Les ombres protectrices tournoyaient dans le ciel clair, jetaient leurs silhouettes grisées sur les flancs enneigés des pics qui dominaient la colonne humaine. La ronde lente et apaisante des gardiens des cieux n’en finissait pas... Étrange vol de vautours qui au lieu de signifier une fin prochaine était le signe d’un espoir de salut.
Les corps s’épuisaient dans ces montées interminables, sur ces sentiers cahoteux, étroits et bordés par endroit de gouffres insondables. Les cœurs s’usaient dans cette fuite éperdue vers un ailleurs incertain. Les âmes s’assombrissaient qui sentaient le danger tout proche, à leurs trousses, qui se sentaient pistées par la mort elle-même.
La Velue dirigeait le convoi avec humanité et bienveillance, réconfortant les uns, encourageant les autres, prenant soin des plus faibles. Sur ces chemins exigus, la file s’allongeait sur des centaines de toises…
A chaque étape nocturne, alors que les feux de camps dessinaient une ceinture de lumière à la montagne, elle allait de tente en tente, de foyer en foyer pour apporter son soutien, pour remonter le moral défaillant en promettant à tous un avenir radieux, dans un monde préservé.
Mais chacun d’eux doutait au fond de lui… Cette paix et cette vie meilleure qu’on leur avait présagées commençaient par la peur, par le danger d’une extermination, par un effort intenable et des jours de douleur…
Plus d’une semaine qu’ils clopinaient dans la caillasse ardue, dans le froid perçant de la nuit, avec le souffle court que donne l’altitude. Les plus jeunes enfants, les plus âgés vieillards ne parvenaient plus à fournir un effort si constant.
Il fallut délester les charrettes pour leur ménager de la place. Le choix se résumait à abandonner du matériel ou laisser derrière soi ses enfants, ses parents… Triste choix pourtant vite fait.
Et cette impression qui s’attachait à chacun, tenace, collante comme un sparadrap, cette impression de courir au ralenti, de s’élancer de toutes ses forces retenu par une pesanteur supérieure, de s’enfoncer dans une mare de boue et de déployer toute son énergie pour y avancer de quelques pas seulement.
A la faveur d’un bivouac, Mélandriel vint faire son rapport à la Velue. Ils dînèrent ensemble d’un frugal repas froid en faisant le point sur leur situation.
L’elfe était retourné en arrière pour prendre la mesure de la menace qui planait désormais. Il y avait vu des préparatifs inquiétants. La plaine s’était noircie d’ombres rutilantes qui approchaient dans la poussière. Des renforts étaient en route, nombreux, bien équipés…
Et le Connétable avait compris que leur calvaire n’était pas terminé, que toucher au but, atteindre la vallée ne signifierait pas atteindre un abri mais une nasse.
Désormais, leur ennemi ne les poursuivait plus. Il les poussait dans un piège mortel, sans issue où l’affrontement serait inévitable. Et où l’avantage ne serait pas de leur côté. Des jours sombres étaient à craindre.
Il avait pris le risque de survoler les forces adverses pour les estimer. Aucun des soldats n’avait bronché, aucun archer ne l’avait pris pour cible… La plupart ne le regardèrent même pas.
La troupe avançait inflexible et sûre d’elle. Non seulement l’espion ne la dérangeait pas mais elle semblait même galvanisée par la démonstration de force à laquelle elle se livrait. Tout ce que l’espion pourrait annoncer à leur ennemie, ce serait sa destruction quasi assurée à l’arrivée de cette armée solide, bien entraînée et cette fois bien préparée.
L’elfe put distinguer plus de huit cents fantassins, au moins deux cents cavaliers d’élite, une vingtaine de balistes et autant de catapultes. Et puis, le plus inquiétant: un fort contingent d’archers, près de deux cent tireurs...
- Ce n’est qu’une estimation, avoua doucement l’elfe. Je peux me tromper… Mais cela signifie que s’il est possible qu’ils soient moins nombreux, il est aussi possible qu’ils le soient plus.
Devant son désarroi affiché, la vieille naine posa sa main sur son avant-bras, dans un geste un peu vain de consolation.
