La Haute Tour était de plus en plus active ces derniers temps. Le changement d’administration se faisait dans une agitation enjouée et les derniers ‘tuteurs’ mésolongiens avaient fini de libérer les lieux pour leurs successeurs. Ethosem escaladait l’escalier en colimaçon menant à l’une des plus grande salle de la tour, aménagée en lieu de réunion. Le décor de la pièce était très sobre. Pas de fioritures inutiles comme l’avait demandé l’enchanteur. Des ornemanistes avaient apporté une pièce en cèdre représentant le tiraillement des Dieux entre la recherche de Destinée et leur attraction pour Kalamai. Un grand espace devait être prochainement comblé par l’étendard de la province unifiée. Les objets de métal avaient été retirés à la demande de l’ancien, ce qui laissait place aux artistes de la pierre et du bois pour combler la pièce de leur talent.
Comme l’enchanteur entrait d’un air absent dans la pièce, un domestique audacieux tapa trois coup son long bâton contre le sol, à la fois pour annoncer la venue du Grand Edile et pour le sortir de sa rêverie. L’ancien observa le comité installé autour d’une grande table en mélèze. De forme ovale, Ethosem repéra rapidement la place qui lui était réservée, en bout de table. Dans une semaine au plus, il devrait recevoir les nouvelles chaises taillées exclusivement pour ceux de sa race, dont les courbures naturelles du corps ne permettaient pas une position confortable sur ces objets rigides. Depuis trop longtemps les anciens n’était plus parmi les décideurs. Prenant conscience de son rôle inédit, le Grand Edile parcoura l’assemblée des lieux. Il y avait là les personnalité les plus en vue dans la vie des Etimnois. Ethosem devait à contrecoeur se frotter au problème politique de la gouvernance de l’île. Très tôt il s’était aperçu de l’ampleur de la tâche. La grande majorité des Anciens n’étaient pas réapparu dans la capitale depuis des siècles. Certains avaient fuit dans des contrées lointaines, d’autres habitaient dans des villages autour de Samos. Les fées cohabitaient toujours aussi peu avec les autres races et s’enfermaient de plus en plus dans le communautarisme. Les célestiaux étaient ainsi les seuls aux commandes avant l’invasion de Xanis. Cela menaçait de se répéter. A côté de cela, de nouvelles races avaient pénétré sur l’île, ce qui de mémoire ancienne n’était jamais arrivé auparavant. Un choc culturel était prévisible, d’autant que ni les anciens ni les fées ni les célestiaux ne faisaient confiance aux humains. C’était d’ailleurs le seul point de convergence des trois races. Chargé de ces pensées pessimistes, Ethosem ouvrit la session comme il se devait, par un bref discours.
Mes amis, bienvenu ! Voila bien des années, si ce n’est des siècles, que je n’ai eu l’occasion de voir une assemblée si hétéroclite. Cela annonce de grandes perspectives pour Etimnon.
Pour l’instant, Ethosem préférait éviter de parler de Mésomnon afin de prévenir toute controverse. Il sourit alors à ses hôtes.
Je ne suis pas un grand parleur mais je vais me forcer un peu. Samos vient d’être libéré des administrateurs étrangers. Xanis a préféré une administration locale à l’ancienne tutelle, ce qui est profitable pour tous. Les Etimnois, à partir de ce jour, reprennent le contrôle de leur province.
Il laissa flotter un silence de rigueur afin d’observer les réactions.
Je sais que ma nomination au poste de Grand Edile n’est pas aux goûts de tous car il s’agit bien du choix du Palatin de Mésolongion. Que beaucoup pense qu’il s’agit d’une illusion et que je ne suis qu’un pantin. Peu de gens me connaissent ici puisque je fus exilé par les miens pendant de longues années. Vous ne me faites pas confiance pour gérer les affaires politiques et économiques de la province. Je dois vous le dire ici: vous avez raison.
Au nouveau silence, des murmures se firent entendre.
Voila pourquoi je commence cette réunion en appelant à un changement de système politique.
Un domestique distribua des documents à chaque convive. Ethosem leur laissa le temps de prendre connaissance de l’acte.
Par un vote majoritaire, je propose ici même le rétablissement de la gérontocratie et l’élection de l’Edile d’Etimnon par les gérontes. Cet Edile aura en ses mains les pouvoirs politiques, économiques et législatifs, ce qui comprend l’administration et la sécurité interne. En tant que Grand Edile, je me réserverais uniquement les pouvoirs diplomatiques externes, ce qui comprend les pouvoirs militaires et économiques lorsqu’ils dépassent le cadre d’Etimnon. Je me garde également les pouvoirs sur les institutions d’enseignement arcanique, ce que je pense, personne ne conteste.
