Le Monde de Kalamaï
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Introduction


« Pitié, Votre Seigneurie ! Je ne suis qu’un
messager… »

La Comtesse regardait froidement le prêtre agenouillé devant elle. Le goût du sang montait lentement dans sa gorge… L’envie de se repaître de ce misérable mortel était plus forte encore que sa colère.

Comment ? Comment osait-il se présenter devant elle, lui, le bras droit, le presque frère de celui qu’elle abhorrait au-delà de tout…
Quelle impudence de lui demander audience !

Elle luttait contre la soif qui la tenaillait, contre cet irrésistible désir de boire à la gorge de ce vermisseau, jusqu’à le laisser pantelant, livide et desséché.

« Je t’accorde une minute. Une seule ! Ne la gâche pas ! C’est peut-être la dernière de ton existence ! »

Amaryllion se releva lentement, essuyant d’un revers de main la terre sèche sur les plis de sa houppelande.
Son visage n’exprimait plus aucune crainte et déjà lui revenait ce demi-sourire qui ne le quittait jamais.
En venant ici, il savait d’avance comment ça devait se passer : Lulyane l’abattrait sans aucune hésitation en le voyant ou bien…
Ou bien, elle hésiterait, accepterait de l’écouter et alors, ce serait déjà gagné.

« Mon maître m’envoie à vous, Madame, avec le seul souhait de faire cesser une querelle qui n’a que trop durée. Vos razzias sur ses terres ne peuvent plus continuer. Le peuple est terrorisé. Chaque nuit vous apparaissez pour emporter les plus jeunes de nos sujets. Vous étranglez la Burgondie. Bientôt, nous n’aurons plus assez de bras pour subvenir à nos besoins. Vous nous laissez exsangues… »

- Exsangues ? Quel doux mot ! Figure-toi que c’est justement mon plaisir et ma condition que de sucer le sang des hommes. Et j’ai décidé de boire jusqu’à la dernière goutte le sang de toute la Burgondie. »

- Nous nous sommes connus, dame Lulyane. Nous avons été des amis. Cela n’a-t’il plus de sens à vos yeux ? »

- Plus aucun ! J’aurais pu pardonner… A toi ou à ton maître… Avant… Avant l’abomination qu’a perpétrée ton cher Seigneur. Depuis ce jour, j’ai juré que je ne laisserais aucun répit à ce… Monstre ! »

- Carolus Magnus n’est pas un monstre ! Et vous le savez mieux que quiconque ! C’est un homme droit et loyal, un homme juste et bon. »

- Avec ses semblables, peut-être ! Mais pour nous… Pour nous les serviteurs de l’Ombre, il n’est qu’une brute qu’il faut détruire ! »

- Voici ce que le Seigneur Magnus vous propose :disparaissez de ses terres et il vous laissera vivre en paix, ne cherchera jamais à vous retrouver… Si vous refusez, il n’aura d’autre choix que de vous traquer et de vous anéantir à tout jamais. Vous ne pourrez pas résister longtemps, vous le savez. Nos troupes sont nombreuses et bien entraînées. Magnus est un chevalier. Cet accord me paraît acceptable. »

Lulyane ne répondit pas.
Sa colère semblait retombée. Elle s’abandonnait maintenant à un étrange sentiment, qu’elle pensait avoir oublié, qu’elle pensait ne plus jamais connaître. Ses yeux s’emplirent d’une tristesse qui paraissait insondable.

Sans un mot, elle quitta la pièce, laissant Amaryllion éberlué. Que dirait-il à son Seigneur ? Avait-elle refusé ou avait-elle accepté ?

La porte s’ouvrit et le prêtre reconnut alors dans la femme qui venait d’entrer Elune, la propre sœur de la Comtesse.
Il s’avança à sa rencontre et comme le parfait gentilhomme qu’il est, se courba dans une révérence pleine de respect.

- Heureuse de te revoir, Amaryllion. »

- Douce et chère Elune… Que de mois ont passé depuis notre… Depuis que nous… »

- Avons couché ensemble ? Tellement de choses ont changé, mon ami. Tellement de choses… Je crois que tu peux aller dire à Carolus que ma sœur a accepté sa proposition. »

- Comment ? Si vite ? Elle qui paraissait résolue à détruire toute la Seigneurie. Pourquoi un revirement si soudain ? »

- Te revoir a éveillé en elle tant de souvenirs… Sa décision de disparaître n’a qu’une seule explication, et qui tient en un mot : l’amour ! »

- Un vampire est-il capable d’amour ? »

- Elle n’a pas toujours été un vampire, tu le sais bien. Et un amour comme celui qu’elle a vécu avec Carolus ne s’efface jamais. Il est son plus grand amour et sa plus grande haine. Il est tout ce qui la rend telle qu’elle est. Il est un bonheur à jamais perdu, une plaie à jamais ouverte, une souffrance sans cesse renouvelée… Peut-être désormais ne souhaite-t-elle que l’oublier. En tout cas, je peux t’assurer que tu n’entendras plus parler d’elle. Elle est partie et moi-même, je serais bien incapable de te dire où elle a choisi de se réfugier. »

Amaryllion retourna auprès de son maître pour lui annoncer que la Burgondie n’aurait plus à craindre les raids de Lulyane, que probablement elle avait quitté Vénopole.

