Le Monde de Kalamaï
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4-La Défense de la Tour

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Un échec cuisant ! Voilà à quoi ressemblait le premier assaut des troupes de Magnus… Une quarantaine de chacals et une cinquantaine d’archers avaient péri, beaucoup d’autres étaient blessés plus ou moins gravement. Il semblait que Mogoth avait oublié la force de la volonté et péché par excès d’orgueil.

Les adversaires n’étaient donc pas si démunis qu’ils en avaient l’air. Il n’avait pas soupçonné que cette sorcière qui les menait disposait d’une telle force magique. Et l’origine de cette puissance, il la ressentait… Il était incapable d’en capter les flux, même s’il pouvait suivre leur convergence qui les faisait s’accumuler sur le haut du rempart. Mille ondes de mana flottaient dans l’air, émises depuis cette lointaine forme blanchâtre qu’il devinait à peine sur le bleu du ciel, et qui semblaient n’avoir qu’un seul récepteur possible : Lulyane.

S’emparer de ce lieu qui émettait tant d’énergie, voilà quelle était sa priorité. En priver son ennemie, l’accaparer pour lui-même, pour mettre un terme à cette bataille et pour le futur aussi.

Un seul chacal volant ne suffirait pas à l’emporter dans les airs pour gagner le lieu de sa convoitise, aussi s’harnacha-t-il solidement pour que deux des animaux puissent le soulever. Passer par-dessus les fortifications serait chose aisée, à la seule condition de neutraliser les défenses, voire de se faire invisible.

Le meilleur moyen était un assaut massif. Certes, il connaîtrait des pertes mais cela lui laisserait la voie libre, les défenseurs étant trop occupés par ailleurs. Et puis, il n’avait que faire des misérables vies de ces misérables humains. Qu’il s’agisse de ses troupes ou de celles de la Comtesse, elles pouvaient bien s’entretuer, cela lui était égal s’il parvenait à mettre la main sur la puissance qui l’attendait là-bas, sur le haut de l’éminence centrale de la vallée.

Il fit donc ordonner par son pantin qu’on relance un assaut. A nouveau, on essaierait de clairsemer les rangs avec les archers, de les prendre à revers avec les chacals mais cette fois, on y ajouterait un assaut frontal des fantassins. En comptant sur l’épuisement des adversaires et de la sorcière, peut-être que cette deuxième offensive serait plus décisive. En tout cas, elle remplirait sans nul doute son office : faire diversion.

Replacés en rangs, les archers lancèrent deux ou trois bordées de flèches pendant que les chacals s’envolaient, allaient faire leur demi-tour et fondaient une nouvelle fois sur les assiégés. Aussitôt que les tirs cessèrent, une masse de fantassins se jeta sur la muraille, épées en avant en hurlant leur enthousiasme.

Profitant de la confusion, Mogoth, soulevé de terre par deux chacals, survola la mêlée et s’éloigna dans la vallée en direction de la Tour.

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Exhyl enleva la flèche fichée dans son sabot. Cela l’empêcha de voir un chacal lui foncer dessus et le bousculer violemment contre la fortification. Le souffle coupé, il ne put rien faire contre le monstre excepté lui opposer le fer de sa hache pour éviter les griffes de lui labourer le torse.

Au même instant, Feldret assenait un coup de son marteau sur la tête d’un chacal. Enfin, il l’avait espéré, mais la bête s’était envolée, évitant l’attaque. Il reprit son équilibre pour se défendre contre le prochain. Il leva les yeux pour assister au ballet aérien des créatures volantes.

Un étrange phénomène eut lieu. Le ciel se parait de lueurs fugaces aux couleurs fantasques. Elles s’agglutinaient sous les yeux ébahis des deux minotaures sur le plumage des chacals. Leur vol se détériora et se fit moins gracieux. Jusqu’à la chute de certains d’entre eux. Ceux occupant encore le royaume céleste battirent en retraite.

Corne Bleue souffla de soulagement. Un peu de répit, enfin. Il refusa de participer à l’exécution des attaquants privés de leurs ailes. Cela lui rappelait trop la mort de Setrim. Corne Brisée n’hésita pas à user de son marteau quant à lui. Cette tâche à peine achevée, il entendit des grognements. Les géants lançaient des roches en direction des lignes ennemies.

Shog n’avait pas bougé de son poste d’observation, préoccupé qu’il était par la façon dont il allait pouvoir détruire le monstre mécanique. Le chuintement du vol désordonné des chacals le tira de ses rêveries. La peur le plaqua à la roche. La chance le dissimula aux éventuels regards adverses. Peu après, il vit la contre-attaque des griffons. Leur sauvagerie ne le rassura pas. Pourtant, il prit sur lui pour avertir l’humain qu’il avait entraperçu chevauchant un des porteurs de mort du danger de bois et pierres. Il espéra ne pas avoir été vu par autrui que l’Ardonien.

Exhyl avait assisté dégoûté au déferlement de joie accompagnant le massacre. Outre les cadavres bestiaux, plusieurs défenseurs gisaient sans vie et d’autres étaient blessés. Mais, il n’y avait pas le temps de pleurer certaines morts et de se réjouir des autres. Un autre assaut était lancé.

A nouveau les flèches tombèrent drues des cieux. On se plaqua à nouveau contre les palissades. Le minotaure vit un homme mal caché trépasser d’un projectile dans le corps. A nouveau les chacals volants contournèrent les défenses et les attaquèrent à revers. Cette fois, les défenseurs eurent le temps de tirer vers eux, en envoyant quelques uns à Nucter. La différence fut la charge des fantassins contre les murailles. Les défenseurs étaient pris en tenaille. Les deux palissades devant chacune gérer leur ennemi. Les soldats à pied devant, et les bêtes ailées derrière.

La défense était vaillante. Les archers furent une nouvelle fois surpris par l’assaut au contact des animaux n’étant pas prêt de suite pour ce type de combat. Cependant, les géants et Feldret purent tant bien que mal protéger les autres pendant qu’ils tiraient sur les cibles mouvantes.

