Le Monde de Kalamaï
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descriptionMobilisation. EmptyMobilisation.

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Les quatres hommes jouaient au tonk, un jeu de cartes et d'argent fort répandu dans les compagnies de mercenaires de tout crin...
Manifestement, c'était des soldats, d'ailleurs.. mais pour la discipline, on pouvait repasser.
Débraillés, mal rasés pour la plupart d'entre eux, le seul qui n'avait pas de souci de ce côté était un jeune blanc-bec imberbe, en fait.
Ils étaient par ailleurs aussi propres que bien tenus.
Et concentrés avec passion sur leurs mains.
L'un des joueurs piocha une carte, la rangea dans sa main... Avec un léger sourire sardonique, et secoua la main quand le suivant allait piocher.
Lentement, il sortit trois cartes de sa main, et les aligna devant lui, une suite. Valet, Dame, Roi...
Il en advint par hasard, que sa main de trois cartes en fut vidée, ce qu'il ne se fit pas prier de montrer avec ostentation.
L'homme en face de lui, grogna, et jeta son jeu sur la table, et le jeune poussa un soupir appuyé...

"'Core lieut'nant.. C'plus jouable à c'train là!"

Le Lieutenant éclata de rire, et ramassa les cartes, en fit un tas, et les tendit au jeunot, avant de récupérer ses gains.
Une jolie mise, mine de rien. De quoi payer deux trois tournées un de ces soirs.
Le jeunot battait le paquet quand un gamin pas plus haut que trois pommes entra dans la salle d'arme en trombe.
A bout de souffle, il se courba en deux, haletant, les mains sur les genoux.
Le lieutenant se tourna vers lui, en haussant les sourcils.

"Et ben p'tit, qu'est-ce y a?"

Il avait un ton bourru, un peu paternel.. Il y tenait au gamin.
Mais celui ci se reprit aussitôt, et improvisa un salut certe assez peu orthodoxe mais pour autant mieux tenu que le lieutenant auquel il s'adressait.

"M'lieut'nant, Zeton m'd'mande d'vous d'nner ça d'la pigeonn'rie. M'sage pour Alban."

Il fourra sa main dans sa chemise, et en sortit un bout de parchemin froissé, roulé.
Il le tendit au lieutenant, qui le déroula, et le parcouru du regard.
Une fois. Les autres le virent blêmir.
Mauvaises nouvelles?
Il secoua la tête, fronça les sourcils, paraissaient incrédules.
Soudan, il se leva, fermant le poing sur le papier, avec un juron.

"Vous, rangez moi ça, et trouvez moi vos putain d'armes, fini d'rien branler! Exécution!
Sergent, rassemblez les hommes."


Et il ramassa son épée au passage, en rattachant le ceinturon autour de sa taille, tandis qu'il se ruait dans le couloir menant au donjon.
Bientôt, le branle-bas de combat fut effectif dans Espeyran, l'inactivité lancinante qui régnait depuis des semaines fut remplacée par un soudain fourmillement de soldats en armes, et d'officiers beuglant des ordres à tout va.
Pendant ce temps, le lieutenant entrait comme une tornade dans le bureau du régent, Alban.
Qui en fronça immédiatement les sourcils, sur le point de faire un commentaire acerbe sur la discipline et le respect du à ses supérieurs.
Mais le lieutenant plaqua la missive sur le bureau, sans lui en laisser le temps.

"Vient d'arriver de Roc le Castel, m'sire."

Alban le regarda l'air agacé, attrappa vivement le morceau de parchemin, et le parcouru du regard, avec une réaction similaire à celle du lieutenant.
Il pâlit immédiatement.
Mais quand il releva la tête, une lueur glaciale dans les yeux, c'est d'une voix froide qu'il ordonna:

"Déclenchez la mobilisation générale. Et amenez moi Syril."

Le lieutenant en ouvrit des yeux comme des soucoupes, mais s'abstint de tout commentaire.
Il était trop stupéfait par la dernière demande pour pouvoir prendre conscience de la réalité des choses.

descriptionMobilisation. EmptyRe: Mobilisation.

