Les livres étaient éparpillés autour d'elle.
Impatiente, trop gourmande aussi, elle en avait sorti des rayonnages bien plus qu'elle ne pouvait en lire à la fois.

- Ma chère Lulyane, ce n'est pas la bonne méthode. Tu agis comme une gamine... Maîtriser les arcanes, c'est maîtriser la patience. Ne brûle pas les étapes ou tu vas te brûler les ailes...

Elle prit une longue respiration, chercha à retrouver son calme et surtout sa pondération. Elle sentait tellement d'énergie en elle depuis qu'elle avait signé le registre. Comme si quelque chose s'était débloqué.

La magie s'était emparée d'elle et de nouvelles sensations apparaissaient, un peu comme le soir maudit où elle devint une vampire. C'était la troisième fois qu'elle naissait. Elle était une fois encore en train de devenir quelqu'un d'autre.

Mais il lui fallait se raisonner. Ressentir la présence de la magie est une chose, la contrôler en est une autre. Cela, assurément, ne pourrait se faire qu'avec le temps, certainement beaucoup de temps...

Et du temps, elle en avait à foison. N'était-elle pas immortelle ? En tout cas, tant qu'aucune lame ne viendrait lui chatouiller les narines. Et si elle restait ici, en étude, il y avait peu de chances qu'on vînt lui chercher des noises.

Après quelques inspirations, sa fébrilité l'avait quitté. Elle était plus apaisée. Son esprit plus ouvert, plus détendu était maintenant plus apte à recevoir les nombreuses informations qu'elle voulait lui faire ingurgiter.

Commencer lentement, par le début...

Elle s'empara du grimoire des sorts de Novices, s'assit par terre en tailleur, le dos contre un rayonnage et débuta une lecture appliquée.

- Je suis parfaitement calme, mentit-elle effrontément. Mais il est vrai que je suis nouvelle... On ne peut d'ailleurs pas l'être plus. Je suis fraîche du jour, j'ai signé ce matin.

Comme le tout petit homme regardait sa blessure et s'en inquiétait, elle le rassura:

- Cette blessure ? Regardez-moi bien !

Elle bomba le torse face à lui, l'air fier, pour lui faire constater sa nature de vampire.

- La plupart de mes plaies se guérissent assez vite. Mais je vous remercie de vous inquiéter pour moi, gentil petit monsieur.

Décidément, venir à la corporation était la meilleure idée qu'elle ait eue depuis longtemps. Depuis son arrivée, tout le monde se montrait accueillant et attentionné. Comme cela la changeait de ses déplacements nocturnes, en catimini, pour ne pas affoler les populations qui, rien qu'en la voyant, s'en prenaient à elle.

Combien de fois elle avait dû fuir sous les jets de pierre, de lances et parfois de tous les objets qui tombaient sous la main de ses poursuivants acharnés.

En plus, l'archiviste avait un autre avantage: il n'était pas humain. Et n'exhalait donc pas ce parfum enivrant qui lui faisait tant envie. Le sang des nains a une odeur neutre qui ne l'attire aucunement, et elle n'a nul besoin de se contenir comme lorsqu'elle fait face à un homme.

- Les autres vampires dînent-ils du nain parfois ? se demanda-t-elle.

Peut-être les vampires nains mais elle ne savait même pas s'il en existait.

- Comme vous l'avez justement noté, je crois que j'ai déjà un programme chargé. Je n'ai donc besoin de rien pour l'instant. Mais si j'ai besoin de quoi que ce soit, je me permettrai de vous déranger.