Une bise de contentement semblait souffler sur l’assemblée. Seuls les quelques humains présents pestaient à voix hautes.
On nous écarte du pouvoir, c’est de la discrimination !
Ethosem souriait. Il fallait des sacrifices car il étaient impossible de satisfaire toutes les parties. L’enchanteur avait misé sur le soutien des races primaires de l’île, au détriment des nouvelles. Le vote à main levé aurait lieu d’ici peu. Procédant à un bref calcul, Ethosem constatait que les célestiaux et les anciens représentaient les trois quarts de l’assemblée. Le reste se partageait entre fées, humains et nains. La motion fut adoptée à une écrasante majorité. Ce qui s’ensuivit fut prévisible. La gérontocratie étant un système où les plus âgés gouvernent, l’assemblée fut dissoute et les humains en furent exclus automatiquement. La délégation humaine repartie en maudissant la ‘nouvelle dictature’. Promptement reformée, l’assemblée procéda ensuite à l’élection de l’Edile, ce qui fut beaucoup plus chaotique. Les anciens voulaient un ancien, les célestiaux un des leurs. Ces derniers eurent gain de cause en ralliant les autres races à l’idée que l’Edile ne pouvait appartenir à la même race que le Grand Edile. Le plus vieux des célestiaux, un ailé du nom de Noamla, fut élu pour seconder Ethosem dans l’administration de l’île. Heureux que le début de la réunion se passe sans encombre, l’enchanteur se laissa aller à ses rêveries le reste de la session, ne se réveillant que lorsque son avis lui était requis. Les gérontes se voyaient déjà puissants, Ethosem se voyait déjà chez lui.
Lorsque le crépuscule embrasa le ciel, la salle de réunion se vida, ne laissant qu’un ancien et un vieux célestial face à face.
Voila une sage décision Ethosem, ensemble nous apporterons prospérité et paix sur ces contrées.
Sans doute... fit l’ancien, penseur.
Quelque chose vous dérange ? demanda Noamla, suspicieux.
Je ne ressens plus mes êtres, Edile. Demain je vous laisserais les affaires du pays. Ma forêt... elle a besoin...
Ethosem s’arrêta. Le célestial répondit simplement.
Je comprends, vous pouvez me faire confiance.
L’Edile se retira. Ethosem fut enfin seul. Ses yeux dorés fixaient la pointe nord d’Etimnon où se dessinait une masse végétale perceptible depuis la Haute Tour.
Mes êtres...
Comme l’enchanteur entrait d’un air absent dans la pièce, un domestique audacieux tapa trois coup son long bâton contre le sol, à la fois pour annoncer la venue du Grand Edile et pour le sortir de sa rêverie. L’ancien observa le comité installé autour d’une grande table en mélèze. De forme ovale, Ethosem repéra rapidement la place qui lui était réservée, en bout de table. Dans une semaine au plus, il devrait recevoir les nouvelles chaises taillées exclusivement pour ceux de sa race, dont les courbures naturelles du corps ne permettaient pas une position confortable sur ces objets rigides. Depuis trop longtemps les anciens n’était plus parmi les décideurs. Prenant conscience de son rôle inédit, le Grand Edile parcoura l’assemblée des lieux. Il y avait là les personnalité les plus en vue dans la vie des Etimnois. Ethosem devait à contrecoeur se frotter au problème politique de la gouvernance de l’île. Très tôt il s’était aperçu de l’ampleur de la tâche. La grande majorité des Anciens n’étaient pas réapparu dans la capitale depuis des siècles. Certains avaient fuit dans des contrées lointaines, d’autres habitaient dans des villages autour de Samos. Les fées cohabitaient toujours aussi peu avec les autres races et s’enfermaient de plus en plus dans le communautarisme. Les célestiaux étaient ainsi les seuls aux commandes avant l’invasion de Xanis. Cela menaçait de se répéter. A côté de cela, de nouvelles races avaient pénétré sur l’île, ce qui de mémoire ancienne n’était jamais arrivé auparavant. Un choc culturel était prévisible, d’autant que ni les anciens ni les fées ni les célestiaux ne faisaient confiance aux humains. C’était d’ailleurs le seul point de convergence des trois races. Chargé de ces pensées pessimistes, Ethosem ouvrit la session comme il se devait, par un bref discours.
