Arrivée à la frontière

Un long périple attendait Dorgo. En effet, Orchomène se trouvait à l'autre bout du continent, et l'elfe noir ne s'y connaissait pas vraiment en géographie. Il savait aller à la Capitale sans problème, mais au delà il avait fortement besoin d'une carte, bout de papier qu'il avait toujours eu du mal à déchiffrer. Mais il s'en occuperait plus tard, lors de la première partie de son voyage il contempla les montagnes edhessiennes qu'il survolait. De sa hauteur, tout avait l'air si paisible, alors que l'on racontait des horreurs concernant les monts. Des histoires de trolls qui mangeaient sauvagement les voyageurs égarés, de chacals possédant des ailes qui enlevait les enfants pour les donner à leurs progénitures... Mais tout cela faisait partie du folklore de l'Edhesse, toutes ces histoires étaient certainement exagérées. Le Palatin se remémora ainsi tout les contes qu'il avait entendu depuis son arrivée ici, puis il survola les plaines vertes de Scitopole.

Le paysage monotone et uniforme le fit tomber dans un profond sommeil, dont il sortit alors qu'il venait de dépasser la Capitale. De terribles courbatures se faisait ressentir sur son dos, on lui avait pourtant déconseillé de s'endormir lors d'un voyage à dos de Wyverne, ces vers de terre volants possédaient une physionomie telle qu'il était vraiment dur de trouver une position confortable. D'après lui, une journée et demi venait de s'écouler, et le soleil commençait à doucement entamer une descente. Avant que la nuit tombe, il s'arrêta dans la première ville qu'il vit, et passa son temps à l'auberge dans un lit beaucoup plus confortable que la peau rugueuse de sa monture. Il demanda ensuite quelques renseignements à l'aubergiste quand au meilleur chemin à prendre pour se rendre à Orchomène. L'homme le regarda drôlement et le prévint que la situation là bas était critique. La province entière était sous quarantaine, et tout les accès vers Orchomène était bloqués. Dans ce cas, pourquoi Lailah l'avait-elle fait venir dans un lieu qui lui était inaccessible? Il choisit de partir tout de même, et il aviserait sur place. Il fit quelques emplettes, notamment des achats de minerais rares qu'il ne trouvait pas en Edhesse, comme le soufre. Cela était censé améliorer ses compétences en magie. Il quitta la ville qui semblait se situer en Naxopole d'après ses connaissances.

Il survola la province qui n'avait rien de spéciale vue d'en haut, et Dorgo se prit à regretter l'Edhesse. Peut-être que sa province ne possédait pas le plus beau paysage de Kalamai, mais au moins l'environnement n'était pas aussi ennuyant qu'ici. Il aperçut au bout d'un moment des arbres qui semblaient constituer une très grande forêt, mais avant cela il y avait un attroupement d'hommes. D'autres créatures semblaient les accompagner, elles possédaient des ailes mais Dorgo ne sut pas dire à quelle race elles appartenaient. Les humains lui firent des grands signes, et l'elfe noir jugea plus sage de se poser vers eux. Il piqua vers le campement et la Wyverne déploya ses ailes au dernier moment, soulevant de la poussière au passage. Il descendit de la monture et se dirigea vers le groupe de soldat. L'un d'eux sembla réciter machinalement une phrase apprise par cœur:

- Vous tentez de pénétrer dans une zone en quarantaine, étranger. Vous devez faire demi-tour, sur ordre de la couronne, toute entrée et toute sortie sont prohibées jusqu'à nouvel ordre.

Ainsi le tavernier ne mentait pas, toute entrée dans Mésomnon était impossible. Et il n'était pas question de forcer le barrage, les bêtes volantes auraient vite fait de rattraper sa Wyverne épuisée par le voyage. Ne sachant que faire, il tendit la missive qu'il avait de Lailah, et s'adressa à son interlocuteur:

- Je viens de la part de la Palatine de Naxopole, soldat. Elle m'a demandé de me rendre à Orchomène, sans me donner plus de précisions. Ah, j'oublie de me présenter, je suis Dorgo Ulagan, Palatin d'Edhesse. Ne pouvez-vous vraiment pas me laisser passer ? Cela me gênerait de faire attendre deux Palatins de l'Empire.

