient ces deux là ?
- PITIE !! Pas le monstre ! Non !
- Ma patience a des limites, petit être. Répond !
- Ils vont me tuer si je parle, et il torturent bien mieux que vous !
- N'aie crainte, j'ai également de l'expérience en la matière. C'est ta dernière chance. Qui étaient-ils ?
L'aubergiste déglutit lentement. Il hésita, les yeux fous, cherchant une issue possible, mais rien ne se présenta. Puis il regarda le géant dans les yeux, et entendit le Basilic faire craquer un os. Alors il se décida.
- Tuez moi.
- A tes ordres.
Aquilodon serra la poitrine de l'homme, écrasant sa cage thoracique, et vidant ses poumons de son dernier souffle, dans une terrible étreinte mortelle. Qu'importait cet individu dans le plan divin qu'était l'Equilibre ? Et puis, il pouvait interroger l'elfe noir, bien qu'il savait qu'il ne tirerait pas grand chose.
Mais il ne pouvait pas tuer le sombre personnage. L'Equilibre de la pièce en serait faussé. Quel dilemne ! Les choses étaient bien plus simple quand Hassar n'avait pas encore parlé. Mais bientôt, Aquilodon s'habituerais à son rôle, il le savait. Il s'approcha du corps de l'elfe noir et lui donna un coup de pied dans la rotule. L'être s'éveilla. Lorsqu'il aperçut le géant, son expression resta impassible.
- Chien ! cracha-t-il.Je ne parlerai pas. Mais demande ce que tu veux quand même, il me plaît de voir les mortels s'esquinter à essayer de me faire parler.
Il éclata d'un rire dément.
- Qui t'a envoyé ?
- Je ne suis pas stupide. Je m'attendais à plus de finesse dans la question, en fait.
- Je n'ai guère le temps pour la finesse, mais je suis doué pour la brutalité.
- Et moi pour y résister, sire Aquilodon.
- Comment me connais-tu ? Je ne t'ai jamais vu.
- Une réponse en entraine une autre. Le lièvre ne voit pas le condor avant qu'il fonde sur lui.
- Très bien, je vais te laisser au soin de ma bête.
- Si ça te fait envie, géant. Je voudrais sentir son poison irriguer mes veines, transformer mon corps en fleuve qui charrie l'eau la plus mortelle du monde.
- Je ne te ferai pas ce plaisir, alors. Je me conterai de briser tes coudes, tes épaules, tes doigts, et tes poignets.
Et c'est ce qu'Aquilodon fit. L'elfe noir ne broncha pas et repartit en marchant dans la rue.
Alors seulement le géant se tourna vers le terrible Basilic.
- Tu me sembles mériter un nom. Ukrimos t'irait bien. C'est un concept des dieux. Il signifie "Pas de pitié".
C'était la première fois que le géant s'aventurait dans cette cité, le coeur battant (d'aucun aurait pu faire une plaisanterie là-dessus) d'Edhesse. Mais, comme nombre de lettrés de Kalamaï, il en avait beaucoup entendu parler. Ici avait régné le célèbre Beth-Aran, et ici il était mort. Cette cité était celle des comtes vampires et des repris de justice. En bref, de tous les criminels et autres parias de l'Empire. Mais l'Ombre était présente aussi, ici. Dangereuse et discrète, elle faisait à Aquilodon la sensation d'un serpent prêt à frapper. Elle était le Serpent, et il était la proie. Enfin, il la serait surement d'ici peu, et probablement une proie juteuse. Mais il n'aurait certainement pas l'indicible honneur d'être tué par le Spadassin (comme on l'appelait apparemment) lui-même, Adola des Plaines Perdues. En fait, il n'aurait pas l'honneur d'être tué du tout, pensait-il.
Succédé du Basilic, Aquilodon fendait la foule des badauds puants qui infestaient les rues. Pourquoi diable était-il entré par la porte des bas-quartiers ? Il y réfléchit, puis se rendit compte que si la porte avait été gardée, le reptile géant ne serait jamais entré, pour la simple et bonne raison qu'on ne fait pas entrer un monstre qui peut rivaliser de force avec son maître déjà immense et formidablement fort dans une ville surpeuplée. Justement parce qu'elle risquait de se dépeupler d'un coup, rien qu'à la vue des crocs du monstre susnommé.
Tout d'abord, il fallait trouver une auberge, avec une porte et une salle assez grandes pour Aquilodon. Ensuite, il fallait trouver un guérisseur, pour aider le Prophète à se guérir, car il n'aimait guère le faire seul. Enfin, il fallait trouver la place centrale, mais peut-être devrait-il commencer par cela, car sur les grands'places se trouvent généralement des guérisseurs et des auberges. Il fit donc cela. Il demanda son chemin à un homme habillé de guenilles noires, qui demandait un sou. Celui-ci lui répondit, tremblant de peur. En sentant trop dans le secteur, Aquilodon tua l'homme d'un simple coup de poing sur la nuque. Avec un sourire, il posa son corps à terre et dit à son oreille :
- Que l'Equilibre soit, mon fils. Sois béni, toi qui Le sert à présent.