Carolus Magnus écouta le rapport de son adjoint sans sourciller puis, quand le prêtre fut parti, quand il se retrouva seul, il se laissa lourdement tomber au sol, comme assommé par cette nouvelle.

Lulyane était partie… Il ne la reverrait plus jamais…

Alors, il se mit à pleurer.


Dernière édition par Lulyane le Mar 27 Avr 2010 - 17:42, édité 4 fois

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Chapitre 1
Carolus Magnus

Lorsque Carolus est né, il provoqua la mort en couches de sa mère.
Ce fut la première tragédie de son existence. Ce ne sera pas la dernière…

Il fut élevé de manière spartiate par son père, Lodovicus Magnus, guerrier rude et brutal, sous-officier de l’armée d’un Seigneur d’Outre-Mer.

Enfant tendre et doux, au cœur pur, il manqua cruellement de l’amour et de la douceur d’une mère.
Son penchant naturel le poussait à l’étude. Il rêvait de devenir un barde ou un prêtre.

« Aucun Magnus n’a jamais ouvert un livre ! Ce n’est pas aujourd’hui que cela commencera ! Tu seras un guerrier, comme moi ! Comme mon père avant moi, et comme son père avant lui ! » tonnait Lodovicus.

Et pendant des heures, il entraînait son fils au métier des armes. Il lui enseignait la lutte, le combat à l’épée, esquives, parades, bottes secrètes… Il lui transmettait tout son art de la guerre.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’enfant était doué.
Bon sang ne saurait mentir !
Tous ses ancêtres s’étaient illustrés comme de fiers combattants, et il avait reçu leur talent en héritage.

Pourtant, il n’en avait pas le goût, et dès que son père relâchait quelque peu l’étouffante pression, il fonçait en cachette dans les allées sombres de la bibliothèque de sa cité.
Il s’abandonnait pendant des heures à la lecture d’ouvrages divers. Tout l’intéressait !
La littérature, l’écriture, l’arithmétique, l’histoire…
Il avait une soif inextinguible de culture !
Et surtout la chance d’avoir rencontré un lettré, un prêtre nommé Amaryllion, qui lui avait appris à lire et à écrire.

Pendant plusieurs années, en cachette de son père, il retrouva Amaryllion pour poursuivre son enseignement.
Puis, il fut assez grand pour courir les tavernes, et il devint ami d’un barde dont les récits, les mythes et les contes l’enchantaient.
Bel adolescent, à la figure aimable et souriante, il s’attirait les amitiés. Et bientôt, avec l’aide d’Amaryllion et du barde, il devint un bon orateur.
C’est alors que le Seigneur de son père le remarqua et décida de lui offrir sa protection, en l’emmenant à sa cour.

Lodovicus était furieux !
Non seulement il comprît que son fils lui avait menti pendant des années, mais voilà que son Seigneur s’était entiché de lui, en avait fait un de ses favoris, lui faisait enseigner par tous les érudits de son entourage.

Lui-même, simple sous-officier, croisait tous les jours son fils dans les couloirs du palais ou aux pieds des hautes murailles et devait parfois s’abaisser à s’incliner devant lui, lorsqu’il était en compagnie de son Seigneur.

Il sollicita alors une entrevue et l’obtint :
« Je devrais m’honorer, Messire, que vous traitiez mon fils comme le vôtre, mais pourtant, je vous prie de considérer ma demande. Les Magnus ont toujours été des combattants, ils vous ont toujours servi, vous et vos pères, et depuis des générations… Carolus, à vos côtés, n’apprend que des choses érudites, et cela ramollit sa volonté. Acceptez, Messire, que j’en fasse le guerrier dont j’ai rêvé ! »

Le Seigneur acquiesça à sa demande. Il fit entraîner Carolus par son propre maître d’armes, mais continua pourtant à le former aux arcanes de la politique. A ses côtés, le jeune homme s’abîma dans la vénération de Sorenssen, l’Honneur Divin.

Les rumeurs s’étendaient… Lui-même sans enfant, le Seigneur, on n’en doutait pas, avait choisi Carolus pour lui succéder un jour.

Devant l’écurie du palais, tandis qu’il dessellait son cheval, de retour d’une mission de surveillance sur les abords de la Seigneurie, Lodovicus surprit un jour son fils en plein entraînement avec son Maître d’armes.

Rongé par la jalousie, Lodovicus défia son fils :
« Voyons, jeune paltoquet, si tu as vraiment mieux appris qu’avec moi. Montre-moi ce dont tu es capable ! »

Et Carolus démontra tous ses talents.
Oui, le Maître d’armes du Seigneur l’avait fait progressé. Il avait très nettement le dessus sur son père, pourtant homme d’expérience. Grisé par la certitude de sa victoire, Carolus ne maîtrisa ni ses gestes, ni sa fougue et d’un assaut trop appuyé, il transperça le corps de son père.

