Le Monde de Kalamaï
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descriptionBacre, ville religieuse, première étape du voyage EmptyBacre, ville religieuse, première étape du voyage

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D'où les bonhommes sont partis



Trois jours de voyage avaient emmenés les deux compères au pied de la ville de Bacre. Ces trois jours avaient commencés par un grave dilemme logistique.
Il avait vite paru évident que la chèvre ne survivrait au voyage sur le flanc à grande vitesse sur la route impériale. Or, pour Grognar, une chèvre devait marcher comme une chèvre, c'est à dire au sol, sauf que soit Grognar allait trop vite, soit la chèvre trop lentement, mais bon, il avait fallu se poser et discutailler d'un plan de marche.

Donc, par intermittence, L'Ardonien courrait et Grognar portait la (feignasse de) chèvre et le reste du temps, l'Ardonien marchait en tenant la chèvre et Grognar trouvait le temps long.

Bref, au bout du compte, le résultat était là, il se trouvait là, devant les portes de Bacre.



Qu'est-ce que c'est que ce bordel? C'est l'carnaval? Faut retirer nos gaudasses pour rentrer?



L'Ardonien dû reconnaitre que le spectacle avait de quoi surprendre. Ils faisaient face à une grande place de marbre blanc, tout en dalle, réfléchissant le soleil. ça et là, des fontaines, des statues, des oeuvres architecturales ou autres, des temples, qui donnaient un rendu assez saisissant. Et la foule... Tout en toges et robes diverses, marchant calmement, de tout ceci ressortait une zone terriblement paisible.

Peut être que d'autres aurait contourné la ville, modifié leurs plans. Surement même. Peut être une présence était-elle à l'oeuvre? Ou peut-être le pouvoir venait-il de la foi de toute une ville? Toujours est-il que les hommes de guerres normaux n'auraient sans doute pas pu entrer dans ce lieu, parce que personne ne peut entrer dans un lieu qui n'est pas le sien.
Un peu comme un lion, arrivant face à l'océan, ne se dit pas, tiens, je vais y rentrer et vivre avec les poissons.

Peut être certains penseraient que L'Ardonien avait eu son comptant de promenade de chèvres et qu'il avait hâte de se poser quelque part. Plus probablement, on avait là un homme qui, après avoir traversé un océan dans une embarcation de fortune, avait égoutté son chapeau et s'était engagé dans un désert, et donc, ceci, ce lieu, c'était simplement un nouveau monde sur sa route.

Il entra en ville.

Grognar avait décrété que le chemin était indiqué par l'encapé, et Grognar, étant un géant à cheval sur ses principes, le suivi sans se poser de questions, malgré son statut de géant qui "réflexionne".

Les deux voyageurs déambulaient lentement dans la ville, regardant avec un certain émerveillement cette cité qui ne ressemblait à aucune autre.

Tout d'un coup, des cloches se mirent à teinter dans tous les coins. Aussitôt, tous les habitants se mirent en tailleur et commencèrent à méditer avec une concentration tellement intense qu'elle en était palpable.
Seules deux personnes restèrent debout, Grognar et L'Ardonien, qui passèrent entre les corps, pour finalement s'arrêter et contempler cet océan méditatif.
Pragmatique, la chèvre, à leur coté, profita de cette pause pour commencer à brouter la toge la plus proche, visiblement à son goût.

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Une ville de marbre, étincelante et luxueuse ! Partout autour des deux compagnons s’élevaient les portiques et les temples, aux colonnes cannelées qui s’élevaient, fines et élancées, vers des frontons richement ornés de bas-reliefs.

De ce décor plein de magnificence se dégageait une intense impression de plénitude. Le calme, la sérénité habitaient ces lieux, surtout à ce moment où tous les habitants, sans exception, s’adonnaient à une méditation profonde.

Grognar et l’Ardonien regardaient tout autour d’eux ces visages pleins de béatitude, aux yeux clos. De leurs mille bouches fermées s’élevait une très légère psalmodie, un fin bourdonnement, comme les mille respirations à peine forcées de ces méditants. Certains d’entre eux avaient le crâne totalement rasé, à l’exception d’une crête au milieu de la tête.

Puis, les cloches tintèrent à nouveau et chacun se releva et reprit ses occupations brièvement interrompues. Cette parenthèse enchantée s’évanouit aussi brusquement qu’elle était venue et les toges se remirent à déambuler par les rues.