A l’avant, la situation était plus simple. Les défenseurs étaient en position de supériorité. Les protections jouaient leur rôle à merveille. Gênant l’adversaire et aidant les réfugiés. Les lances, même maniées de main non experte, firent des ravages, les attaquants s’y empalant allègrement. La hache du minotaure faucha aussi son comptant d’âmes. Mais, son manieur ressentait les effets de sa rencontre violente avec le chacal et la palissade.

Le gobelin ayant vu plein de gens partir de ce qui était le camp ennemi se dit que c’était le moment ou jamais d’y aller. Il y avait toujours trop de monde au goût du verdâtre. Il prit son courage à deux mains et rampa lentement, très lentement, parallèlement au chemin jusqu’à se trouver face à la machine de destruction massive. Beaucoup de personnes s’affairaient autour de l’engin, le montant, donnant des ordres, le défendant. Il allait lui falloir trouver une idée très vite.

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Grognar s’en était donné à cœur joie. A grands coups de moulinets de sa terrible boule hérissée de pointes, il avait dispersé de nombreux chacals qui, après leur rencontre avec le géant, valdinguaient contre les rochers dans de bruyants craquements d’os.

Puis, son attention attirée par les hurlements que poussaient les fantassins qui se jetaient contre le premier rempart, il saliva à l’idée de broyer quelques crânes de petites têtes. Ses compagnons ici semblaient fort bien se sortir de l’attaque des chacals et il jugea que son renfort serait plus utile désormais à l’avant de la bataille.

En quelques grandes enjambées, il avait rejoint la première muraille sur laquelle il retrouva sa patronne, occupée à lancer quelques jaillissements de flammes pour rôtir les ardeurs des plus téméraires ennemis, et aussi son copain l’Ardonien qui faisait tournoyer la lame de sa longue épée, tailladant allégrement les membres qui dépassaient de la première ligne de fantassins.

Toujours un peu jaloux de l’attention soutenue que l’Ardonien portait à la vampire, il se plaça entre eux deux pour les séparer et retrouver le plaisir d’éparpiller les contrariants aux côtés de son pote d’équarrissage.

C’est avec un grand sourire benêt qu’il regardait son ami qui, de son côté, jetait des coups d’œil interrogatifs sur le métal peu éloquent du heaume de Grognar, du moins quand l’adversaire lui laissait le temps de jeter des coups d’œil. L’Ardonien ne pouvait pas soupçonner que sous son casque de fer, le géant était en train de lui sourire, heureux de profiter de la vie à pleines dents en dispersant à qui mieux mieux la vermine soldatesque qui tentait de les inonder.

Ce charmant instant de sentimentalité exacerbée, ce moment de tendresse à peine dissimulée entre les deux guerriers, cette minute d’amour dans les cris des blessés, dans les bruits lourds et sourds des corps qui s’écrasent, dans les sifflements de l’épée de l’homme et les éclatements de la baguette à pointe du géant, cette minute si ravissante fut interrompue par la voix de Lulyane qui claqua par-dessus le tumulte.

- La Tour ! s’écria-t-elle.

Elle avait le regard dressé vers le ciel, observant un point lointain qui rapetissait à vue d’œil. Ni Grognar, ni l’Ardonien n’avaient perçu ce qu’elle avait vu, leurs ennemis ne leur ayant guère laissé d’occasion de scruter les nuages. Mais sans doute la chose avait-elle suffisamment d’importance aux yeux de la Comtesse puisqu’elle sauta à bas de la muraille et s’élança vers son Iltarn qui l’attendait à l’arrière sans prendre part au combat.

Bondissant sur l’animal flamboyant, elle le fit s’élever dans les airs et s’éloigna à la poursuite de l’inconnu volant, dont elle avait compris qu’il se dirigeait vers la Tour Opaline. Or, la Tour, c’était elle ! Son point faible et son point fort ! Laisser quiconque s’en emparer équivalait à remettre son cœur et donc sa vie, entre des mains mal intentionnées.

Ravi de voir sa rivale dans l’affection de l’Ardonien quitter d’elle-même le lieu romantique de leur complicité, Grognar redoubla de sourires, toujours invisibles à l’Ardonien.

- Enfin seuls ! susurra-t-il.

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Lorsque L’Ardonien vit partir Lulyane, il comprit que la véritable bataille se déroulerait ailleurs.


Grognar, je te confie ce mur et la suite des opérations. Le départ de ta patronne ne peut signifier qu’une seule chose, la tour est menacée. Et, si la tour tombe, la bataille ici n’aura plus aucune importance. Alors faisons un pacte mon ami, gagne ici et je gagnerai là bas, et ensuite, on se paiera des vacances !

Et L’Ardonien parti en courant. Sa nouvelle nature lui soufflait qu’il y aurait là bas une grande bataille, et il ne fallait pas être grand clerc pour deviner que la seule menace possible apte à mettre la vampire dans cet état était le démon dont elle avait senti la présence plus tôt. Il enfourcha un griffon et s’éleva à la poursuite de l’iltarn. A peine était-il parti que deux chacals volants le prirent en chasse. Ils l’interceptèrent à la sortie du défilé, au dessus de la plaine, à quelques centaines de mètres de la bataille.
Une âpre lutte s’engagea alors. L’épée et les griffes du griffon répondaient aux coups des chacals. L’humain finit par l’emporter mais sa monture, grièvement blessée s’écrasa au sol assez lourdement. L’Ardonien s’en releva indemne, mais hélas, tout espoir d’être à temps à la tour semblait perdu. Au loin, il apercevait encore Lulyane qui s’éloignait rapidement. De rage il frappa le sol de son poing, maudissant sa situation.