Les portes de la bibliothèque s'ouvrirent dans un souffle alors que le Patriarche pénétrait à grandes enjambées dans le lieu. Malgré les dimensions de la pièce et le dallage de marbre blanc, les sons étaient étrangement atténués, aussi n'entendait-on quasiment pas le claquement des bottes usées du Sorcier sur le sol.
Sa cape bougeant légèrement au rythme de ses pas, sa capuche abaissée afin de laisser apparaitre ses cheveux bruns, il hésita quelques instants sur la place à laquelle ranger les livres qu'il avait empruntés.
Une fois qu'il eu interrogé l'archiviste -dont la réponse fut la plus brève possible- il se dirigea vers les derniers rayonnages, dans le fond, près de la baie vitrée qui laissait couler à flots la lumière du jour à l'intérieur. Lumière qui était renvoyée dans les quatre coins de la pièce par d'ingénieux systèmes de miroirs, permettant de n'éclairer l'endroit à la lumière des bougies qu'une fois la nuit tombée.

Il s'engagea entre deux hauts meubles, suivant des yeux les couvertures de livres tournées vers lui pour repérer les jumeaux de son Sortilèges de base.
Avant d'avoir trouvé l'emplacement adéquat, son regard fut attiré par une jeune immune de la Corporation. Il l'avait vue à son retour de la villa du Gouverneur, agenouillée sur le parvis devant les portes principales.
Sa posture, non moins étrange puisqu'elle était assise à même le sol, les livres empilés à ses pieds, l'amusait quelque peu et semblait montrer qu'elle se souciait profondément du regard hautain que lui lançait les arrogants apprentis.
S'approchant d'elle, il l'observa quelques instants et posa les tomes qu'il transportait à terre, à quelques pas d'elle... il se demanda l'espace d'un instant pourquoi elle ne s'était pas installée à une table pour étudier.

Il avait déjà demandé l'assistance de deux autres postulants de la Corporation et comptait demander celle d'un immune de l'Eglise. Mais une personne de plus ne pouvait nuire à la mission. Le fait qu'elle étudie les premiers chapitres des sortilèges de base -et que les ouvrages disposés devant elle soient les premiers à lire lorsque l'on s'introduit à l'Art- lui fit supposer qu'elle était d'un rang assez faible... Elle pourrait apprendre beaucoup d'un tel voyage.

" Bonjour jeune demoiselle. Puis-je vous importuner quelques instants ? "

Une nouvelle fois, elle fut interrompue dans sa concentration. Mais cette fois, elle sut se maîtriser.

" Bonjour jeune demoiselle. Puis-je vous importuner quelques instants ? "

Levant légèrement la tête, elle reconnut celui qu'elle avait croisé sous le portique, en revenant du marché.

Il la toisait, debout près d'elle, dans sa longue cape rouge.
Malgré elle, ses narines se dilataient et palpitaient. L'odeur du sang de cet inconnu... Il y avait de l'humain en lui, elle en était certaine. Pas au point de la mettre en appétit certes, mais tout de même une légère effluve de nourriture.

Elle ne prit même pas la peine de se lever, ce qu'elle aurait fait assurément si elle avait soupçonné à qui elle avait à faire. Elle ne voulait manquer de respect à personne dans cette grande institution, mais les inconnus qu'elle croisait lui étaient bien souvent indifférents.
En tout cas, elle avait une assez haute estime d'elle-même pour ne pas s'abaisser à faire des courbettes à n'importe qui.
Et tant qu'on ne s'était pas présenté, pour elle, on était n'importe qui.

Néanmoins, elle se sentait suffisamment de bonne humeur en cette journée pour être aimable, même avec un quidam. Et il faut bien reconnaître que celui-ci en imposait ! La prestance d'un seigneur, le mystère d'un mage...

- Si vous voulez un renseignement, hélas, vous vous adressez à la mauvaise personne... Je ne connais à peu près rien sur rien. Mais il y a là-bas un nain charmant qui pourra vous dire ce que vous voulez savoir.

Dans un sursaut d'orgueil, elle éprouva quand même le besoin de se mettre un peu en valeur.

- S'il vous cause des soucis, dites-lui que vous venez de ma part !

