Le vieil Alderaban était chez lui, finissant la vaisselle après son frugal repas. La journée, comme les précédentes, était paisible. Le villageois affolé qui arriva en courant brisa cette quiétude…
Il est revenu… il est revenu… Vite, viens aux portes, il est revenu…
Sa peur était manifeste, qui pouvait bien causer un tel effroi ? A moins que… Pris d’un mauvais pressentiment, Alderaban se précipita dehors et couru vers les portes. Ces dernières étaient fermées, et quasiment tous les villageois étaient rentrés à l’abri. Ils observaient à présent du haut des murailles. Quelques uns avaient été chercher des armes, quelques arcs aussi, mais il était visible qu’ils espéraient ne pas avoir à s’en servir.
Il monta les marches, parvint aux créneaux et…
Il était là. Rassemblant son courage, il s’adressa à l’intrus.
Que faites-vous ici Monsieur ? Pourquoi être revenu ?
Je viens m’installer ici pour m’y entrainer et progresser. répondit imperturbable Van Idj’Ailfarah.
Le vieux fermier l’observa. Il était identique à la première fois, avec un large sourire, des vêtements amples et colorés et ses trois sabres à la ceinture. Il portait sur l’épaule un gros sac, un peu comme les voleurs des dessins pour enfants, et dans l’autre main, il tenait une large mallette en fer fermée par plusieurs verrous.
Alderaban se demanda ce qui pouvait bien le pousser à vouloir vivre ici, serait-ce que… Avait-il réussi ?
Est-ce donc que vous avez croisé L’Ardonien et qu’il vous a défait ? Est cela qui a motivé votre venue ici ?
Il n’osait y croire. On disait ce combattant si fort qu’il semblait impossible qu’il puisse avoir perdu. Et pourtant, il était là. Il repensa à son maitre. Ce dernier paraissait toujours sûr de lui, de sa force, pas du genre à trembler face à une réputation. Van Idj’Ailfarah répondit à la question et dissipa les interrogations en suspens.
C’est ça ! Il est vraiment fort. Bien plus que moi. J’ai beaucoup repensé à ce combat. Je crois qu’il a convaincu son corps qu’il pouvait tenir. Vous saviez vous que l’on pouvait combattre au-delà des limites de son corps ? Je crois que lui le sait. Moi, je ne le sais pas. Je l’ai vu faire, mais je ne sais pas faire comprenez-vous ? C’est comme vous quand vous me regardez. Vous savez que l’on peut combattre avec trois lames mais vous ne savez pas. Vous me laissez entrer ?
Le fermier était un peu désarçonné. Puis, il réalisa et le soulagement l’envahi. Il avait vraiment craint pour la vie de L’Ardonien mais il semblait que ce dernier avait quelques tours en réserve. Il ordonna d’ouvrir les portes et demanda au nouveau résident de le suivre.
Je vais vous conduire à votre nouvelle demeure. L’Ardonien a fixé des règles pour ceux qui comme vous êtes voués au combat et non à la culture. Nous avons quelques maisons à l’intérieur pourvu d’un petit jardin. Vous cultiverez vous-même votre nourriture. Nous vous fournirons conseils et aide si vous ne savez pas comment faire. Et vous aurez une part sur nos ventes pour vous rémunérer de votre statut de défenseur du village.
Je ne compte pas défendre ce village vous savez. Vos vies n’ont pas d’importance. Vous n’êtes même pas assez forts pour me donner du plaisir à vous tuer. Mais vos conseils pour la culture sont les bienvenus.
En acceptant de venir ici, vous vous êtes soumis aux règles de L’Ardonien. Et ces règles vous imposent de défendre le village en cas d’attaque.
Van Idj’Ailfarah se tourna vers lui et étira son sourire, lui dévoilant ses dents blanches pour toute réponse. Alderaban se dit qu’il serait préférable que les futurs agresseurs soient suffisamment forts pour amuser le nouveau venu. Sinon, ils pourraient tous mourir sous ses yeux sans que se réduise ce sourire…
Ils arrivèrent devant une petite maison. Le fermier ouvrit la porte et invita le guerrier à découvrir son nouveau chez lui. Il paru sincèrement s’intéresser à la bâtisse puis, s’approchant d’une table, il y déposa sa mallette et son grand sac. De celui-ci, il sorti un livre qui avait visiblement beaucoup servi et alla le mettre sur la table de chevet.
Voyant que le fermier essayait de voir de quoi il s’agissait, Van lui répondit.
Il s’agit du premier volume des traités écrits par Nogatang le Magnifique. Le combat contre L’Ardonien m’a fait comprendre à quel point ce livre disait vrai. J’en suis vraiment aux balbutiements de ce style de combat qui n’est absolument pas invincible au niveau où je suis. Je ne suis qu’un pauvre jongleur de rue vieil homme.
Hey !!!
Mais tu es bien curieux vieil homme ! hahaha ! Voilà que tu regardes ma mallette ! Il y a dedans des sabres.
Alderaban n’était pas vraiment rassuré mais la surprise prit le dessus et il posa avant qu’il ne puisse s’en empêcher une question qui déclencha l’hilarité de son vis-à-vis :
Des sabres ? Des sabres de rechange ?
AHAHAHAH !!!!! Les lames de Nogatang sont gorgées de magie, je ne pense pas qu’elles soient cassables. Malgré tous leurs combats, pas une ne présente la moindre imperfection ! Non, il s’agit de lames supplémentaires que l’on peut rajouter pour combattre. Sauf que j’en suis bien incapable. Nogatang lui-même a mis plusieurs années avant de les utiliser.
Quelle tête tu fais ! Tu ne le savais pas ? La réputation de Nogatang s’est fait sur ses trois épées. Mais, quand il a tué Ser Brugnon, il a combattu avec cinq. Il n’aurait pu vaincre avec trois. Le chevalier était réputé pour sa défense indébordable, son armure épaisse et l’agilité de son bouclier.
Se penchant vers le fermier, il ajouta sur le ton de la confidence.
Il paraitrait même que le maitre de Nogatang pouvait utiliser 7 lames, mais ne le répète pas hein, Nogatang n’est pas sensé avoir de maitre !
Et il partit d’un éclat de rire tonitruant, comme si cette phrase cachait l’une des choses les plus drôles de la création. Le fermier choisi ce moment pour se retirer, mais le rire continua et l’accompagna bien longtemps après qu’il eut quitté les lieux.