Lodovicus s’écroula dans la poussière, le souffle court, encore vivant, pour si peu de temps…

Il regarda son fils, l’œil mouillé, ému peut-être pour la première fois de sa vie :
« Quelle sorte d’homme es-tu devenu ? »

Le jeune homme souleva le corps de son père dans ses bras et couru, éperdu, à la recherche d’un secours. Mais il ne se passa que quelques instants avant qu’il ne sente un dernier soupir chaud sur le dos de sa main. Puis, les lèvres de son père devinrent froides.
Il était mort !

Carolus, l’enfant doux et tendre, était devenu le double assassin involontaire de ses parents. Lui qui n’aspirait qu’à une vie de paix et de connaissance était responsable de l’anéantissement de sa famille.

« Merci Messire pour tout ce que vous avez fait. »
dit-il à son Seigneur. « Je ne puis rester sur ces terres, trop de malheurs m’y sont arrivés. Je vais vous quitter pour de lointaines contrées où je vais devoir reconstruire ma vie. Et trouver peut-être la paix dans mon âme… »

« Je possède quelques lopins de terre dont je n’ai que faire, et une poignée de serfs, laissés à leur propre sort. Laisse-moi te les confier ! Je t’ai appris à gérer un fief, et tu seras sans nul doute un bon dirigeant pour eux. »

Au cours d’une cérémonie solennelle, le Seigneur l’adouba et lui fit don de ses lointaines possessions sur le continent.

« Ton père voulait faire de toi un combattant. Tu seras parmi les plus preux et les plus honorables : un Chevalier ! »

C’est ainsi que le jeune homme, torturé dans son esprit, dans son cœur et dans son âme, voyagea jusqu’au nord de la province de Naxopole, et s’installa sur les premiers contreforts des montagnes dans son nouveau domaine.

Il devint Carolus Magnus, Seigneur de Burgondie.

Mais ce n’était pas la fin de son histoire, et il ne savait pas encore que d’autres drames l’attendaient, qui lui apporteraient à nouveau le malheur…

Dernière édition par Lulyane le Ven 23 Avr 2010 - 19:08, édité 1 fois

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Chapitre 2
L'installation

« Bien sûr, j’ai suivi mon ami, qui est devenu mon Seigneur.

J’étais pour lui sa seule famille et si, de mon côté, je jouissais de l’amour de quelques proches, un attachement particulier m’était né pour lui, que j’avais vu grandir.

Nous sommes arrivés ensemble sur une terre à l’abandon. Les quelques centaines de villageois qui vivaient ici se montraient incapables de toute organisation et tout semblait à faire.

Il faudrait développer la production, le commerce, tâcher de bâtir un village, qui deviendrait une ville, et pourquoi pas un jour, une florissante cité.
Il faudrait installer des infrastructures : des routes pour assurer le transport, des ports pour recevoir par les fleuves les denrées des contrées voisines, des entrepôts pour amasser nos surplus, quand il y en aura…
Il faudrait construire une forteresse solide aussi, pour abriter tout ces gens des pillages et des rapines.

Kalamaï n’est pas sûre, c’est un euphémisme !

Nous avons été reçus comme des sauveurs, et noyés sous les victuailles et les boissons. Tout le peuple de Burgondie s’était réuni, tous avait rassemblé leurs pauvres richesses pour les déposer aux pieds du Seigneur Magnus.
C’est alors que mon Maître prît la parole :


« Peuple de Burgondie,
Je ne suis pas venu pour vous oppresser mais bien au contraire pour vous libérer. Vous libérer de la peur, de l’insécurité, de la misère…
Ensemble, nous allons faire prospérer cette terre, nous la défendrons avec une volonté sans faille contre les envahisseurs, contre les forces du mal, contre les serviteurs du chaos.
Nous en ferons une contrée riche, brillante et admirée.
Tout Kalamaï sera ébloui par notre réussite.
Sorenssen est notre maître et notre guide. Je gouvernerai dans le respect de son enseignement.
L’Honneur seul sera notre souverain ! »


Il fut acclamé, porté en triomphe et bientôt, toutes les forces vives de son petit domaine se mirent au travail, défrichant des terres nouvelles, faisant surgir d’une terre asséchée des bâtiments de plus en plus solides, de plus en plus splendides.

Il se passa peu de mois avant que, surgissant de forêts alentours, descendant des montagnes voisines, arrivant à pied ou en barques, des hommes libres de tous les environs, galvanisés par la venue d’un chef, viennent nous rejoindre, ajoutant leurs efforts aux nôtres.

Notre population augmentait, notre opulence s’installait. Les débuts de mon Seigneur étaient brillants.

Il paraissait avoir enfin trouvé la paix de l’âme qu’il appelait de tous ses vœux. Il semblait qu’il avait chassé les démons qui le tourmentaient. L’éternel conflit moral qui le rongeait, lui, l’homme pur qui se voulait tout entier voué à l’honneur et qui était pourtant un assassin, un parricide, semblait s’être éteint.

Quelques instants magiques l’attendaient encore, où il serait enfin heureux. Heureux comme il ne l’avait jamais été, et comme il ne le sera plus.
Après ces moments dignes du paradis, il ne connaîtra plus que l’enfer...

