[Plus on est de fous...]
La mâtinée avait été resplendissante, comme souvent dans cette cité enlassée dans les sables du désert Prévèzien.
Les marchands de la région -et même un peu d'ailleurs- avaient menés grand train leurs affaires sur la place Tilk Nosferan. Les cris de ces derniers, ventant telle ou telle marchandise, survolant les mille voix de la foule emplissait chaque matin Méthone. Et le soleil agrémentait ce spectacle de ses lumières toujours plus vives, échauffant l'atmosphère comme un feu le ferait d'un lapin à la broche.
Pour ceux qui ne connaitraient pas encore le marché de Méthone -ou de toute ville de Prévèze, d'ailleurs-, il est à savoir que tout peut y être acheté, vendu ou échangé. A l'exception depuis quelques temps, des esclaves...
Ces lieux regorgent des richesses en provenance de tout le monde connu, pour des sommes défiant souvent toute concurrence. Les plus belles pièces de viande, les plus beaux tonneaux de bière naine, le meilleur vin de Thassopole ou les épices aux parfums enivrant en passant par les plus beaux objets -armes, armures, bibelots, outils et ustensiles de toute sorte- des plus grands artisans de tout l'Empire. Tout cela pouvait se trouver, moyennant quelques pièces d'or, sur le marché de Méthone...
Au milieu de ces odeurs et couleurs à en perdre ses sens, une elfe d'un âge indéfinissable louvoyait entre les stands emplis de biens et de denrées rares.
La chaleur faisait petit à petit se vider la place de ses vendeurs et acheteurs potentiels. Le soleil, non loin de son zenith, frappait de ses rayons incandescent la pauvre capitale Prévèzienne. Les intérieurs frais des habitations accueillaient un nombre toujours croissant d'individus. Mais encore bon nombre de courageux ou de retardataires se trouvaient toujours sur le marché.
L'elfe allait à petite allure en direction du Palais du Peuple, surplombant la place. Elle venait d'arriver en ville par la diligence du matin en provenance d'Ald'Rhune après la réception d'une bien étrange missive. Missive qui l'avait enjointe à rejoindre le siège du palatinat au plus tôt pour des raisons obscures. Elle avait alors quittait sa confortable retraite et ses occupations au sein de l'Académie d'Ald'Rhune pour rejoindre Méthone, n'emportant que le stricte nécessaire.
Les escaliers menant au Palais du Peuple, écrasés sous le soleil, faisait l'air onduler de chaleur. Une après-midi bien chaude s'annonçait alors que midi venait tout juste de se présenter, brulant.
L'elfe les gravit rapidement, préférant cuire le minimum possible... Autant à Ald'Rhune l'air de la mer rafraichissait et assurait une brise légère, autant ici les souffles se faisaient rares et l'air asséchant. Mais l'intérieur du grand bâtiment, une fois sa porte passée, l'enveloppa d'ombre et fraicheur régénératrices. L'elfe se sentit revivre, comme plongée dans une bassine d'eau fraiche après avoir été portée au feu. Elle laissa échapper un soupir de contentement en fermant les yeux, de toute façon inutile momentanément car non encore habitués à la relative obscurité du palais.
A peine sentit-elle un des maitres du Palais s'approcher d'elle:
-Soyez la bienvenue au Palais du Peuple. Puis-je vous aider?
-Avec grand plaisir: amenez moi au capitaine Valdès, je vous prie.
-Si vous voulez bien me suivre...L'homme l'amena jusqu'à une des ailes du palais renfermant, sembla-t-il, les bureaux. A chaque intersection, une fontaine aux eaux claires emplissait l'air d'une humidité bienvenue, alliée au doux bruissement de l'eau. Les multiples ouvertures vers l'extérieur se trouvaient munies de fines persiennes délicatement ouvragées contenant la chaleur à l'extérieur, mais permettant à la luminosité de s'infiltrer. La palais avait été récemment restauré, mais cela avait été fait habilement: les mosaïques manquantes avaient été refaites de façon à coller avec les anciennes. Quant aux couleurs des peintures, elles avaient été rajeunies de plusieurs décennies par d'habiles artistes pour retrouver leur ancien éclat...
Une amatrice d'art pouvait très légèrement le percevoir. A peine. Mais pour une habituée des architectures comme cette elfe d'Ald'Rhune, cela sautait aux yeux. Malgré l'excellent travail durant la restauration.
Le maitre du Palais que suivait l'elfe s'arrêta soudain devant la porte -gardée par deux soldats en faction- de l'un des bureaux. Il devait s'agir de l'antre du capitaine Valdès, se dit l'elfe dans un demi sourire.
L'homme frappa doucement à la porte trois fois. La réponse fut presque immédiate:
-Entrez.Le maitre du Palais introduisit succinctement la visiteuse:
-Cette personne désirerait vous parler, monsieur.-Bien, vous pouvez vous retirer, maitre.L'homme s'inclina en guise de salut et quitta le bureau en refermant la porte derrière lui.
Le bureau du capitaine Valdès s'ouvrait sur un balcon couvert mais restait protégé de la chaleur par une mince porte-persienne en fermant l'accès. Néanmoins, les larges fenêtres, elles aussi pourvue de persiennes, devait rendre particulièrement agréable la pièce avant le départ de la fraicheur ou après son retour en soirée. La vue depuis le bureau donnait sur les jardins du palais, remis en état avec brio sous les ordres de Maëlle. Au delà, le sable reprenait ses droits et s'étendait à perte de vue.
Le capitaine se leva et vint à la rencontre de sa visiteuse. Après s'être à son tour incliné devant elle, il se présenta:
-Bonjour, madame. Je suis le capitaine Largo Valdès, commandant des gardes de cette cité et conseiller militaire auprès du palatinat. Que puis je pour vous?-Capitaine, je suis ravie de vous rencontrer. Je me nomme Alïna Na'alea, je suis professeur à l'Académie d'Ald'Rhune et accessoirement amie de Maëlle, qui se trouve être la second de la comtesse Ianoss, palatine de Prévèze.-Oh, je vois... Vous la remplacerez durant son absence, n'est-ce pas?-Précisément.-J'ai reçu une missive de la part de cette chère Maëlle qui m'indiquait votre venue prochaine.-Elle pense toujours à tout... Déjà lorsqu'elle était mon élève, elle avait ce sens aigu de l'organisation qui lui permettait de toujours optimiser les gestions des...-Vous désirez peut être prendre place dans vos appartements, non? L'interrompit le capitaine de la garde.-...Euh oui, en effet. Peut être pourrais-je ensuite avoir un topo concernant la situation ici, à Méthone, puis enfin en Prévèze.-Mais avec plaisir, madame Na'alea.-Ecoutez, mon garçon, nous allons devoir travailler ensemble pendant un moment. Alors laissez de côté les "madame" et appelez moi Alïna, voulez-vous?-C'est entendu...Alïna.