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(Écrit par Eliess)
Debout, sur une colline, une jeune femme domine Odal, une région sauvage, fortement boisée et vallonnée traversée par une rivière. Eliess naquit à Arbycande, petite contrée d’Odal, fille d’Izold de Louicet, jadis seigneur de ces terres et de Lyssia Harnhael, dame de Dunevigue.
Grande à la chevelure cuivrée, il émane d’elle un caractère un peu fantasque. Pourtant, ses vêtements semblent exprimer un tempérament organisé; cuissardes, jupe amazone, gilet de cuire sous un manteau doublé d’une épaisse fourrure. Des grimoires sont rangés dans sa besace ainsi que quelques objets étranges.
Pensive son regard se perd devant l’étendue de ce paysage.
C’est là où résidait le roi Meldroc et toute la noblesse. La province était située au nord-est de Kalamaï et bordait la province vénopolienne. La région avait était divisée en un grand nombre de domaines.
Le plus grand était celui du monarque. Les autres appartenaient aux seigneurs qui régissaient leur fief comme ils l’entendaient, tant qu’ils ne contrevenaient pas à la loi du souverain, dont ils étaient les fidèles vassaux. Si un seigneur ne respectait pas la loi, il était exécuté et ses terres étaient données à un autre. A quarante ans, Meldroc ne pouvait se targuer d’avoir maintenu la paix sans discontinuer sur la région, pendant près de quinze ans.
Izold, seigneur d’Arbycande gérait son domaine avec rigueur et fierté, attentif à ses sujets. Il y avait toujours eu autour de cet homme une aura de mystère et même de magie interdite. Eliess, surprotégée par son père veuf qui lui interdisait à prendre part aux réunions politiques et économiques, s’est languie dans la frustration. Elle n’avait accès qu’à la bibliothèque des dames; romans courtois où le même preux chevalier arrachait la même noble dame des griffes du même baron félon, avant de sauver le trône par la force de ses bras. La morale toujours la même ;" Femme ! tu serviras ton époux et ton roi, te-feras belle pour leur plaisir et t’abstiendras de toute pensée personnelle !"
Son père ne pouvait par contre avoir aucune maîtrise sur ses pouvoirs naissants, héritière d’une famille de magiciens de père en fils puis de père à fille.
Le monde devenait instable autour de l’Empire kalamaïen et en son coeur. Après la presque dissolution des troupes des Rebelles Noirs qui avaient marqué les âmes, les seigneurs d’Outre-Mer, piliers de ces révoltes et vexés par leur défaite prirent d’assaut Kalamaï et emprisonnèrent l’impératrice Evalia. L’Empire n’était pas leur unique cible de toute évidence car ils déployaient leurs bras vers d’autres régions, cherchant des appuis pour accroître leur puissance par tous les moyens, afin d’influencer de nouvelles recrues.
Izold fut une proie alléchante, avide de savoir, expérimentant la magie au-delà de ses limites.
Avec une vive appréhension, Eliess observait son père qui changeait. Il négligeait ses terres, pour s’enfermer dans l’ombre de ses murs. Il semblait abriter une entité autre que la sienne. Son faciès devenait blême et crispé. Son regard sombre et glacial faisait fuir; même sa fille n’osait l’affronter et pourtant elle était fascinée par cette mutation, somme toute, se garda t- elle bien de la complaire, elle se l’interdisait…
Le roi Meldroc manifesta sa grande inquiétude concernant Izold qui entretenait depuis peu, des rapports plus que douteux avec les chefs de quelques regroupements des cités obscures de Kalamaï, ces derniers s’infiltrant dans la région, pour piller, bruler les récoltes et terroriser les gens ;désagréments, heureusement, contrés par des patrouilles efficaces et endurantes, sans compter le déploiement de puissance des mages prêts à lâcher leurs créatures toutes aussi dévastatrices. Les offensives étaient de plus en plus fréquentes; tout ceci n’était que le prémisse d’un carnage, une nécrose prête à gangrener toute la région. L’assurance de Meldroc sur les jours à venir commençait à faiblir.
Habile magicien Izold avait sombré dans la folie; trop de puissance, parfois, peut dévaster un esprit même très sage.
