Les travaux de rénovation étaient à présent sur le point de s’achever. L’ensemble de bâtiments qui composait l’Académie de Méthone avait été terminée depuis un petit moment, mais le parc alentour nécessitait encore l’arrivée des pompes de Luluferati. Une fois ces énormes machines installées, les jardins et les parcs avaient fleuris aux quatre coins de la ville, comme autant d’ilots verts dans le désert. Le parc de l’Académie n’avait pas dérogé à la règle.
Les seuls chantiers encore en activité se trouvaient être ceux des fortifications. Et encore s’achevaient-ils rapidement, maintenant. Les hautes murailles de pierre jaune pale se refermaient sur la ville au rythme lent des ouvriers harassés par le soleil brulant du désert. La majeure partie des ouvriers avaient été progressivement renvoyés -avec une petite prime- dans leurs foyers.
La ville retrouvait son calme après avoir connue les mille agitations des grands travaux.
Méthone achevait sa résurrection, pour le plus grand bien de ses habitants. L’on pouvait dire de la capitale du palatinat qu’elle pouvait enfin prétendre au titre de métropole. Les rues avaient été pavées lors de la reconfiguration et réparation du système d’approvisionnement d’eau, les bâtiments publics rénovés ou simplement construits, de vastes espaces dégagés pour la construction de nouveaux quartiers. Et les jardins de la cité ! Luxuriants et agréablement frais, défiants le sable du désert pourtant proche derrière les murailles de la cité et l’oasis la ceinturant.
Car le but de ces grandes étendues emplies de couleurs vives et d’ombres si douces est incontestablement d’offrir à quiconque daigne s’y promener la fraicheur qui pourrait lui manquer sous le lourd soleil prévèzien.
Mais revenons-en à l’Académie.
Construite sur les plans de celle d’Ald’Rhune, l’Académie de Méthone comportait un ensemble de bâtiments au cœur d’un parc richement agrémenté de divers arbres exotiques aux noms imprononçables.
Le corps principal du complexe était à n’en point douter l’étrange bâtiment en forme d’étoile à 5 branches. Le cœur de cette étoile se trouvait être un grand forum aux larges rangs élégamment surplombé d’une coupole richement décorée.
Chacune des 5 ailes du bâtiment représentait un domaine d’étude principal. Ces domaines, au nombre de cinq donc, étaient les suivants : les lettres, qui régnaient sur l’aile ouest, les arts, voisins des lettres dans l’aile sud-sud ouest. Les sciences, occupant un peu à part l’aile sud est, le commerce, voisin des sciences par la grâce des chiffres, s’octroyant le monopole des études de l’aile est-nord est, tandis que l’aile nord abritait le domaine des sciences politiques et juridiques. Aux côtés de cet étrange bâtiment crucimorphe, pouvait-on voir les deux bâtiments protégeant les internats, non loin desquels se trouvaient les réserves, dans un troisième bâtiment en retrait dans le parc.
La même pierre jaune pale avait servi à la construction de ce « pole » de la connaissance destiné à faire des prévéziens les citoyens impériaux les plus savants. La même que celle qui s’élevait déjà en muraille, palais et bâtiments divers au sein de la cité…

Le projet avait été fièrement mené à bien par l’architecte Ne’elan. Il se trouve que Ne’elan était issu d’une des plus grandes familles d’architecte de la région, l’un de ses ancêtres ayant –entre autre- conçu en partie le Palais d’Ald’Rhune…
Ne’elan avait par ailleurs à son actif l’étude et l’entretien de l’Académie d’Ald’Rhune, où il occupait par ailleurs un poste de professeur de géométrie. Aussi lui avait-il été naturel de reproduire à Méthone ce qui lui semblait être une bonne idée à sa cité natale…
Mais même s’il avait fait le cœur de l’établissement, il n’avait pas été seul à concevoir et diriger la création du complexe. Plusieurs ingénieurs et architectes méthonais venaient de passer plusieurs mois à imaginer et faire sortir de terre le parc et les bâtiments annexes.
