Aujourd'hui, étrangement, une comète rouge étalait sa queue en travers de l'aube qui se levait sur les falaises de Moat Pyk, l'île forteresse, abrupt, des pirates, peuplée de rochers écumants contre la mer, cinglée par tous les vents. La côte n'était en tout et pour tout qu'un amas de rochers déchiquetés avec lesquels la forteresse ne semblait ne faire qu'un, taillés qu'étaient ses deux tours, ses remparts, ses ponts dans la même roche noirâtre, moites qu'ils étaient des mêmes vagues saturées de sel et masculés des mêmes fientes d'oiseaux de mer. Un pan entier de terre fantastiquement émergé au milieu de l'océan sur lequel des grands hommes aux noirs ambitions avaient édifié leur forteresse et qu'avaient fortunément trouvé au hasard les pirates et qu' il ne s'était guère gêné pour la soumettre à leur desseins. Du haut du ciel, dans les nues noyées d'essaims de volatiles, des statues gargouilles, des hydres, des serpents de mers, des dragons sculptés dans la pierre, hautes de douze pieds, flanquaient les appartements et balcons, et dont se hérissaient les antiques murailles de la forteresse afin de semer l'effroi aussi bien dans le coeur des hommes qu'aux mouettes emmerdeuses. En dessous en contrebas, logeaient dans les nombreuses baies des milliers de vaisseaux pirates. En elle même en effet, l'île toute entière s'assimilait à un foyer pour les navires, un chantier naval titanesque. Chaque parcelle de sol usé pour la construction, la marine, et la pêche. C'était de cette contrée, sur cette île inconnue de tous, y compris des plus grands cartographes, que les navires pirates prenaient secrètement appui, opéraient leur trafics, se ravitaillaient, venaient à être construits, réparés.
C'était ici, tout du moins pour le moment seulement, chez eux, leur base principale pour opérer, intercepter au large, se replier. La vie y était très rude, et la seule richesse que possédait cette île nue, stérile, outre son activité navale et maritime digne d'une fourmillière, c'était ses forêts et son bois, d'une écorce de qualité rare, et ses mines de fer à la finesse et la dureté insaisissable. Le bétail, la nourriture, malheureusement c'était ailleurs sur d'autres terres qu'ils leur faudraient chercher, la mer ne leur offrant certes que le poisson, mais guère suffisant à satisfaire leur envies matérielles, ni à garantir toutes les vitamines essentielles pour une bonne constitution.
Kennit provenant de la baie ou était accosté d'innombrables navires, ayant délaissé ses hommes au cours du déchargement, cheminait tranquillement dans les coursives étroites de basalt et de granit, tapissés de graviers de Moat Pyk. Il revenait enfin de ses divers expéditions fructueuses, et à peine débarqué des boutres amarées aux quais, d'une allure de chasseur, il s'était élancé à la destination qu'il s'était promis d'atteindre dès son arrivée, déambulant sous le regard inquisiteur des monstres de pierre immobiles et cyniques.
A son arrivée jadis, cette armée de chimères grotesques l'avait incommodé, maintenant il les considérait comme de vieux amis, des voisins immédiats à qui il pouvait raconter ses méfaits lorsqu'il buvait trop. Les gargouilles à cet instant brillaient de mille feux sous la lumière de l'éphémère comète rouge qui disparaissait enfin dans le ciel. Les présages, Kennit n'y croyait pas. Encore que, et alors juste au moment ou ses pirates se répandaient comme un véritable fléaux au delà des mers, il n'avait jamais vu de comète comparable à celle-ci, d'un tel éclat écarlate, de cette effroyable couleur de sang, de crépuscule et d'incendie. C'était peut être un signe que l'ère de la piraterie, la leur allait s'envoler qui sait. Il se pencha par dessus les remparts qu'il atteignit en bout de course, plongeant son regard un peu partout, vérifiant que d'une manière générale, tout pointait vers la perfection dans le travail de chacun, et dans l'environnement. La mer s'écrasait, furieuse, tout en bas pouvait-il constater, peut être un autre signe de pirate, la rugosité du basalte lui meurtrissant les doigts sans qu'il n'en ressente la moindre émotion, la moindre souffrance. La douleur, depuis longtemps il ne la ressentait plus beaucoup, il l'assénait plutôt. Il se demandait quand d'ailleurs il la ressentirait réellement de nouveau, rien ne semblait plus pouvoir en effet s'opposer à lui et à sa faction.