Le bâtard laissa un sourire rayonnant se glisser sur ses lèvres.
Cette apprentie avait du caractère... assurément un tempérament qui plaisait au Palatin. Il soupçonnait aussi qu'elle ne savait pas à qui elle s'adressait, et ne lui en voulait pas le moins du monde.
Depuis son ascension au Sénat, rares étaient les personnes à lui parler franchement et pour tout avouer, cela lui manquait. Il décida donc de laisser planer le mystère quant à son identité et fit attention à ne rien révéler de trop important.
Glissant les mains sous ses jambes pour ne pas froisser ses vêtements, il s'assit face à la jeune vampire, légèrement sur sa droite et la fixa quelques instants dans les yeux avant de lui répondre, réfléchissant à la meilleure façon d'aborder le sujet, aux phrases qui pourraient faire mouche et la convaincre de se joindre à l'expédition.

" Rassurez-vous, jeune Dame, je ne suis pas venu ici pour quérir de l'aide... Pas une aide théorique en tout cas.
Je devine que vous êtes Novice dans cette Corporation et vous me semblez être une âme aventureuse, si je puis dire. Et j'osais espérer, bien que je sois conscient de vous déranger en pleine étude, que vous seriez intéressée par un voyage en Mésomnon, en Mésolongion pour être plus précis, où quelques troubles ont été signalés dernièrement.

Soyez assurée que je ne me vexerai en rien en cas de refus, me permettant déjà d'abuser rien que par cette charmante conversation de votre temps au risque de ... retarder peut-être votre apprentissage, toutefois je pense qu'être confrontée à la magie sur le terrain pourrait s'avérer très instructif pour vous.
Le choix est entre vos mains. "

Gardant son regard couleur de glace planté dans les jolis yeux de son interlocutrice, il ne fit pas mine de se redresser, tout avachi qu'il était contre un rayonnage de la bibliothèque d'une des Corporations les plus puissantes de l'Empire.
Il voulait apprendre à connaitre un minimum la nature du raisonnement de la jeune femme et la placer d'une manière si abrupte face à un choix impulsif, sans aucune information ni aucun raisonnement... Se laisserait-elle tenter si facilement par le voyage et les risques qu'il comportait ?

Elle apprécia son ton et surtout le fait qu'il s'assied à son niveau. Ce type n'était pas snob ! C'était un bon point pour entamer une conversation avec elle. Ne pas la prendre de haut, surtout ne pas la prendre de haut !
Avec Lulyane, c'était l'erreur à ne jamais commettre.

Malgré son apparence douce et féminine, elle était capable de se déchaîner sous la colère. Sa puissance de vampire la transformait alors en fauve, en égorgeuse prête à se pendre au cou de n'importe qui.

Un voyage ? A Mésolongion ? Elle ignorait même où c'était. Elle avait entendu parler de cette ancienne province, quelque part vers le sud de chez elle. Une terre de magie, lui avait-on dit.

Et une terre de magie, n'est-ce pas l'endroit idéal pour apprendre la magie. Se charger peut-être, au contact de ce sol saturé d'énergie, d'un peu de puissance. Depuis qu'elle était novice, elle avait senti bien des changements en elle. Après tout, sa méthode n'était peut-être pas la bonne. Pourquoi ne pas imaginer d'apprendre sur le tas ?

L'argument avait fait mouche, mais sa méfiance n'était pas complètement étouffée. Crânement, avec une espèce d'arrogance espiègle, elle sourit à son interlocuteur:

- Vous êtes quoi ? Un mercenaire ? Une sorte d'agent recruteur ? Ou peut-être cherchez-vous des jeunes filles à entraîner dans les tavernes de la côte ? Aucune fortune de Kalamaï n'aurait les moyens de se payer ce corps, sachez-le ! Et si vous m'imposiez des clients, je serais contrainte de les découper en morceaux, et de remplir une jarre de leur sang pour en boire un peu tous les matins. Je ne serais pas très... rentable !

Bien sûr, elle ne croyait pas une seconde que l'inconnu fut un proxénète, ni même un mercenaire, d'ailleurs. Il avait l'allure bien trop noble. Mais elle avait aussi appris à se méfier des seigneurs, depuis que le plus noble d'entre eux, celui qu'elle croyait être l'image même de la noblesse l'avait...
Non, ne pas repenser à ça ! Elle débutait une nouvelle existence et il fallait enfouir ses souvenirs sous des pelletées de terre.