Le corps couvert d’une de ces toges de couleur pourpre, un homme à la crête fournie s’approcha des deux voyageurs. Peut-être était-il plus important que les autres, vêtus de robes blanches ou couleur safran. Toujours est-il que parvenu vers eux, il joignit les paumes de ses mains et s’inclina respectueusement.

- Bien le bonjour, voyageurs inconnus. Etes-vous de malheureuses âmes errantes qui cherchent la plénitude ? Venez-vous pour rejoindre notre communauté ?

Grognar s’avança d’un pas.

- Une "communité" de quoi ? De gugusses en jupettes ? Pas demain la veille que je prendrai un drap pour m’habiller…

Il déchaussa son heaume et en se baissant, posa son index sur son crâne pour en faire constater la nudité et la luisance.

- Et pis pour ce qui concerne mes tifs, y’a plus rien à couper !

L’Ardonien s’était approché, prêt à intervenir en tant qu’interprète, tant il avait compris à quel point le géant manquait parfois de diplomatie et toujours de vocabulaire.

- On fait que passer ! continua Grognar. Vous êtes juste une "épate" sur notre chemin. Moi, j’aurais bien continué à crapahuter dans la nature, mais mon copain "l’Air-de-rien" a voulu visiter…

L’homme – le prêtre ? – considéra les deux intrus avec étonnement, et de la même voix douce et du même ton calme, il expliqua :

- Bacre n’est pas une ville ouverte au tourisme, messieurs ! Ici, nous cherchons la paix intérieure, une meilleure connaissance de notre moi profond… Nous tâchons de domestiquer les tourments obscurs de nos êtres en nous adonnant à une méditation intense toutes les heures… Il n’y a pas de place pour les guerriers que vous semblez être ! Sauf si vous décidez d’abandonner l’épée pour la toge… Sauf si vous aussi vous souhaitez améliorez votre karma, atteindre la béatitude et la résurrection…

L’Ardonien ne trouva pas d’autres commentaires à faire que d’émettre un long sifflement. Quand au barbare colossal, il se contenta de regarder son interlocuteur avec son œil grondant.

- Rien compris, mon pote ! Mais la question n’est pas là. On marche depuis des jours à sec, donc la question est : où qu’on peut boire un coup ?

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Rien compris, mon pote ! Mais la question n’est pas là. On marche depuis des jours à sec, donc la question est : où qu’on peut boire un coup ?


L'Ardonien grimaça rien qu'en entendant la question et commença à réfléchir à comment calmer Grognar sur le champ. Il allait devoir improviser, et pas se louper. Quand l'iroquois en toge leur annonça qu'il pourrait éventuellement les laisser se désaltérer à la maison des sources avant leur départ, il interpella un Grognar prêt à revendiquer son droit à la bière le plus légitime.



Grognar Grognar, une règle des guerrier itinérants est de respecter les coutumes locales. Regarde, quand on débarque chez toi sans prévenir, les types, ils font pas ce qu'ils veulent? Ils piquent pas des bières en dessinant sur la tour? Ils respectent ou tu les écrases non? Enfin, tu les écrases sans doute tout de suite, mais tu vois le principe. Nous sommes des gens polis, voyons ce que l'on peut faire ici, comme des types... honorables!

Grognar ne semblait pas vraiment convaincu, et L'Ardonien se demandait s'il n'utilisait pas un language trop soutenu, mais il ne fréquentait pas encore assez le géant pour lui parler en des terres plus brut de pomme.
Bon, tentons une idée simple.

On va dans une province magique pleine de trucs bizarres et puissants. Cette ville est bizarre et puissante, on pourra peut être récupérer de l'équipement en buvant un peu d'eau et en nous abstenant de baffer à tout va!

L'Ardonien recula de deux pas et observa. Soit Grognar était ok, soit il réfléchissait à ce qu'il lui avait dit, mais en tout cas, il ne semblait pas enclin à déclencher une bagarre tout de suite.
Bon, à présent, voyons si je peux être diplomatiquement meilleur ironisa-t'il réprimant difficilement un sourire.


Résident de Bacre, nous sommes effectivement des combattants, voyageant à travers le continent pour porter assistance à une amie de mon présent compagnon. Il se nomme Grognar et je suis l'Ardonien.
Comme vous l'avez compris, nous ne souhaitons pas rejoindre votre communauté pour nous adonner à la méditation. Mais, je crois au pouvoir de la concentration et de la connaissance de soi, c'est une vertu pour le guerrier et c'est sans doute la proximité à ce niveau de nos Karmas respectifs qui nous a permis de pénétrer dans votre lieu saint.