Alors, il repensa à une vieille légende de sa patrie d’enfance. On racontait que le seigneur d’Ardon avait une monture très particulière. C’était un cheval d’apparence ordinaire auquel on prêtait une intelligence hors du commun et de grands pouvoirs. Si on en croyait les bardes, le seigneur d’Ardon, lors d’une soirée, aurait déclaré que sa vie, de même que celle de son cheval, ne leur appartenait plus vraiment, qu’ils allaient là où ils devaient aller, faire ce qui devait être fait.
Le guerrier réalisa que cette condition ne lui était pas étrangère. Se pouvaient-ils qu’ils soient comme lui ?
Il avait toujours aimé écouter les histoires sur sa patrie d’origine. Lui qui voyageait constamment, c’était le seul moyen de garder un lien ténu avec ses racines. On racontait que le seigneur d’Ardon et son cheval ne voyageaient plus ensemble, ayant chacun leur propre route. Que seule une grande menace ou la perspective qu’une grande beuverie les rassemblait, mais que rien ne pouvait s’opposer à leurs pouvoirs combinés, et c’est pourquoi le territoire d’Ardon conservait sa liberté. C’était une belle histoire. La première fois qu’il l’avait entendu, il avait ressenti une grande fierté. Elle se terminait ainsi. Si le seigneur d’Ardon ne quittait que rarement son royaume, tout individu dans la détresse pouvait appeler sa monture. Et si la menace était suffisamment importante, encore plus s’il s’agissait d’un habitant d’Ardon, elle viendrait à son secours.

Se rattacher à ce genre de fable montrait à quel point L’Ardonien était à cours d’idées, mais, il avait vu tant de choses étranges ces derniers temps qu’il se décida à prier en direction du dieu des Ardoniens. Il n’avait jamais prié, même au plus fort des batailles, aussi ne savait il pas comment s’y prendre. Il aurait été sacrément surpris s’il avait su que le seigneur d’Ardon ne savait pas prier non plus et qu’il s’adressait aux dieux comme on parle à son boulanger. « Vous me remettrez bien une petite bénédiction s’il vous plait ? ». Toujours est-il qu’il se tendit autant qu’il pu, de tout son être vers un divin qui répondait au nom de Sorenssen. Son médaillon s’échauffa pendant ce procédé, qui, bien qu’il lui paru long, ne dura pas plus d’une poignée de secondes. En fait, ça ne faisait pas une minute qu’il était tombé et Lulyane était toujours visible dans le ciel.

Il sentit qu’on lui touchait l’épaule. Il se retourna pour découvrir qu’un grand cheval noir le surplombait. Ses yeux contenaient incontestablement une intelligence peu commune, et, son imagination lui jouait-elle des tours ?, il lui sembla que ce regard avait un quelque chose de rieur. Avait-il été entendu ou s’agissait-il uniquement d’une coïncidence, un cheval égaré étant venu spontanément vers la seule présence humaine des alentours ?
Laissant là ses interrogations, il enfourcha le cheval, qui se laissa docilement faire.


Allez mon vieux, file comme le vent, je vais te demander quelque chose d’impossible pour un cheval, sauf peut être pour le pégase des légendes, suis cet iltarn !

Et le cheval fila, non sans avoir prit un air contrarié. Il allait montrer à cet humain que Pégase n’était pas le cheval inégalé. Au départ, L’Ardonien pensa que sa monture ne tiendrait pas un tel rythme. Elle allait au triple galop et réussissait à maintenir l’iltarn dans le champ de vision de son cavalier. En fait, il se demandait même si l’avance de l’Iltarn ne se réduisait pas. Mais, au bout du compte, L’Ardonien dû se rendre à l’évidence, le cheval tint bon et ils arrivèrent à la Tour Opaline très peu de temps après Lulyane. Le guerrier mit pied à terre et regarda le cheval. Son regard avait diablement l’air de pétiller de malice à ce fichu canasson et son hennissement avait un quelque chose de moqueur, c’était indéniable. Puis l’équidé partit en trottinant et L’Ardonien devina qu’il ne le reverrait jamais, aussi leva-t-il la main en guise de salut.

Merci Naturel !

Et parce que le cheval avait toujours été un incorrigible cabotin, il fit une ruade hennissante avant de disparaitre. L’humain sourit et se tourna vers Lulyane qui arrivait.

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Quand les chacals frôlèrent le sol du sommet du mont Roc-Pointe, Mogoth se détacha et se laissa tomber sur la pierre sèche de l’éminence aride.

Prodigieuse ! L’énergie magique qui émanait de cette Tour était prodigieuse. Il avait maintenant devant les yeux l’origine de ce flux de mana, et il ressentait la même marque, la même onde venant du bâtiment que celle qu’il avait senti se répandre de la sorcière.

Ainsi donc, la vampire était liée à la Tour ? Elles étaient en symbiose, sous l’effet d’un sortilège dont le démon ignorait tout. Et il avait la ferme intention d’en apprendre plus, pour faire sienne cette mine intarissable de puissance, pour lui aussi faire corps avec l’édifice.

Au loin, il aperçut une tâche orangée qui se dessinait sur les courbes blanches des nuages. Quelqu’un s’était lancé à sa poursuite. Aucune importance ! Il s’en déferait bien vite et une fois qu’il aurait percé le secret de la Tour, qu’il possèderait son pouvoir, il retournerait finir lui-même les défenseurs.

D’un pas vif, il pénétra par la grande porte, qu’il referma derrière lui et la scella par un sort qui retarderait ses poursuivants. Lulyane était sans doute avec eux et elle briserait l’enchantement d’une rapide incantation dès qu’elle serait parvenue à l’identifier, mais au moins, il gagnerait suffisamment de temps pour comprendre comment la remplacer dans la symbiose avec la Tour.

Se laissant guider par ses sensations, par l’émission de mana qui irradiait sa peau, il remonta lentement la piste qui le conduirait vers le secret. En quelques instants, il fut rendu devant la dalle qui marquait l’entrée de la crypte, où le cœur de Lulyane battait pour l’éternité.

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Le Iltarn avait fendu l’air à une vitesse prodigieuse. Le souffle chaud qu’il déplaçait autour de lui enflammait les particules d’oxygène et son vol rapide crépitait de myriades d’étincelles, laissant derrière lui une traînée flamboyante, un sillage de miettes incandescentes.

En quelques minutes, Lulyane était rendue et sautait à terre. Dans un déplacement indiscernable, elle avait rejoint la grande porte que le démon venait de refermer derrière lui. Il allait lui falloir un peu de temps pour déjouer l’enchantement qui la cimentait et elle frémit à l’idée d’y parvenir trop tard.

