Le jour s’achevait toujours avec le sang. Souvent celui d’un être vivant bu pour la survie, souvent coulé en quête de quelque chose de plus grand.

Cela faisait longtemps que le commandant avait quitté le reste du groupe qui avaient partagé épreuves et dangers lors de la quête du nord. Il avait quitté les autres sans un bruit dans la nuit, ne laissant aucune trace de son passage, sauf celui des cœurs brisés et des serments bafoués. Il avait trouvé refuge dans une grotte dans les terres du nord, et il vivait seul, profitant de la seule solitude qui venait calmer son âme déchirée. Depuis, il s’entraînait nuit et jour, rêvant atteindre la parfaite perfection martiale qu’il avait eu l’occasion de voir dans les yeux et sur la lame de celui qu’il considérait comme son némesis il lui semblait si longtemps.

Il croyait l’avoir atteinte. Avec la nouvelle maîtrise de son corps offerte par l’entraînement, la vitesse et les sens accrus de sa race, pourtant nouvelle, il avait repoussé ses limites quant au maniement de l’arme qu’il considérait maintenant comme sienne. Ils ne faisaient maintenant qu’un. Il ne pouvait voir sa vie sans son sabre et son armure, comme si un crabe pouvait envisager la sienne sans ses pinces et sa carapace. L’armure avait perdu sa couleur bleutée car le froid l’avait terni, mais elle restait parfaitement utilisable, car l’ancien cavalier y avait veillé.

Le crépuscule de cette nouvelle journée avait été mémorable. Le soleil s’était couché tranquillement, éveillant de la même manière le soldat installé confortablement sur une pierre en position de méditation au fond de la grotte, le sabre en équilibre sur les genoux. En ce jour, il savait qu’il devait sortir. Sans raison, seulement comme cela, à l’instinct. Il savait aussi que c’était le jour ou il allait tuer. Comme cela, sans raisons, et pour la première fois et pas la dernière, il n’allait laisser aucun survivant.

Il marcha longtemps, presque sans but, avant d’arriver à une ferme. Une petite ferme bien construite, semblant bien vivre et possédant un joli troupeau lui permettant sans doute de lui assurer quelques biens au dessus de sa simple subsistance, mais le commandant n’en avait pas tellement envie. Tout ce qui le poussait pour l’instant, c’était une vague envie de meurtre qui lui flottait dans la tête. Il passa près d’un feu de camp ou un berger s’était assoupi, sans doute occupé à compter ses propres moutons, et abattit son sabre d’un geste souple mais léger, presque théâtral, puis continua son chemin, abattant la lame un nombre presque incalculable de fois sur les habitants de l’endroit qui se réveillaient et tentaient vainement de résister. Puis ce fut le tour des bêtes.

Assis sur une pierre en contemplant tour à tour la lune et les flammes qui consumaient les cadavres et la ferme, Ardent jugeait son avenir. Un détail vrillait douloureusement son souvenir, et il avait besoin d’aller à la capitale impériale pour en vérifier la teneur réelle dans ses notes à la corporation et dans les archives, et par la même occasion il voulait aller voir un vieil ami pour lui demander des nouvelles du monde, et aussi pour lui donner de bien mauvaises nouvelles.

Fardall, un visiteur vient te voir ce soir, Dit-il avant de reprendre sa route vers Halicarnasse, autrefois sa demeure.

(HRP Ardent: Message sans suite, sauf si vous avez une bonne raison de me suivre^^)