L'Ardonien était quand même un peu en équilibre, essayant de réutiliser les termes prononcés par le moine. Son souci n'était pas tellement d'être pris à mentir (pouvaient-ils lire le karma?), il pensait plus ou moins ce qu'il disait. C'était plutôt si leur interlocuteur sondait Grognar que ça pourrait devenir drôle.
Le moine semblait réfléchir, il n'était visiblement pas habitué à de telles visites et devait donc envisager toutes les possibilités.
L'Ardonien choisit donc de lui faire une offre raisonnable qu'il ne perdrait pas grand chose à accepter.




Ecoutez, mon ami et moi sommes fourbus. Nous apprécierions beaucoup aller à votre maison des sources, puis visiter un peu sous votre responsabilité afin de voir ce qu'offre une vie telle que la votre. Ensuite, si nous ne nous sentons pas en communion avec votre modèle de vie, nous partirons en paix. Nous allons affronter bien des embûches et ce lieu de quiétude peut peut être apaiser nos âmes.



Dernière édition par L'Ardonien le Dim 4 Juil 2010 - 11:45, édité 1 fois

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- Veuillez me suivre, messieurs, je vous guide !

L’homme en toge pourpre les précéda dans un dédale de ruelles, toutes pavées, où chaque bâtiment était constitué du même marbre blanc éclatant. Cette ville, assurément, avait été construite en une seule fois, sans doute dans le but d’accueillir cette communauté.

Ils passèrent devant une grande construction, composée de plusieurs petits immeubles qui entouraient une grande cour, fermée par une grille. Toutes les fenêtres étaient munies de barreaux.

Les deux compères avaient suffisamment bourlingué pour identifier sans erreur ce type de lieu, fût-il construit en marbre.

- Une caserne ? s’étonna Grognar. A quoi que ça sert chez des tondus en robe ?

- Ici réside la milice Bacriate ! répondit le moine. Une troupe d’élite chargée de nous protéger des intrusions trop… violentes. C’est à eux que vous aurez à faire si vous refusez d’accéder à ma requête. A la Maison des Sources, vous pourrez boire tout votre soul et nous vous fournirons des outres que vous pourrez remplir pour votre voyage. Après cela, il sera temps de nous dire au revoir.

Il se tourna vers l’Ardonien.

- Désolé de vous décevoir mais il ne me sera pas possible de vous faire découvrir davantage cet endroit. Ceux qui viennent ici sont déjà fort avancés dans leur recherche intérieure. Nous guidons les âmes qui ont fait vœu de demeurer pour toujours dans cette cité. Nous ne sommes pas une communauté ouverte. C’est la foi qui nous unit, le désir de se rapprocher des Dieux par une purification complète de notre esprit et de notre corps… Si vous restez ici, vous ne partirez plus !

Grognar regarda l’Ardonien avec des yeux suppliants. Outre la mission qu’il avait à remplir, il n’avait aucune envie de demeurer dans cette ville d’illuminés. Il eut un pincement au cœur en se demandant quand il pourrait enfin revoir ses chères montagnes, son Mont Roc-Pointe à lui…

Après quelques minutes de marche, ils parvinrent enfin devant un vaste édifice, ceint d’un portique à colonnades et auquel on accédait par un large escalier. Sous le péristyle s’ouvraient de nombreuses portes. Il y avait là la foule des grands jours, qui sortant avec des outres pleines, qui entrant avec des outres vides.

- Plusieurs sources naissent ici, expliqua leur guide. C’est un lieu tellurique et magnétique très important. Ces eaux sont remplies de vertus très diverses : certaines sont bonnes pour les intestins, d’autres pour l’irrigation sanguine, d’autres encore apaisent… Ces eaux sont de merveilleux outils qui aident à nettoyer nos corps quand la méditation nettoie nos esprits.

Pendant son explication, Grognar s’était un peu éloigné, flânant, admirant l’architecture des lieux comme s’il était capable d’en goûter la beauté. Ce qui le réjouissait ici était la dimension des colonnes, la hauteur des plafonds et des portes. Il pénétra dans la Maison des Sources par une haute porte sous laquelle il n’eut pas besoin de se baisser.