Tandis qu’elle essayait déjà quelques formules, espérant trouver la bonne le plus vite possible, elle sentit une présence près d’elle. Un rapide coup d’œil : l’Ardonien était là, qui l’avait déjà rejointe. Comment avait-il pu la suivre si rapidement ? La chose lui apparaissait impossible à moins qu’il ne possède lui aussi quelques pouvoirs inconnus…

Il serait bien temps d’éclaircir ce mystère plus tard, si l’infernal leur laissait l’occasion de connaître un avenir, et elle s’attela à nouveau à briser le sort qui leur interdisait l’entrée. En quelques minutes, elle y était parvenue et s’engouffra dans son domaine, laissant sur place l’humain qui n’avait pas eu le temps de distinguer son départ et n’avait senti qu’un léger souffle d’air.

En un éclair, elle était dans la réserve, sous la peau de la montagne, et elle avait devant elle la sombre capuche de Mogoth. La main tendue en avant, il soulevait magiquement la dalle qui menait au saint des saints, dans le ventre de la terre, dans les entrailles de la Tour, où le viscère palpitant lui donnait vie en même temps qu’à la vampire.

Sans réfléchir, Lulyane incanta la première formule qui lui vint à l’esprit. Un sort de flèche d’acide, celui qui l’avait tant fait souffrir, dont la brûlure diffuse rongeait encore son épaule légèrement boursouflée. Un sort qu’elle s’était empressée d’apprendre à la bibliothèque d’Orchomène et qu’elle avait cherché à perfectionner parmi les rayonnages de la Corporation des Arcanes. Un sort qu’elle avait voulu connaître à tout prix pour ne plus revivre ça, pour imposer cette douleur à ses ennemis au lieu de la subir, pour être armée elle aussi de cette langue de feu plus déchirante que les flammes…

D’une main, Mogoth projeta un contre-sort qui stoppa le jet brûlant avant qu’il ne l’atteigne. De l’autre, il écarta la dalle sur le côté de la salle, libérant l’escalier qui trouait le pavement.

La Comtesse trembla. Ce démon était apparemment puissant, bien trop pour elle et ses pouvoirs débutants. Elle commença de regretter la fougue qui l’avait emportée jusqu’ici, puis se raisonna en réalisant qu’elle avait tenté le tout pour le tout et qu’il n’y avait rien d’autre à faire.

Son point faible était maintenant dévoilé, ouvert à tous les vents, le démon arracherait son cœur de son piédestal et elle mourrait ici, entraînée dans la mort par l’effondrement de son royaume, ensevelie sous les gravats d’un patrimoine qu’elle n’aurait pas eu le temps de posséder, oubliée sous la poussière d’une gloire qu’elle n’aurait pas connue…

Le démon s’était approchée d’elle, elle sentait le soufre qui se dégageait de ses nasaux infernaux, elle essayait d’imaginer quelle hideuse figure d’effroi cachait le noir profond de la capuche.

- Sais-tu comment on tue un vampire ? siffla l’infernal d’une voix tranchante qui résonna sous les voûtes.

Avec célérité, il dégaina une dague qui pendait à son côté et l’enfonça profondément dans le cœur de Lulyane.

- Comme ça ! s’exclama-t-il dans un éclat de rire.

La Comtesse flageola, tomba à genoux. La dague transperçait sa poitrine à l’endroit même où le coup serait mortel pour un humain et tout autant pour un vampire. Elle s’écroula au sol, inanimée, sans vie…

Mogoth dédaigna le cadavre pour s’enfoncer dans l’escalier, réjouit d’avance de découvrir enfin au bas de ses multiples marches l’origine de la puissance de la Tour. Il avait déjà disparu quand, dans un sursaut, Lulyane ouvrit les yeux.

Mogoth venait de commettre une erreur en croyant se débarrasser d’elle. Traverser le cœur d’un vampire était bien le moyen le plus radical pour le détruire… Sauf quand il se trouve que ce vampire n’a justement plus de cœur.

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A peine Lulyane eu ouvert la porte qu’elle disparue à l’intérieur avec la vitesse qui la caractérisait. L’Ardonien lui emboita le pas. Il n’eut aucun mal à deviner où elle se rendait mais il ne pouvait hélas suivre le rythme. Il choisit donc de mettre un peu de prudence dans sa course. Pas de quoi le ralentir beaucoup, juste suffisamment pour que, si un piège les attendait devant, ils ne soient pas deux à tomber dedans.

Il arriva sur les lieux quand Lulyane ouvrait les yeux. La dalle était déplacée et le démon avait pénétré par l’ouverture après avoir terrassé la vampire.


Il me croit morte.

Ce furent ses premiers mots. Elle expliqua rapidement à l’Ardonien ce qu’il s’était passé, insistant sur la seule faille à priori exploitable du démon, il croyait la vampire morte.
L’humain loua la maitrise de sa partenaire. D’un naturel impatient, elle devait certainement se faire violence pour s’obliger à la création d’un plan. Et sans doute était-elle terrifiée aussi. Qui ne le serait pas après avoir affronté un adversaire plus puissant et se dire qu’il fallait y retourner ?
Si l’humain était calme, ce n’était pas de l’insouciance ni la preuve d’un courage incroyable, mais simplement qu’il ne pensait pas à l’après combat. Il avait depuis longtemps fait le choix de combattre, savait qu’il ne reculerait pas alors il allait combattre sans penser à ce qui pouvait arriver.
Il prit la parole d’un ton posé.


Lulyane, j’ai une idée pour exploiter cet avantage et je pense que …

Il fit une pause et plongea son regard dans le sien, comme pour lui transmettre toute sa volonté tout en y puisant le courage de faire ce qu’il aurait à faire.

… que tu peux y arriver et que ça peut anéantir la chose qui est en dessous.

Spoiler :


La Vampire approuva le plan. L’Humain hocha gravement la tête et eu un petit sourire.

Alors je vous donne rendez-vous après ce combat pour fêter notre victoire.

