Taliasar, le fer-obscur

Pouah, les égouts sentent toujours aussi mauvais ! Quelle affliction pour un odorat d’elfe !

La lueur blafarde d’une torche projetait sur les murs suintant de liquide, dont il ne fallait mieux pas tenter de déterminer la nature, la silhouette qui se mouvait dans ces lieux putrides.
De fines et hautes oreilles trahissaient son appartenance à la noble race. De longs cheveux qui avaient dû être blancs longtemps auparavant descendaient en cascade jusqu’au creux de ses reins. La poussière, la vie nocturne les avaient teints de gris. Cape longue et vêtements fins habillaient l’homme.
Point d’armes visibles, mais la démarche féline dénotait une habitude au combat et aux situations précaires. Les sombres yeux scrutaient les ténèbres. La vision nocturne des elfes aurait dû permettre à l’individu de voir sans l’aide d’une source de lumière, mais ce dernier préférait annoncer sa venue. La chasse l’excitait encore plus si sa proie se savait poursuivie.

Le dernier n’allait pas survivre à ces compagnons encore longtemps. Celui-ci s’était révélé plus coriace, mais l’hallali sonnait enfin pour lui. Taliasar sentait son sang bouillonner tandis que des flots d’adrénaline s’injectaient dans ses veines. Garder le contrôle. Surtout ne pas se laisser emporter par ses pulsions…
Les tueurs d’enfants ont le droit à un long trépas. Il ne fallait pas gâcher leur plaisir en les étripant trop rapidement !
Silence… Une nappe d’obscurité plus profonde s’annonçait devant. Une odeur de peur. La bête acculée…

Taliasar moucha sa torche dans l’eau visqueuse de l’égout. Une traque nocturne dans un tunnel puant, un elfe noir avait connu aventure plus héroïque mais bon… Il y a des obligations qui nécessitent de laisser son ego de côté.
Taliasar sortit de sous sa cape une longue dague courbe, souvenir de voyage dans de lointaines contrées. Puis, ombre parmi les ténèbres, glissant sans bruit le long des murs couverts d’immondices, il gagna le lieu que sa proie avait choisi pour son rendez-vous avec la Mort…

Ainsi chassait le Fer-Obscur, sans garde rapprochée, seul dans l'obscurité...

Voilà qui était fait. Après des mois de traque, la quête était enfin achevée, la vengeance assouvie. La mort avait rattrapé les bourreaux des enfants Ur-Agosha.
Taliasar était heureux d’avoir été la lame dans le noir, l’instrument du courroux de la secte.
Mais il était maintenant bien isolé. Il était parti laissant tout derrière lui, bafouant les lois ancestrales et l’autorité des anciens. Aucun espoir de retour n’était permis. Une nouvelle vie s’ouvrait devant lui, il lui fallait recommencer une existence.
Il ne connaissait personne dans ces contrées, il lui fallait à tout prix faire des connaissances, un guerrier isolé ne survivant pas longtemps dans ces temps troubles.

Taliasar se remémora la maxime de la secte « Union et fidélité ». Les membres étaient unis par une confiance aveugle. Depuis sa plus tendre enfance, aussi loin que remontaient ses souvenirs, il avait été bercé par ces mots. On lui avait inculqué l’art du combat et de l’assassinat. L’art de se mouvoir silencieusement. L’art des poisons et des techniques mortelles à mains nues. L’espionnage, la torture…
La secte Ur-Agosha se targuait dans son pays natal de remplir chaque contrat pour laquelle elle était payée, et de ne jamais trahir son commanditaire.
Taliasar avait été un bon élément, remarqué par les anciens et promis à de rapides promotions.
Mais tout ceci était révolu. Il avait enfreint plusieurs lois et avait ainsi rendu son retour impossible, du moins s’il voulait continuer à vivre.

Maintenant arrivé sur ces terres de Kalamai, il avait levé quelques troupes et tentait tant bien que mal de survivre dans cette jungle toute nouvelle pour lui. Il lui fallait aiguiser ses armes au plus vite s'il ne voulait pas être mangé par plus fort que lui...