Contrairement à ce que beaucoup pensent, la comtesse Hélèna Ianoss n’est nullement maitresse de la ville d’Ald’Rhune. Elle n’a pour ainsi dire aucun pouvoir décisionnel au sein de la Cité et de ses territoires, ce pouvoir restant entre les mains du Basileus, du Conseil de la ville et du Contarque. On s’accorde d’ailleurs à dire que le chef de la Cité est le Basileus, même si l’aspect militaire est quasi-exclusivement entre les mains du Contarque, lesquels travaillent de concert au bien être de leurs concitoyens.
Ce que l’on sait moins, c’est que la comtesse est officiellement conseillère d’honneur du Conseil de la Cité. Lorsque sa voix résonne sous la coupole du Palais d’Ald’Rhune, on l’écoute avec attention, sa sagesse et sa clairvoyance ayant déjà fait ses preuves en faveur des Ald’Rhunais. Et depuis son accession au palatinat, cette tendance s’est renforcée…
En étant la seule ambassadrice d’Ald’Rhune, elle est une, si ce n’est la pièce maitresse du jeu diplomatique Ald’Rhunais. Place qui lui vaut l’écoute et le soutien du Basileus et du Contarque, en plus de leur confiance respective.
La calèche officielle les amena au port par l’une des grandes artères de la Cité. Mais au lieu d’obliquer vers le port de commerce, concentré au nord de la ville, l’équipage prit au sud, en direction du quartier militaire, au pied des hauts contreforts constituants la base du Palais. A ses pieds, les chantiers navals militaires, l’Arsenal et les quais dédiés à la Flotte. Ces derniers accueillaient une multitude de navires de toute taille et de type divers, allant du ravitailleur à la frégate, de l’aviso au chaland de débarquement.
C’est au quai 11 qu’attendait l’un des fleurons de la marine Ald’Rhunaise : la frégate Hylvië. A l’origine destinée à l’intervention rapide et au raid naval, cet élégant bâtiment avait été réarmé en navire consulaire à la demande du Contarque pour le transport de hauts dignitaires alors même qu’il se trouvait encore en construction. Puis, le navire avait été prêté à la comtesse Ianoss pour l’accompagner dans ses voyages officiels aux quatre coins de Kalamaï. Maintenant un peu dépassée par rapport aux nouveaux navires sortant des chantiers tout proches, cette belle frégate bénéficiait néanmoins d’une voilure plus proche des navires de course que des navires de combat standard impériaux. Spécialement améliorée pour la vitesse, la Hylvië n’en restait pas moins apte à se défendre avec succès. Sa coque doublée de cuivre et disposant d’un escadron d’élite d’Infanterie de Marine à son bord, la frégate répondait parfaitement à son impératif sécurité de ses passagers, faisant d’elle le moyen le plus sûr, le plus rapide et le plus confortable de voyager à Kalamaï –selon les dires de ses concepteurs-. La vérité ne devait pas être loin de cet avis un tantinet présomptueux.
Babka pu profiter de la complexité des voilures des puissants navires de la Flotte de combat de la Cité lorsque la calèche atteignit le quai n°11. Ce n’est qu’après qu’il vit un petit homme un peu rondouillet discuter avec un grand homme aux cheveux grisonnants portant une rapière à la ceinture au milieu des soldats d’Infanterie de Marine au garde-à-vous. Le petit portait des vêtements faits d’étoffes rares et couteuses, formant une série de plis calculés et sensés affiner sa silhouette. Le second, le grand, portait un uniforme d’officier supérieur. Le nombre de gallons à ses épaulettes indiquait clairement un grand chef militaire.
Hélèna et Babka quittèrent la calèche pour rejoindre les deux hommes. Le cochet se chargea de descendre la malle de teck, non sans mal. Il fut rejoint par deux solides matelots de la frégate Aldebarh qui l’aidèrent dans sa tâche.
A l’approche de la comtesse, les deux hommes interrompirent leur conversation et se tournèrent vers elle :
-Ma chère ! Vos navires vous attendent !
-Merci, Basileus. Permettez-moi de vous présenter le seigneur Babka, palatin de Maon.
Le Basileus et le Contarque s’inclinèrent devant l’elfe.
-Les dignitaires de l’Empereur sont les bienvenus à Ald’Rhune, seigneur Babka. Je suis le Contarquos de la Cité. Voici mon collègue le Basileus.
-Enchanté de faire votre connaissance, seigneur Babka.
-Comtesse, la frégate Aldebarh et l’aviso Sygvenn formeront votre escorte. Le capitaine de la Hylvië, François De Jolett, sera le chef d’escadre. Sous vos ordres ont été placés 110 soldats de l’Infanterie de Marine, en plus des équipages des navires. L’escouade Delta chargée de votre sécurité est déjà à bord. De Jolett vous fera un topo sur le trajet aller-retour.
-Bien, Contarquos.
En prononçant ces mots, la comtesse s’inclina légèrement devant le chef militaire de la Cité, ce qui étonna un peu son compagnon de voyage. Il va sans dire que le Contarque ne s’adressait pas à la palatine mais bien à l’ambassadrice lors de ces dernières paroles. Il ne faisait que lui confier la vie des équipages de ces trois navires…
-Comtesse, seigneur Babka, au nom de l’Empire et au nom de notre Cité, je vous souhaite bonne chance. Le Contarque effectua un salut militaire avant de les quitter.
Le Basileus glissa au passage :
-Bonne chance aussi…Et revenez nous en vie, Hélèna…
Et il prit également congé des deux dignitaires impériaux, les laissant face à la frégate consulaire…