Les jours avaient passé, et il vint un moment où le Pontife de Kalamaï s'impatienta. On ne pouvait décemment mener une guerre en notre défaveur depuis son lit ! Aussi, un matin se lassa-t-il de l'ouvrage que lui lisait Gulion, et où il décida de se reprendre en main. Il devait réapprendre à se battre avant que la guerre n'arrive aux portes de la Capitale, et il avait des affaires urgentes à régler : il devait rendre visite à Adola et à l'Empereur afin de mettre en place une résistance efficace.
Not l'Acide l'avait averti par corbeau que Gargath tomberait sous peu, et qu'il avait, avec le Lieutenant Grodor, évité le carnage en ne laissant qu'une petite garnison chargée de retenir le plus longtemps possibles les armées de la République, qui voulaient à tout prix s'emparer de la côte de Zakinthe. Aquilodon se demandait pourquoi tant de frénésie. La côte de Zakinthe n'était pas particulièrement stratégique ; ses routes intérieures l'étaient beaucoup plus, car elles reliaient Prévèze à Maon, et les forces terrestres de Zakinthe étaient bien plus redoutables que sa faible marine. De plus, les routes maritimes au large de Zakinthe ne contrôlaient aucun réel point névralgique du commerce du continent et le ravitaillement ainsi que le débarquement des troupes de la République ne nécessitaient qu'un port d'attache qu'était Dunamopole.
Non, vraiment, le Pontife ne comprenait pas la stratégie de la République.
Mais peu importait, cela n'influençait pas le fait qu'il devait se lever. Il signala sa volonté à Gulion, qui interrompit sa lecture des Entretiens Cosmologiques de Nimburr, de l'Archimage Nilmarel, et appela un guérisseur. Le géant rouspéta.
- Voyons, mon garçon, le plus grand serviteur des dieux n'a pas besoin de beaucoup plus que ses jambes pour tenir debout ! Pas besoin de ce guérisseur.
- Mais vous n'avez pas marché depuis des jours et des jours, monseigneur !
- Bast ! Tu me suffis amplement, mon jeune ami ! Vous, guérisseur, allez me chercher une robe (simple, comme toujours) et mes gardes restants, je vous prie.
Les blessures du Pontife ne le faisaient plus souffrir malgré leur gravité. Il avait toujours bénéficié d'une récupération corporelle impressionnante. On eut pu même dire quasiment magique. Il s'extirpa, nu, du lit duquel il n'était pas descendu depuis l'attentat de Galtar. Il chancela légèrement lorsqu'il se mit tout à fait debout, mais se stabilisa bien vite.
- Tu vois Gulion ? Je te l'avais dit ! Donne-moi de quoi ne pas choquer ce pauvre guérisseur qui ne devrait pas tarder à revenir.
Il enfila de quoi protéger sa pudeur et fit quelques pas, de plus en plus assurés.
Le clerc revint bientôt, les bras encombrés d'une immense bure blanche, qu'Aquilodon revêtit sans aide. Gulion lui apporta son bâton et ses sandales.
- Ah ! Qu'il est bon de sentir de nouveaux le sol sous ses pieds. Moine, où est ma suite ?
- Elle vous attend derrière la porte, Votre Sainteté !
- Merci. Les dieux vous bénissent.
Aquilodon jubilait, il ne s'était pas trompé : il était guéri. Il franchit la porte et retrouva ses suivants : le prêtre de Velsfer Barbert le Flasque, la paladin sire Jagar Naesser, l'ex-rôdeur Jedyll, le shaman Gar'kor Narbardun, et le nain Moetûn Kaalin, grand ami de Sa Sainteté Thangorthorim. Il n'y eut pas d'effusions particulières, même si tous étaient heureux de retrouver le Pontife et le Pontife de les retrouver tous.
On quitta rapidement la Cathédrale : Aquilodon envoya Kaalin prévenir le Palais Royal de son arrivée et solliciter une audience avec Sa Majesté, tandis qu'il ordonnait à Jedyll d'aller chercher le Spadassin et Magistrat Adola pour un conseil de guerre des plus importants.