C'était la seconde fois qu'Hélèna venait à Méthone. La première fois, elle était venue incognito, ombre passant d'un mur à l'autre. A l'époque encore, Ald'Rhune et sa richesse passait pour être une jolie histoire. Jolie, peut être, mais histoire quand même. Et à cette époque, Hélèna avait rit sous cape, connaissant la vérité au sujet de la cité...
Cette fois-ci, elle était entrée à pied par la grande porte de Méthone, les armoiries d'Ald'Rhune bien en vue. Elle était vêtue de sa cape à capuchon marron foncé brodée de motifs ondulés argentés.
Autour d'elle, une escouade de Sabres. L'escouade Epsilon. Sa préférée. Celle qui la suivait partout depuis plusieurs années. Cette dernière avait récemment perdue deux membres sur six, rapidement remplacés par des nouveaux, tout juste sortis de l'Académie Militaire Ald'Rhunaise.
Depuis le temps, tout les membres d'Epsilon connaissaient le secret d'Hélèna, à savoir sa nature vampirique. Mais les deux nouveaux l'ignoraient encore, ce qui risquait peut être de poser problème un jour. Mais cela n'avait pas vraiment d'importance pour l'instant...
Hélèna avait un but précis. Atteindre la grande place de Méthone.
Ce qui avait paru facile sur le plan se révélait souvent plus ardu en réalité. Mais faisant fis des obstacles tels que des charrettes ou des cageots des divers commerçants locaux, ils atteignirent rapidement la-dite place.
Le palais du Palatin leur faisait face.
Cela faisait longtemps que personne n'avait osé se présenter à ce poste prestigieux et probablement ingrat.
Mais Hélèna était prête à prendre le risque. Après tout, rien ne résiste à une éternelle, même le temps...
La jeune ambassadrice et son escorte atteignit l'escalier du palais. Elle en monta les premières vingt marches et se retourna vers la foule.
Personne ne paraissait lui prêter attention, encore moins la voir. C'est embarrassant pour qui veut faire un discours dans le cadre d'une élection...
Vérifiant que sa capuche était toujours sur sa tête et la protégeait toujours de la désagréable brulure du soleil, Hélèna tenta de se faire entendre:
-Peuple de Prévèze!
La douce voix de l'Ald'Rhunaise fut englouti dans le brouhaha submergeant la place.
-PEUPLE DE PREVEZE!
Second échec. C'est à peine si la première rangée de badauds se tourna vers la jeune femme.
La comtesse se concentra une petite seconde et expédia mentalement sa demande d'attention à toute la place. L'effet fut immédiat: le silence tomba instantanément sur la vaste esplanade. Hélèna commença alors son discours, le transmettant simultanément par la parole et la pensée, permettant à tous de l'entendre distinctement:
-Peuple de Prévèze!
Notre belle province est désorganisée! Les infrastructures sont chancelantes! Nous n'avons plus de représentant auprès de la maison Impériale! Le crime est omniprésent! La loi du plus fort est de mise aux quatres coins de la ville, de la région, de la province!
Nous pouvons faire de grandes choses! Bâtir ce qui manque et rebâtir ce qui n'est plus! Il nous faut quelque chose pour que les efforts de chacun soient canalisés dans une seule et même voie! Il nous faut faire de notre province une terre attractive et agréable à vivre, malgré son climat et sa nature! Il nous faut une administration! Il nous faut un nouveau Palatin!
Hélèna marqua un temps d'arrêt. Des applaudissements fusaient aux quatre coins de la grande place.
-Mais la question est: qui mettre à ce poste? Personne ne veut, ne peut ou ne cherche à se présenter. Ces temps là sont révolus! En tant qu'ambassadrice et comtesse d'Ald'Rhune, je me présente au poste de Palatin de Prévèze!
La jeune femme sentit un frisson dans l'assistance. Le nom de la cité avait suscité l'intérêt, semblait-il. L'exotisme et le mystère, peut être... Le mélange des deux se révélait souvent détonnant...
L'ambassadrice d'Ald'Rhune décida de conclure son discours. Trop long et elle perdrait l'effet d'intérêt qu'elle venait malgré elle de propager au sein de la foule. Et faire trop court était exclu, vu ce qu'elle avait eu le temps de dire depuis le début du discours...
-Peuple de Prévèze, ton avenir est entre tes mains. Je m'en remet à toi.
Merci de votre attention.
La psionniste relâcha sa concentration, perdant le contact avec la foule, rétractant son esprit pour rejoindre le refuge de sa cervelle. Humaine, elle n'aurait jamais pu réunir autant d'énergie pour réussir cela. Elle serait tombée inanimée au premier mot.
Mais là, exception faite d'un vague début de soif, rien ne montrait la quantité d'énergie mentale utilisée durant cet exercice. Ses limites se repoussaient de jour en jour.
Hélèna se retourna vers le haut de l'escalier, menant au palais. Elle leva les yeux vers le fronton du bâtiment et soupira légèrement. Si le peuple l'en jugeait digne, elle monterait ces marches jusqu'au bout...