Le Chastel de Synodar, siège de la politique centrale de l'Outre-Mer s'éveillait, et c'était le choeur de milliers de citoyens qui résonnait dans le pays entier, le coeur de toute la nation qui s'affolait, priant pour une issue pacifique, positive du grand conclave.
L'aurore blanchissait à peine les toîts quand derrière les étendards, s'ébranlèrent les cavaliers, la simple façade de ce que pouvait comporter et cacher la troupe d'élite palatine dont la force n'était guère à mésestimer sans risque de se retrouver raid mort, face contre terre à la seconde d'hostilité déclarée. La licorne d'améthiste, le griffon d'or et les navires couronnés, blasons du drapeau de l'Outre-Mer, flottaient haut sur des hampes de moindre taille, les épées cliquetaient, les torches vacillaient, les bannières claquaient au vent, les coursiers qui se coudoyaient, henissants dans leur marche galopante. C'était revêtu d'une éblouissante armure écarlate d'émail poli niellé d'or et rehaussé de gemmes venu de sa terre natale généreuse qu'Arakasï avait fait son entrée dans la ville, puis investi les alentours du Chastel, monté noblement sur son destrier à crin gris, entouré de son escorte formé en cours de route, aux côtés de Maëlle et de Lyew Therin, son second qui les avait rejoint fortunément à grande joie de le revoir et surtout de rencontrer cette dernière, les centaures considérés comme de véritable merveilles par tout rôdeur d'Aëna.
Arakasï ne détestait rien tant qu'à devoir se mouvoir en armure, mais l'heure était grave et les symboles importants. Il convenait d'avertir les seigneurs de la menace de guerre qui planait au dessus de leur têtes, il fallait qu'ils prennent conscience. Les faux semblants, jamais pour un rôdeur, plutôt avertir de manière éloquente. Cependant en dessous, il portait là une tunique pourpre et noir, une longue ceinture d'argent ciselées de fils de velours formant de jolies fleurs attiché à sa taille. Sa poitrine arborait fièrement un écusson frappée non pas de son royaume, mais seulement de l'Outre-Mer comme pour faire entendre la primauté du caractère nationale à celle provinciale.
Du haut de son destrier il salua respectueusement les passants mais son attention se portait déjà sur le Chastel qui apparaissait, splendide derrière ses grands murs et sa grande porte en blancs qu'elle surplombaient superbement en hauteur, à son devant. Arakasï. Nul n'avait le souvenir de l'avoir jamais vu discourir ni aperçu en ce lieu d'une importance centrale dans la politique outre-merrienne aux côtés des représentants, ces vieux briscards et rusés de la politique que tous connaissaient par coeur, de caractère et de nom. Mais lui en tant que fantôme, qu'inconnu, certains le considéreraient sûrement comme un arriviste, un être ambitieux qui n'avait pas hésité à user de moyens douteux pour en arriver là de manière si rapide. Mais il n'en n'avait cure, quoi qu'on puisse penser de lui, tant que la paix était préservée.
L'Immense porte de Synodar, plus imposante et magnifique que jamais, entourant avec rigueur le Chastel retranché et calfeutré dans ses jardins aux senteurs merveilleuses vous faisant naître un sentiment de bien être, s'étendit à leur vue, et qu'ils passèrent sans encombre avec leur petite compagnie armée. Une Garde d'honneur les attendait de pied ferme, les soldats drapés autant de leur l'impassibilité que de leur cape rouge écarlate, revêtus de leur mastodontes armures de plaque et distingué par l'or et par le rouge vermeil. Tous étaient debouts, raids comme des i, portant des lances à pointe d'acier, de longues épées, et ceux qui veillaient sur les toîts se démarquant pour un goût particulier pour les arcs. Tout ce qu'il y avait de plus meurtrier dans le but de protéger. Les sautes de vent qui les flagellaient faisait danser et virvolter les emblêmes de leur bannière aux couleurs respectives de la Nation à leur côtés, hérissés sur des piques.
L'édifice du bâtiment principal du Chastel de Synodar derrière eux paraissait littérallement s'embraser. Ses colonnes luisaient de rose, des ombres sanglantes rampaient sur les dalles de pierre de marbre, et tandis que s'affaiblissait progressivement la luminosité du jour, la terre elle-même passait de l'or à l'orange et au lie du vin. Quel édifice splendide Maëlle. s'exclama l'Elfe d'un ton rayonnant à la centauresse, pendant que la sombre astre disparaissait plus loin derrière les nuages écarlates à l'écart du coucher de soleil encore tout de même flamboyant. Je suis heureux de vous y mener afin de vous en faire découvrir les trésors nombreux qui s'y cachent. Puis sur ces mots, immobilisé devant sa destination, il vida les étriers de son étalon, - ce que n'eut besoin de faire Maëlle - et se rendit à l'endroit de ceux qui l'attendaient fixement.