Tous deux étaient parfaitement conscients de la faible probabilité qu’ils soient tous les deux en vie d’ici quelques minutes. L’Ardonien se leva, tira sa lame argentée et descendit doucement les marches.
Arrivé en bas, il découvrit le démon qui lui tournait le dos. Grand, puissamment bâti et irradiant de pouvoir, L’Ardonien ne s’attarda pas plus sur les détails. Même si son épée était un cadeau d’une entité plus puissante que Mogoth, il doutait qu’elle puisse percer facilement son cuir, du moins tant qu’il ne serait pas affaibli. Mais qu’à cela ne tienne, il n’allait pas pour autant se priver de porter à l’ennemi le premier coup.

L’Ardonien mit dans cette première frappe autant de puissance que la discrétion de son approche le lui permettait et il l’accompagna d’une poussée de tout le poids de son corps.
L’humain eu la satisfaction de voir la lame mordre la chair et le démon culbuter à quelques pas. Bien que bénigne, nul doute que cette blessure avait atteint profondément l’orgueil de la créature qui se releva avec une célérité inhumaine pour se retrouver face au guerrier qui, bras le long du corps, le défiait du regard.
Le médaillon que portait l’Ardonien autour du cou irradiait, preuve s’il en fallait que l’humain était exactement là où il devait être.
Ainsi c’est ça les combats qui m’attendent ? Ironisa-t-il intérieurement.

Tu vas payer pour ce que tu as fait à mon amie.

Et l’Ardonien chargea.

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Mogoth jubilait sous son capuchon. Cela avait été si facile, la vampire n'avait pas été d'une grande résistance. Et maintenant, il se trouvait dans une salle regorgeant de richesses en tout genre. D'ordre matériel, comme des joyaux, des pièces d'or, mais aussi des livres de sortilèges et des armes magiques.

Un autel au fond de la salle attira néanmoins son attention. Il pouvait y distinguer une tête, un crâne plus précisément. Curieux trésor. Il tendit sa main pour s'en saisir, mais une intuition l'y arrêta. Il y avait quelque chose de vivant. Quelque part, son instinct lui dictait de regarder en l'air. Et l'Infernal fut pris d'un vertige. Se pouvait-il que la propriétaire des lieux soit encore...

Un coup d'une immense violence le percuta de plein fouet, et il roula plusieurs mètres à côté. Un humain fièrement dressé se trouvait devant lui, avec visiblement l'envie d'en découdre. Mogoth se releva, et aussitôt l'inconnu chargea de plus belle. Il sortit ses deux lames et tenta de se défendre, mais l'étranger se battait réellement bien. L'Infernal n'arrivait pas à percer ses défenses, pire il subissait plus qu'il ne combattait. Il avait été pris de court, plongé dans ses pensées, et maintenant il devait se battre au corps à corps. Cette Vampire n'était donc pas morte ! Si la chose qu'il avait senti était un cœur, alors le coup qu'il lui avait porté avait été inutile !

Cette simple méditation lui valu une dixième entaille. Rageusement, Mogoth parvint à s'écarter de son adversaire. Avec une agilité surnaturelle, il se fit un bond vers un immense pilier. En son sommet reposait le fameux organe. Il s'en empara:


- Arrière, misérable humain ! Un pas de plus, et je tue ton amie. Cessez de jouer la mascarade, j'ai tout compris. En deux mots, je fais brûler son cœur, je te conseille de te tenir tranquille. Lâche tes armes, et recule au fond de la salle.

Pendant ce temps, l'Infernal réfléchissait à une manière de s'en sortir. Il devait gagner du temps pour incanter un sort lui permettant de se faire la malle.

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A la vitesse prodigieuse qui la caractérisait, Lulyane avait rejoint la crypte pour venir en aide à l’Ardonien, lancé dans une opération-suicide.

L’effet de surprise sur lequel elle comptait était éventé. L’infernal tenait à la main son cœur, entre ses doigts vibrait sa vie ainsi que celle de la Tour. Un geste et tout serait fini. Après tout, peut-être était-ce là le moyen de débarrasser le monde du démon : le laisser détruire son cœur, accepter de mourir avec la satisfaction de savoir que la Tour l’engloutirait à jamais, que sa puissance considérable ne profiterait jamais à ce suppôt du mal.

Mais non, Lulyane n’avait pas fait tout ça, elle n’avait pas entraîné tant de monde dans ce combat meurtrier, elle ne s’était pas accrochée à la vie si longtemps pour tout perdre si stupidement.

Que faire ? Pourquoi son maître défunt, dont le visage de cire la fixait intensément, ne lui soufflait pas la solution ? Mogoth était-il en mesure de neutraliser son pouvoir ?

C’est alors que retentit un son violent et stridulant, qui perça ses tympans, la forçant à tomber à genoux. L’infernal subissait la même torture sonore, incapable de tenir sur ses jambes lui aussi, obligé à poser ses mains sur ses oreilles dans une vaine tentative de se protéger de ce hurlement inhumain.

L’homme n’en paraissait pas du tout affecté et la vampire comprit alors que son maître, l’ancien propriétaire de la Tour, lançait des ultra-sons d’une puissance telle qu’ils mettaient à terre tous ceux qui pouvaient les percevoir. Après toutes ces années d’étude, lui aussi sans doute, avait appris à maîtriser sa transformation en chauve-souris et si Lulyane, bien trop novice pour apprivoiser à son profit cette métamorphose n’était encore qu’aux prémisses de ce pouvoir, elle avait néanmoins acquis la sensibilité nécessaire à percevoir ces sons à la fois inaudibles et à la fois insupportables.

Ni elle, ni le démon n’étaient plus en mesure d’agir, de bouger, ni même de réfléchir. L’infernal laissa tomber au sol l’organe palpitant et l’Ardonien, sans bien comprendre la situation fut suffisamment lucide pour savoir qu’il lui fallait en profiter.

Il ramassa le viscère qui battait à tout rompre sur le sol moucheté de pièces d’or et le replaça dans son logement sur le haut du pilier. La Tour se mit à vibrer de contentement, le sol trembla légèrement.

Il fallait saisir cette occasion unique et l’Ardonien leva sa lame bien haut, prêt à l’abattre pour trancher le chef hideux qui se cachait sous la profonde capuche. Dans un instant, Mogoth serait décapité, abattu, vaincu… Il ne resterait plus qu’à retourner aux remparts pour aller aider les combattants à repousser l’invasion de Magnus.

