Quelques part, dans une des chambres du château, veillait un homme. Oh, certes, il n'était pas le seul, bien loin de là... D'autres étaient éveillés dans le bâtiment, tandis que les premières étoiles s'allumaient dans le ciel. Dans le bureau d'Evan, l'Intendant, une lumière brillerait longtemps. Et une grande masse de serviteurs avaient encore quelques tâches à accomplir. Mais dans cette partie-là du castel, il était le seul... Peut-être parce que cette partie était presque déserte. Il avait demandé, et obtenu, cette chambre, tout en haut d'une des tours, pour s'abreuver des lueurs du ciel... Pour y trouver l'inspiration...

Pensivement, il pinça les cordes de son luth...

Ainsi donc, le temps était arrivé. Il avait prit la route en solitaire, dix ans au part avant, pour retrouver celui qui avait été pour lui comme un frère, et pour devenir ménestrel... Visiblement, ce temps était arrivé... Mais à quel prix... Tant et tant de mort pour conquérir ce tas de pierres ! Il avait faillit mourire une centaine de fois au moins, et bien souvent c'était la mort d'un compagnon qui l'avait sauvé... Et ainsi, lui en était ressortit vivant... Comme quatre autres. Cinq. Cinq seulement sur toute l'armée de mercenaires, d'errants et de vagabonds qui avaient prit d'assaut les murs. Cinq. Mais son coeur ne pleurait pas. Il ne pleurait plus. Car celui qu'il était venu chercher jusqu'ici en avait réchappé, celui qu'il avait tant aimé aux jours de son enfance, quand il lui montrait des tours improbables, avec une simple pièce. Il l'avait retrouvé, et il avait juré de le servir, ce qui ne le dérangeait pas le moins du monde...

Il avait bien changé depuis le jour lointain où il était parti. Il était jeune alors, et innocent. La vie dans le monde lui avait bien vite ôter toute innocence, et ja jeunesse était passée, comme le reste, même s'il n'était pas encore vieux. Sa quête c'était faite un peu ridicule, un peu folle, c'était une raison de partir, pas de continuer. Il avait continué pour l'amour de l'art, pour l'amour du monde et des chants qu'il chantait... Et maintenant il avait tout accomplit.

Il était heureux.

Avec un sourire plein de joie, il commença à jouer, doucement, une mélodie un peu mélencolique, mais juste un peu, l'introduction d'un chant apprit des années plus tôt, auprès d'un vieux troubadour qui reposait ses os fatigués à côté d'un bon feu...


"C’était bien loin d’ici,
dans les terres sous le ciel,
que naquirent autrefois,
les Elus d’Ilviriel.
Quatre jeunes et beaux enfants,
dans quatre riants foyers,
furent donnés à ces terres,
bien loin de nos contrées.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Le premier était blond,
ses tresses couleur de blés,
et son cœur était bon,
toujours prêt à rire et à chanter.
En grandissant,
au fil des années,
il devint courageux comme un lion,
capable de vaincre toute une armée.

Et il était béni, béni de tous les dieux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux.
Et il était béni, béni de tous les dieux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux...

Le second était noir,
plus noir que la nuit,
autant par ses cheveux,
que par son coeur obscurcit.
Et même jusque dans ses yeux,
régnait l’Obscurité,
il était passé Maître,
dans l’art d’assassiner.

Et il était béni, béni de tous les dieux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux.
Et il était béni, béni de tous les dieux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux...

Le troisième, lui, était couleur de feu,
dans son cœur couvait des flammes,
et roux étaient ses cheveux.
Il était habile archer,
et puissant sorcier,
Enflammant ses flèches,
pour que ses ennemis,
elles aillent consumés.

Et il était béni, béni de tous les dieux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux.
Et il était béni, béni de tous les dieux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux...

Le dernier, pour sa part,
vous l’aurez devinés,
était brun comme la terre,
veille de bien des années.
Ses mains étaient plus habiles,
à manier la charrue que l’épée,
mais de brillantes stratégies,
il savait concocter.

Et il était béni, béni de tous les dieux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux.
Et il était béni, béni de tous les dieux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur lui Ilviriel, avait posé les yeux...

Et, tous ensembles,
ses quatre vaillants hommes,
lorsqu’ils eurent atteint l’âge,
de porter les armes,
s’en allèrent
vers nos contrées
pour combattre la menace
qui s’y était levé...