L’enfer infini, inextinguible qui rongera son cœur de l’intérieur...»


Amaryllion,
Chroniqueur Officiel de la Cour de Burgondie.


Dernière édition par Lulyane le Sam 24 Avr 2010 - 3:37, édité 1 fois

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Chapitre 3
La rencontre

« Viens, Lulyane. Viens vite ! Dépêche-toi ! »


Là-bas, à l’autre bout du village, tous les habitants se massaient, lançant des cris de liesse.
Lulyane sortit de la maison d’un pas lent, la mine renfrognée. La jeune fille ne voyait pas quel évènement pourrait l’inciter à se précipiter. Après tout, il ne se passait jamais rien dans ce village…

Elune, surexcitée, saisit sa sœur par le bras et l’entraîna vivement vers le lieu où tous s’étaient réunis.

- C’est notre nouveau Seigneur ! Il parcourt ses terres pour rencontrer la population… Toi qui rêve depuis toujours de quitter ce village. C’est l’occasion pour toi de te faire remarquer…»

- Me faire remarquer ? ricana Lulyane. Ma pauvre sœur, pourquoi veux-tu que le Seigneur me remarque. Je ne suis qu’une paysanne parmi tant d’autres… »

- Bien sûr que non ! Et tu le sais très bien. Tu es sûrement la plus belle paysanne de tout Vénopole. Séduis-le ! Qu’il t’emmène vivre à sa cour… »

- J’espère que tu plaisantes, Elune ? Même pour vivre à la cour, il n’est pas question que je vende mon âme. »

- Naïve petite sœur ! Ce n’est pas ton âme que je te demande de vendre. »

C’est pourtant vrai qu’elle était belle, la jeune Lulyane. Des yeux d’un noir profond derrière un nez fin et long, un visage plein de douceur à la peau bronzée, des cheveux noirs qui tombaient nonchalamment sur ses épaules…

Et c’est tout aussi vrai qu’elle était naïve.
Jamais elle n’avait été capable de voir le désir et la passion qu’elle suscitait chez les hommes, comme si la séduction lui était étrangère. Et c’est justement cette distance, cette retenue qui rendaient son charme indéfinissable, sa sensualité imparable…

Carolus Magnus, monté sur un élégant coursier, venait d’entrer dans le village, accompagné de son fidèle intendant Amaryllion.
Les deux jeunes paysannes en restèrent bouches bées…

Lulyane ressentit un frisson tout au long de son échine, comme un léger picotement qui montait du creux de ses reins. Elle tremblait, ses jambes ne la soutenaient plus, son cœur battait plus fort.
Dieu qu’il était beau ce jeune seigneur ! Tout à fait à son goût, tel le prince charmant dont rêve toutes les petites filles, dont elle a rêvé elle-même, sans oser imaginer un jour qu’elle le rencontrerait.
Et voilà qu’il se tenait devant elle, fringant, séduisant et noble…

L’air égrillard, Elune se pencha à son oreille :

- Pas mal, le chevalier ! Mais je dois avouer que j’ai un penchant pour le prêtre ! »

- Normal ! sourit Lulyane. Tu es une garce ! »

- Quoi ! Il n’est pas tout jeune, je te l’accorde, mais les hommes d’expérience ont du bon. Et puis, il est prêtre de Sorenssen. Il n’a pas fait vœu de chasteté… »

Le plan d’Elune avait fonctionné au-delà de toute espérance car, quand Carolus Magnus aperçut la jeune Lulyane, il ne put en détacher son regard. Il mit pied à terre et s’avança lentement vers elle.

- Belle enfant, il me semble que la terre vient de s’ouvrir sous moi… Jamais il ne m’a été donné de voir une pareille beauté. Je dépose mon cœur à vos pieds, avec l’espérance que vous le ramasserez quand il vous plaira. »

Lulyane frémissait. Elle ouvrit la bouche, bafouillant, la gorge sèche, cherchant ses mots qui ne venaient pas.

- Vous me flattez, Seigneur…

- Je donne ce soir un grand banquet pour fêter mon avènement. Faites-moi l’honneur d’y être présente. »

- Seigneur… Je… Je ne suis qu’une paysanne… Je ne suis pas digne de festoyer en votre compagnie… »

Agacée par les tergiversations de sa sœur, Elune bourrait son flanc de grands coups de coudes. Carolus l’aperçut et s’en amusa.

- Un tel écrin ne saurait abriter qu’une grande âme… La naissance n’est rien, et ce n’est pas elle qui donne la noblesse. Croyez-moi, douce enfant, vous aurez toute votre place à ma table. Et peut-être plus encore ! »

Elune fit une profonde révérence devant Carolus.

-Elle accepte, Messire ! Ce soir, nous serons là toutes les deux. »

Quand le jeune seigneur remonta sur son cheval, ce fut sans cesser de la regarder. Lulyane, elle non plus, ne pouvait le quitter des yeux.

Les deux hommes s’éloignèrent, Carolus toujours tourné vers elle, les yeux rivés sur son doux visage, jusqu’à la limite des bois où ils disparurent.