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Combattre un géant de la puissance de Grognar, ainsi que des minotaures lourdement armés était décidément une tâche insurmontable pour quelques fantassins. Impossible pour eux de prendre pied sur la fortification, ils étaient irrémédiablement dispersés, tailladés, disséminés…

A l’arrière, les chacals volants qui devaient prendre l’ennemi à revers n’avaient pas de meilleure fortune. Leurs premiers assauts repoussés, ils avaient maintenant du mal à prendre l’avantage sur des combattants parfois novices mais galvanisés par les vétérans qui les guidaient et par leurs victoires lors des premières attaques. Epuisés mais l’espoir chevillé au cœur, les rapatriés qui avaient accepté de suivre la Comtesse ne lâchaient rien, distribuant les coups autour d’eux, fracassant les crânes.

Dans l’armée ennemie, on commençait à se décourager. La peur laissait la place à la discipline martiale qui commandait de poursuivre les assauts. Et là-bas, en arrière, leur Seigneur demeurait prostré et silencieux. Il avait l’air absent, éloigné du tumulte de la bataille.

On ne pouvait pas soupçonner que son marionnettiste empêché, le pantin redevenait de bois, sans conscience et inanimé. Magnus n’était plus le propriétaire de son corps. Son esprit observait le combat, mourrait d’envie d’intervenir, de donner des ordres qui, peut-être, permettraient de retourner la situation. Mais il n’avait plus aucune maîtrise de son être, étranger dans son propre corps.

Les assiégeants fatiguaient, certes pas plus que les défenseurs, mais voir leurs camarades tomber les uns derrière les autres leur coupait les jambes. Plus de chef et aucune avancée eurent l’effet qu’ont souvent les assauts ratés : la motivation les fuyait, ils ne reculaient pas vraiment mais leurs vagues d’attaques contre le mur de bois et de pierre se faisaient plus lentes et plus espacées, moins rageuses et moins brutales.

- Alors, les p’tites têtes ? On fait moins les marioles ?

Ça faisait bien longtemps que Grognar n’avait pas rigolé comme ça. Il lui était bien arrivé de donner quelques baffes ces derniers temps, mais rien de comparable avec cette réjouissante boucherie où il s’en donnait à cœur joie, jouant de la baguette à pointes en virtuose, écrasant des visages et broyant des os dans d’horribles craquements qui fixait un sourire gourmand de gamin repu sur son visage disgracieux.

Voyant que les troupes de Magnus faiblissaient, il ne put retenir son enthousiasme et sauta en bas du rempart, au milieu des soldats. La boule hérissée de son immense massue tournoyait dans l’air. Entouré de toutes parts d’hommes surpris de sa plongée parmi eux, le géant distribuait allégrement des tartes de sa main gauche, gantée de fer, tandis que la droite décrivait de grands moulinets qui arrachaient des membres et emportaient des lambeaux d’hommes à chaque tournoiement.

Exhyl et Feldret ne purent retenir un sourire en voyant le gigantesque monstre de fer éparpiller autour de lui les cadavres et les blessés hurlants, avec la même facilité apparente que lorsqu’on égaille une envolée de pigeons en tapant du pied par terre.

A leur tour, ils sautèrent dans la mêlée, faisant virevolter leurs lourdes haches à double tranchant.

L’effet fut saisissant. De front, le géant, encadré des deux minotaures, avançait dans les lignes ennemies, brisant leur belle ordonnance dans des giclées de sang. C’était une charge lente, au pas, où les trois béliers vivants enfonçaient le mur humain, comme une lame aiguisée s’enfonce dans une motte de beurre.

Essayant de résister à cette avancée mortelle, les soldats jetaient de rapides et nerveux coup d’œil en direction de leur seigneur. Il était pris d’une torpeur incompréhensible, d’une léthargie qui les laissait sans voix. Repoussés brutalement et privés de commandant, les militaires ne virent plus l’intérêt de combattre et de se faire tuer. Rapidement, ce fut la débandade.

Certains jetaient leurs armes, d’autres fuyaient avec, prudents et apeurés, mais tous se mirent à courir le plus loin possible du rouleau compresseur qui les aplatissait.

- Bordel de Brak ! Ça se fait pas de se carapater au milieu de la rigolade ! C’est "fustrant", leur truc !

A l’arrière, les Chacals volants continuaient de semer la mort dans les rangs des elfes et des paysans, mais subissaient aussi de violents revers. Les forces étaient au moins égales, même si le vol conférait un léger avantage aux animaux. Mais quand les assaillants commencèrent de se disperser, tous les défenseurs du mur : la bande de géants et quelques archers, tournèrent leurs derniers efforts vers ce point de la bataille. Là aussi, l’instinct des bêtes volantes comprit rapidement que l’issue était incertaine, et leur volonté de survie pris le pas sur leur agressivité. Ils s’envolèrent plus haut dans le ciel, pour se mettre hors de portée, puis se mirent à suivre les fuyards en s’éloignant dans le défilé.

Jusque là, Mogoth avait délaissé sa marionnette, préoccupé par plus important, mais il continuait d’habiter son corps. Depuis quelques instants, il avait quitté la possession du chevalier, qui était tombé à genoux.

Peu à peu, éberlué, il reprenait l’usage de ses membres, lentement et presque avec douleur, comme lorsqu’on a le bras endolori, les doigts engourdis par le froid, les articulations percluses de rhumatismes, les mains parcourues de fourmis…

Il regardait autour de lui l’amoncellement de corps qui pour leur grande majorité portaient les uniformes de ses troupes. La bataille lui avait échappé, à double titre. Enfermé en lui-même, il n’y avait pas assisté et son esprit reprenait vie pour constater la défaite. Cette sorcière était l’envoyée des Enfers. Comment avait-il pu tant aimer une créature si maléfique ?

Le calme était retombé, le silence qui suit la fureur était assourdissant. Plus de cris, de chocs, de cliquetis et de tintements des fers les uns contre les autres.