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Clapement des pieds sur les marches de pierre, à toute allure.
Les lourdes bottes martelaient le sol à une allure infernale.
Une marche loupée entraîna la dégringolade, des glissements, un saut, un craquement, une explosion retentissante au contact des semelles avec la pierre, encore, et une bordée de jurons.
Descendre, encore.
Escaliers, paliers, portes, escaliers, paliers, portes.
Le Lieutenant finit par atteindre les geôles, cet endroit où Espeyran logeait ses invités de marque ayant l'insigne honneur de déplaire au maître des lieux de manière trop visible.
Pour le moment, elles étaient presques vides.
Sauf au fond de l'une d'elle, où se morfondait un dément.


"Cleops, l'vieux v'voir le fol."

Le geôlier, Cleops, somnolait sur une paillasse, aussi mal entretenu de sa personne que les geôles étaient nettoyées.
Il puait la fange à plein nez, autant que la moindre cellule.
Et il était mou, par dessus le marché, pas forcément gros, mais mou, pas un gramme de muscle dans sa silhouette avachie et trainante.
Le Lieutenant en avait les lèvres pincées de dégout, encore plus écoeuré en pensant que ce geolier là était de son peuple, à une époque si lointaine qu'elle n'était plus que souvenirs et cendres, et le nez froncé, par peur d'effacer de sa mémoire le souvenir des odeurs agréables du foin en juin, dans ses narines, malgré leur peu de délicatesse.
Bon, pas qu'on soit en juin.
Mais il chercher une odeur agréable dont il était capable de se souvenir, au fond du trou.
Quand à une preuve de la passivité presque bovine de Cleops, c'était indubitablement son manque de réaction à l'annonce de cet ordre.
Avec lenteur, il se leva, prit les clés, partis chercher le prisonnier requis, et revint avec sans plus de lueur dans les yeux qu'un veau apathique et mort-né.
Un prisonnier qui malgré sa maigreur, sa saleté repoussante et ses guenilles, marchait droit, le menton haut, et une lueur malsaine dans les yeux.
Sa voix croassa dans l'air lourd et fétide...


"Alors Peleps, besoin de moi?"

Et un sourire aussi fétide que le trou à rat où il moisissait fendit son visage en deux.
Le lieutenant Peleps frissona, et sans demander qu'on enlève ses bracelets de fer à ce rat, tourna les talons pour se précipiter dans les escaliers.


_________________________


"Lieutenant, les fers de notre ami me semblent de trop."

"Mais, M'sire, c't'un foutu sadique, un tortionnaire, un assassin!"

"J'ai dit! Je suis le régent, j'ai tout pouvoir. Et nous sommes en guerre. Donnez moi les clés et dégagez, Peleps, ou je vous fais étriper et empaler."


Mauvais signe, se faire appeler par son prénom par le vieux.
Le lieutenant blêmit, la menace n'était pas en l'air.
Gardant son sang froid, posa les clés sur le bureau, salua militairement, et dégagea sans demander son reste, sachant qu'il avait à prendre les bonnes initiatives pour sauver sa langue, à moins que tout le reste ne soit menacé de même.


_________________________


Les deux hommes dans le bureau, l'un debout et l'autre assis, contemplèrent un moment les clés posés entre deux, sur le meuble éponyme.
Une tension presque palpable s'installa, avant d'être rompue par le cliquetis d'une chaîne de métal.
Le prisonnier venait de s'emparer de la clé, et la tendait au vieil homme d'encore belle prestance en face de lui.


"Et ma liberté?"

Le ton était moqueur, arrogant, revenchard.
D'un oeil noir, Alban le fusilla du regard, et avisant sa liberté de mouvement suffisante, eut un reniflement dédaigneux.


"Tu y pourvoiras bien assez seul. Si ça ne tenait qu'à moi tu serais déjà pendu, Siryl."

L'homme dépenaillé aquiesçat, en silence, sachant fort bien la part de faux et de vrai dans ce discours politique, mais n'en plongea pas moins la clé dans sa serrure, laissant tomber lourdement ses bracelets au sol, avant de se frotter les poignets et de s'asseoir.