Il n’avait même pas pensé à lui demander son nom.
Quelle importance ? Puisqu’il savait qu’ils étaient promis l’un à l’autre.

Parce que c’était lui.

Parce que c’était elle.

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Chapitre 4
Les temps du bonheur

« C’est peu de dire que les mois qui suivirent furent des mois d’insouciance et de bonheur.
Tous les deux, main dans la main, Carolus et Lulyane inauguraient leur règne sur la Burgondie.

En même temps que sa passion pour son jeune soupirant, Lulyane s’était découvert un don et un goût prononcés pour les affaires de sa contrée. Sa culture de base de jeune paysanne s’était considérablement élargie pour faire d’elle une gouvernante avisée.

Carolus était érudit et avait su lui transmettre l’envie d’apprendre. Elle le secondait efficacement dans la gestion de sa Seigneurie.

Bien souvent, elle faisait appel à moi pour lui inculquer quelques rudiments de mathématiques, de littérature,… A mon contact, elle devint subitement pieuse, mais à mon grand étonnement, ce n’était pas à Sorenssen qu’elle destinait ses dévotions, mais à la divinité de la Pensée. Quelle curieuse lubie ? Qui aujourd’hui vénérait Nimburr ?

De mon côté, j’avais trouvé la joie d’une couche chaude et accueillante auprès de la sœur de Lulyane, son aînée Elune.

Ce fut pour nous quatre les moments les plus joyeux de nos existences.

Puis, la vie nous rattrapa.

Une nuit sombre… La plus sombre de toutes les nuits, où la lune semblait éteinte, où le mal avait étendu son manteau de noirceur pour couvrir la profondeur de la forêt qui entourait le palais.

Dans ce néant, dans cette absence de lumière, dans ce silence absolu, la tragédie se joua, qui restait invisible…

Lulyane avait crié pourtant.

Mais ses hurlements s’étaient perdus dans le vide des ténèbres… Ils n’arrivèrent pas jusqu’au palais où Carolus, inquiet et angoissé, attendait sa bien-aimée.

Il ne devina même pas qu’il aurait pu voler à son secours, empêchant ainsi tout ce qui arriva d’arriver.

Cette nuit fut la première du reste de leur vie. »

Amaryllion,
Chroniqueur Officiel de la Cour de Burgondie.

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Chapitre 5
La souillure

L’obscurité était profonde, on n’y voyait pas à deux pas. Le ciel lourd et bas, rempli d’épais nuages, ne laissait filtrer aucune lumière de la lune, pourtant pleine ce soir-là.

A la seule lueur de sa torche, Lulyane rentrait au palais. L’une des vaches de son père vêlait cette nuit, et bien qu’elle soit devenue la femme d’un Seigneur, elle avait tenu à assister à la mise bas. Un attachement idiot peut-être à tous ces animaux qu’elle avait vu naître et grandir.

Néanmoins, la chose avait duré plus longtemps qu’elle ne le pensait et il lui fallait rentrer maintenant. Carolus devait s’inquiéter.

Elle marchait d’un pas rapide sous le couvert des arbres, dans l’épaisse forêt qui entourait les abords du château, quand elle perçut un craquement dans le noir.
Elle s’arrêta net, comme on fait toujours dans ces cas-là, pour prêter l’oreille avec plus d’attention.

-Mais c’est la petite dame de not’seigneur… Qu’est-ce qu’elle fait toute seule à cette heure-là ?

La voix avait résonné juste derrière elle. L’homme s’était approché, presque à la toucher sans qu’elle s’en soit rendue compte.

- On peut dire qu’y s’embête pas, not’seigneur ! T’es plutôt bien roulée…

Lulyane sentit immédiatement le danger. L’homme puait l’alcool à plein nez, son œil lourd parcourait toutes les courbes de son corps.
D’un geste sec, il déchira sa robe.

-Fais voir ce qu’il y a là-dessous !

Elle poussa un cri, bien inutile, c’est vrai, mais il sortit de sa gorge comme un réflexe. Elle recula légèrement, la peur au ventre. Derrière elle se tenait un autre homme, puis un autre, et encore un troisième…

Faisant tournoyer sa torche, elle s’aperçut qu’elle était encerclée par une dizaine de brutes avinées, des brigands sans doute.

Libidineux, leurs yeux la détaillaient avec avidité. Elle sentait le poids de leurs regards comme de multiples attouchements. Elle voulut courir mais une main ferme la retenait. Le cercle s’était refermé sur elle, les hommes la serraient de près.

Leurs mains couraient sur toute sa peau, ils finissaient d’arracher les lambeaux de sa robe, elle était nue, offerte en pâture à leurs appétits salaces.

-Laissez-moi ! hurla-t-elle dans un sanglot.

Puis, il y eut un coup. Le premier ! Comme un choc sourd dans sa mâchoire. Il lui sembla que ses dents s’enfonçaient dans sa joue. Puis un autre, et des coups de pieds… Ils la frappaient tous en même temps.

Bientôt, l’un d’entre eux la jeta à terre, et descendit son pantalon en riant.