Les seigneurs se réunirent avec le roi, pour débattre de leurs préoccupations honorables; le seigneur d’Arbycande s’opposa à tout dialogue, reclus dans sa forteresse, bannissant le jour pour attendre la nuit, afin d’explorer sans doute, les aphtes de la magie noire.
L’inévitable s’imposa, le roi trancha. Une guerre naquit entre ces hordes menaçantes, un magicien délirant et les défenseurs de leurs terres.
Décontenancée, Eliess fuit Arbycande et décida de rencontrer Angélion dans la province de Scitopole, puissant Gardien de la Lumière qui apportait aux âmes en détresse un souffle d’espoir. Elle lui envoya une missive par une buse, pour convenir d’une entrevue.
La guerre sévissait sur le territoire. Hargneux, les seigneurs d’Outre-Mer et leurs acolytes étaient en surnombre, la région était menacée.
La jeune femme parvint à rencontrer Angélion, conviée dans son royaume de Célestite, pour lui faire part de sa requête; anéantir la lie qui menaçait l’âme de son père, son domaine et toute la région odalienne. Il ne put l’assister en personne mais en contrepartie, il lui fit prendre confiance en elle; si menus soient ses pouvoirs, il ne fallait pas minimiser leur impacte et les développer, pour assurer leur puissance. Il mit à sa disposition quelques un de ses fidèles, des gardes célestes et chevaliers brasamicaux, pour renforcer ses défenses. La forteresse aérienne, Brasamical, bastion de stratégie, réunissait les amis fidèles d’Angelion, près à combattre sous son égide, avec honneur, en- vers et contre tout. La jeune femme quant à elle, lui jura fidélité jusqu’à sa vie, au nom de la Lumière.
Lorsqu’Eliess arriva accompagnée par les gardes célestes, les armées d’Odal se remotivèrent, la victoire était envisageable.
La jeune fille se précipita dans la forteresse de son père, prise d’assaut. Les gardes de Meldroc avaient encerclé Izold prêts à lui donner le coup ultime.
Non ! hurla Eliess
Devant l’élan de sa fille, Izold ne put refouler ses larmes. Le mal n’avait pu atteindre cette parcelle d’humanité, l’Amour de sa fille. Le visage larmoyant, signé par la détresse, sans résistance, Eliess pointa son sceptre sur son père en invoquant Nimburr. Foudroyé par un jais luminescent qui l’enveloppa d’un linceul d’or et d’argent, Izold eut ces derniers mots.
"Une larme a désigné l’espoir,
La mort a désigné la liberté,
Mais toutes les vérités et tous les rêves sont d’accord et montrent un même dessein,
Tous désignent l’Amour ! "
Izold disparut dans le flamboiement d’une lame de feu qui fusa dans le vide pour rejoindre les entités .
Soyez en paix mon père…
Sous l’ordre du roi Meldroc, ses cendres furent recueillies puis dispersées sur les cours de l’Ombre à Ocral, royaume régit par des fées.
Il est des cours d’Ombre comme des cours de Lumière sur Ocral sous la gouverne de fées. La chose peut même apparaître d’une parfaite logique à ceux qui ont un quelconque entendement de la vie; une lumière sans ombre n’aurait pas de raison d’être, et aucun charme, ainsi toute apparence réside en un faisceau de contraire. Ceci étant, les fées disent que le visage d’Izold est comme une flamme gelée et que son ombre apporte l’inquiétude à ceux croisent son chemin. D’autres chuchotent: " Quelles femmes ne préfèreraient-elles le sombre seigneur d’Arbycande au Gardien de Lumière ? ". Malgré l’éclat sombre de l’âme de son père, cet éclat participe encore de l’amour qu’elle a conçu de lui. Eliess discerne son ombre et sa voix dans l’espace nocturne :
" Ne restes pas sur ces terres , elles ne t’apporteront aucune consolation. Poursuis la cause que tu as choisi de défendre auprès de ton Gardien. Que la limpidité de tes larmes entre en mon âme, une fois dissipées, tu reviendras aux tiens."