Puisque le soldat avait l'air intransigeant, il avait joué sur son titre et sur le fait que cela serait fâcheux d'incommoder leur Palatin pour avoir l’autorisation de passer. L'homme avait pris sa missive pour l'étudier, et l'elfe noir en profita pour détailler de ses yeux froids le campement. Les humanoïdes présents n'avaient vraiment pas l'air de s'amuser, que se passait-il donc dans cette province?

Spoiler:

La plupart des étrangers tentant d'entrer dans la province étaient des marchands qui faisaient route depuis les quatre coins de l'empire et transportaient des denrées plus ou moins chères, le plus souvent à destination d'Orchomène ou de Samos, le port de cette dernière cité n'étant pas encore opérationnel.
Il était très rare de voir des individus s'approchant par les airs et c'était à chaque fois tout un évènement : il fallait être prêts à enfourcher les cockatrices pour l'intercepter s'il refusait d'obtempérer à l'ordre de se poser.

Toutefois celui qui approchait à présent ne posa aucun soucis, mettant pied à terre comme il le lui fut demandé.
Faisant un pas vers lui, le sous-officier de l'armée provinciale lui adressa aimablement :

- Vous tentez de pénétrer dans une zone en quarantaine, étranger. Vous devez faire demi-tour, sur ordre de la couronne, toute entrée et toute sortie sont prohibées jusqu'à nouvel ordre.

Généralement, à cette nouvelle, les étrangers criaient au scandale et faisaient demi-tour en jetant toutes sortes d'imprécations par dessus leurs épaules à l'attention des soldats.
Étonnamment, celui-ci ne se démonta pas le moins du monde et annonça fièrement :

- Je viens de la part de la Palatine de Naxopole, soldat. Elle m'a demandé de me rendre à Orchomène, sans me donner plus de précisions. Ah, j'oublie de me présenter, je suis Dorgo Ulagan, Palatin d'Edhesse. Ne pouvez-vous vraiment pas me laisser passer ? Cela me gênerait de faire attendre deux Palatins de
l'Empire.

Le soldat se gratta la tête. Le Commandant Zalteran était capable de le faire écarteler si ce personnage causait le moindre soucis dans la province, simplement pour l'avoir laissé passer malgré les ordres donnés.
Il jeta un oeil au cachet de la lettre et au sceau qui était au doigt de ce soit-disant Dorgo... Il ne pouvait ni prendre le risque de le laisser passer, ni celui de le laisser dehors. Il jeta un oeil au parchemin qu'il avait à la main lorsqu'il fut dérangé, recensant les convois militaires au départ de Draziva dans la semaine.
Levant les yeux vers Dorgo, il lui parla à voix basse pour que les autres gardes ne l'entendent pas.

- Faites-moi confiance étranger, si vous dites vrai il ne vous arrivera rien. Si par contre vous êtes un imposteur, craignez pour votre vie, elle risque de se terminer avant que vous l'eussiez voulu. Haussant le ton, il s'adressa à ses collègues Gardes ! Arrêtez cet homme et placez le aux arrêts. Stephen Couldrage, par mon statut dans l'armée provinciale je vous enjoint à comparaitre devant le Palatin pour usage de faux documents impériaux. Vous serez conduit en Orchomène par un convoi militaire qui partira dès ce soir de Draziva. Comme le veut la coutume, vous serez gardé par deux liches jusqu'à ce que Xanis décide de votre sort.
D'ici là vous serez gardé dans une cellule du prévôt de la cité... estimez-vous heureux, elles sont plus luxueuses que nos geôles. Votre ... monture restera dans nos écuries et sera réquisitionnée par l'armée si vous êtes condamné.

Un groupe de quatre soldats vinrent encadrer Dorgo alors que plusieurs autres saisirent des cordes et entreprirent de maintenir la Wyverne au sol et de l'attacher. Elle parvint toutefois à les déstabiliser avec ses ailes membraneuses et prit son envol avant qu'ils ne puissent la rattraper.