-Allons, hardis compagnons. Il y en aura pour tout le monde. Faites la queue et chacun son tour.

Elle hurla quand il se coucha sur elle. Elle hurla plus fort encore quand il entra en elle. Elle fut déchirée.

Elle cria et sanglota tout le long, avec chacun d’eux, avec les dix hommes qui se la partagèrent.

Et tout le long, ils ne cessèrent de la frapper en riant.

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Chapitre 6
Le don de la nuit


« Ce que je sais du reste de cette nuit, c’est Lulyane qui me l’a raconté.

Les dix hommes avaient accompli leur besogne, certains mettant du cœur à l’ouvrage et se resservant, pas encore rassasiés.
Puis, elle n’entendit plus que le silence.

Plus aucun corps ne pesait sur elle, plus aucun coup ne la martyrisait dans sa chair… Plus que le silence et le calme. Elle avait enfin cessé de hurler, mais gémissait encore, lentement, dans la plainte presque inaudible mais déchirante d’un petit animal blessé.

Elle était couverte de sang… Une douleur vive et insoutenable déchirait son ventre, lui faisant presque oublier les autres souffrances qu’elle endurait, partout sur son corps en miettes.

Ce silence qui s’était abattu soudain, elle crut que c’était la mort qui venait… Elle n’imaginait pas qu’au contraire, c’était sa seule chance, l’unique, la dernière pour qu’elle n’expire pas.

On dit que les vampires, certains d’entre eux, sont capables de gestes très rapides, que l’œil de l’homme n’a pas le temps de l’apercevoir. J’ignore si c’est une légende. Peut-être simplement que, dans le traumatisme qu’elle vivait, Lulyane n’avait pas perçu ce qui se passait autour d’elle. Toujours est-il qu’elle restait étonnée de cette paix soudaine.

Incapable de se mouvoir, elle essayait péniblement de redresser la tête. Les orbites de ses yeux étaient gonflées, ses arcades avaient éclatées et laissaient couler des flots de sang. Un homme était penché sur elle. Un homme étrange, à la peau claire, presque translucide, aux yeux d’un bleu irréel, transparent et profond à la fois.

- Ne bouge pas ! lui susurra-t-il avec une voix rassurante. Tout va bien se passer maintenant ! Généralement, je me refuse à faire ce que je vais faire… Mais je n’ai pas le choix… Sinon, tu mourras bientôt. J’ai juste besoin de ton accord. Veux-tu mourir ou non ?

Sa bouche était en feu, il lui semblait que toutes ses dents avaient éclatées, sa langue pesait deux fois plus qu’à l’ordinaire et emplissait toute sa bouche. Elle articula maladroitement :

-Non ! Je… veux… Vi…vre !

- Ce que je t’offre n’est pas la vie… C’est bien plus que cela : la non-mort, le don de la nuit ! Tu oublieras tout ce qui te semble naturel, comme marcher, bouger… Tu apprendras une autre façon de te déplacer, d’entendre, de voir. Je t’offre une perception différente des choses, des sens nouveaux, des instincts qui te sont inconnus… Le veux-tu vraiment ?

-Oui… Sau… Sauve… moi…

Il se pencha sur son cou et elle ressentit à ce moment une douleur plus intense encore que toutes celles qu’elle avait endurées cette nuit. Puis, plus rien. Ou plutôt, bien au contraire, un immense sentiment d’apaisement. Elle sentait sa vie s’écouler lentement, la fuir avec sérénité. Tout son être se vidait peu à peu de sa substance, sa conscience devenait légère comme la brume, elle voulait s’assoupir, dans la quiétude retrouvée.

L’inconnu relâcha alors son étreinte et déposa sa tête sur le sol. De ses dents acérées, il entailla une veine de son poignet et porta à la bouche de la jeune fille la plaie ouverte.

Elle eut d’abord un mouvement de répulsion, mécanique, puis se laissa faire.

Elle but, à toutes petites gorgées, et c’est comme si la vie revenait en elle… Elle en voulait encore et but, cette fois à gros bouillon, à cette fontaine de vie. La fringale la saisit soudain, elle ne voulait plus s’arrêter de boire. Comme c’était bon… Le goût, la sensation l’enivraient… Encore ! Encore ! Encore !

Le vampire retira vivement son bras, avec un sourire.

Elle fut secouée d’un spasme, ses doigts se crispaient, ses membres se tétanisaient. Et elle retomba, morte !

Une mort qui dura bien peu de temps à vrai dire. Quelques instants plus tard, elle ouvrait à nouveau les yeux sur un monde qui avait changé, qui n’avait plus rien de commun avec celui qu’elle connaissait. Les odeurs lui parvenaient, multiples et entêtantes, comme si elle percevait tous les arômes de la forêt, du moindre parfum de fleur à l’exhalaison fauve des animaux, de la moindre senteur de mousse à la fragrance intense de la sève des arbres…

La nuit non plus n’était plus tout à fait la nuit. Elle en voyait les couleurs invisibles, là où tout à l’heure, elle ne distinguait que le noir. Elle discernait chaque arbre, chaque pierre par un halo qui les rendait lumineux, comme si chaque chose irradiait de sa propre lumière pour interdire à tout jamais l’obscurité à son regard.