Sans s’apercevoir de sa disparition, le moine et l’Ardonien avaient pénétré par une autre entrée. Ils se trouvaient dans la salle des fontaines, où des sculptures luxueuses dispensaient en fins filets les qualités incomparables des multiples sources dans de multiples clapotis.

- Là-bas se trouvent les bassins de purification, dit le moine en désignant l’entrée où Grognar s’était avancé. Je vous prie de ne pas y pénétrer. Mes condisciples y font leurs ablutions et tiennent à leur intimité.

C’est justement face aux bassins que se trouvait le géant. Des hommes et des femmes, nombreux, tous mélangés se plongeaient nus dans les bassins avec forces prières, les yeux clos, certains méditant.

Grognar apprécia la fraîcheur de l’endroit. La route avait déposée sur son corps une épaisse couche de poussière et l’odeur de sa propre sueur commençait à l’incommoder lui-même.

- Une p’tite tête dans la patouille va pas me faire de mal, se dit-il.

Avec tranquillité et sans se presser, il commença à se débarrasser de son armure, sous les regards éberlués des fidèles. Bientôt, il fut totalement nu, exhibant son grand corps musclé, couvert de cicatrices.

A la vue de son entrejambe fabuleux, mythique, considérable, les bouches s’ouvrirent de stupéfaction, d’admiration pour certaines femmes, de dégoût pour d’autres et de jalousie pour presque tous les mâles présents.

Il s’avança sur le bord de l’eau, joignit ses mains et plongea dans la fraîcheur bienfaitrice de l’onde. Un immense "plouf !" résonna sous les hautes voûtes, amplifié en écho. Toute la salle fut submergée dans le même temps par un impressionnant tsunami.

Dans le fond du bassin, Grognar était étendu sur le ventre dans une flaque, seul vestige de l’eau qui remplissait la piscine. Il agitait bêtement ses bras et ses jambes en tentant de nager sur le pavé à peine mouillé.

- Bordel de bordel de nom de Brak de bordel de Brak ! Quel est le crétin qui m’a vidé ma baignoire ?

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PLOUF!

L'Ardonien comprit immédiatement que Grognar venait de faire une connerie et il avait même une idée assez précise de la connerie en question.
Il envisagea de se demander comment un type aussi gaffeur avait pu vivre aussi longtemps mais la réponse était assez évidente. Par contre, il pouvait se demander comment lui allait survivre, se demandant tout à coup si l'absence de compagnons de voyage du géant n'était pas une indication.

On n'entendait pour ainsi dire aucune réaction alors que L'Ardonien s'attendait à une explosion de cris. C'est alors qu'il entendit, ou plutôt senti. Il y avait une "vague" qui arrivait sur lui, l'englobait. Il disait vague faute de terme adéquat pour définir un tel phénomène. Il supposa que les violentes protestations des moines prenait une forme énergétique, sans pour autant qu'il eu tout loisir d'étudier ce procédé.

Puis, il entendit de vrais bruits...

de l'autre coté. Il se retourna pour découvrir les moines miliciens en train de charger. Ainsi, comprit-il, cette vague était un message. Les guerriers étaient véritablement impressionnants. Grands et musclés, en toge courte, ils avaient tous une crète immense divisée en plusieurs pointes et colorée d'une couleur vive.Et surtout, ils étaient entourés d'une puissante aura.
Dans leurs yeux respirait le pouvoir.
Un seul serait déjà un adversaire formidable, et là, c'était une charge de tout un bataillon armé!

Le moine qui l'avait escorté posa un bras sur lui et appela les miliciens, leur disant que l'un des fauteurs de troubles était là. Immédiatement, l'esprit de L'ardonien commença à s'embuer et ses muscles à s'engourdir.

Ce que le moine ignorait, c'était que l'ancien mercenaire avait un instinct de survie surdéveloppé, celui que possède ceux qui ont frôlé la mort à maintes reprises et qui ont survécus sans forcément savoir comment. Se sont des mécanismes de défenses inconscients, ceux là même qui vont vous faire dévier le torse de 2cm pour échapper à un projectile mortel ou encore qui vous font réveiller en pleine nuit, une arme à la main alors que tout est calme.

Alors qu'il était en danger, le corps de L'ardonien réagit par réflexe à l'attaque et ce simple geste envoya le moine faire un vol plané de deux mètres. Sa technique était puissante, mais pas sa constitution.