Mes amis, bienvenu ! Voila bien des années, si ce n’est des siècles, que je n’ai eu l’occasion de voir une assemblée si hétéroclite. Cela annonce de grandes perspectives pour Etimnon.
Pour l’instant, Ethosem préférait éviter de parler de Mésomnon afin de prévenir toute controverse. Il sourit alors à ses hôtes.
Je ne suis pas un grand parleur mais je vais me forcer un peu. Samos vient d’être libéré des administrateurs étrangers. Xanis a préféré une administration locale à l’ancienne tutelle, ce qui est profitable pour tous. Les Etimnois, à partir de ce jour, reprennent le contrôle de leur province.
Il laissa flotter un silence de rigueur afin d’observer les réactions.
Je sais que ma nomination au poste de Grand Edile n’est pas aux goûts de tous car il s’agit bien du choix du Palatin de Mésolongion. Que beaucoup pense qu’il s’agit d’une illusion et que je ne suis qu’un pantin. Peu de gens me connaissent ici puisque je fus exilé par les miens pendant de longues années. Vous ne me faites pas confiance pour gérer les affaires politiques et économiques de la province. Je dois vous le dire ici: vous avez raison.
Au nouveau silence, des murmures se firent entendre.
Voila pourquoi je commence cette réunion en appelant à un changement de système politique.
Un domestique distribua des documents à chaque convive. Ethosem leur laissa le temps de prendre connaissance de l’acte.
Par un vote majoritaire, je propose ici même le rétablissement de la gérontocratie et l’élection de l’Edile d’Etimnon par les gérontes. Cet Edile aura en ses mains les pouvoirs politiques, économiques et législatifs, ce qui comprend l’administration et la sécurité interne. En tant que Grand Edile, je me réserverais uniquement les pouvoirs diplomatiques externes, ce qui comprend les pouvoirs militaires et économiques lorsqu’ils dépassent le cadre d’Etimnon. Je me garde également les pouvoirs sur les institutions d’enseignement arcanique, ce que je pense, personne ne conteste.
Une bise de contentement semblait souffler sur l’assemblée. Seuls les quelques humains présents pestaient à voix hautes.
On nous écarte du pouvoir, c’est de la discrimination !
Ethosem souriait. Il fallait des sacrifices car il étaient impossible de satisfaire toutes les parties. L’enchanteur avait misé sur le soutien des races primaires de l’île, au détriment des nouvelles. Le vote à main levé aurait lieu d’ici peu. Procédant à un bref calcul, Ethosem constatait que les célestiaux et les anciens représentaient les trois quarts de l’assemblée. Le reste se partageait entre fées, humains et nains. La motion fut adoptée à une écrasante majorité. Ce qui s’ensuivit fut prévisible. La gérontocratie étant un système où les plus âgés gouvernent, l’assemblée fut dissoute et les humains en furent exclus automatiquement. La délégation humaine repartie en maudissant la ‘nouvelle dictature’. Promptement reformée, l’assemblée procéda ensuite à l’élection de l’Edile, ce qui fut beaucoup plus chaotique. Les anciens voulaient un ancien, les célestiaux un des leurs. Ces derniers eurent gain de cause en ralliant les autres races à l’idée que l’Edile ne pouvait appartenir à la même race que le Grand Edile. Le plus vieux des célestiaux, un ailé du nom de Noamla, fut élu pour seconder Ethosem dans l’administration de l’île. Heureux que le début de la réunion se passe sans encombre, l’enchanteur se laissa aller à ses rêveries le reste de la session, ne se réveillant que lorsque son avis lui était requis. Les gérontes se voyaient déjà puissants, Ethosem se voyait déjà chez lui.
Lorsque le crépuscule embrasa le ciel, la salle de réunion se vida, ne laissant qu’un ancien et un vieux célestial face à face.
Voila une sage décision Ethosem, ensemble nous apporterons prospérité et paix sur ces contrées.
Sans doute... fit l’ancien, penseur.
Quelque chose vous dérange ? demanda Noamla, suspicieux.
Je ne ressens plus mes êtres, Edile. Demain je vous laisserais les affaires du pays. Ma forêt... elle a besoin...
Ethosem s’arrêta. Le célestial répondit simplement.
Je comprends, vous pouvez me faire confiance.
L’Edile se retira. Ethosem fut enfin seul. Ses yeux dorés fixaient la pointe nord d’Etimnon où se dessinait une masse végétale perceptible depuis la Haute Tour.
Mes êtres...