Elle se releva et n’éprouvait plus aucun mal. Elle tâtait ses membres qui s’étaient comme réparés, observa son corps encore rougi qui peu à peu prenait une teinte matte, tout en laissant deviner ses veines sous sa peau.

Autour d’elle, les cadavres de ses dix bourreaux s’éparpillaient, atrocement mutilés, hachés et tailladés.


Elle n’en conçut aucune peine et au contraire, un sentiment de plénitude et de satisfaction l’envahit. Elle était en vie et ses tortionnaires avaient payé. Chèrement mais à ses yeux pas encore assez. S’ils n’étaient en lambeaux, elle aurait voulu s’acharner sur leurs cadavres hideux.

-C’est vous qui avez fait ça ? dit-elle en s’adressant à l’inconnu.

-Disons que vous avez eu la chance que je passe par là.

- Je vous dois la vie et la vengeance ! Comment pourrais-je m’acquitter de cette dette ?

- Vous me devez bien plus que ça. Mais il n’y a rien à acquitter. Ce que je vous ai offert est un don précieux qui a ses revers. J’avais juré de ne plus commettre le crime de le transmettre. Rien ne me dit que vous n’en souffrirez pas. Un jour, sans doute, vous me maudirez et vous souhaiterez que tout cela ne soit jamais arrivé, vous regretterez que je ne vous aie pas laissé mourir.

-Qui êtes-vous ?

- Un vampire, comme vous l’avez compris. Comme vous maintenant ! Je viens de la Tour Opaline, un bâtiment que j’ai fait construire dans les montagnes du nord, loin du tumulte des hommes. Et j’y retourne car c’est le seul endroit au monde où je me sente bien. Si un jour vous en prend l’envie, venez m’y rejoindre. Mais prenez garde, elle est gardée par un géant de mes amis, fort peu enclin à la discussion.

Sans un mot de plus, il se retira. Si elle avait été humaine, Lulyane aurait cru le voir disparaître, mais dans sa nouvelle condition, elle perçut chacun de ses gestes, bien qu’ils furent très rapides, et elle le regarda partir, pleine de gratitude pour son sauveur inconnu.

Quand elle revint au château, et qu’elle nous raconta toute son histoire, Carolus entra dans une rage démesurée. On avait souillé la femme de son cœur, on en avait fait une presque bête… Son âme criait vengeance, il lui fallait passer sa rage…

Mon Seigneur s’élança dans la cour du palais, hurla des ordres à la cantonade, fou de rage. Plusieurs cavaliers se précipitèrent à sa suite, ils enfourchèrent leurs chevaux et partirent au grand galop.

Mon maître fut de retour trois jours plus tard. A sa mine et à la façon ardente dont il mit pied à terre, je compris que sa fureur n’était pas calmée. Il traversa la cour d’un pas alerte, portant à la main un petit baluchon au contenu mystérieux, et gravit l’escalier comme un damné.

La porte de la chambre où Lulyane l’attendait impatiemment claqua contre le mur en s’ouvrant. Le regard de Magnus était dur et inflexible.

- Ton honneur est retrouvé, dit-il en posant son ballot sur une table.

Lulyane déplia doucement le morceau de tissu pour découvrir, effarée, ce qu’il contenait : la tête coupée du vampire. Abasourdie, elle manqua de s’évanouir.

- Mais… C’est lui qui m’a sauvée, mon aimé… Comment as-tu pu… ?


- C’était un vampire ! Un être malfaisant, comme ils le sont tous. Il ne t’a pas sauvée, Lulyane. Il a fait de toi une bête, une créature du mal… Il aurait mieux valu qu’il te laisse mourir. Comment puis-je vivre à tes côtés maintenant ? Tu as été souillée par ces hommes, et avilie par celui-ci. Tu n’es plus celle que j’ai aimée. Tu es devenue une inconnue, une tueuse d’humains… J’ai voué toute ma vie à lutter contre les suppôts des enfers, contre les serviteurs du chaos. Je ne peux plus te garder auprès de moi. Demain, tu quitteras ce château et tu n’y reviendras plus jamais.

Tout s’écroulait autour d’elle, les murs tremblaient, le sol s’affaissait. Son amour, le seul amour de sa vie la chassait. Il avait été incapable de la protéger, il avait osé abattre son bienfaiteur et maintenant, il la chassait…

Son regard se voila, alors. Son visage devint dur et elle perdit en un instant toute la candeur, toute la douceur de sa vie d’humaine. Je crois que c’est à cette minute que la transformation s’est achevée complètement, qu’elle est entièrement devenue vampire.

Le lendemain, j’accompagnais Lulyane jusqu’à l’entrée du palais. Je lui avais fait donner un cheval, quelques bagages et une bourse pleine d’or. Elune, sa sœur, avait choisi de partir avec elle et je dus me résoudre à perdre moi aussi une part de mon bonheur.

Elles s’éloignèrent dans le petit matin.

