-Général, quels sont vos ordres?
L'homme se retourna lentement, sa longue-vue à la main. Sous lui, dans une espèce de plaine enfoncée entre une série de collines, deux armées de petite taille s'affrontaient. L'une portait la couleur bleue comme étendard, l'autre, la couleur rouge.
Le général Erwin Laynn commandait l'armée bleue. Son visage un peu rond , d'apparence joviale et sympathique cachait l'esprit d'un stratège de tout premier ordre. Lieutenant à l'âge de 18 ans, capitaine à 22 ans puis général à 25, cet homme à l'allure banale était considéré comme le meilleur de tout Prévèze.
Il l'avait d'ailleurs prouvé à moultes reprises, tant et si bien que ses adversaires lui avaient octroyé le surnom de "Renard du désert".
Dur avec ses hommes, mais juste, il n'en restait pas moins respecté par ces derniers. Certains pouvaient même dire que le général leur avait sauvé la vie plus d'une fois par ses décisions sur le champ de bataille. En plein cœur du combat, il dégageait de son être une véritable aura de volonté et de force, ralliant ses hommes et leur inspirant confiance.
Il était à n'en point douter de ces hommes qui par leur simple présence font basculer le sort d'une bataille en sa faveur...
-Lieutenant, ordonnez à l'aile gauche de prendre par l'ouest et d'attaquer le flanc de l'ennemi.
L'officier s'exécuta: il fait signe à un soldat tenant des drapeaux dans les mains. Ce dernier commença à transmettre son message en gesticulant énergiquement, les deux hampes "greffées" aux bras.
Les quelques minutes qui suivirent, la colonne de soldats fit mouvement selon les ordres d'Erwin...
Par un habile mouvement tournant, la moitié des forces de Laynn se retrouvèrent sur le flanc de son adversaire, enfonçant ses rangs, mettant en déroute les soldats ennemis.
Et en une dizaine de minutes, la bataille était finie.
Les forces ennemies avaient fuit le champ de bataille, ne laissant derrière elles que les blessés et les morts.
Erwin se tourna vers une colline lui faisant face. Au sommet de celle-ci, un général adverse et son état-major. Ce dernier hissa un drapeau blanc, signe de reddition. Erwin salua son adversaire de la main. Il s'était battu honorablement. Il méritait que l'on soit courtois avec lui.
Un étrange spectacle se déroula alors sur le champ de bataille: les blessés et les morts se relevèrent, aidés par les vivants. Partout où se trouvait des soldats à terre, ils se relevaient comme par enchantement. Erwin esquissa un sourire, pensant que dans les vrais guerres, les morts ne se relevaient pas.
-Lieutenant, fin de l'exercice. Faites rendre aux hommes les armes d'entrainement. Le général commença à descendre de son poste d'observation, puis s'arrêta un moment avant de se retourner. Et dîtes leur que je suis fier d'eux et qu'ils ont quartier libre ce soir. Un petit sourire étirait ses traits.
Tout souriant, le lieutenant s'inclina:
-Oui, mon général, ce sera fait.
Erwin Laynn retrouva son adversaire au camp d'entrainement de l'Armée de Prévèze. Il l'attendait.
-Bien joué, le contournement. Je ne l'avais pas vu venir! Le général Duncan était l'un des plus proches amis d'Erwin. Ils se connaissaient depuis qu'il n'était encore qu'un jeune capitaine fougueux et impétueux. Duncan était alors son supérieur. Malgré leur différence d'âge -environ 20 ans de différence-, ils étaient restés très liés.
-Et ta tentative sur le nord, pas mal essayé... Mais j'ai été rapide à réagir.
-C'est juste...
-La revanche ce soir sur cartes?
Le visage de Duncan changea d'expression:
-Tu n'es pas au courant?
Le léger changement dans la voix de son ami aiguisa la curiosité d'Erwin:
-Au courant de quoi?
-Tu es muté à la tête de la 1ére Armée. Dès ce soir.
-Quoi?!
-Elle est prête, elle n'attend plus qu'un chef comme toi pour être pleinement opérationnelle. Ce sera la plus grande force que tu n'auras jamais commandé, n'est-ce pas?
-Pourquoi moi?
Duncan soupira.
-Il faut croire qu'on ait reconnu tes inestimables compétences en matière de commandement et de stratégie...
-Et..euh...tu croit qu'on a le temps de boire un verre avant? Un clin d'oeil appuyé d'Erwin déclencha l'hilarité des deux compères...
La raison de leur hilarité était simple: il leur arrivait de temps en temps, d'arrêter un exercice de bataille en cours, de traverser chacun la moitié du terrain pour finalement prendre le thé au milieu des soldats incrédules et complètement abasourdis...
Le général Erwin Laynn, dit "Le Renard du désert"
"Parce que la plus grande armée du monde ne vaut rien si elle n'a pas une tête pensante habile et rusée."