Reprenant ses esprits, il parti au pas de course à travers la seule issue possible, la maison des sources. Il traversa plusieurs salles, bousculant sans ménagement tout ceux qui se trouvaient sur son passage et atterrit face à un cours d'eau un peu plus violent, une espèce de petit torrent traversant plusieurs bassins de baignade.

Sans réfléchir il plongea dans les eaux vives, prenant son vieux chapeau en main juste avant de percer la surface de l'eau.




Dernière édition par L'Ardonien le Ven 11 Juin 2010 - 0:44, édité 2 fois

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Passablement agacé, Grognar se relevait. Déjà, un torrent qui s’écoulait dans une rigole de marbre remplissait le bassin en s’y déversant à gros bouillons.

A genoux dans l’eau qui montait, le géant entendit des cris, un tumulte guerrier… Quelque part, pas loin, résonnait le cliquetis des épées et des lances jetées en avant dans une charge furieuse.

Il comprit tout de suite que son compagnon était en mauvaise posture et au même moment qu’il envisageait d’aller l’aider, il ressentit un grand choc dans le dos. Emporté par le ruissellement, l’Ardonien venait d’atterrir à cheval sur ses épaules.

- Hé, descends de mon dos, l’encapé ! grogna-t-il. Je suis pas une guerrière en jupette, moi, je mange pas de ce pain-là !

L’Ardonien eut un sourire car il venait d’avoir une idée pour simplifier et accélérer leur fuite : le géant avec ses grandes jambes ferait assurément une monture puissante et rapide.

Pour l’heure, il sauta sur le bord du bassin, trempé et dégoulinant, et enfila son chapeau qui, gorgé d’eau, tombait sur ses yeux, ridiculement déformé et laissant couler en pluie tout autour du bord de lourdes gouttes.

- Ta maman t’a jamais appris qu’on enlève ses "zabis" avant de se baigner ? se moqua Grognar.

- On a des problèmes, mon gros ! Il faut filer d’ici !

D’un bond, Grognar atterrit sur le rebord de la piscine puis se précipita vers l’entrée pour voir la milice Bacriate, la rage aux commissures des lèvres, se précipiter vers eux.

- Regroupe ma ferraille dans mon baluchon, je vais les retenir !

Nu comme au premier jour, il sortit sous le péristyle en poussant le grognement d’un ours. Les miliciens marquèrent un temps d’arrêt en entendant cette vocifération à peine humaine qui sortait de ce corps gigantesque à la musculature herculéenne.

Un léger temps de latence que Grognar mit à profit pour descendre en courant le grand escalier. La chèvre, fidèle, attendait ses maîtres au bas des marches…

Dans la salle des bains de purification, l’Ardonien ramassait une à une les pièces de l’armure pour les fourrer dans le grand sac de toile de son comparse. En voyant traîner au sol la lourde et impressionnante masse, il se dit que le barbare se sentirait démuni sans elle et s’appliqua donc à la ramasser. Bien qu’il fut lui-même costaud, il éprouva de grandes difficultés à soulever son poids conséquent.

La surprise passée, la vingtaine de moines-soldats s’étaient regroupés pour charger le colosse qui leur faisait face. Ils se placèrent en phalange, lances tendues en avant, en formation triangulaire pour se livrer à une charge dévastatrice.

Grognar saisit la chèvre et l’enroula sur elle-même, glissant sa tête entre ses pattes arrière, pour en faire une sorte de boule à poils et à cornes. Avec une force prodigieuse, il la jeta dans les jambes des miliciens, lancés sur lui.

La chèvre roula, roula, roula et en heurtant les tibias des soldats, faucha la première rangée, puis la deuxième, puis toutes les autres. Les hommes furent projetés de tous les côtés et la formation si parfaite éclata en morceaux.

- Strailleque ! s’exclama l’Ardonien qui avait surgi, chargé sur une épaule de la volumineuse musette et sur l’autre de la masse d’acier.

Il n’avait strictement aucune idée de ce que voulait dire ce mot mais sur le moment, il trouva que ça sonnait foutrement bien.

Arrivant par deux rues à la fois, deux autres groupes de soldats approchaient au pas de course.

- Merde ! s’écria Grognar. En v’là d’autres ! Et j’ai plus de chèvre !

Mettant en application le plan qu’il avait mijoté plus tôt, l’Ardonien sauta sur le dos du géant et tapota son crâne lisse.

- Cours, Grognar, cours !