Ces lieux lugubres auraient bien besoin de lumière se dit-il pour la énième fois au cours de son observation changeante, et l'île forteresse se posait un peu là, isolée, perdue dans le désert des flots, cernée de tempêtes saumatres, à l'ombre de sa montagne. Mais très bientôt ils pourraient tous quitter cet endroit maudit pour des terres plus riches, plus chaleureuses, plus... amusantes et qu'ils soumettraient sans vergogne, en maîtres définitifs. Mais d'abord, avant cela, en revenir au présent, et faire son rapport. L'humain se remit donc en marche, un sourire carnassier sur son visage osseux tiré en lame de couteaux.
Alentour, des pirates arpentaient les galeries, en ronde et de gargouilles en gargouilles, jouissant d'une vue plongeante sur la courtine extérieur, jetaient un oeil sur les armées qui campaient dehors. La fumée des foyers brouillant le petit matin, des dizaines de milliers d'hommes et de femmes se restauraient là, sous les bannières pirates flottant au vent. A l'arrière plan, une forêt massive de coques noirs et de mâts. Depuis désormais quelques mois tous ces bâtiments n'avaient cessé de s'aventurer loin, d'entreprendre des allers retours , les coffres emplie de mets, de bijoux à leur auguste retour. Ovations frénétiques et sifflets saluèrent alors le commandant en second de la flotte générale quand il pénétra dans une vaste salle bruyante, emplie de convives. Vassaux et Capitaines, près de quatre cent hommes bondaient la longue salle enfumée, des femmes aux mines affligées et poignets écorchés, versant pendant ce temps de la bière dans les choppes au son des instruments, crincrins, cabrettes 'et tambours.
Sacré fumier de Kennit, qu' c'est bon d'te revoir.
Pour le capt'ain, hip hip hourra ! crièrent certains déjà saouls en levant leur haches, haletant et les joues rougies par les effets de l'alcool
Kennit souriant, poursuivit son chemin jusqu'à un porche jouxtant la grande salle, s'arrêta sur le pas de la porte et tenta de se dépoussiérer, comme il s'entendait toujours à le faire avant de la rencontrer. Un arc de transpiration obscurcissait le col de son manteau et sa tunique lui collait à la peau. Il sortait tout juste de son boutre et n'avait pas pris le temps de se débarbouiller de tout ce sang en travers de ses vêtements, quoiqu'ainsi il s'aimait presque tel un dieu. Le chef ne lui en voudrait pas pour sa velléité à tuer. Le pirate eut alors un rire rauque et grossier, puis tocqua trois fois contre le bois. On lui permit d'entrer, puis il s'inséra sereinement dans une salle ronde, aux murs de pierre noire et nue, a centre se dressant une table remplie de bouteilles et de mets devant laquelle était attablée quelqu'un, le dos tourné.
Immédiatement les bottes de velours du pirate, volées à un prince marchand vulgairement balancé pieds nus, par dessus bord aux requins, claquèrent sur le sol rugueux tandis qu'il posait humblement un genoux à terre, la tête inclinée vers le bas.
Me voilà de retour, Maîtresse. J'ai de très bonne nouvelles à vous annoncer.
La silhouette élancée, fine, noircie par une cascade magnifique de cheveux ambre, après s'être servi un verre de vin sur le petit buffet disposé spécialement pour sa petite personne importante, se retourna, altière et fière, face à son fidèle second : C'était Delylia Paloria, la plus redoutée des pirates des confins insulaires des mers du Sud.
C'était ici, tout du moins pour le moment seulement, chez eux, leur base principale pour opérer, intercepter au large, se replier. La vie y était très rude, et la seule richesse que possédait cette île nue, stérile, outre son activité navale et maritime digne d'une fourmillière, c'était ses forêts et son bois, d'une écorce de qualité rare, et ses mines de fer à la finesse et la dureté insaisissable. Le bétail, la nourriture, malheureusement c'était ailleurs sur d'autres terres qu'ils leur faudraient chercher, la mer ne leur offrant certes que le poisson, mais guère suffisant à satisfaire leur envies matérielles, ni à garantir toutes les vitamines essentielles pour une bonne constitution.
Kennit provenant de la baie ou était accosté d'innombrables navires, ayant délaissé ses hommes au cours du déchargement, cheminait tranquillement dans les coursives étroites de basalt et de granit, tapissés de graviers de Moat Pyk. Il revenait enfin de ses divers expéditions fructueuses, et à peine débarqué des boutres amarées aux quais, d'une allure de chasseur, il s'était élancé à la destination qu'il s'était promis d'atteindre dès son arrivée, déambulant sous le regard inquisiteur des monstres de pierre immobiles et cyniques.
