Choux blancs sur toute la ligne... C'est bien la première fois qu'une milice citadine est efficace. Je comprends mieux lorsque Meastyr me disait éviter la Ville Impériale comme la peste. Pas bonne pour les affaires, annonçait-il pour justifier ses dires. Mouais... Il devait certainement craindre l'efficacité des soldats. Sont-ils mieux payés ? Craignent-ils leurs supérieurs ? Aucune idée. Quoi qu'il en soit, impossible de mettre la main sur ce satané parchemin. Demain, il me faudra pas mal d'idées pour coller au groupe. Je décide de m'endormir rapidement pour être alerte.
En ville, nul besoin d'attendre le lever du soleil pour être réveillé. Surtout sur un marché. Le bruit des premiers marchands remontant leurs étals suffirait à donner envie à un mort de déménager. Tant mieux. Au moins, j'ai le temps d'avoir les idées claires. Zakhyl aussi est réveillé, je n'ai même pas besoin d'ouvrir les yeux pour le savoir, l'odeur du thé, de ce thé si parfumé que lui seul sait faire. Même si l'envie de me rendormir est forte, je me fais violence et m'assoie. Il fait encore nuit. Peut-être l'horizon se met à blanchir mais ici, au milieu des hauts bâtiments, impossible de le dire.
- Zakhyl, je dois t'avouer que je ne sais pas du tout où je vais. ça la fout mal pour un guide, tu ne trouves pas ?
- Quoique tu fasses, n'oublie que tu es Arkhyl et que tu le resteras jusqu'à ta mort. Mes rêves me l'ont dicté, les djinns et les effrits se sont rencontrés pour toi... Nous ne sommes pas ici par hasard.
- Ouais... Ils pourraient être plus clairs dans ce qu'ils veulent. Tout ce que je sais c'est que cette histoire de parchemin semble être la bonne direction pour eux. Va savoir pourquoi.
- Tu vois, à peine retrouves-tu la ville que tu reprends tes mauvaises habitudes. Tout vouloir, tout savoir, tout de suite. Pour nous le temps passe, pour les effrit, il n'est rien, pour les djinns, il est comme ces épices, tu peux en ajouter ou en retrancher, comme tu le désires. Ils voient d'autres choses que nous ne verront que plus tard, peut-être.
- Pourrait-on éviter ce genre de conversation avant le thé ? Je ne suis pas certain de pouvoir suivre.
Zkhyl sourit en me tendant la tasse brûlante. Je reste silencieux, en buvant, le chèche légèrement baissé pour boire sans découvrir mon visage.
- Zakhyl.
- Oui ?
- Si je ne suis pas revenu ce soir, tu devras rentrer à El Azban.
- Rentrer sans t'attendre ?
- Oui. Je vais certainement être absent longtemps avant de pouvoir revenir à El Azban... Une intuition.
- Tes intuitions ont guidé tes pas jusqu'à nous. Je te crois. El Azban t'attendra et je t'y attendrai aussi, mon ami.
- Puissent tes paroles être l'avenir...
J'attrape ma ceinture en me levant, la lame courbe et la dague s'entrechoquant et me rappelant qu'il me faudra peut-être m'en servir. Je n'aime pas ça et j'espère me rappeler des heures d'entraînement passées avec Meastyr.
Petit à petit, le marché se remplit tandis que je m'approche de l'auberge et que le ciel prend peu à peu cette teinte rosée blanchâtre annonçant une journée agréable et sereine. Par bribes, j'entends les badauds parler d'une arrestation, visiblement celle de l'auteur des parchemins. Là, la garde n'est plus efficace, elle frise la perfection !! Ils leur font manger des trucs spéciaux ou quoi ? Quel intérêt dorénavant d'aller là-bas ? La lumière bleutée filtrant au travers de mon saroual, peut-être... Le parchemin n'était pas la piste. Qu'est-elle alors ? Une des personnes présentes hier dans la taverne ? Je n'ai pas le choix, de toute façon, enfin si, je l'ai, c'est juste que ce choix je l'ai fait cette nuit à El Azban, quand j'ai choisi de devenir Arkhyl. En poussant la porte de l'auberge, je remarque que la lueur bleue du tatouage s'intensifie avant de disparaître, par discrétion, sans doute. Je suis donc toujours sur la bonne voie...
L'elfe et le nain ne sont pas là mais je reconnais aisément la fée estropiée et l'autre fée. Une troisième fée semble les avoir rejoints ainsi qu'un gnome. Super... ça va être facile d'être discret, je ne fais pas vraiment la bonne taille... Je dois réfléchir vite... Vite... Vite... Je m'approche de la fée estropiée :
- Salam, dame fée. Excusez-moi de vous interrompre dans votre conversation entre amis, je me nomme Arkhyl, je suis un marchand venu de Prévèze. Il me semble vous avoir vue hier, en compagnie de messire mais aussi d'un nain et d'un elfe à qui j'avais conseillé un vin. Ce dernier est-il ici ? Je crois pouvoir être en mesure de lui proposer des produits qu'il apprécierait. J'avoue ne pas aimer rater quelque affaire que ce soit si je peux satisfaire un client éventuel. Sauriez-vous, où je peux le trouver ?
Je remarque au passage l'étincelle du gnome. Un marchant, lui aussi, j'en suis certain. Tant mieux, je pourrais en apprendre un peu plus sur cette étrange réunion !!