"Quelle mission, cette fois ci, Alban?"

Il restait cinglant, sûr de lui.
Le vieux brigands en eut l'envie de le condamner à mort pour de bon, pour lui donner une leçon, pour briser ce sourire insolent et insupportable, pour anéantir ce germe insane d'entre ses murs.
Déglutissant, raidit par un flot d'amertume, il grinça...


"Qui te dis que ta condamnation n'est pas venue?"

Le rire cristallin qui y répondit était une insulte manifeste, une rebellion ouverte, une remise en question de son pouvoir.
Une envie de meurtre s'élança dans la brèche, vite noyée sous la raison.
Mais aussi, hélas, surtout, et fort malheureusement, le reflet exact de la triste réalité des choses.


"Je suis indispensable, et certaines missions ne peuvent être confiées qu'à moi car personne n'en voudrait."

Las, le régent secoua la tête, avec une moue maussade, comme diminué par cette vérité. Ils auraient, en vérité, pu se passer de Siryl, mais Volkmar ne tolérait pas que l'on touche à ses hommes en son absence. Et Siryl était bien pratique par son absence de sens moral.
Ils avaient été bien aises de l'utiliser, et maintenant que la civilisation était à leur porte, ils le rejetaient au loin, comme un rebut du passé?
Il sentait que malgré son aversion pour le Fol, c'eut été inique, tout autant que s'en servir.
Mais dans un autre plan.
Et la moral n'était pas non plus son fort à lui non plus que la politique ou le commerce.
Siryl était un bon outil, autant l'utiliser en attendant d'aviser.
Rembruni, agacé, il s'affala dans son fauteuil.


"Nous sommes en guerre, nous allons mobiliser.
J'ai, dans un premier temps, besoin de renseignements.
Je te donne quarante hommes."


La réplique ne se fit pas attendre, mielleuse, doucereuse, ne laissant aucune place pourtant au doute ou à la réplique...

"Que je choisirais tous moi même évidement."

Le sang d'Alban ne fit qu'un tour, et il se releva, empourpré, pour le cingler d'une voix sèche, avec autorité.

"Si tu crois que je vais te rendre tes coupes-gorges..."

"C'est oui, ou je refuse et tu es penaud, grosjean comme devant."

Détendu, négligement assis, il jouait avec la menotte ramassé par terre, ouverte, la fermant, l'ouvrant, machinalement, pas inquiet le moins du monde...

"Mes coupes gorges sont les meilleurs, si je pars, ils partent, si tu me tues ou me fais tuer, ils saccageront Espeyran et mourront ou t'abattront pour me venger.
Pas de répis, que la mort et la souffrance le temps qu'ils y passent tous, et les Dieux savent que je t'en ai cachés.
J'en prend trente, plus dix hommes à toi, MAIS, je refuse Peleps."


Et l'homme sensément traqué, l'épouvantail, la loque tiré d'un cul de basse fausse, menait désormais le jeu, faisait la loi, et ne fit qu'une bouchée du mauvais politicien qui s'y était opposé, de chasseur devenu chassé, et replié dans sa position défensive brisée, Alban fut contraint d'accepter.
Les "Caballes du fou" seraient un moindre mal chez d'autres que chez lui, et avec cette décision, Siryl prendrait les meilleurs, mais il serait contraint de les scinder quand même.
Il y aurait peut-être un coup à jouer.
Alors que Siryl sortait se raffraichir et rassembler ses effets, notament ses tenues extravagantes, c'est avec naturel et facilité que le régent en vint à se convaincre de bonne fois que l'entretient signait sa victoire et qu'il l'avait mené de bout en bout.
Dans la cour, une expédition vêtue de noir fut prête en un clin d'oeil, une bande de pillards sans foi, loi, ni vergogne, dont l'âme ne valait pas les haillons noirs dont ils se couvraient de la tête au pied.
Les dix réguliers choisis par le Fol faisaient pâle figure à côté, dans leurs uniformes certes pas des plus brillants et leurs couleurs qui paraissaient quasiment criardes.
Le ton était donné.
Cette expédition serait tout sauf agréable pour ceux qui croiseraient son chemin.
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