Le bâtiment, situé au cœur du quartier des artisans, était fait de pierres taillées et d'un toit de tuiles afin de résister aisément aux caprices du temps. Il avait été déplacé des quartiers d'habitations car le voisinage se plaignait du tapage des prisonniers et des risques en cas d'évasion.
Un panneau de bois gravé et peint dépassait sur la route, présentant une couronne dans laquelle était glissée une épée, symbole des prévôts dans le royaume, ces derniers faisant partie des notables des cités par les pouvoirs conséquents qui accompagnaient leurs fonctions.
Deux escaliers partaient de la rue, l'un montait vers une porte décorée et donnait sur une grande salle où patientaient les citoyens désireux de s'entretenir avec le petit magistrat et où celui-ci rendait justice des contentieux les plus fréquents. Le second descendait en sous-sol et était barré par une grille de fer forgé. Derrière celle-ci on devinait un long corridor éclairé chichement par des torches accrochées au mur et qui permettait d'accéder aux cellules. L'absence de séparation nette avec l'extérieure donnait souvent quelques soucis aux condamnés par les froids mois d'hiver.

C'est le premier de ces escaliers qu'empruntèrent Dorgo et les soldats qui l'accompagnaient. La Wyverne n'était plus en vue mais était, selon le palatin d'Edhesse, non loin d'eux, les suivant pacifiquement jusqu'à un ordre de sa part. Sans raison particulière, le sous-officier avait refusé l'escorte des cockatrices, préférant faire confiance à l'elfe noir malgré la réputation de cette race.
Ils pénétrèrent dans la grande salle où une dame de la petite bourgeoisie se plaignait, scandale faisant, que deux rats gros comme son chat avaient surgi d'une bouche d'égouts pour l'agresser. Face à elle, le prévôt qui semblait s'ennuyer au plus haut point prenait ici et là quelques notes.
Apercevant les nouveaux venus, il congédia la femme -qui prit cela comme une atteinte à sa dignité et se retira le menton levé.

- Bonjour, m'sieur le gendarme. J'ai ici une prisonnier qu'il faut envoyer à Orchomène avec le convoi de ce soir. Le soldat attendit une réponse qui ne vint pas, il poursuivit : Il a tenté de briser la quarantaine mais il prétend être membre du Sénat... dans le doute, il serait bon de lui accorder un certain confort, ne croyez-vous pas ?
- Mouais... Fit le concerné, visiblement peu convaincu. Fouillez le bien et attachez lui les chevilles à la chaise dans le coin là-bas. Je l'aurai à l'oeil comme ça et il ne pourra pas se détacher.

Laissant ses hommes faire ceci, le sous-officier sortit du bureau et se rendit dans une taverne voisine, commandant une assiette de ragout qu'il apporta à Dorgo avec un gobelet de petite bière.
Il allait devoir rester là jusqu'au départ de la caravane.