- L’heure n’est pas à l’abattement, Mélandriel. N’oubliez pas que nous venons de connaître une victoire... Demain, vous irez à la Tour pour rendre compte à notre maîtresse… Et gardez espoir, elle trouvera une solution.
Les corps s’épuisaient dans ces montées interminables, sur ces sentiers cahoteux, étroits et bordés par endroit de gouffres insondables. Les cœurs s’usaient dans cette fuite éperdue vers un ailleurs incertain. Les âmes s’assombrissaient qui sentaient le danger tout proche, à leurs trousses, qui se sentaient pistées par la mort elle-même.
La Velue dirigeait le convoi avec humanité et bienveillance, réconfortant les uns, encourageant les autres, prenant soin des plus faibles. Sur ces chemins exigus, la file s’allongeait sur des centaines de toises…
A chaque étape nocturne, alors que les feux de camps dessinaient une ceinture de lumière à la montagne, elle allait de tente en tente, de foyer en foyer pour apporter son soutien, pour remonter le moral défaillant en promettant à tous un avenir radieux, dans un monde préservé.
Mais chacun d’eux doutait au fond de lui… Cette paix et cette vie meilleure qu’on leur avait présagées commençaient par la peur, par le danger d’une extermination, par un effort intenable et des jours de douleur…
Plus d’une semaine qu’ils clopinaient dans la caillasse ardue, dans le froid perçant de la nuit, avec le souffle court que donne l’altitude. Les plus jeunes enfants, les plus âgés vieillards ne parvenaient plus à fournir un effort si constant.
Il fallut délester les charrettes pour leur ménager de la place. Le choix se résumait à abandonner du matériel ou laisser derrière soi ses enfants, ses parents… Triste choix pourtant vite fait.
Et cette impression qui s’attachait à chacun, tenace, collante comme un sparadrap, cette impression de courir au ralenti, de s’élancer de toutes ses forces retenu par une pesanteur supérieure, de s’enfoncer dans une mare de boue et de déployer toute son énergie pour y avancer de quelques pas seulement.
A la faveur d’un bivouac, Mélandriel vint faire son rapport à la Velue. Ils dînèrent ensemble d’un frugal repas froid en faisant le point sur leur situation.
L’elfe était retourné en arrière pour prendre la mesure de la menace qui planait désormais. Il y avait vu des préparatifs inquiétants. La plaine s’était noircie d’ombres rutilantes qui approchaient dans la poussière. Des renforts étaient en route, nombreux, bien équipés…
Et le Connétable avait compris que leur calvaire n’était pas terminé, que toucher au but, atteindre la vallée ne signifierait pas atteindre un abri mais une nasse.
Désormais, leur ennemi ne les poursuivait plus. Il les poussait dans un piège mortel, sans issue où l’affrontement serait inévitable. Et où l’avantage ne serait pas de leur côté. Des jours sombres étaient à craindre.
Il avait pris le risque de survoler les forces adverses pour les estimer. Aucun des soldats n’avait bronché, aucun archer ne l’avait pris pour cible… La plupart ne le regardèrent même pas.
La troupe avançait inflexible et sûre d’elle. Non seulement l’espion ne la dérangeait pas mais elle semblait même galvanisée par la démonstration de force à laquelle elle se livrait. Tout ce que l’espion pourrait annoncer à leur ennemie, ce serait sa destruction quasi assurée à l’arrivée de cette armée solide, bien entraînée et cette fois bien préparée.
L’elfe put distinguer plus de huit cents fantassins, au moins deux cents cavaliers d’élite, une vingtaine de balistes et autant de catapultes. Et puis, le plus inquiétant: un fort contingent d’archers, près de deux cent tireurs...
- Ce n’est qu’une estimation, avoua doucement l’elfe. Je peux me tromper… Mais cela signifie que s’il est possible qu’ils soient moins nombreux, il est aussi possible qu’ils le soient plus.
Devant son désarroi affiché, la vieille naine posa sa main sur son avant-bras, dans un geste un peu vain de consolation.
- L’heure n’est pas à l’abattement, Mélandriel. N’oubliez pas que nous venons de connaître une victoire... Demain, vous irez à la Tour pour rendre compte à notre maîtresse… Et gardez espoir, elle trouvera une solution.