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Pendant mille et uns jours,
ils livrèrent batailles,
car ils étaient près, toujours,
à se battre, où qu’ils aillent.
Ils étaient soudés,
comme les doigts de la main,
car Ilviriel par sa volonté,
avait unis leurs destins.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Finalement,
devant la Forteresse Noire,
ils rencontrèrent,
les Messagers de l’Espoir.
Venus de la Mer,
bien des guerriers,
lutaient eux aussi
contre l’Obscurité.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Là, à la fin,
les Elus se lièrent,
avec les chefs des étrangers,
venus de la Mer.
Ensembles ils affrontèrent,
le sombre roi,
qui tenais sa cours
dans les ténèbres, là bas.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Il y avait là,
parmi toute cette armée,
le noble fier et Beau,
qui savait les commandés.
Mêlée de blond et de brun,
était sa belle crinière,
et il marchait vers le Destin,
la lance à la main.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Venait là aussi,
un pèlerin très Sage,
dont la blanche chevelure,
semblait venir du fond des âges.
Son auguste visage,
était tout ridé,
pourtant il se tenait droit,
et n’allait pas voûter.
Dans la bataille,
il devait démontrer,
qu’il maniait le bâton
aussi bien que l’épée.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Le dernier des chefs,
de cette immense armée,
ne semblait pas venu,
de par delà des flots.
Noire était son armure,
et il s’en allait casqué,
sa main était toujours sure,
quand il maniait l’épée.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Ils abattirent la porte,
jetèrent à bas les murs,
ne laissant pierre sur pierre,
de cette Citadelle Obscure.
Tous ceux qui résidaient là,
hommes d’une race cruelle,
ils les envoyèrent dans l’au-delà,
mais la Mort, si belle,
éteint aussi, l’éclat, si grand,
des beaux guerriers,
venus sur l’Océan.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Ainsi les cinq survivant,
se réunirent ils,
autours du corps agonisant,
du Sage de la Grande Île.
L’un d’entre eux,
le sombre Chevalier,
s’agenouilla près de lui,
et entendit ses dernières volontés.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Quand il se releva,
se terrible guerrier,
son regard de braise,
de tristesse était voilé.
Il prononça,
quelques graves paroles,
puis ferma les paupières,
de son vieil ami,
de cet homme si fier.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Ils se séparèrent,
par de solennels adieux,
le Chevalier restant,
pour donné aux morts,
le repos des Dieux.
Pour que chacun,
dans les souvenirs restent gravés,
et que jamais aucun,
ne soit oublié.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Tous, un à un, il les honora,
les fier combattant,
venu sur l’Océan,
furent enterrés,
dans les bras de la Terre.
Le Sage et le Beau,
il les confia à la pierre.
Quand aux cruels guerriers,
servants l’Obscurité,
dans de sombres flammes,
ils furent consumés...

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Les Elus, quand à eux,
quittèrent les ruines de la Citadelle,
pour retourner chez eux,
là où ils croyaient la vie plus belle,
et les jours plus heureux.
Ils voyagèrent de nouveau,
parcourant bien des lieux,
pour revenir chez leurs ancêtres,
dans les terres sous les Cieux.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Pourtant, ils devaient découvrir,
que les dessins d’Ilviriel,
n’étaient point si facile à accomplir,
pour de simples mortels.
Pendant bien des années encore,
ils durent œuvrés,
jusqu’à ce que finalement la Mort,
ne vienne les délivrer.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Alors avec douceur,
la Faucheuse les emmena,
dans les contrés loin du Malheur,
qui règne ici bas.
Là, ils retrouvèrent,
quelques vieux amis,
qu’ils avaient jadis connu,
quand ils étaient dans se monde si.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Et depuis se jour,
en se lieux ils sommeillent,
loin de la Haine comme de l’Amour,
dans les Terres Immortelles.
Mais peut être qu’il viendra le temps,
pour les Elus de s’éveiller,
et de quitter l’éternelle tranquillité,
pour encore une fois,
contre les Ténèbres luter.

Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux.
Et ils étaient bénis, bénis de tous les dieux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux,
car sur eux Ilviriel, avait posé les yeux...

Que pour toujours sommeillent,
les Elus d’Ilviriel,
loin de ses terres,
et des Contrés sous le Ciel.
Puissent ils ne jamais ;
ne devoir revenir,
car alors l’Obscurité,
serait sur le point de nous engloutir.
Car alors l’Obscurité,
serait sur le point de nous engloutir..."


Les dernières notes s'éteignirent lentement dans la nuit calme, tandis que dans le ciel les étoiles brillaient comme jamais... Les étoiles, si fidèles compagnes... Les yeux perdus dans le ciel, le ménestrel laissa ses doigts errer sur les cordes, inventant des mélodies qui lui soufflaient des mots...