Alors au franchissement des portes, à l'arrivée du Palatin et de son invitée qu'il présenta lui-même, les gardes postés s'inclinèrent, impressionnés, ahuris par la vue d'un centaure. Certains rivalisèrent de propos flatteurs, les autres, de toute évidence les plus gradés, les morigénèrent sur leur comportement et leur ordonnèrent de se taire, d'en revenir à plus de professionnalisme. Puis ensemble après cette scène amusante, les deux compagnons se mirent en marche dans les couloirs, le son de leur pas sur le sol de marbre à l'intérieur du vestige d'un fier passé se répercutant contre les murs épais étincelants. La même réaction se reproduit un peu partout néanmois quant à la présence de la centauresse qui captivait tous les regards, toutes les observations, situation ironique qui amusa grandement l'Elfe aux yeux brillants de malice, son rôle tout simplement passé à l'arrière plan du tableau, pire bougrement effacé. Ce qui n'était pas pour le déplaire, il n'aimait qu'apparaître à la lumière que lorsque la situation était grave ou l'exigeait. Aussi tendu qu'il fut, il se permit un rire, ce qui lui fut grandement du bien.
Sur le palier, dans les couloirs et les galleries souteraines, partout, s'avisaient des gardes en manteau rouge à chaque recoin. Arakasï n'avait pas menti quant à la considération très sérieuse de protéger les seigneurs d'Outre-Mer. Le bâtiment était cerné de toute part, quiconque viendrait semer le désordre, quelque soit le nombre de ses compagnons, serait écrasé sans peine. Le Conclave se passerait bien à ce niveau quoi qu'il arrive, c'était certain.
L'oeil admiratif devant nombre de magnifiques galeries et tapisseries devant lesquelles il s'attardait de temps à autre, son pas se ralentissant graduellement au fur et à mesure qu'il tombait sur de véritables oeuvre, le rodeûr accablé de tant de beauté, déambula lentement - mais sûrement hein - jusqu'à atteindre la salle tant recherchée.La grande rotomontade du Chastel, débordé de monde, il y était. Surmonté de gradins en hauteurs ou s'y étaient installés nombre d'observateurs et de citoyens curieux, voutes célestes à ciel ouvert, tout au fond sur le bas côté, un grand bureau accueillant scribes et prêtres qui noteraient chaque propos, inscriraient chaque résolutions. Le reste, au milieu de la salle, des seigneurs, et des gardes pour la pluspart.
Une grande table au milieu de la salle, à laquelle s'étaient attablés tous les seigneurs, lui à son centre, avait été parsemé de verres et de mets, des bouteilles de vins placés à effet. Le vin bien sûr pour détendre tous les seigneurs sans évidemment se saouler, et la nourriture car débattre le ventre vide n'aiderait certainement pas à voir les choses de façon positives...
Arakasï s'inclina donc à l'adresse de tous après les avoir rejoint, vint leur serrer la main un à un, puis accompagné de son invité, pensa à la placer à côté de lui, au centre, à la surprise des autres. Il fut cependant grandement gêné, et rougit. Comment était-il supposé placer la centauresse à ses côtés, elle qui ne tenait pas sur une simple chaise ? Le vif aux joues, l'Elfe suplia la centauresse de se placer là ou elle l'entendait et comme elle le désirait. Il fit cependant appeler à des coussins, pour le cas ou elle décidait de se coucher sur le sol... Après cette gêne manifeste, Arakasï annonça aux autres qu'elle aurait droit de parole, qu'elle avait statut d'observatrice, et qu'elle pourrait intervenir si elle le jugeait bon.
Enfin le Palatin après avoir un à un sonder les seigneurs se rendit au centre de la rotomontade, à la vue de tous les spectateurs attentifs, prenant la parole dans un silence quasi-religieux et tendu.
Sa voix grave et profonde, mue d'une certaine émotion, résonna entre les larges murs de la pièce. Venir ici, c'était fabuleux.
J'ai appelé ici-même les dirigeants, citoyens ou représentants des royaumes respectifs de l'Outre-Mer, ainsi que les convives de toute sorte pour nous écouter, apprendre et si besoin d'intervenir.
Seigneurs et Citoyens d'Outre-Mer, avec force et sincérité je vous remercie d'avoir entrepris tout ce chemin jusqu'ici. Vous êtes venus. En personne ou par l'intermédiaire de l'un des votres, et vous vous apercevez ici, à point nommé, nullement par hasard. Merci à tous.
A présent, au nom du Peuple, de la Maison Native, de la Nation d' Outre-Mer, seconde de naissance après la révolte contre le joug de la colonisation impériale, en tant que son porte-parole, son garant et le protecteur de son intégrité, moi, Arakasï noble serviteur de ma noble fonction, ouvre le grand conclave qui aura pour but d'offrir à la résolution des conflits, à contribuer à l'amélioration des relations au sein du pays, à faire concorder nos points de vues, objectifs et intérêts mutuels.