Il alla ensuite jusqu'à la place principale de Perganon. Une grande auberge y était effectivement. Alors Aquilodon se dirigea vers elle et entra. Par la Sainte Balance ! Il y avait un garde ! Alors qu'aucun ne rôdait sur la Grand'Place ! Peut-être n'était-il pas de service. Le géant jeta un regard au Basilic et incanta un court sortilège. Une brume presque imperceptible alla se placer devant le reptile, le rendant invisible.
Enfin, Aquilodon put s'avancer tranquillement vers le comptoir, à l'autre bout de la grande salle.
L'auberge était en pierre, mais ses murs étaient tapissés de bois, de l'ébène, si la vue du shaman ne lui jouait pas des tours. Il y avait peu de clients, à cette heure, seulement le garde, assis à une table, trois hommes à une autre, qui jouaient au carte et qui trichaient comme ils respiraient. Enfin, un elfe noir et un homme masqué étaient assis à une troisième table. Dans l'âtre formé d'arches de pierre rougeoyaient les restes d'un grand feu. Au comptoir était accoudé un humain vêtu d'une veste blanche à manches bouffantes et d'un gilet rouge. A son côté, le videur, un orque avec un bandeau sur l'oeil, se tenait droit, les mains sur le manche de son gourdin.
Le Chef de Ménéxène lui, portait une peau d'ours en guise de cape. Une coiffe de cuir auquelle était attaché un masque représentant une tête de lynx lui cachait le visage le visage. Il était en dehors de cela vêtu de vêtements de combat en cuir, excepté ses bras musclés et tatoués, qui étaient nus. De ses trois mètres de haut, il toisa le videur à travers les fentes de son masque. Ce dernier lui rendit son regard, mais baissa bien vite les yeux, gêné par le magnétisme dérangeant qui émananit du géant.
Alors Aquilodon demanda à l'aubergiste, ou celui qui s'occupait de l'auberge pendant la nuit :
- Où puis-je dormir, ici, humain ? Où peut-on trouver un guérisseur, dans cette cité ?
- Tu es nouveau, ici, non ? Sinon tu saurais déjà qu'un géant dort dehors. On ne veut pas de ces sales brutes chez nous, répondit sèchement l'homme aux manches bouffantes.
- Et eux alors ? rétorqua le géant en désignant les autres clients, et le videur. Ce sont des enfants de choeur, peut-être ?
- J'ai dit "dehors", mon gros. Tu n'est pas en pays conquis, ici.
- Ca peut se faire.
L'homme éclata d'un grand rire.
- Même avec tes trois mètres, tu ne pourras pas nous vaincre tous, stupide, dit-il.
- Je n'en ai pas l'intention. Je veux juste que ton imbécile de videur fasse son boulot avec tous les gens ici présent, lui et toi compris, que tu me donnes les clés de l'auberge, que tu me laisses dormir en paix dans cette salle, à moins que tu n'aies un dortoir. S'il fait ça je te rends tes clés demain matin, sinon, je te les prends de force, j'offre une grosse somme à ton orque et à la moitié des clients pour qu'il s'en aille, et je tue les autres. Est-ce bien clair ?
- Tu n'oserais même pas, gros lard.
- Ca suffit, je vais te montrer de quoi je suis capable.
L'aubergiste et le videur réagirent instantanément. L'homme tira une épée de sous le comptoir tandis que l'orque s'emparait de sa massue et se jetait sur le géant en poussant un cri de guerre. Aquilodon tendit le bras, se préparant à renvoyer le videur se clouer au mur avec un rayon de Garlox, mais le Basilic apparut, et, tel la foudre se découpant sur le ciel noir, bondit sur l'orque en pleine charge. Le gobelinoïde s'arrêta net, signant ainsi son arrêt de mort. Il finit sur le sol, dans une mare de sang, la gorge déchiqueté.
Pendant ce temps, le garde, l'elfe noir et l'homme masqué s'étaient levés, empoignant leurs armes respectives, tandis que les trois joueurs s'esquivaient discrètement.
Aquilodon envoya une onde de choc sur l'aubergiste, qui fut projeté sur le comptoir, assommé, pendant que le grand reptile se jetait sur les trois derniers. Le garde fut envoyé à terre rapidement, mal en point, sous les coups des griffes du monstre, mais les deux autres résistaient, totalement indemnes. Les trois adversaires tournoyaient, grognaient, criaient, soufflaient, faisaient pleuvoir des coups qui ne faisaient jamais mouche, esquivaient les coups des autres, et recommençaient ce manège incessant, cette sublime danse de la mort. Assurément, Aquilodon ne pouvait rivaliser avec les deux fines lames qui affrontaient sa bête, et avait eu beaucoup de chance de vaincre cette dernière. Alors il tenta de prendre le contrôle d'un des deux hommes, comme le faisait les psionistes Kalamaïens. S'agenouillant, il entra en transe shamanique et fit sortir son esprit de son corps, comme son maître le lui avait jadis enseigné. Il se dirigea alors vers l'elfe noir, mais se heurta à une défense mentale hors du commun. Même si une tempête magique se déchaînait, ce bougre ne saignerait même pas du nez.
