Les environs de Méthone ne dépaysaient pas du reste de Prévèze. Terre aride, climat sec et chaud, la seule vraie différence était la présence d’anciennes montagnes à moitié détruites par les flots en des temps oubliés des dieux. Curieux phénomène géologique ayant creusé la terre de sillons profonds, l’existence de canyons à Prévèze faisait le bonheur de quelques savants gnomes venus étudier ce prodige naturel. Les canyons servaient accessoirement de coupe gorge dont les marchands étaient les principales victimes. C’est au Sud de ces canyons, à une dizaine de kilomètres à peine de Méthone, qu’un nuage de poussière se dessinait entre les dunes. Ni tempête, ni vers des sables, il s’agissait de trois cavaliers au galop. Celui qui chevauchait en tête était un des orques le plus impressionnant du pays. De stature hors du commun pour un de son espèce, des nains avaient affirmé un jour qu’il s’agissait d’un guerrier né. Les géants eux-mêmes admettaient que l’orque était de petite taille (et non pas un microbe). Son cheval semblait souffrir du fardeau qu’on lui avait attribué. Le deuxième cavalier, un orque également, paraissait bien faible à côté de son congénère. Le visage corrodé par l’usure du temps et des cheveux blancs sur son crane vert, l’orque semblait s’approcher du crépuscule de la vie. Un bâton déformé à la main et décoré par d’étranges tissus affirmait son allégeance à l’art sauvage de la nature, plus communément appelé shamanisme. Le dernier cavalier était un humain aux yeux aiguisés. De petite carrure, il était équipé d’un arc accroché à la selle de son cheval, son carquois à côté. Personne n’aurait pu douter qu’il s’agissait d’un archer de métier et pourtant, aucun blason ni uniforme n’étaient arborés par les trois cavaliers. Arrivé en haut d’un coteau, le guerrier orque stoppa sa monture.
Pourquoi t’arrêtes-tu Ranhort ? souffla le vieil orque.As-tu vu quelque chose ? renchérit l’archer.
L’orque contemplait les collines sableuses au loin. Derrières elles se trouvaient Méthone. Soucieux, Ranhort dit :
Mon cheval est exténué nous devrions nous arrêter.Joignant les gestes à la parole, il descendit de son destrier.
Nous sommes proches de Méthone. Si nous nous retrouvons en difficulté il sera impossible de s’enfuir avec ces montures. Elles nous lâcheraient à peine les canyons dépassés.
C’était l’idée de Vico de forcer les mustangs jusqu’ici ! maugréa le shaman.
Ranhort regarda l’humain, qui baissa les yeux. La remarque laconique du vieil orque avait jeté un froid. Tous les trois savaient pourquoi l’homme avait insisté auprès de l’assemblée pour partir à la poursuite des jeunes parias. Son fils faisait parti des excités ayant déserté le repaire deux jours plus tôt. Etant un archer d’exception, l’homme avait su influer sur l’assemblée qui accepta son concours à l’expédition. Ranhort le regrettait un peu mais il fallait avouer que c’était le meilleur tireur du repaire.
Bon de toute façon nous sommes arrivés.Ranhort souffla un peu.
Reste à savoir où sont ces jeunes fous. Malheureusement le désert efface vite les traces. Nos vingt cavaliers avaient au moins 12 heures d’avance quand nous sommes partis. J’espère que nous avons comblé notre retard.
En tout cas pas un chat en vue, commenta Vico.
Heklar, peux-tu les repérer grâce à un sort ? demanda Ranhort.
Eh je ne suis pas psioniste ! Comment veux-tu que je les localise ?
Ranhort s’excusa, confus. Il ne connaissait pas grand-chose à la magie. S’étirant, il réfléchit.
Humm… où auraient-ils pu aller ? Ils voulaient attaquer une patrouille de Prévèze, où se trouvent ces patrouilles ?
Chacun des trois cavaliers ressassait ses idées de son côté. Les parias avaient renvoyé l’espionne à Méthone mais il était trop difficile de la contacter et qui plus est très peu de chance pour qu’elle sache où se trouvaient les jeunes parias. Où iraient donc quelques agités voulant en découdre vite. Une taverne ? En plein désert cela relevait de la chimère, ou alors…
Une route ! s’exclamèrent-ils en cœur.
Y a-t-il une route qui rejoint Méthone ? questionna Ranhort.
Oui il y en a deux si mes souvenir ne me trahissent pas, suggéra Vico, une se dirige vers le nord ouest de la province, l’autre longe la côte au sud, c’est surement là où ils comptent s’embusquer.
Allons-y alors ! Mais prudence, si on en croit la messagère, le nombre de patrouille a augmenté.
Les cavaliers se remirent en selle et s’élancèrent au galop vers le sud ouest afin de rejoindre la route menant à la capitale prévèzienne.