Comme toujours quand l'image de Carolus revenait à son esprit, son visage s'assombrit, son regard se chargea de tristesse.
Et c'est avec un sérieux infini, une profondeur qui contrastait avec tout ce qu'elle avait montré d'elle jusqu'à présent, qu'elle murmura :

- Que me voulez-vous ? Pourquoi me demander ça à moi ?

De la détresse... Voilà donc ce que cachait ce bel effort de volonté pour faire croire au monde entier en sa bravoure, sa dureté d'âme. Cette jeune créature était blessée.
Sans réellement se rendre compte de son geste, il tendit un bras et se penchant légèrement en avant, effleura très légèrement le bas de la joue de la jeune femme.

* Qu'est ce qui te prend ! Ressaisis-toi ! *

Se laissant aller à nouveau contre le rayonnage, il ramena son bras le long de son corps. S'humectant les lèvres, il parla doucement :

" Je ne crois pas, ma Dame, que depuis la création même de cet endroit, des mercenaires, des soudards ni même le genre d'homme à offrir une femme à un autre n'aie eu la possibilité de mettre les pieds ici.
Vous êtes membre de la Corporation des Arcanes, très chère, et ces lieux sont , par là même, votre foyer. Or un foyer n'est-il pas justement l'endroit même où l'on se trouve en sécurité ?
Des mages d'une grande puissance arpentent ces lieux, aptes à vous mettre à l'abri de bien des dangers, vous en avez sans doute rencontrés. Et je serais fort étonné que le responsable de ce corpus laisse pénétrer de telles engeance en ces lieux... Vous n'oublierez pas de faire signe aux gargouilles en sortant du bâtiment, elles sont d'une humeur affreuse aujourd'hui, aussi je vous laisse imaginer le sort qu'elles réserveraient à un intrus indésirable. De même que les quelques golems qui font office de statue et décorent les couloirs. "

Le palatin garda le silence quelques instants. Les questions de la jeune femme auraient dû le conduire à révéler sa véritable identité, mais l'envie de le faire ne le prenait toujours pas.
Il voulait voir s'il était encore capable d'attirer la confiance d'un être dans le besoin sans déployer toute la splendeur de ses nombreux et respectables titres.
Aussi, dans ce qui était presque un souffle, se contenta-t-il de dire :

" Je me nomme Xanis. Je suis, moi-aussi, membre de cette Corporation... et j'aurais besoin de votre aide pour cette mission. "

Il pensait que cette dernière affirmation ferait du bien à son interlocutrice. Qu'elle se sentirait mise en valeur même si, pour elle, le Patriarche n'était qu'un étranger. Et il était vrai qu'elle serait un atout : on entre pas à la Corporation sans un minimum de ruse, d'intelligence et de sagesse... toutes vertus qui pouvaient être d'une grande aide dans la bataille.

Le contact de cette main sur sa joue était si doux... Elle n'avait même pas reculé quand l'inconnu l'avait caressée.

Pourtant, elle n'avait pas autorisé quiconque à la toucher, et encore moins un mâle, depuis cette nuit où... Le simple contact d'une peau sur la sienne, et même seulement les regards, la révulsaient au-delà du possible.

Mais ces doigts-là, inexplicablement, étaient amicaux, pleins de bienveillance. Décidément, cet être l'intéressait, tout autant qu'elle semblait l'intéresser lui-même.

C'est pourquoi elle écouta attentivement ses paroles, des mots qui semblaient choisis pour l'apaiser, pour la rassurer.

Un foyer ? C'était donc vrai, elle avait trouvé un foyer. Un endroit où elle n'avait rien à craindre, d'où personne ne la chasserait, où elle arrêterait enfin de passer pour un monstre ou pour une bête curieuse.

