J’étais en d’autres circonstances un seigneur de guerre mégalomane et orgueilleux comme seuls savent l’être les elfes noirs. Mais ici, alors, j’étais simplement vêtu, et d’apparence plutôt ordinaire.
Je passais une arche fleurie et pénétrais dans le Jardin Impérial. Le silence y régnait, loin de l’agitation de la ville.
Ma douce Aenniss ne m’avait pas menti. L’endroit était irréel de beauté.
Quelque chose en moi, au-delà de mes funestes origines, fut ému d’un si grand spectacle.
Il y avait là réunis plus de fleurs, de couleurs, de senteurs et de formes que je n’en avais jamais vu, moi, un fervent dévot de Folaniss, dieu des chemins. Il y avait les plus beaux spécimens de faune et de flore de tout Kalamaï. Et à perte de vue, une herbe aussi drue que le pelage des panthères noires que mon maître bestiaire dressait pour l’armada.
Ca et là passait quelques visiteurs, mais rien d’assez important pour briser l’harmonie du lieu, pensai-je.
Quelques elfes sylvains soignaient les plantes qui nécessitaient une assistance particulière.
Je m’approchai de l’un deux :
Bonjour, cousin des forêts, je cherche une fleur particulière, pourrait tu m’indiquer sa direction ? »
Le Sylvain se retourna et, l’espace de quelques secondes, fut surpris de voir que quelqu’un, qui plus ait un elfe noir, s’intéressait aux fleurs.
Il semblait soupçonneux :
Que souhaite tu faire avec ces fleurs, ‘cousin’ ?
Il prononça ce dernier mot avec un certain manque de naturel, comme s’il n’était lui-même pas convaincu par ses propos.
Passant rapidement outre ses quelques réticences, je continuais :
Je souhaite les offrir à ma compagne vois-tu, qui est une sylvaine et qui est venue ici lorsqu’elle était enfant. Elle m’a beaucoup parlé de ce jardin et de sa beauté sans pareille, mais je n’aurais jamais imaginé qu’une telle splendeur soit possible…
Mon interlocuteur parut se détendre un peu et esquissa un sourire en répondant :
Cela fait longtemps que j’œuvre pour préserver la flore de ce jardin, peut-être que je connais l’elfe qui est ta compagne .Quel est son nom ?
Aeniss, mais elle ne séjourne plus dans la ville impériale, nous sommes résidents de Naxos depuis plusieurs mois maintenant, et…
Tu es dont ce bâtard D’Orbrie qui a retiré la jeune elfe à ces contrées verdoyantes !!
Et en plus, tu l’as emmenée en Naxos, cette terre noire et infernale. Sait tu que ses proches pleurent son absence chaque jour… Si tu crois que je vais t’aider à retirer une autre fleur de son jardin, pour qu’elle subisse le même sort qu’Aeniss, tu te trompes. Tu ne retirera aucune fleur de ce jardin sacré et crois-moi, si tu essayes, je le saurais. Maintenant hors de ma vue…
Je savais que rien ne pourrait plus calmer cet elfe, et sans un mot, je quittais l’endroit. Une fois hors de son champ de vision, je ne pus cependant me résoudre à quitter les jardins et commençai à marcher le long d’une allée déserte et bordée de fleur que je ne reconnaissais pas.
Dans ma capuche, mon petit compagnon simiesque savourait lui aussi le nectar alentour…
Je pensais à Aeniss…
Peut-être qu'un autre elfe pourrait m'aider...