Je pense que nous pouvons marcher, si cela ne vous dérange pas. Vous savez, je n'ai rien me permettant de m'affirmer exceptionnel, voire même dans la norme au sein de tant de personnalités, telles que vous ou Aedric. Je ne suis que le fils d'un modeste vassal du pontife et palatin de Thassopole. Si vous souhaitez en savoir plus sur mon enfance, je peux vous dire que j'ai été envoyé à l'Inquisition et depuis mon parcours n'est rythmé que par l'étude de la magie et la chasse aux sacrilèges et hérétiques. Je peux encore me prétendre jeune, mais il me semblerait presque que cela fait une éternité que j'exécute déjà la tâche . Vous me sembliez interressé par mon dieu tutellaire si je me remémore notre première conversation. Pour vous répondre franchement, Il m'est venu à moi plutôt que le contraire, mais je pense que c'est en effet le dieu qui me correspond le mieux. Vous l'avez peut-être déjà remarqué mais je n'ai rien d'un serviteur de Brak, je dois manquer de fougue et de témérité, sans conteste. Je préfère la compagnie des livres bien souvent, le "matériel" ne m'interesse pas outre mesure. De là le choix de mon dieu ne vous paraîtra plus énigmatique. Je peux vous sembler quelque peu original, mais je n'en reste pas néanmoins un serviteur inébranlable de notre foi. Si je peux me permettre, de quel dieu tenez vous le plus, seigneur Aquilodon ? J'ai ma petite idée là-dessus mais je n'oserais m'avancer sans votre réponse.
- Vous savez, messire Esurnor, que je suis né d'un guerrier barbare des plus incultes et des plus rustres qui soient, sans noblesse et sans éducation. Vous avez des racines bien plus élevées que les miennes. Ce que je suis aujourd'hui, je le dois aux dieux et à moi. Le plus bas des manants peut devenir, grâce à la foi et à la persévérance, le plus puissant des seigneurs, ce que je ne suis d'ailleurs pas. Mon pouvoir est bien faible comparé à celui du seigneur Irvin de Maon, par exemple.
Que vous ne ressembliez en rien aux fanatiques qui suivent la voie de Brak m'encourage à vous aider plus qu'autre chose. Moi aussi, j'étais seul mage parmi les guerriers, et le combat, même si j'y excellait, ne m'intéressait en rien. Et croyez moi, chez les géants, être un mage est soit marque de puissance, soit signe de malédiction. Chez moi, c'était un peu les deux. Chez vous aussi, je suppose. Je vous plains de devoir accomplir ce que l'Inquisition vous ordonne. La simple idée de tuer quelqu'un me répugne, depuis quelques temps, hormis lorsqu'elle concerne de grands criminels, comme Mogoth le Sanglant ou... Enfin bref, passer sa vie à massacrer nécromanciens et démonologistes doit être tout sauf agréable. Non que je doute de votre foi, non. Les originaux sont ceux qui modèlent le monde, n'est-ce pas ? Vous irez loin, que ce soit selon les normes de notre société ou celles que vous fixerez, je pense que vous irez très loin. Celui qui réfléchit avant de frapper bat celui qui frappe avant de réfléchir. Je ne vous connais pas encore, mais retenez un conseil de moi : ne vivez pas dans l'ombre d'Aedric. Sachez le suivre en vous démarquant, sachez rayonner tout en marchant dans son sillage. Sachez vous faire connaître, en somme. Vous servirez mieux le Culte ainsi, j'en suis persuadé.
Mais je parle, je parle, et je ne réponds pas à vos questions. Mon dieu, vous avez dit ? Je n'en ai pas. Ou plutôt, je les ai tous. Tous peuvent être adoré, et j'ai foi en eux tous. Ils ont tous créé le monde.
En marchant, Aquilodon fit un geste désignant la rue, les passants, les bâtiments, le ciel...
Ceci, voyez-vous, est l'Equilibre. Chaque pierre de cette avenue, chaque infime morceau de chair est habité et relié au reste du monde par l'Equilibre. Et cet Equilibre, je le vois. C'est pour cela que l'on m'appelle Votre Clairvoyance. Je sais par exemple que nous venons de croiser un homme et une femme qui se haïssent. Probablement une femme et son mari dans le couple desquels rien ne va plus. Et là, un elfe au potentiel magique puissant. Une naine et son animal de compagnie, un chien sûrement. Une femme conduisant une charrette pleine de jarres de lait.
Esurnor regarda les gens que le Prophète décrivait : un homme et une femme nobles, aux airs hautains, un énergumène encapuchonné et vêtu d'une cape verte, un nabot barbu (c'était donc une femme ?) et son chien, et effectivement, une femme conduisant une charrette remplie de grands récipients.
- Et l'on ose m'appeler l'Aveugle ? Bah ! Je vois aussi bien que n'importe qui, si ce n'est mieux. Je vois ce que les dieux ont réellement créé, mais leur aspect matériel m'est inaccessible, à présent. Qu'importe ! J'ai découvert en moi ce don que le Panthéon a placé, je pense, en chacun d'entre nous, plus ou moins enfoui derrière les barrières matérielles des sens. C'est pour cela que je ne veux plus tuer et que je déteste les destructeurs comme l'Ordo Repurgatoris ou le Sanglant. Toute destruction appelle une création, mais beaucoup creusent en laissant le vide derrière eux, tel une plaie béante dans la plénitude de l'Equilibre. Je ne pense pas que vous puissiez comprendre. Vous ne vivez pas ce que je vis, ou en tout cas dans une version bien plus édulcorée. Je ne sais même pas pourquoi je vous parle ainsi. Je dois avoir confiance en vous. Pourtant, vous êtes l'assistant direct d'Aedric et je ne vous connais pas. Mais je sens en vous quelque chose qui me dit que vous ne me trahirez pas, ou en tout cas pas avec plaisir.
Je veux qu'Aedric quitte le pontificat. Pas par intérêt personnel, mais pour le bien de tous. Pour préserver l'Equilibre. Et j'aimerais, si toutefois vous ne craignez pas de vous embarquer dans cette intrigue très politique, que vous m'aidiez. Vous verrez, Von Seviand vous méprisera bientôt, s'il ne le fait pas déjà. Vous êtes un mage dans l'âme, et il n'aime pas ça. Mais bref, nous voici arrivés devant la Corporation des Arcanes. Merci Gulion. Je crains cependant de vous annoncer que la Bibliothèque n'est accessible qu'aux membres. Moi-même, qui suis un ami du Thaumaturge et un fort sympathisant de cette Corporation, merveilleuse dans sa diversité, je n'ai pas le droit d'y pénétrer. Mais admirez tout de même l'architecture.