Alors le Prophète tenta de s'infiltrer dans l'esprit de l'humain. Avec encore moins de succès. Si celui-ci se retrouvait face à une tempête de mana, c'est elle qu'il ferait saigner. Ces résistances dépassaient l'entendement. Ils étaient forcément protégés de l'extérieur. L'humain, tout du moins.
Aquilodon réintégra son enveloppe charnelle, déçu, et s'aperçut dès qu'il recouvrit la vue que le Basilic avait été touché à la patte avant gauche. Le shaman se releva et s'empara de sa hache. Décidé, il rajusta son masque et lança d'une voix terrible à l'elfe noir :
- Regarde moi, chien noir ! Viens te battre si tu as de la force dans les bras et de l'énergie à revendre !
- T'es provocations stupides sont inutiles, géant ! Je suis plus fort que ta bête les yeux fermés, dos à lui avec une main sur le torse,dit le sombre personnage en continuant de ferailler contre le reptile.
- Tu fais erreur, et il va te le prouver.
La suite se passa en une fraction de seconde. Dans un affreux crissement, l'épée de l'elfe noir se brisa entre les crocs du Basilic, ses fragments aux lueurs incandescentes cascadant sur le sol dallé. D'un simple coup de patte, rapide et précis, l'elfe noir fut propulsé quelques mètres en arrière, assommé.
L'humain, voyant cela, tendit sa lame devant son visage et frappa avec force les écailles du grand reptile, sans aucun succès. Un second coup de patte, bien plus violent, atteignit l'homme au plexus, et les griffes du terrible monstre lacérèrent l'intérieur de son ventre et brisèrent ses côtes, laissant ses entrailles à vif.
Aquilodon se détourna du macabre spectacle et, tandis que le Basilic dévorait le corps chaud de sa victime, il s'approcha de l'aubergiste inconscient. Il l'attrapa par le col et le frappa sur la joue. L'homme reprit conscience, et ses yeux s'écarquillèrent d'horreur lorqu'il aperçut le visage barbu du Prophète.
- Qui étaient ces deux là ? tonna le géant.
- Messire, ayez pitié de moi, j'ai trois enfants, et...
- Je n'ai cure de tes enfants, sale rat. Tu vois ce Basilic ? Il te mangera la moitié de la tête et la moitié de la tête de chacun de tes enfants si tu ne réponds pas ! Qui étaient ces deux là ?
- PITIE !! Pas le monstre ! Non !
- Ma patience a des limites, petit être. Répond !
- Ils vont me tuer si je parle, et il torturent bien mieux que vous !
- N'aie crainte, j'ai également de l'expérience en la matière. C'est ta dernière chance. Qui étaient-ils ?
L'aubergiste déglutit lentement. Il hésita, les yeux fous, cherchant une issue possible, mais rien ne se présenta. Puis il regarda le géant dans les yeux, et entendit le Basilic faire craquer un os. Alors il se décida.
- Tuez moi.
- A tes ordres.
Aquilodon serra la poitrine de l'homme, écrasant sa cage thoracique, et vidant ses poumons de son dernier souffle, dans une terrible étreinte mortelle. Qu'importait cet individu dans le plan divin qu'était l'Equilibre ? Et puis, il pouvait interroger l'elfe noir, bien qu'il savait qu'il ne tirerait pas grand chose.
Mais il ne pouvait pas tuer le sombre personnage. L'Equilibre de la pièce en serait faussé. Quel dilemne ! Les choses étaient bien plus simple quand Hassar n'avait pas encore parlé. Mais bientôt, Aquilodon s'habituerais à son rôle, il le savait. Il s'approcha du corps de l'elfe noir et lui donna un coup de pied dans la rotule. L'être s'éveilla. Lorsqu'il aperçut le géant, son expression resta impassible.
- Chien ! cracha-t-il.Je ne parlerai pas. Mais demande ce que tu veux quand même, il me plaît de voir les mortels s'esquinter à essayer de me faire parler.
Il éclata d'un rire dément.
- Qui t'a envoyé ?
- Je ne suis pas stupide. Je m'attendais à plus de finesse dans la question, en fait.
- Je n'ai guère le temps pour la finesse, mais je suis doué pour la brutalité.
- Et moi pour y résister, sire Aquilodon.
- Comment me connais-tu ? Je ne t'ai jamais vu.
- Une réponse en entraine une autre. Le lièvre ne voit pas le condor avant qu'il fonde sur lui.
- Très bien, je vais te laisser au soin de ma bête.
- Si ça te fait envie, géant. Je voudrais sentir son poison irriguer mes veines, transformer mon corps en fleuve qui charrie l'eau la plus mortelle du monde.
- Je ne te ferai pas ce plaisir, alors. Je me conterai de briser tes coudes, tes épaules, tes doigts, et tes poignets.
Et c'est ce qu'Aquilodon fit. L'elfe noir ne broncha pas et repartit en marchant dans la rue.
Alors seulement le géant se tourna vers le terrible Basilic.
- Tu me sembles mériter un nom. Ukrimos t'irait bien. C'est un concept des dieux. Il signifie "Pas de pitié".