" Je me nomme Xanis. Je suis, moi-aussi, membre de cette Corporation... et j'aurais besoin de votre aide pour cette mission. "

Ainsi, quelqu'un dans ce monde pouvait avoir besoin de son aide. Ainsi, elle pouvait être utile, ne plus être seulement un animal nocturne et nuisible.

Cette perspective la réjouit. Elle se sentait vivante. Enfin vivante ! Enfin à nouveau vivante !

Et puis, cet inconnu l'intriguait. L'envie d'en savoir un peu plus sur cet individu la titillait. Que cachait cette profonde capuche qui tombait sur ses épaules et dont elle devinait qu'il se couvrait le visage habituellement pour dissimuler ses sentiments, ses intentions ? A elle, il avait choisi d'apparaître sans fard, totalement dévoilé et cette marque de confiance la toucha.

Et puis, finalement, elle trouvait là une occasion de rompre avec sa solitude, de se rapprocher de gens qui pouvaient la comprendre. De se faire des amis ? N'exagérons rien ! Soyons prudente et attendons de voir.

Elle planta son regard dans le sien, dans ses yeux glacés, et lança, volontaire:

- Banco ! Quand partons-nous ?

Elle se leva d'un bond, avec l'agilité et la rapidité que possèdent les gens de sa race et lui tendit la main pour l'aider à se relever, comme à un vieux camarade.

- Je m'appelle Lulyane ! Je suis Comtesse ! Mais restez simple. Pas la peine de me faire des révérences, je ne suis pas à cheval sur le protocole.

* Bon... on n'est plus à ça près n'est-ce pas ? *

Saisissant la main tendue, il se remit sur son séant avec un sourire ravi.
La main de la jeune femme et la sienne étaient étrangement semblables : fines, à la peau claire et possédant de longs doigts élégants. Xanis n'avait jamais eu un physique d'athlète. A savoir s'il pouvait ne serait-ce que soulever une épée...
Il se félicitait d'avoir reprit une apparence plus correcte que lorsqu'il était sorti de son ermitage toutefois... s'il était apparu à cette jeune novice avec seulement la peau sur les os, les yeux enfoncés dans leurs orbites et les cheveux décolorés comme ils l'étaient un petit mois auparavant, il l'aurait probablement effrayée autant qu'il s'était lui même révulsé.

" Je vous remercie de m'autoriser cette petite entorse à la règle, ma Dame " Lâcha-t-il, de plus en plus amusé du quiproquo " J'ai ici quelques ouvrages que je dois ranger. Si vous avez des affaires que vous souhaitez emporter pour le voyage, le strict minimum j'entends, une cape, une arme ou je ne sais quoi, filez le chercher et laissez vos livres ici, ils retrouveront leur place, n'ayez crainte.

Pour ce qui est du voyage, nous partirons dès ce soir si nous en avons la possibilité, nous pourrons ainsi être arrivé... " Xanis fit la moue, réfléchissant, puis avec un sourire mystérieux lâcha une durée qui, pour quiconque connaissait la distance de la province, aurait tenu d'une estimation farfelue " Dans la fin d'après-midi de demain... J'insiste vraiment pour que vous preniez des habits chauds. Le voyage risque d'être frisquet et je ne voudrais pas que vous attrapiez froid. "

Sur cette boutade à une vampire, il se pencha pour ramasser les livres qu'il était venu ramener et s'éloigna à pas lents au cas où la jeune femme aurait encore une question à lui adresser.

Spoiler:

Calhazard se promenait entre les rayonnages avec lenteur, essayant d'éviter de faire trop de bruit. C'était la première fois qu'il voyait autant de livres si bien ordonnés. Rien ne semblait l'interésser.

Passant par un rayonnage peu fréquenté, le démon aperçu un grimoire. Il était rouge flamboyant avec une sérrure argentée. En m'approchant, je sentant un vide se créer. Il était clair qu'une grande magie était enfermée dans cette ouvrage. Calhazard prit le grimoire dans ses mains et cassa la sérrure. Ce livre devait être oublié depuis longtemps de toute façon.