Et l’écho des larmes d’Eliess dans l’espace nocturne pénétra dans l’âme d’Izold comme des perles de glace, et dans la forêt d’Ocral plongée dans la nuit, elle s’endormit. A son réveille, ses yeux s’ouvrir devant le spectacle d’une brume translucide, traversée par une nuée de papillons argentés virevoltant, pour accueillir les premières lueurs de l’aube. Dés-lors, un griffon lui transmis un message d’Angelion…
" Brasamical s’effondre malgré notre déploiement de magie! Rejoignez-nous dans ses abysses et laissez-vous guider par leur influence. Nous y resteront cachés pour nous enrichir et développer nos pouvoirs."
Eliess devint seigneur d’Arbycande et confia la gestion de ses armées à un homme de confiance, le générale Zelide. La jeune femme observait avec sérénité, la lutte acharnée entre les armées d’Odal et celle des partisans d’Outre-mer.
Pour rejoindre discrètement les fidèles d’Angélion, elle dût emprunter un passage souterrain, dans l’antre d’un volcan considéré comme inoffensif qui aboutirait dans les Gorges souterraines au nord de la frontière Scitopolienne. De là, la magie du célestiale la guiderait à son terme.
La magicienne enfourcha un petit dragon des cavernes et selon le plan d’Angelion, repéra Crozot la dite montagne, aux abords sud-est de la province d’Edhesse. Elle s’y engagea discrètement et avec crainte, campée sur sa monture pour effectuer un voyage au centre de la terre, en espérant une issue heureuse. Les pattes du dragon s’enfonçaient dans une roche qui se dérobait et se liquéfiait à mesure de l’approche. La lumière de plus en plus violente atteignait une intensité presque solaire. Plusieurs fois, Eliess arrêta sa monture entre la peur et la douleur qui lui brûlait le regard, déchirait les poumons et songea à renoncer. Elle finit par disparaître définitivement de la surface, là où aucune vie n’était imaginable. Le sol devint trop mouvant pour arrêter le dragon emporté dans les glissements de terrain. Malgré sa chute lente qu’elle n’eut plus le choix d’empêcher ou de poursuivre, elle s’efforça de se diriger entre les trous de feu, pour prolonger le moment qui la séparait d’une fin inéluctable. Le dragon enfin s’immobilisa cerné d’une lumière incroyablement blanche et apaisante.
Soulagée et étourdie par son voyage infernal, la jeune femme descendit de sa monture et parvint devant une porte en pierre. L’insigne d’un dragon entouré d’une épée et d’un bouclier y était gravé. Il y avait inscrit dessous « A la mémoire des plus Grands ». Elle poussa la porte …
Après trois ans d ‘apprentissage dans les profondeurs de Brasamical, ils saluèrent l’astre du jour pour se joindre aux protecteurs Impériaux afin de délivrer l’impératrice Evalia. Eliess a repris les rênes d’Arbycande après avoir juré fidélité à Angélion.
Chacun est libre de son parti pris, c’est un honneur déjà que de se battre pour une idée, d’aller jusqu’au bout de ses convictions. Les gens du bien comme les gens du mal ont chacun un rôle assigné, guidés et inspirés par leurs croyances ou pas.
La sérénité était revenue mais les temps sombres avaient avec marqué la mémoire des âmes.
Le meilleur allié pourrait être le pire ennemi, songea Eliess, et le pire ennemi est soi-même.
C’est pourquoi, la recherche de la connaissance d’elle-même se présente comme une démarche à son accomplissement. Son but étant de libérer son âme vers cette lumière céleste tant convoitée ou haïe. Mesure, démesure, il va falloir gérer pour manipuler la magie. Elle peut s’avérer dangereuse si la connaissance de ses limites est imparfaite.
"Regarde, la terre, le feu et l’espoir sont faits de la même lumière !
Le paysage s’animera des morts invisibles ; et quand les enfants des hommes et autres races se croiront seuls dans les plaines, les montagnes ou dans les forêts, ils ne le seront pas. La nuit, quand les rues de leurs villes seront silencieuses et que leurs habitants les croiront désertes, elles se rempliront d’esprits et de souvenirs. D’une manière ou d’une autre, nous ne quitterons jamais nos terres !"
Dernière édition par le Jeu 16 Aoû 2007 - 23:49, édité 4 fois