Précédemment


Après avoir franchi le corps de garde de l’entrée sud de la cité, Lulyane et sa suite longèrent l’épaisse et impressionnante muraille jusqu’à la poterne qui s’ouvrait derrière l’Écurie Impériale.

Un grognement sonore retentit. Le Iltarn attaché là s’agitait face au retour de sa maîtresse, impatient qu’il était de se sentir libre et de pouvoir flotter à nouveau dans les cieux. D’un geste à peine visible et d’un murmure, la vampire envoya la Velue quérir un palefrenier.

Pendant que la petite bonne femme pénétrait sous la poterne, Grognar regarda sa nouvelle patronne avec une inquiétude non dissimulée.

- Vous préviens, il est pas question que je monte sur une de ces bestioles ! lâcha-t-il, rouge de confusion.

Elle éclata de rire :

- Ne t’inquiète pas Grognar ! Malgré sa puissance, cette pauvre bête serait incapable de quitter le sol en soulevant ton poids. Tu ne monteras sur rien du tout, je t’en fais le serment.

Elle avait obtenu par l’intermédiaire du Gris que la Corporation des Arcanes lui avance des fonds et elle avait chargé la Velue, son intendante désormais, de passer en son nom une commande un peu particulière.

Et bientôt, plusieurs hommes, rudes gaillards, apparurent en portant avec difficulté une sorte de très grand panier fait de branches tressées auquel pendaient trois longues cordes. Derrière eux, un elfe, en tenue de cavalier, tenait la bride de trois griffons qui le suivaient docilement.

- Voilà ton transport, Grognar !

Le géant demeurait circonspect bien qu’il ignorât totalement ce que cela pouvait vouloir dire.

Il regardait sans comprendre les garçons d'écurie qui harnachaient les griffons avec d’étranges jougs passant sous leur ventre et reliaient les cordes de la nacelle aux harnais. Pendant ce temps, l’elfe scellait l’animal de tête.

Lulyane avait expressément demandé que ce fût un elfe qui serve de conducteur pour son curieux attelage.

D’abord, parce qu’elle savait qu’ils avaient avec les griffons un talent de domestication et de cavalerie rare, ensuite parce qu’elle souhaitait écarter d’elle toute forme de tentation. Autant qu’elle le pouvait, elle évitait de s’entourer d’humains. Elle pensait que sa volonté pouvait parfois se faire vacillante et elle ne voulait pas courir le risque de craquer et de gober voracement tout le liquide vital, si doux nectar pour elle, que contient un homme.

Quant l’elfe fût monté en selle et que la préparation fût terminée, Lulyane, un large sourire aux lèvres, regarda Grognar et tendit sa main en désignant l’immense corbeille.

- Tu peux prendre place, ton carrosse est avancé…

Le géant comprenait seulement maintenant ce qu’elle attendait de lui : qu’il voyage à bord de cette nacelle, emporté dans les airs par trois puissants griffons. Il secoua la tête, tout en regardant ses pieds car il n’osait pas soutenir son regard. En garçon simple, il se refusait à défier son autorité, même s’il ne l’avait pas choisie comme patronne, et surtout parce que son regard et sa détermination l’impressionnaient depuis le premier jour.

- Je suis pas trop d’accord, patronne, grommela-t-il entre ses dents. J’aimerais mieux pas quitter le plancher des poules. J’me sens pas l’âme d’une hirondelle.

- Le temps presse, Grognar ! Nous ne pouvons pas nous permettre de voyager à pied. En deux jours et quelques étapes, nous serons arrivés. Tu connais le chemin ? Et bien, tu le reconnaîtras tout aussi bien d’en haut.

Elle prit place sur le dos de son Iltarn, bien vite rejointe par la Velue qui se pressa contre elle.

- Mais c’est tout tricoté en paille ce truc, objecta Grognar. Je vais passer à travers, c’est sûr. Et là, ce sera la grande galipette. Éclaté comme une tomate mûre que je vais finir !

- Cette nacelle est solide et supportera tes kilos sans problème. Je l’ai faite construire tout exprès pour. Arrête de faire ton gamin capricieux et monte là-dedans ! Je nous ramène à la maison.

Cette évocation enchanta le bon géant. Après toutes ces escapades, ces allées et venues dans tout l’Empire, il allait enfin rentrer chez lui. Tout comme il le désirait si fort depuis tant de jours. Cette perspective suffit à le décider mais pas à le rassurer. Il enjamba le rebord du panier géant et s’assit au fond, bien calé, les deux mains tenant fermement les bords, les yeux fermés de toutes ses forces.

Il eut un petit gémissement quand il sentit que le sol s’éloignait sous ses fesses. Ça allait être dur d’indiquer le chemin en gardant les yeux fermés mais pour l’instant, il n’était pas question qu’il les ouvre.

Le Iltarn s’éleva rapidement au-dessus des toits de la Capitale et un peu plus loin, les trois griffons firent de même, portant la nacelle d’où pas un morceau de Grognar ne dépassait.

Suite des aventures de Lulyane