Et en ce jour d’inauguration de l’Académie, bien du monde se trouvait réuni devant les portes principales. La majeure partie des ouvriers, tous invités, avaient fait le déplacement. Le groupe d’ingénieurs et d’architectes, bien entendu, se tenait là, près du ruban barrant encore l’accès au bâtiment crucimorphe. On pouvait également compter parmi l’assistance un grand nombre d’habitants de Méthone, curieux ou simplement intéressés.
Parmi les officiels, se trouvaient Alïna et Largo, les deux plus hautes autorités du palatinat. En sa qualité d’enseignante à l’Académie d’Ald’Rhune, l’elfe appréciait grandement le fait qu’un centre du savoir soit construit au sein de la capitale Prévèzienne. La connaissance et le savoir ne pesait peut être pas lourd pour certains dirigeants, mais cela ferait sans doute la différence dans les années qui viendraient. En effet, dans le vaste monde, que ce soit intra-impérial comme extra-impérial, l’éducation autre que militaire –et encore !- passait allégrement au second, voire troisième plan. Les armes conservaient leur primauté dans les dépenses des Etats –royaumes comme républiques- et provinces. Malheureusement. Doublement lorsque de mémoire d’elfe, il en avait toujours été ainsi depuis des siècles…
Mais l’heure était à la fête et non aux pensées moroses. Et Alïna quitta ses réflexions pour rejoindre sa place physique, sur les marches aux côtés du capitaine des gardes de Méthone. Maëlle le lui avait dépeint comme d’un grand gaillard solide et doté d’une volonté forte. Et intelligent. Du moins pour un militaire. Alïna n’avait guère d’estime pour ceux portant une arme au côté. Et sa longue expérience le lui avait appris : la force n’était d’aucune utilité à aucun moment. Sauf peut être contre la force elle-même. Raison pour laquelle on opposait des soldats aux soldats ?
Ne’elan, que le hasard voulait être de ses collègues à Ald’Rhune, tenait devant elle un coussin de velours pourpre sur lequel reposait une paire de ciseaux dorés. A moins d’un mètre d’elle, survolant élégamment le large escalier de l’Académie, un ruban vert flottait au grès de la brise.
Délicatement, de ses doigts fins, Alïna se munit de la pair de ciseaux et se rapprocha doucement du ruban. Les deux lames dorées, écartées, se refermèrent sous la pression progressive de l’elfe. Le ruban se découpa en douceur dans un léger bruissement d’étoffe. Arrivant à la fin du ruban, Alïna en coupa l’ultime centimètre d’un coup sec, laissant échapper de ses ciseaux un petit claquement métallique. Le silence planant sur l’assistance ne manquait d’impressionner l’elfe.
Le ruban vert chuta en voletant jusqu’au sol. Alïna se tourna vers la masse silencieuse des spectateurs. Bien qu’habituée à discourir devant l’assemblée plus ou moins attentive que représentaient ses élèves, la multitude de gens lui faisant face dans le silence le plus total ne manqua pas de la perturber. Et solennellement, elle déclara d’une voix clair et chantante :
-JE DÉCLARE OUVERTE L'ACADÉMIE DE METHONE !

Une explosion d’applaudissements retentit soudainement. La joie, longtemps contenue, des ouvriers ayant sués sang et eau lors de la construction, mêlée à celle des méthonais et prévèziens de voir une possibilité d’avenir pour leurs enfants et celle des ingénieurs, architectes et officiels de voir les résultats de travaux de longue haleine…
Contrairement à toute attente, le programme ambitieux de la palatine comptait en son sein la gratuité de l’éducation. Laquelle se révélait payée par les taxes et impôts récoltés dans la province. L’internat, quant à lui, servirait aux enfants habitants trop loin de la capitale prévèzienne. Dès lors, un certain nombre de tuteurs les aideraient à s’acclimater et à se plonger sereinement dans leurs études, tandis que leur survie se trouverait assurée au sein de l’Académie. La même éducation pour tous. Un rêve qui prenait forme à l’instant, dans un parc au cœur de Méthone…