Après avoir galopés quelques minutes, les cavaliers atteignirent la route sud de Méthone qui permettait d’accéder à la porte sud de la ville. Ranhort arrêta brusquement sa monture et faillit faire désarçonner les deux parias sur ses talons. Après avoir calmé leurs montures, les trois camarades restèrent pantois devant le spectacle se présentant devant eux. La route sud était jonchée de cadavres aux postures macabres. L’absence de charognards confirmait la récence de l’affrontement. Une trentaine de corps dont des hommes en haillons et des gardes en uniforme. Ranhort jura. Ils étaient arrivés trop tard. Prudemment les trois parias descendirent de cheval et s’approchèrent du sentier. L’orque qui enjambait des cadavres sa hache de guerre à la main, reconnut immédiatement certains jeunes parias du repaire. La plupart avaient été taillés en pièce, de profondes entailles visibles dans leur chair. C’était étrange…Soudain un cri déchira l’atmosphère pesante du lieu. Vico tenait un corps inanimé dans ses bras. Son fils. Ranhort ne sut pas quoi dire. Pour les orques mourir au combat était un grand honneur et la meilleure des fins. Les hommes avaient une conception assez différente de celle des orques, ce qui menait à une incompréhension réciproque. Ranhort posa néanmoins sa main sur l’épaule de l’archer en signe de sympathie. Heklar, lui, procédait à une inspection minutieuse des corps.
Etrange, commenta-t-il, certains ont été hachés par des êtres possédant une force surhumaine. Ils ont du engager des orques ou des géants mais je n’en vois aucun cadavres, à part notre orque. Regarde celui-là, il s’est fais transpercer de part en part par une lance. Je ne connais pas d’humains possédant une telle force. Et les gardes de Méthone n’ont rien de surhumain.
Pour illustrer ses dires, il pointa un des gardes du doigt.Peut-être des cavaliers, affirma Ranhort qui avait distingué des traces de sabot sur le sol.
Non, fit Vico d’une fois faible, vous vous souvenez de ce que disait la messagère, des centaures…
Ranhort reporta alors son attention sur ce qu’il avait pris au début pour le cadavre d’un canasson, un peu plus en amont de la route. L’imposant masse inerte se révéla être une de ces créatures mi-homme mi-cheval. La première fois qu’il en voyait un.
Comment telle malédiction est-elle possible ! s’exclama-t-il en reculant.Le centaure était encore vivant, à l’agonie, il avait réussi à se trainer hors du champ de bataille. Ses yeux dardaient l’orque d’un regard hostile. Des entailles étaient visibles sur son corps. Le combat avait du être rude et visiblement les jeunes parias n’étaient pas préparés contre ce genre d’adversaire. Heklar se rapprocha.
J’ai compté 19 victimes chez nous, dont l’orque. Il manque un humain. Pour ce qui est des gardes, 13 cadavres, le centaure en plus. J’ai aussi relevé des traces de sabot se dirigeant vers la capitale, ce qui veut dire qu’au moins un centaure a survécu. Il va donner l’alerte nous n’avons que peu de temps.
Tout en écoutant le vieil orque, Ranhort décapita sans égard le centaure d’un coup de hache.Pas de témoins.
Le shaman se mit à lancer du sable sur tous les corps des parias. Ranhort l’observait d’un air interloqué.
Nous n’avons pas le temps de les enterrer mais nous pouvons les protéger.
De qui ?
Même les morts peuvent parler. Il suffit qu’un nécromancien interroge leurs esprits pour qu’ils dévoilent l’emplacement du repaire.
Et pourquoi les esprits de nos camarades nous trahiraient-il ?Le shaman fixa Ranhort d’un œil sombre.
Un nécromancien peut faire endurer aux esprits des tourments dont tu n’imagines même pas l’existence. Ce sceau les protégera.
Heklar commença alors à psalmodier tout en effectuant une danse précise dont lui seul connaissait les pas. Ranhort laissa le shaman à son incantation qui pouvait durer plusieurs minutes voire plus. Se tournant vers Vico, il vit que l’homme pleurait toujours son fils et n’avait pas relevé la tête depuis la découverte de son cadavre. L’orque conclut qu’il était le seul à se soucier du survivant potentiel de cette boucherie, côté paria. Avait-l été capturé ? Peu probable d’après les indications du shaman. Il n’y avait apparemment qu’un seul survivant du côté des gardes, un centaure. Ce dernier aurait toujours pu monter le prisonnier sur sa croupe et partir avec bien que cela semble peu plausible. L’orque recomptait les cadavres. Heklar avait dit vrai. 19 parias. Tous morts. Les yeux de Ranhort s’attardèrent légèrement sur le jeune orque. Il le connaissait. Scrutant le paysage chaotique, un détail intrigua l’orque. Où étaient les montures ? Il n’y en avait aucune sur le lieu de l’embuscade et pas de traces visibles, hormis celle du centaure ennemi. Ranhort aurait voulu enquêter mais le shaman avait fini de lancer son sort, et maintenant il hurlait qu’il fallait filer au plus vite. Vico était déjà en selle. Il avait enroulé la dépouille de son fils dans un drap et l’avait accroché au harnachement de sa monture. Heklar toisait l’humain avec mépris. Un fardeau supplémentaire pour le coursier mais Ranhort ne voulut pas en rajouter. Ils avaient mieux à faire. Il enfourcha son cheval et les trois cavaliers reprirent la direction des canyons. Il fallait quitter les alentours de Méthone, et le plus vite serait le mieux.