La situation devenait grotesque, comme trop souvent ces temps-ci. Lui, se faire arrêter alors qu'il répondait juste à l'appel de Lailah? Mais finalement, ce statut de prisonnier le fit sourire. Voila fort longtemps que cela ne lui était pas arrivé, et des souvenirs lui revinrent, notamment lorsqu'il avait attenté à la vie de son père... Mais l'heure n'était pas à la nostalgie, et il ne fit aucun geste de rébellion envers les soldats qui commençaient à le cerner. Il ne craignait pas pour sa vie, le sous-officier lui avait clairement fait comprendre que ce simulacre d'arrestation était un stratagème pour le faire entrer dans la province. De plus, Xanis l'avait sans doute aperçu à la réunion au Sénat, et il pourrait aisément confirmer son identité.
Contrairement à lui, sa Wyverne fit plus de résistance et ne se laissa pas enchaîner. C'était une monture dressé spécialement pour la survie depuis sa naissance, et l'elfe noir était fier de constater que l'entraînement coûteux dont bénéficiait les Wyvernes portaient leurs fruits. Il s'adressa aux soldats et au sous-officier qui l'entouraient:

- Si cela peut me permettre de pénétrer dans votre charmante province, alors j'accepte de me plier à cette arrestation. Moi qui croyait qu'en Edhesse nous étions les rois de l'hospitalité, je me trompais. Quand à ma Wyverne, elle ne s'est pas enfui, mais continuera de nous suivre dans les airs. Brave bête que ces vers de terre volant. Cependant, ne craigniez rien, elle ne fera aucun mouvement hostile sans mon commandement. Dorgo frappa dans ses mains. Bon, quand part-on? Je n'ai rien mangé depuis une dizaine d'heures, j'espère que vous savez recevoir vos hôtes.

Puis le Palatin suivit les directives que lui donnait les soldats, et enfin ils quittèrent le campement en direction de Draziva.

De Thassopole à Mésomnon la route était longue, très longue. Trop longue pour Aedric. Il fallait traverser l'empire dans le sens de la largeur. Et même les pégases les plus endurants ne pouvaient faire le trajet en une seule fois. Le voyage fut donc extrêmement long pour Aedric et son escorte car le palatin n'avait pas l'habitude de se déplacer seul. Dix membres de sa garde rapprochée l'accompagnaient. Leurs visage masqué par une cagoule noire et le reste du corps recouvert par une armure de cuir, ils ressemblaient à des ombres. Le petit groupe fit escale à Dunapole où Aedric fit une rapide inspection de l'avancée des travaux. Puis un arrêt fut effectuée à la citée impériale. Le groupe en profita pour prier dans la cathédrale de la cité pour demander à Brak conseil et protection pour leur future mission.

Mais d'un autre coté qu'elle était cette mission? La question trotta dans la tête de l'inquisiteur durant l'intégralité du voyage il avait entendu un paquet de rumeurs , la province était en quarantaine ce qui alimentait l'imagination collective. Une épidémie, une secte qui tuait et enlevait des gens, le nombre de scénario ne manquait pas. Mais le pire dans tout ça c'était le théâtre des opération Mésomnon la province des jeteurs de sorts. Sorcier et magicien s'y trouver en masse. Et Aedric se méfiait d'eux comme de la peste.

Les mages étaient pour lui des créatures avides de puissances sans foi ni loi qui méprisaient les dieux. Nécromancie, démonologie toutes ces pratiques impies n'étaient que le symbole de la corruption qui pourrissait les arcanistes. Finalement le groupe arriva à la frontière. Mettant pied à terre les membres du groupes s'approchèrent du groupe de soldat qui surveillait la frontiére. L'un des gardes du corps avança tenant dans sa main la missive du palatin Xanis. La tendant au douanier il dis en désignant son maitre :

Le seigneur Von Seviand seigneur de Nardogord et palatin de la sainte République de Thassopole. Laissez nous passer c'est urgent.

Le soldat retira ses gants de cuir pour lire le message envoyé au seigneur Aedric. Il saisit le parchemin et opina du chef. Le cachet émanait de la Chancellerie d'Orchomène, la signature de Belphérus lui-même.
Relevant les yeux il planta son regard dans le soldat qui s'était approché.

" Votre seigneur passe. Mais pas vous. "

La missive était claire, seul le Palatin de Thassopole était invité à entrer dans la province, n'était faite aucune mention de garde d'une quelconque sorte... Ces hommes étaient donc des hommes comme les autres en ce lieu et étaient sous le coup de la quarantaine.
Le soldat de la cohorte Béhémoth siffla longuement dans une tige de bois et, quelques secondes plus tard, une douzaine de chimères apparurent et vinrent se poser à quelques pas du barrage.

" N'ayez crainte, votre Palatin sera accompagné jusqu'à la capitale par une escorte militaire. "