Puissent Adrien et Synodar nous éclairer, nous amener sur la bonne voie.
Arakasï se tut un instant, faisant acte de toute l'intensité du sentiment de gravité qui le traversait, ses yeux plissés en direction du sol, son regard perdu un instant. Puis il redressa la tête avec des lueurs véritablement passionnés dans les yeux.
Mes amis, vous connaissez l'histoire. Il est des royaumes qui une fois libéré de la tutelle d'un joug, faute d'ennemi auquel il s'est habitué et sans plus de repères face à la nouvelle opportunité d'une paix généreuse en fruits, en viennent désespérement à se considérer eux mêmes comme leur nouvel adversaire dont le sang doit être versé. Après avoir tant souffert, ce serait désastreux d'en arriver à tel désespoir. L'Outre-Mer qui a arraché son indépendance n'est pas stable, trop convalescente, vacillante et chancelante pour s'accorder le luxe d'une nouvelle division si hâtivement vers laquelle nous nous confortons. Nous avons des intérêts communs, et si ce n'est guère le cas, nous pouvons en trouver. J'ai foi en notre maturité, en notre capacité à saisir cettte chance qui s'offre à nous lors de ce conclave ou vous êtes tous appelés à vous faire entendre de vive voix.
Puissants sont les royaumes de notre Nation, aussi farouches qu'aguerris, expérimentés qu'inexpunables. Et les pillards étrangers qui vous combattent, les terres belliqueuses que vous agressez, l'ont aussi compris à leurs dépends et ce depuis fort longtemps. Mais qu'ils sachent ceux qui sont à la tête de nos royaumes, et qu'ils soit su de tout qu'ils n'en deviendront incontournables qu'unis et rassemblés sous une seule et même bannière, celle fraternelle de l'Outre-Mer.
Oui seigneurs, à la tête de puissantes armées, à même d'agresser, de vous défendre, de vous organiser. Vous avez le pouvoir. Celui d'assumer convenablement, intelligemment et raisonnablement cette force intrasèque que vous possédez. Diriger vos pulsions meurtrières sur vos frères qui s'impatientent contre vos méfaits, est une voie destructrice de ce dans quoi vous êtes né.
Nous courrons vers la définitive cessation de la communication entre nous. Vous êtes investis pour la pluspart de la confiance des citoyens Natifs, mais aussi portés par l'admiration de certains étrangers qui voient en nous des libertaires éclairés qui ne s'en laissent point compter. Ces idéaux qui ont forgé notre caractère, nous ont porté aux nues ne doivent pas être perdus dans les méandres de la barbarie primaire. Ne les décevez pas tous autant qu'ils sont par le brouillon sanglant de pillages, de brigandage, et de meurtres fratricides. Ne détruisez pas tout, je vous en fait la demande. L'Outre-Mer est entré depuis peu dans une période critique, presque chaotique ou les tensions se ravivent et pourtant il reste beaucoup de chemin avant que notre Nation ne soit pleinement et entièrement mûre.
Son regard devint un peu plus crispé.
Mais ... peut être certains désirent-ils être l'instrument d'une autre oeuvre plus chaotique, changer de thème de musique, plus discordante , sonore et violente. La faire naître dans le tumulte de la tempête. Cette musique consciemment ou non, faisant qu'elle submerge les autres musiques plongées dans le désarroi par la violence de ses cris, ses notes désireuses de triompher par la force et de combler ses désirs insatiables par la déprédation.
Et dans ce cas là, s'il se présente certains qui assument cette volonté, j'appelle clairement à ce qu'ils fassent acte de sincérité et se manifestent. Peut être comprendrons nous... Ou non.
Ce conclave a aussi pour but d'être fixé sur les intentions des uns et des autres, sur la profondeur du fossé qui nous sépare, qu'il nous est permis de creuser ou de combler. Je le répète, c'est à vous finalement qu'il incombera de décider. Moi-même, je n'ai aucun pouvoir, sinon celui de remettre de l'ordre, tenter de vous convaincre d'irradier nos affrontements, quand bien même je possède l'autorité et des troupes à dispositions pour vous faire cesser. En venir à la guerre entre nous, serait l'échec le plus innommable.
L'unité ou la division. L'alliance, -tout du moins la non agression des siens - ou l' hostilité permanente. La guerre ou la paix civile.
Dans un premier temps, chacun émettra ce qu'il désire et souhaite, fasse savoir sans ambiguité, sans honte, comment il conçoit sa vision, à savoir de ce que doit être la politique au sein de l'Outre-Mer.
Ne doutez pas de l'importance de ce conclave, il n'y en aura pas d'autres, c'est maintenant ou jamais.
Ce qui sera dit ici, sera fait demain, ce qu'il adviendra présentement à cette scéance annoncera la couleur de notre futur commun. Que vous le vouliez ou non mes amis, nous sommes unis par un lien indestructible, il ne tient qu'à nous de le définir.
Messires et nobles dames, la parole est à vous.