Fin de l'intro (eh oui, c'était l'intro) et donc, début de l'histoire qui commence il y a une soixantaine d'années. L'armée de Gaur Onauhar, encore nomade, marche vers ce qui sera sa future capitale : Tol Gaurhoth.
CHAPITRE PREMIER
Sur un chemin de poussière, un âne avançait lentement. Il suivait chaque courbe de la route, avec résignation. Rien ne venait à bout de son obstination. Ni l’air brûlant qu’il respirait. Ni les rocailles pointues sur lesquelles ses sabots s’abîmaient… Ni les deux flèches fichées à son côté droit… Son cavalier semblait une ombre condamnée à un châtiment antique. L’homme ne bougeait pas. Lentement, mètre après mètre, sans avoir la force de presser le pas, l’âne engloutissait les kilomètres. Le cavalier murmurait entre ses dents des mots qui s’évaporaient dans la chaleur.
C’est alors qu’ils virent Anthavar. Le village s’offrait à la vue dans sa totalité. Un petit village blanc, de maisons serrées les unes aux autres, sur un haut promontoire qui dominait le calme profond des eaux du Golfe de l’entre déserts. Cette présence humaine, dans un paysage si désertique, dut sembler bien comique à l’âne, mais il ne rit pas, il s’effondra sous le poids d’un troisième projectile. Le cavalier tombé à terre se débattait dans la poussière, le cadavre boursouflé de l’âne pesait sur sa jambe gauche. Le front de l’homme était couvert de sueur, sur laquelle la poussière du sol argileux avait collée. Il parvint à se défaire du poids de l’âne et se redressa en titubant. Il se tourna et regarda derrière lui, paniqué. Le soleil lui obstruait la vue et laissait un halo de chaleur au niveau du sol. L’homme parvint à distinguer une traînée de poussière. Une autre flèche vînt heurter le sol de terre dure à moins d’un mètre de lui. Il mit ses mains en visière devant ses yeux et discerna plus précisément la source de cette traînée poussiéreuse. Un cavalier. Il l’avait confondu avec un reflet, un tour que le soleil, cynique, lui jouait depuis le matin. Son poursuivant était bardé d’acier, tout comme sa monture, et il brandissait un grand arc. Bandé. Une autre flèche se brisa devant lui alors qu’elle touchait violemment le sol. L’homme ne bougea pas. Son poursuivant stoppa sa monture à une dizaine de mètres et s’égosilla :
« Mon maître arrive, il vous tuera tous ! Hassar reconnaîtra les siens ! »
Un cor sonna. L’homme regarda plus loin derrière le cavalier et eu le temps d’apercevoir un nuage de poussière, soulevé au rythme d’une cadence sourde et lasse. Une armée en marche.
Une voix inconnue venant de nulle part susurra à l’oreille de l’homme :
« Cours !»
L’homme se détourna de l’ost funèbre et détala aussi vite qu’il le pouvait, trébuchant à chaque pierre, tombant la tête la première dans la poussière.
Le cavalier retourna sur ses pas et rejoignit l’avant-garde. Parvenue au niveau d’une énorme masse de ferraille montée sur un solide destrier bardé de fer, le cavalier lança joyeusement :
« Maître, un village à moins d’une lieue ! »
La gigantesque armure marmonna en guise de réponse :
« Rasez-le, mais vite. »
Le sourire du cavalier s’effaça une seconde puis redevint encore plus large. Il ajouta :
« Très bien maître Onauhar. Lieutenant ! Ramène ton cul boueux, j’ai besoin de toi »
Un homme en haubert recouvert d’un surcot noir et rouge s’avança et après une petite courbette répliqua :
« Mouais ?»
Le cavalier désigna d’un geste négligeant un petit régiment et ajouta :
« Prends ce Tercio et suis-moi, on à un bourg à piller. »
Le lieutenant releva la visière de son armet, tout sourire :
« Chouette »
Il se retourna vers le Tercio concerné et hurla :
« Allez les gars ! On va se dégourdir la lame ! »
Les hommes levèrent leurs armes en hurlant belliqueusement en un cri rauque. Et sur l’ordre du lieutenant, ils partirent au petit trot en direction du village, entonnant la cadence : à chaque pas un petit « hoy ! ».
L’homme était presque arrivé au niveau du village quand il se retourna encre une fois pour voir la progression de l’armée. Un détachement descendait à présent le chemin poussiéreux en direction du village, mené par un cavalier. Son poursuivant.
*
* *
Le Tercio descendait joyeusement vers le village, les hommes étaient on ne peut plus heureux de pouvoir piller un bourg a eux seuls. Tous pensaient à ce que le destin leur offrirait lorsque le lieutenant les stoppa net.
« Halte ! »
Il renifla l’air et sentit une odeur âcre. Elle piquait au fond de la gorge comme du souffre.
Fumée de poudre.
Une série de détonations plus tard, le lieutenant et quatre de ses hommes se firent faucher violemment par des projectiles d’arquebuse. Les balles de fer transperçaient la peau, les cuirasses, brisaient les pavois et les os.
Le cavalier resta un moment interloqué en regardant sans le voir le lieutenant qui rampait et gémissait au milieu des bouts de chair et des maillons de hauberts, transpercé par trois fois. Lorsqu’il s’effondra dans son propre sang, le cavalier sortit de sa rêverie et hurla :
« A l’attaque ! »
Les hommes chargèrent dans un hurlement rauque vers une petite ruelle : seule entrée du village qui n’était pas obstruée par des charrettes et des barricades de fortune. Des villageois épaulaient la milice urbaine, ils étaient plus équipés d’outils que de vraies armes : faux, fourches, certains même utilisaient leurs instruments de travail : maillet, fléau… Le combat fut des plus faciles, les miliciens, des soldats conscrits ou semi professionnels, ne savaient manier que l’arquebuse et le coutelas, quand aux paysans, ils se faisaient plus souvent toucher dans le dos que sur la poitrine.
Les soldats bien entraînés – armée de grands boucliers ronds en fer, d’espontons, d’épées et portaient une demi armure sur une soutane en soie blanche – se battaient en quinconce et distribuaient des coups à volonté. Le sol était couvert de sang et de cadavres, des armes éparses sur le sol faisaient trébucher les fuyards et le sang faisait glisser les bottes et leurs propriétaires.
Malgré la couardise de leurs ennemis, les soldats du Tercio avaient perdu six de leurs camarades, dont deux dans la mêlée. Ils se ruèrent sur la place où les attendaient le reste du contingent urbain et quelques paysans téméraires… Qui tombèrent très vite les armes.
Une fois le village pacifié, les soldats empruntèrent les trois tiers des récoltes ainsi qu’une centaines de poulets et de chèvres. De quoi nourrir l’armée affamée qu’ils précédaient.
à suivre...