D’un pas lourd et décidé, Grognar s’avança vers le chevalier. Le géant était un type d’honneur, qui tenait toujours ses promesses, surtout quand elles consistaient à briser des crânes. Il toisa Magnus, de toute sa hauteur, ne prenant même pas pitié de sa position soumise et prostrée.

- Je t’avais prévenu que je te pilerais les nonosses, tonna la grosse voix de Grognar. Souviens-toi de mon vampire !

Levant sa masse, il l’abattit d’un coup violent sur la joue de Magnus. Dans un craquement énorme, la tête de l’homme tourna presque sur elle-même, brisant sa nuque, et la lourde boule écrasa son visage dans une pétarade d’os éclatés.

Le corps du chevalier se fit lourd et mou à la fois, il s’écroula au sol, sa face déformée et flasque s’écrasa sur la terre.

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Un passé de mercenaire vous forge un homme, mais certains ont des dispositions qui leur permettent d'optimiser et de supporter ces changements.
Autant il pouvait être de bonne compagnie autour d'un feu de camp, autant L'Ardonien avait la conscience glacée pendant un combat. On pouvait le surprendre, on pouvait probablement parer sa lame et percer ses défenses, mais pour le déconcentrer, c'était une autre histoire.

Lorsque Mogoth menaça de tuer Lulyane en broyant son coeur, il ne fit aucun geste qui pouvait penser qu'il en avait quelque chose à faire, ni même qu'il avait entendu l'injonction. Aurait-il stoppé sa charge?

La question restera en suspens. S'il n'entendit pas les ultrasons, percevant juste qu'il y avait quelque chose à la limite de son audition, il comprit par contre que c'est une excellente occasion pour frapper.

Il perdit du temps à ramasser le coeur. Preuve qu'il était toujours humain et voulait écarter cette menace de sa compagne ou volonté d'enlever à son adversaire l'arme pouvant renverser la situation?

L'aurait-il fait s'il savait que le vampire aller cesser d'hurler sitôt l'organe remis à sa place?

Quoiqu'il en soit, il ne lui fallu que quelques instants pour effectuer ces tâches et il balança aussitôt son épée afin d'en finir avec le démon.

Dans les livres, le héros a toujours une phrase bien sentie à l'égard du monstre qu'il affronte, ou alors satisfait-il la curiosité de son lecteur en découvrant quelque fait inconnu, comme par exemple ce qu'il y a sous la capuche de Mogoth, ou encore en lui demandant ses motivations.

L'Ardonien, lui, ne faisait pas de différence entre ce démon et un vulgaire paysan. Pas de phrase, pas de secret, pas de discussion, juste un coup d'épée pour mettre un terme à un affrontement, au final, seul cela comptait. Il y avait celui qui faisait ce geste et celui qui le subissait, celui qui vivait et celui qui mourrait.

Mogoth réagit dans un réflexe de survie désespéré. Il était en mouvement quand l'épée de l'Ardonien le toucha au niveau du sternum. De ce point d'impact, la lame ripa jusqu'aux cotes sans parvenir à percer plus avant à cause du mouvement rapide du démon et ne pouvant faire mieux qu'une longue traînée sanguinolente profonde de quelques pouces seulement. Mogoth, dans un cri, bondit à travers la porte et disparu.

L'Ardonien soupira et se tourna vers la vampire.


Il n'a pas fini de nous faire courir celui-là.

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Pour la première fois de sa vie, Mogoth était dépassé.

Maintes fois par le passé, il s'était retrouvé en fâcheuse position, mais jamais il n'avait frôlé la mort d'aussi près. D'abord, ce son insupportable, qui l'avait obligé à lâcher le coeur qui lui garantissait la vie sauve. Puisant dans toute sa concentration, et ses ressources mentales, il essayait sans succès d'incanter le sort lui permettant de s'échapper de ce maudit endroit. Le temps passait si lentement, ce son était si crispant...

Et, doucement, il voyait ce fichu humanoïde arrivé vers lui, mettre l'organe hors de sa portée, et lever sa lame. Les yeux écarquillés, dans un dernier instinct de survie, les paroles de ''vélocité de Yokotah'' sortirent mollement. Avec la force du désespoir, il bougea sur le côté, l'épée ne le blessa ainsi pas mortellement. Mais la douleur fit sortir à toute vitesse les mots, et Mogoth disparut de la salle.

Tout ceci ne s'était joué en quelques secondes, mais il était encore en vie. Et à quel prix, il était vidé, exténué, et blessé. Il s'était projeté à une telle vitesse qu'il venait de s'écraser durement sur un des flancs rocailleux environnants. Il avait attéri dans une petite alvéole, qui le masquait des belligérants qui combattaient en bas. Et c'était tant mieux, son orgueil n'aurait pas supporté qu'on le croise dans un tel état. Une épaule démise, quelques côtes de fêlés, l'atterrissage avait été rude... Et il était si fatigué... Mais enragé. Il récupérerait rapidement ses forces, et malheur à ceux qui se mettraient sur son chemin...

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Pas fini de courir, en effet. Et pourtant, la poursuite était indispensable. Lulyane savait que le démon n’abandonnerait son projet pour rien au monde. Cette lutte entre eux était une lutte ultime, qui ne pourrait cesser qu’à la mort de l’un ou de l’autre.

Elle s’extirpa de la crypte, puis de la Tour à la vitesse fulgurante dont elle était douée. Un peu plus bas, sur les flancs de l’éminence rocailleuse, l’infernal, plié et boitillant, courait avec difficulté vers les deux chacals volants qui l’avaient amené là. Malgré son apparente faiblesse, la Comtesse ne se sentait pas assez puissante pour l’affronter seule et si directement. Même si la mana débordait en elle, même si Mogoth se traînait comme une bête blessée, elle n’avait pas assez confiance en sa maîtrise des sorts pour oser le face-à-face.

Elle le regarda s'harnacher et s’élever dans les airs sans essayer de l’en empêcher. Elle attendait l’Ardonien, qui était son épée et ses muscles, qui était la force physique et le talent guerrier qui lui faisaient défaut.