En ouvrant le livre, il retint mon souffle. Mais rien... C'était un livre qui décrivait tout les cercles de l'enfer, les démons qui les habitaient et des sorts d'invoquation, de maîtrise et autres. Même en étant un démonologiste avancé, Calhazard n'avait jamis rien vu de telle. Tout était écrit et présenté avec une telle précision...

Le vieu grimoire rouge était surment interdit d'accès par les novices, mais la curiosité avait pris le dessus...

Le nain se mit à grommeler. Visiblement, ce n'était pas la première fois qu'il entendait cette demande et le sujet l'intéressait peu.

Son grimoire... Son grimoire... Son grimoire... Le Gris ne pense plus qu'à ça en ce moment. Il croit vraiment que je n'ai pas d'autres choses à faire ?

Sa vieille face ridée affichait toute la mauvaise humeur dont il était coutumier. Le Mage n'osait même plus venir faire sa requête lui-même et préférait envoyer ce jeune novice se faire tancer à sa place. Néanmoins, il prit sur lui pour rester courtois avec le jeune fée, sachant bien qu'il n'était qu'un envoyé et certainement pas responsable de cette énième demande.

Des livres, il n'y a que ça ici. Comment voulez-vous que j'en retrouve un précis ? Oui, je sais bien que vous allez me dire que c'est mon travail... Mais moi, je classe et je range des ouvrages de magie, pas des traités animaliers...

L'archiviste comprit à cet instant tout ce que son propos pouvait avoir de mystérieux pour qui ne savait rien. Et il fit un effort pour lutter contre son laconisme habituel et prendre le temps d'expliquer.

Figurez-vous que notre Archimage a adopté un dragonnet. Oh, un tout petit dragon, d'une race naine et qui grandira peu. Tout se passait à merveille mais voilà que l'animal prend de l'âge. Et le Gris a de plus en plus de mal à le maîtriser. Ce qu'il recherche est un livre traitant de la manière d'éduquer les dragons. Les bases du dressage, pour lui apprendre à obéir à son maître, à ne pas cracher des flammes à tout bout de champ, à ne pas mordre la main de celui qui le nourrit,...

Il eut un petit rire en pensant aux difficultés qu'éprouvait le Mage avec son animal de compagnie.

C'est qu'il ne faudrait pas que le petit lézard têtu aille lui roussir la barbe, hé, hé, hé ! Bref, ce livre s'intitule: "J'éduque mon Dragon miniature". Il est relié d'une couverture en peau de dragon, aussi, il dégage une mana toute particulière. Pour être parfaitement honnête, je mettrais la main dessus assez rapidement si je me décidais à le rechercher. Mais puisque le Gris, vous a confié cette mission... Ne vous gênez pas pour parcourir les rayons à ma place.

Il s'empara de quelques gros ouvrages qui traînaient sur son bureau. La haute pile dans ses bras cachait son visage. Il s'éloigna dans les allées pour ranger chaque livre à sa juste place, avec la méticulosité qui était la sienne.

Cela faisait des semaines que le fée étudiais quotidiennement dans la bibliothèque en gardant en tête la description du livre demandé par le Gris :
" Il est relié d'une couverture en peau de dragon, aussi, il dégage une mana toute particulière" lui avait dit l'archiviste.

Description assez vague quand on a jamais vu à quoi ressemble une peau de dragon et que plusieurs centaines d'ouvrages dégage une mana caractéristique. Comme exercice, le novice s'efforçait de retrouver le flux de mana de livres qu'il avait consulté. Les résultats étaient plutôt encourageant mais Malian était loin d'avoir assez de maîtrise pour repérer ce satané livre avant de l'avoir touché. Et pour le toucher il fallait d'abord le trouver. C'était un cercle vicieux et les recherches commençaient à mettre sa patience à rude épreuve quand il trouva un énième livres dégageant une mana particulière. Il le prit sur son étagère et au toucher il trouva sa couverture étrangement rugueuse. Il lut le titre : "J'éduque mon Dragon miniature". Le fée sursauta. Enfin ! Il avait enfin trouvé ce livre !
Il partit en courant en direction du bureau du mage pour lui apporter son livre.

