L'adolescence du personnage.Notre personnage existe et des preuves existent dans les textes. Voici qui est fait. Mais la vie du personnage ne s'arrête pas là, loin de là, vu qu'elle ne fait que commencer !
L'adolescence du personnage est, après l'âge adulte, la période la plus longue de la vie de ce dernier. Si jamais la naissance et la petite enfance se déroulent souvent sur très peu d'heures et l'enfance sur quelques jours, l'adolescence peut prendre des années.
C'est, ni plus ni moins, la vie du personnage à son état brut. A son apparition dans le récit, il possédait donc un passé, un caractère, un physique. Désormais, il tracera son présent de lui-même, toujours sous la tutelle de l'écrivain qui sait toujours ce que deviendra son protégé. Jusqu'ici, le démiurge sait tout de ce qu'il se passe dans la tête du personnage. Il serait même bien venu de dire qu'en réalité, il EST son personnage.
Petite parenthèse afin d'expliquer un phénomène. Il va de soit qu'un écrivain, lorsqu'il créé ses personnages, les construit à partir de lui-même, de son expérience, de ce qu'il a vu, entendu autour de lui. Ainsi, un écrivain doux et généreux aura-t-il le plus grand mal à concevoir un personnage égoïste et violent de façon crédible, tout simplement parce qu'il aura du mal à concevoir ces choses. Il se contentera alors de mimer ce qu'il voit autour de lui, créant un personnage « creux », composé uniquement d'actions et de réactions stéréotypées selon la mentalité de l'écrivain. Néanmoins, si tous les personnages d'un écrivain sont tous un peu lui, on se rend compte rapidement que cela n'est vrai que pour les personnages peu âgés.
Quoi qu'il en soit, notre adolescent n'évolue pas vite, voire pas du tout. Il vit, fait toujours les mêmes erreurs, fait sa crise d'ado en refusant catégoriquement de changer et de s'adapter au monde qui l'entoure. Ou s'il le fait, c'est si lentement et si imperceptiblement qu'on ne le verra pas passer à l'étape suivante.
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La vie adulte du personnage.Et voilà ! Notre avatar fait de lettres et de traits a reçu, pour une raison inexpliquée, sa propre étincelle divine. Jusqu'à ce moment, l'écrivain savait tout de son personnage, prévoyait toutes ses actions, connaissait son passé et son avenir mieux que ce dernier. C'était alors une relation symbiotique. Cela reste un mystère, mais tous les écrivains confirmés vous le diront, il arrive, parfois, qu'un personnage s'émancipe... Et croyez moi, le jour où on s'en rend compte, on est béat devant sa création, on se rend compte qu'on est largué, que le personnage possède sa vie et qu'il nous sourit. On se sent fier, autant qu'un parent qui voit son enfant quitter le foyer familial, prêt à voler de ses propres ailes. Quelle honte y aurait-il à l'abandonner alors ! Lorsqu'arrive ce si beau moment, c'est LA que l'écrivain se doit de se surpasser. Il avait guidé son personnage, il doit maintenant lui courir après, se défoncer pour le suivre.
Ce processus est très lent, même si son apparition est presque tout le temps violente. Le personnage évolue, lentement, durant son adolescence, imperceptiblement parfois même aux yeux de l'écrivain qui, évoluant lui-même, oublie certains traits de caractère pour en donner d'autres. Sans compter que l'univers lui-même dans lequel vit le personnage change. Nous verrons ensuite qu'il est souvent à l'origine de ce processus, ou de son apparition.
Alors, comme je vous l'ai dit, le personnage vit, possède une âme. Je vais vous donner un exemple tiré de ma vie personnelle, aussi étrange soit-il, il vous éclairera peut-être.
Lors de mon adolescence, à moi, j'avais créé un personnage de jeu de rôle que j'adorais incarner. Elle était moi, j'étais elle, nous vivions gaiment ensemble, moi la guidant telle une marionnette. Or, un jour, durant une séance, mon personnage fut mis en grande difficulté. En face d'elle, dans un monde médiéval, une dizaine d'arquebusiers qui la tenait en jour, sur une grande place. En théorie, si j'avais voulu réagir en tant que joueuse, j'aurai fait en sorte que mon personnage se rende ou s'échappe afin d'éviter la confrontation qui, à n'en pas douter, n'était pas en ma faveur. Mais voilà, mon personnage m'a alors totalement échappé. Si je la faisais fuir ou se rendre, ce n'aurait plus été elle, ç'aurait été moi. Elle, elle devait charger l'ennemi, ses épées brandies. C'était SA réaction, je ne pouvais faire autrement. J'ai donc assisté à l'assaut désespéré de mon personnage que je voyais courir vers la mort. Drôle de moment, à la fois créateur d'extase en voyant qu'on ne contrôle plus tout, et désespérant, car on se rend compte que même la mort peut survenir, désormais, et qu'on ne pourra rien faire contre. Seulement, mon ami qui jouait le maître de la partie ne l'a pas entendu ainsi et a réussi à me tirer d'affaire... C'est lui, maître de l'univers qui, d'un deus ex machina, sauva mon personnage.
La vie adulte est la période la plus longue de la vie d'un avatar. En réalité, si jamais il réussit à atteindre cette étape, il vivra jusqu'à la mort de l'écrivain et parfois même au-delà. Car peu sont ceux qui arrivent à la vieillesse. Je prends les exemples de James Bond ou d'Indiana Jones. Que ce soient les personnages des romans ou des films, ils sont éternels et vivront tant que le public les réclamera. Peu importe que leur géniteur soit en vie ou non, ces personnages divinisés n'obéissent plus aux mêmes règles que d'autres. Ils ont refusé la vieillesse et sont devenus immortels, quitte à perdre une partie de leur âme en échange. Les gains commerciaux se font à l'instar de l'évolution d'un personnage...