Une caravane marchande en provenance de la Cité Impériale, faisait route vers Orchomène, capitale de Mésolongion, également de Mésomnon. Voilà quelques temps déjà que la province avait été unifiée par la force par le patriarche Xanis qui avait subtilement fait accepte cela à un Senat trop occupe à d’autres affaires pour réagir. Si l’unification s’était fait dans la violence, la suite n’avait pas été la terrible dictature tant crainte. Il semblait même qu’Etimnon était en train de sortir de son atonie pour se développer et s’ouvrir au continent.
Longeant les terres stériles de Naxopole, la caravane avait pour plan de faire une halte à Draziva pour y changer de chevaux et pour profiter d’un lieu plus accueillant que le caisson arrière des chariots. Depuis l’ascension de Xanis au poste de Palatin, la ville de Draziva avait profité de la réputation grimpante du sorcier et des routes commerciales qui n’avaient jamais existé s’ouvraient aux portes de la ville.
Ethosem regardait avec tristesse le paysage dévasté qui s’offrait à ses yeux. Quel malheur avait bien pu toucher la région ? Il avait entendu les marchands parler d’un démon qui avait il y a peu, était vaincu sur ces terres. Plus l’ancien voyageait, plus il se rendait compte que l’autarcie des autres de sa race avait été une grave erreur. S’ils avaient trouvé la tranquillité sécurisante de l’isolement, le prix en avait été l’ignorance. Ignorance qui arrangeait bien les anciens, car l’ignorance justifiait l’inaction. Ethosem regrettait toutes ses années de solitude et de repli. Il aurait dû, comme ses congénères, s’ouvrir au monde. Les temps des persécutions étaient révolus. Les hommes avaient changé et des êtres bons s’était distingués dans cette race. Il apprit que Fardall, empereur de Kalamaï, avait vaincu un despote et été devenu un héros. Les marchands disaient de lui que son cœur était pur et droit.
*Décidemment, notre isolement nous a aveugle et rendu intolérant. Nous sommes devenus ce que nous avons fuit*, philosophait l’enchanteur dans son chariot.
Presque deux jours que la caravane était partie. Moyennant une faible redevance, l’ancien avait pris place avec les enfants à l’arrière de celle-ci. L’enchanteur avait passé ces deux jours entiers à écrire le livre qu’il voulait envoyer à la Corporation des Arcanes. Il en avait d’ailleurs presque finit le brouillon. Ses longues années d’expérience en la matière le guidaient lorsque son charbon glissait sur la feuille. Il irait acheter une plume à Samos pour finaliser l’ouvrage. Mais l’essentiel avait été fait. La nuit, il se plaisait à raconter des contes aux jeunes humains sur la forêt magique d’Hépistèm. Le voyage jusqu'à Draziva devait encore durer une journée. Alors que la route prenait des allures plus corsées, un groupe de nains approchait en sens inverse. Ils avaient l’allure de prêtres ou de quelque chose liée au religieux.
Holà messires marchands ! cria le nain en tête de la petite troupe. Inutile de continuer votre peine, Mesomnon est en quarantaine et toute entrée y est proscrite. Nous-mêmes, fiers représentants de l’Eglise, avons été expulsé du lieu.
Les marchands s’entre-regardèrent, incrédules.
Vous voulez dire que toute la province est fermée ?
Exactement…euh…j’imagine que oui…enfin théoriquement oui, je ne pense pas qu’il y ait des soldats sur toute la frontière mais je vous conseillerais de retourner d’où vous venez.
La nouvelle était mauvaise, très mauvaise même. Pour les marchands, c’était pécuniaire. Ils avaient investi beaucoup dans des denrées de luxe à destination des nobles de Draziva. Pour Ethosem, c’était vitale, il ne pouvait retourner chez lui. Descendant du chariot, il se dirigea vers le nain qui avait parlé.
Pardonnez-moi honoré prêtre, mais savez-vous si Etimnon est également sous quarantaine ?
Le nain, d’abord surpris de trouver là un ancien, race qui ne courait pas les rues en ces temps, prit le temps de considérer la question.
Et bien…ça…je n’en ai aucune idée. Tout ce que je sais, c’est que vous ne pourrez pas entrer par la frontière et même si vous y arrivez, vous serez traqué par la garde de Xanis et croyez moi, ils n’ont pas l’air commode.
Après d’âpres discussions, la caravane décida de se joindre aux prêtres pour retourner à la Citée Impériale, préférant une perte pécuniaire à une perte physique. Ethosem, quant à lui, ne put se résoudre à abandonner la route de son foyer. Il continua ainsi, à pied, de poursuivre son chemin jusqu'à la frontière, quoi qu’il advienne.