Carolus n’était même pas venu la saluer. »


Amaryllion,
Chroniqueur Officiel de la Cour de Burgondie.




Dernière édition par Lulyane le Mer 16 Juin 2010 - 16:50, édité 2 fois

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Chapitre 7
L'abomination

Elune chevauchait au grand galop.

Près de dix lieues séparaient la chaumière dans les bois où Lulyane et elle avaient trouvé refuge du palais de Carolus.

Depuis sa transformation, sa sœur ne pouvait pas retourner dans son village. D’abord parce que Carolus l’avait bannie, et ensuite parce qu’on l’y aurait probablement crucifiée sur place.

Le message qu’Elune emportait au Seigneur Magnus était de la plus haute importance, de nature sans doute à tout arranger.

Lulyane venait de donner naissance au fils de son bien-aimé, conçu quand elle était encore humaine.

-Va, avait-elle dit à sa sœur, va lui annoncer la naissance d’un héritier. Aucun homme, aucun Seigneur surtout ne peut rester insensible à un tel événement. Cela attendrira son cœur. Il me reprendra à ses côtés et notre fils avec moi.

Elune s’était précipitée, ne ménageant guère sa monture. Elle arrivait maintenant à l’entrée du château, soulevant un nuage de poussière sur son passage.

Amaryllion se tenait justement dans la cour et il n’osa croire à ce qu’il voyait. Elune, sa tendre amie, lui revenait.

-Qu’est-ce qui justifie cet empressement ? demanda-t-il en s’élançant vers elle.

- Une nouvelle, mon cher… Une nouvelle… Il faut que je voie Carolus.


- Il ne te recevra pas ! Dis-moi plutôt ce qui t’amène, je lui transmettrai le message.

Elune, haletante, annonça la naissance de l’enfant sous le regard ému et plein d’espoir d’Amaryllion.

Le prêtre était fou de joie et courut trouver son maître tandis qu’Elune revenait auprès de sa sœur. Leurs cœurs étaient en liesse, aucun d’eux ne doutaient que les temps heureux allaient revenir.

Il ne s’était pas passé plus de trois heures quand Elune, qui guettait à la fenêtre de la maison de bois, annonça fièrement à Lulyane.

- Le voilà ! Il arrive ! Il te revient ! Et à en juger par sa hâte, il doit être fort heureux.

La jeune vampire eut un large sourire. Elle n’avait pas quitté son lit depuis son accouchement la veille et elle serrait contre sa poitrine son bébé endormi.

Il n’avait pas encore un jour et il était déjà pour elle un doux fardeau dont elle ne voulait pas se défaire. Il était déjà, comme pour toute jeune mère, depuis le moment où elle l’avait expulsé, depuis qu’elle avait posé ses yeux sur lui, depuis qu’elle l’avait étreint, posé sur son ventre, il était déjà pour elle la chose la plus importante au monde.

La porte de la cabane s’ouvrit et Carolus apparut dans l’ouverture. Sa masse occupait tout l’encadrement de la porte.

Lulyane fut déçue ! Point d’allégresse sur son visage, pas le moindre soupçon de joie. Au contraire, un visage fermé, un regard dur et une mâchoire crispée.

-L’enfant ? Où est l’enfant ? tonna-t-il.

Au fond de la cabane, Lulyane allongée, emplie d’un noir pressentiment, le serra contre elle un peu plus fort. En deux enjambées, Carolus avait traversé la masure et se tenait debout, à côté du lit.

Lulyane tenta une dernière fois de l’attendrir et lui présenta le tout petit être dans ses mains, le tendant vers lui précieusement, comme un calice sacré.

-Voici ton fils, dit-elle dans un sourire. Voici ton héritier !

- Il n’est pas mon héritier ! dit-il d’un ton tranchant. Il est une engeance diabolique ! Un demi-vampire !

Avec rudesse, il attrapa le nouveau-né d’une de ses larges mains et commença de s’éloigner vers la porte.

-Non, cria-t-elle en se levant avec difficulté. Tu ne peux pas me le prendre ! Tu ne peux pas l’emporter…

- Je n’en ai aucune intention !

Il dégaina son épée de sa main libre et souleva l’enfant face à lui, qui s’était réveillé et pleurait bruyamment.

Lulyane se jeta en avant, tomba au sol, le nez dans la poussière en sanglotant. Elune, tétanisée, n’avait pas quitté le rebord de la fenêtre depuis tout le début de cette funeste scène.

Le chevalier leva son arme et d’un geste sûr, il transperça l’enfant. Puis, il planta la pointe de son épée dans le panneau de la porte.

Le bébé sanguinolent se retrouva planté sur le battant, cloué sur l’entrée de la maisonnette. Il pendait, pauvre petite chose désarticulée, comme un petit animal mort.

Carolus partit, sans rien ajouter. Lulyane se mit à hurler.

Et dans la profondeur de la forêt, on entendit pendant de longues heures une clameur plaintive, un cri de rage, de colère, de malheur, le hurlement d’un loup, le hurlement d’une damnée...

Spoiler :


Dernière édition par Lulyane le Mer 28 Avr 2010 - 23:47, édité 1 fois

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