Introduction
« Pitié, Votre Seigneurie ! Je ne suis qu’un messager… »
La Comtesse regardait froidement le prêtre agenouillé devant elle. Le goût du sang montait lentement dans sa gorge… L’envie de se repaître de ce misérable mortel était plus forte encore que sa colère.
Comment ? Comment osait-il se présenter devant elle, lui, le bras droit, le presque frère de celui qu’elle abhorrait au-delà de tout…
Quelle impudence de lui demander audience !
Elle luttait contre la soif qui la tenaillait, contre cet irrésistible désir de boire à la gorge de ce vermisseau, jusqu’à le laisser pantelant, livide et desséché.
« Je t’accorde une minute. Une seule ! Ne la gâche pas ! C’est peut-être la dernière de ton existence ! »
Amaryllion se releva lentement, essuyant d’un revers de main la terre sèche sur les plis de sa houppelande.
Son visage n’exprimait plus aucune crainte et déjà lui revenait ce demi-sourire qui ne le quittait jamais.
En venant ici, il savait d’avance comment ça devait se passer : Lulyane l’abattrait sans aucune hésitation en le voyant ou bien…
Ou bien, elle hésiterait, accepterait de l’écouter et alors, ce serait déjà gagné.
« Mon maître m’envoie à vous, Madame, avec le seul souhait de faire cesser une querelle qui n’a que trop durée. Vos razzias sur ses terres ne peuvent plus continuer. Le peuple est terrorisé. Chaque nuit vous apparaissez pour emporter les plus jeunes de nos sujets. Vous étranglez la Burgondie. Bientôt, nous n’aurons plus assez de bras pour subvenir à nos besoins. Vous nous laissez exsangues… »
- Exsangues ? Quel doux mot ! Figure-toi que c’est justement mon plaisir et ma condition que de sucer le sang des hommes. Et j’ai décidé de boire jusqu’à la dernière goutte le sang de toute la Burgondie. »
- Nous nous sommes connus, dame Lulyane. Nous avons été des amis. Cela n’a-t’il plus de sens à vos yeux ? »
- Plus aucun ! J’aurais pu pardonner… A toi ou à ton maître… Avant… Avant l’abomination qu’a perpétrée ton cher Seigneur. Depuis ce jour, j’ai juré que je ne laisserais aucun répit à ce… Monstre ! »
- Carolus Magnus n’est pas un monstre ! Et vous le savez mieux que quiconque ! C’est un homme droit et loyal, un homme juste et bon. »
- Avec ses semblables, peut-être ! Mais pour nous… Pour nous les serviteurs de l’Ombre, il n’est qu’une brute qu’il faut détruire ! »
- Voici ce que le Seigneur Magnus vous propose :disparaissez de ses terres et il vous laissera vivre en paix, ne cherchera jamais à vous retrouver… Si vous refusez, il n’aura d’autre choix que de vous traquer et de vous anéantir à tout jamais. Vous ne pourrez pas résister longtemps, vous le savez. Nos troupes sont nombreuses et bien entraînées. Magnus est un chevalier. Cet accord me paraît acceptable. »
Lulyane ne répondit pas.
Sa colère semblait retombée. Elle s’abandonnait maintenant à un étrange sentiment, qu’elle pensait avoir oublié, qu’elle pensait ne plus jamais connaître. Ses yeux s’emplirent d’une tristesse qui paraissait insondable.
Sans un mot, elle quitta la pièce, laissant Amaryllion éberlué. Que dirait-il à son Seigneur ? Avait-elle refusé ou avait-elle accepté ?
La porte s’ouvrit et le prêtre reconnut alors dans la femme qui venait d’entrer Elune, la propre sœur de la Comtesse.
Il s’avança à sa rencontre et comme le parfait gentilhomme qu’il est, se courba dans une révérence pleine de respect.
- Heureuse de te revoir, Amaryllion. »
- Douce et chère Elune… Que de mois ont passé depuis notre… Depuis que nous… »
- Avons couché ensemble ? Tellement de choses ont changé, mon ami. Tellement de choses… Je crois que tu peux aller dire à Carolus que ma sœur a accepté sa proposition. »
- Comment ? Si vite ? Elle qui paraissait résolue à détruire toute la Seigneurie. Pourquoi un revirement si soudain ? »
- Te revoir a éveillé en elle tant de souvenirs… Sa décision de disparaître n’a qu’une seule explication, et qui tient en un mot : l’amour ! »
- Un vampire est-il capable d’amour ? »
- Elle n’a pas toujours été un vampire, tu le sais bien. Et un amour comme celui qu’elle a vécu avec Carolus ne s’efface jamais. Il est son plus grand amour et sa plus grande haine. Il est tout ce qui la rend telle qu’elle est. Il est un bonheur à jamais perdu, une plaie à jamais ouverte, une souffrance sans cesse renouvelée… Peut-être désormais ne souhaite-t-elle que l’oublier. En tout cas, je peux t’assurer que tu n’entendras plus parler d’elle. Elle est partie et moi-même, je serais bien incapable de te dire où elle a choisi de se réfugier. »
Amaryllion retourna auprès de son maître pour lui annoncer que la Burgondie n’aurait plus à craindre les raids de Lulyane, que probablement elle avait quitté Vénopole.
Carolus Magnus écouta le rapport de son adjoint sans sourciller puis, quand le prêtre fut parti, quand il se retrouva seul, il se laissa lourdement tomber au sol, comme assommé par cette nouvelle.
Lulyane était partie… Il ne la reverrait plus jamais…
Alors, il se mit à pleurer.
Dernière édition par Lulyane le Mar 27 Avr 2010 - 17:42, édité 4 fois