Sans chercher plus loin, la monture s’élança avec son cavalier et parcourut rapidement les rues de la ville d’une ample foulée, en maugréant :

- Dis donc, "l’Air-de-Rien" ! Il faudrait que t’arrêtes de me prendre pour un "chevaux" !

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Dans d'autres mondes, il existe des moteurs 4 temps ou bien 2 temps. Mais, aucun ne pourrait être comparé au 2*2 temps de Grognar, lancé à pleine vitesse dans les rues de Bacre, L'Ardonien, perché sur son dos, tenant le colossal équipement de guerre du géant, et en profitant, l'air de rien, pour se sécher un peu.
Pour en revenir à notre métaphore ne manquant pas de chevaux, ce qui, reconnaissons le, ne nécessiterait que peu de mauvaise foi pour être considérée adaptée à la situation, Grogar avait un Baam-Baaaam entrainant réalisé par son ample foulée et qui s'associait assez harmonieusement avec son baffe-gauche-baffe-droite trouvant visiblement son public.
Le critique averti pourra d'ailleurs utiliser l'expression popularisée: Le public prit une sacrée claque.

Bref, pour résumer, Grognar fonçait, la foule s'éparpillait et L'Ardonien s'accrochait.

Mais tout n'était pas si rose, derrière la milice ne renonçait pas et fonçait après les deux intrus. L'Ardonien finit par jeter un coup d'oeil par dessus son épaule, ouvrit de grands yeux et lâcha, avec un coup de talon:



Accélère Grognar! Accélère encore!



Le géant fit une réponse que ne comprit pas l'humain mais qui ressemblait à s'y méprendre à un juron. Mais, puisant dans ses réserves, il accéléra la cadence. L'air lui brûlait les poumons, il avait atteint sa vitesse maximale et poussait autant qu'il pouvait sur les puissants muscles de ses jambes, cherchant encore à allonger sa foulée.

Mais se ne fut pas assez rapide.

La vague d'énergie, véritable mur en mouvement de plusieurs toises de haut, les rattrapa et les frappa alors qu'ils étaient presqu'au niveau des portes de la ville. Grognar décolla du sol, L'Ardonien décolla de Grognar et l'équipement du géant décolla de L'Ardonien. Tout ce beau monde fit un vol plané, passa les portes, continua encore un bout de chemin non négligeable et s'écrasa sans aucun style.

Grognar avait le nez dans la terre au bout d'un long sillon que son corps avait creusé le temps de s'arrêter. Toujours nu, il avait les fesses dressées comme un ultime au-revoir à Bacre, sa virilité pendouillant et attendant d'être de nouveau dissimulée à la face du monde. Goguenard, il lâcha à l'adresse de son compagnon:



C'est comment qu'on dit l'encapé? STRAILLEQUE!!!! C'est bien ça?



L'Ardonien ne répondit pas, constatant avec satisfaction qu'il ne s'était pas fait toucher par les affaires de son compère qui étaient disséminées un peu partout autour de lui et qu'il ne s'était pas non plus cassé quoique se soit. Alors qu'il s'époussetait, un objet tomba de sa manche. Intrigué, il le ramassa. C'était une amulette formant un soleil, sauf qu'elle était noire comme la nuit. Une chaine y était accrochée. Après un court moment d'examination, il la mit autour du cou, décidant de reprendre sa scrutation plus tard.


Sans doute l'ai-je récupérée en frappant le moine qui nous a guidé. Bizarre que je ne l'ai pas perdu depuis...


Il fut pris d'un petit vertige, et si, se dit-il, si... Si tout ça n'avait que ce but de récupérer cet objet...On pouvait vite se perdre à ce jeu là...Quand intervenait l'hypothétique intervention? Devant la ville? Au moment de choisir l'itinéraire? Au moment de l'exécution d'un vieux vampire? Secouant la tête, il rit de son propre égocentrisme.
Puis, son regard se porta sur la ville. Aux portes se tenaient les miliciens et au centre, leur guide, qui le fixait, sans rien dire ni ne tentant de sortir.

Grognar rouspéta!
Ses malheurs ne semblaient ne jamais devoir finir!
Il avait déjà du servir de monture, puis il s'était envolé pour mieux finir le nez dans la pelouse, et tout ça dans le plus simple appareil, et voilà que quelqu'un lui bouffait les oreilles et son crâne rasé!


Nom de nom de brak, mais qu'...


Bhêeeeeee

Rolling Eyes


Une voix qui contenait mal son hilarité s'éleva alors



On reprend la route compagnon?



Suite du voyage

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