Quand l’humain passa la haute voûte ogivale de l’entrée, elle trépignait aux côtés de son Iltarn, agitée d'empressement, secouée frénétiquement du désir de lancer la chasse. L’Ardonien marchait du pas lent et sûr de l’homme d’expérience. Elle ne l’avait jamais vu avec l’air affolé, ou simplement pressé. Il avait toujours cette apparence calme et tranquille, le visage impénétrable. En temps de paix, son sale caractère l’aurait certainement poussée à le traiter de lambin, à s’agacer contre ce manque d’impatience incompréhensible pour elle.

- Montez en croupe, s’écria-t-elle en se jetant sur le dos du Iltarn. Je vous emmène faire un tour…

En voyant approcher l’homme, l’animal de feu vrombit et se cabra légèrement, apparemment peu décidé à offrir l’hospitalité de son échine à un inconnu. Sur un geste à la fois ferme et doux de sa maîtresse sur son encolure, il s’apaisa quelque peu.

Il avait choisi Lulyane et elle l’avait choisi, ils avaient fusionné pour devenir un étrange animal hybride. Depuis le jour où elle l’avait monté pour la première fois, lors du départ pour Orchomène, ils avaient parcouru ensemble des centaines de lieues parmi les nuages. Ils étaient maintenant en symbiose parfaite, totalement accordés l’un à l’autre, il n’eut pas voulu d’autre cavalier comme elle n’eut pas voulu d’autre monture.

Cette complicité, cette confiance établie, l’animal flamboyant accepta d’accueillir un nouveau passager. Puisqu’ELLE le voulait !

Pendant qu’il montait en croupe et alors qu’il n’était pas complètement installé, elle fit déjà s’élever le reptile de flammes.

- Accrochez-vous, l’Ardonien, la bête est fougueuse !

Elle se tourna vers lui pour lui décocher un sourire amusé :

- Et je ne parle pas de moi !

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Les prises n'étaient pas légions, aussi l'humain passa-t-il ses bras autour de la taille fine de son hôte.


Je n'ai jamais douté qu'une chevauchée en votre compagnie serait une expérience mémorable.


Il avait dit ceci en souriant, bref instant de répit et de complicité avant de reprendre la bataille. Le démon n'avait guère d'avance et il ne faisait aucun doute qu'il ne parviendrait pas à s'enfuir. Il semblait se diriger vers l'affrontement au sud, peut être pour y chercher du renfort. Difficile de dire s'ils l'auraient rejoints avant ou non.

Il réfléchissait à la question quand une vérité le frappa.



Lulyane, il faudrait que nous le rattrapions en vol. Je n'ai pas l'habitude du combat aérien mais je peux sans doute improviser. Notre monture est plus rapide et agile que la sienne. Lui même, en temps normal, n'est dangereux qu'à cause de ses caractéristiques surhumaines. A cette hauteur, il ne pourra pas en faire usage et en technique pure, je lui suis supérieur. Bref, nous aurions l'avantage surtout qu'en cas de combat, je n'aurai pas à me soucier de diriger l'iltarn contrairement à lui qui devra continuer à guider son chacal.

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L'Infernal maitrisait mal ses chacals, volant parfois haut, parfois bas. Sa blessure ne lui permettait pas d'avoir toute la concentration requises pour guider les bêtes, celles-ci en faisaient donc à leur tête, selon leurs volonté. Risquant maintes fois de s'écraser au sol, il puisa dans le peu d'énergie qu'il lui restait pour contrôler mentalement au moins une des deux créatures, espérant pouvoir atterrir quelques part et s'y réfugier.

Il se sentait faiblir secondes après secondes, derrière lui, le duo se rapprochait de plus en plus, le combat aérien serait sa mort. Il plongea, espoir suicidaire, directement vers le flan de la montagne où il perçu une ouverture. Sûrement l'entrée d'une caverne, mais l'orifice ne pouvait laisser passer que lui, il guida alors du mieux qu'il pu ses montures qui terminèrent leurs courses dans un fracas de roches et de poussières qui formèrent un nuage opaque. Lorsqu'il se dissipa, Mogoth n'était pas là, avait-il réussi son coup ?

Lulyane et l'Ardonien se posèrent à proximité et s'approchèrent du trou noir, poussant les corps inertes des chacals vers le bas de la montagne. Aucun bruit à l'intérieur, même pas le moindre gémissement, avait-il été tué sur l'impact ? Après tout, il avait subi une décélération violente à coup sûr. La magicienne, par sa magie créa une lumière qui révéla l’atrocité que subissait un ennemi jadis puissant de l'Empire. Il était bien là, embroché dans les stalagmites qui recouvrent le sol, il ne bougeait presque pas, visiblement inconscient. Le sang coulait en plusieurs endroit, sa vie ne tenait qu'à un fil et la comtesse se glissa à l'intérieur, prenant au passage la lame de l'infernal qui était tombé dans la course de celui-ci. Face à lui, elle eut un dernier regard et sans pitié lui trancha la tête.

Lulyane fut projeté au sol, tout comme l'Ardonien qui avait failli perdre pied de la corniche, ébranlé par la vague d'énergie intense qui en un instant s'extirpa du corps de défunt. Toute cette énergie, volé à de nombreuses âmes pour en faire sa puissance, cette avidité l'avait aujourd'hui tué en désirant connaître la source de mana de la Tour Opaline. La mort de Mogoth était bien réelle, il ne contrôlait plus rien. Les armées qui envahissait les terres environnantes se mirent à genoux, ils n'avait plus de guides. Au loin, dans les terres de Prévèze, les démons et leurs créatures maléfiques furent frappé par la vague d'énergie, ceux-ci furent aussitôt rappelé en Enfer leur berceau, stoppant net l'invasion de la province, devant les troupes ébahies d'Ald'Rhune.

Au nord de l'Édhesse, les fantômes errants, gardiens de son domaine retrouvèrent leur libertés. Toutes créatures invoqués disparurent, le fief fut abandonné de toute vie. L'Empire venait de perdre une menace qui grandissait de nouveau. Mort par son immense avidité de pouvoir. Naxopole portera à jamais la marque du Sanglant, terres abritant les ruines de la Forteresse et symbole de l'ancienne puissance de l'infernal qui en a forcé la fusion politique.

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