A son arrivée jadis, cette armée de chimères grotesques l'avait incommodé, maintenant il les considérait comme de vieux amis, des voisins immédiats à qui il pouvait raconter ses méfaits lorsqu'il buvait trop. Les gargouilles à cet instant brillaient de mille feux sous la lumière de l'éphémère comète rouge qui disparaissait enfin dans le ciel. Les présages, Kennit n'y croyait pas. Encore que, et alors juste au moment ou ses pirates se répandaient comme un véritable fléaux au delà des mers, il n'avait jamais vu de comète comparable à celle-ci, d'un tel éclat écarlate, de cette effroyable couleur de sang, de crépuscule et d'incendie. C'était peut être un signe que l'ère de la piraterie, la leur allait s'envoler qui sait. Il se pencha par dessus les remparts qu'il atteignit en bout de course, plongeant son regard un peu partout, vérifiant que d'une manière générale, tout pointait vers la perfection dans le travail de chacun, et dans l'environnement. La mer s'écrasait, furieuse, tout en bas pouvait-il constater, peut être un autre signe de pirate, la rugosité du basalte lui meurtrissant les doigts sans qu'il n'en ressente la moindre émotion, la moindre souffrance. La douleur, depuis longtemps il ne la ressentait plus beaucoup, il l'assénait plutôt. Il se demandait quand d'ailleurs il la ressentirait réellement de nouveau, rien ne semblait plus pouvoir en effet s'opposer à lui et à sa faction.
Ces lieux lugubres auraient bien besoin de lumière se dit-il pour la énième fois au cours de son observation changeante, et l'île forteresse se posait un peu là, isolée, perdue dans le désert des flots, cernée de tempêtes saumatres, à l'ombre de sa montagne. Mais très bientôt ils pourraient tous quitter cet endroit maudit pour des terres plus riches, plus chaleureuses, plus... amusantes et qu'ils soumettraient sans vergogne, en maîtres définitifs. Mais d'abord, avant cela, en revenir au présent, et faire son rapport. L'humain se remit donc en marche, un sourire carnassier sur son visage osseux tiré en lame de couteaux.
Alentour, des pirates arpentaient les galeries, en ronde et de gargouilles en gargouilles, jouissant d'une vue plongeante sur la courtine extérieur, jetaient un oeil sur les armées qui campaient dehors. La fumée des foyers brouillant le petit matin, des dizaines de milliers d'hommes et de femmes se restauraient là, sous les bannières pirates flottant au vent. A l'arrière plan, une forêt massive de coques noirs et de mâts. Depuis désormais quelques mois tous ces bâtiments n'avaient cessé de s'aventurer loin, d'entreprendre des allers retours , les coffres emplie de mets, de bijoux à leur auguste retour. Ovations frénétiques et sifflets saluèrent alors le commandant en second de la flotte générale quand il pénétra dans une vaste salle bruyante, emplie de convives. Vassaux et Capitaines, près de quatre cent hommes bondaient la longue salle enfumée, des femmes aux mines affligées et poignets écorchés, versant pendant ce temps de la bière dans les choppes au son des instruments, crincrins, cabrettes 'et tambours.
Sacré fumier de Kennit, qu' c'est bon d'te revoir.
Pour le capt'ain, hip hip hourra ! crièrent certains déjà saouls en levant leur haches, haletant et les joues rougies par les effets de l'alcool
Kennit souriant, poursuivit son chemin jusqu'à un porche jouxtant la grande salle, s'arrêta sur le pas de la porte et tenta de se dépoussiérer, comme il s'entendait toujours à le faire avant de la rencontrer. Un arc de transpiration obscurcissait le col de son manteau et sa tunique lui collait à la peau. Il sortait tout juste de son boutre et n'avait pas pris le temps de se débarbouiller de tout ce sang en travers de ses vêtements, quoiqu'ainsi il s'aimait presque tel un dieu. Le chef ne lui en voudrait pas pour sa velléité à tuer. Le pirate eut alors un rire rauque et grossier, puis tocqua trois fois contre le bois. On lui permit d'entrer, puis il s'inséra sereinement dans une salle ronde, aux murs de pierre noire et nue, a centre se dressant une table remplie de bouteilles et de mets devant laquelle était attablée quelqu'un, le dos tourné.
Immédiatement les bottes de velours du pirate, volées à un prince marchand vulgairement balancé pieds nus, par dessus bord aux requins, claquèrent sur le sol rugueux tandis qu'il posait humblement un genoux à terre, la tête inclinée vers le bas.
Me voilà de retour, Maîtresse. J'ai de très bonne nouvelles à vous annoncer.
La silhouette élancée, fine, noircie par une cascade magnifique de cheveux ambre, après s'être servi un verre de vin sur le petit buffet disposé spécialement pour sa petite personne importante, se retourna, altière et fière, face à son fidèle second : C'était Delylia Paloria, la plus redoutée des pirates des confins insulaires des mers du Sud.