Bon, le premier pas était enfin franchi. Premier pas m’éloignant efficacement de Père. Je faisais à présent officiellement partie de la corporation des Arcanes. Cela n’était pas suffisamment mais un bon début.

De plus, le mage m’avait dit par quoi débuter mon apprentissage. J’allais donc m’empresser de suivre ses indications. Il avait rajouté qu’il me faudrait m’orienter dans un domaine spécifique des arcanes. Cela était déjà tout décidé, je savais d’avance vers quoi j’allais me diriger.

Je supposai que j’aurais le temps de commencer mes études arcaniques avant le départ. En aurais-je suffisamment pour apprendre des éléments utiles, là était l’inconnue.

Un fait me chagrina. Pierrick, mon ombre, ne pouvait me suivre dans l’immense bâtiment. Il ne pourrait dépasser le hall sans créer d’incident. Je savais que cela ne le dérangerait pas. Mais moi si. Seulement, je n’y pouvais rien.

Je pris donc congé du vieil homme et partit rejoindre mon compagnon. Je lui annonçai l’interdiction de m’accompagner dans la corporation. Comme je m’y étais douté, il accueillit la nouvelle placidement.

Ne voulant perdre de précieux instants, je partis de suite en quête de la bibliothèque. J’abandonnai donc mon ombre à son sort. Mais je ne m’inquiétais nullement sur son sort. Il était capable de se débrouiller seul sans aucun souci.

Je me perdis dans l’immense construction et c’est par chance que je tombai sur le lieu tant recherché peuplé d’ouvrages innombrables. Un havre de paix. Le paradis. Je crois que je pourrais passer ma vie dans cet endroit, entouré par tous ces livres.

Je ne savais aucunement par où commencer mes recherches. Je devais d’abord trouver les œuvres citées par le vieil homme. Je décidai de débuter par regarder dans l’étagère la plus proche.

Puis, alors que je lisais un par un les titres qui s’offraient à mon regard sans y voir celui que je voulais, je me rappelai un détail. Le magicien m’avait parlé lorsqu’il m’avait expliqué qu’il avait une mission à me confier d’un certain archiviste. Le plus simple serait donc de me mettre en quête de cette personne. Cela devrait simplifier grandement mes recherches et diminuer le temps perdu.

Seulement, je n’avais aucune idée de ce à quoi elle pouvait ressembler. Mais qu’à cela ne tienne, je n’avais qu’à demander à la première personne que je verrais. Ou mieux encore, je lui demanderais directement la localisation des ouvrages désirés.

Je n’avais aucune idée de l’organisation de la pièce qui me semblait immense et qui devait réellement l’être. Mais, souvent on met au centre de toute structure ce qui est le plus important. Cet archiviste devait être d’une grande importance dans cette bibliothèque. Je savais donc où diriger mes pas.

A travers le dédale des étagères, je progressais lentement, ralentissant en tentant de déchiffrer rapidement les titres offerts à ma vue dont certains m’étaient incompréhensibles. Toujours avec pour but de m’orienter vers le centre.

Et, enfin, je parvins à l’endroit voulu. Je n’étais pas sûr d’être vraiment au milieu de cet havre de connaissances écrites. Seulement, je me tenais devant un comptoir derrière lequel une personne travaillait. Ce qu’elle faisait, aucune idée, mais cela ne m’intéressait pas de toute manière.

« Bonjour. Je viens d’arriver récemment et le mage qui m’a accueilli dans cette corporation m’a conseillé deux ouvrages, ‘Introduction au Grand Grimoire’ et ‘Les sorts de Base’. Pourriez-vous m’aider à les trouver ? » demandais-je. « Merci par avance. » rajoutai-je en me rappelant les fondamentaux de la politesse.