Gaur grommela quelque chose d'imperceptible et, sans piper mot, il se dirigea vers la sortie d'un pas lourd, d'une démarche lasse. Quittant une fois de plus en traînant la patte un endroit qui aurait pu changer sa vie, qui aurait pu esquisser ne serai-ce qu'un bref sourire sur son visage balafré. Un terme à cette vie insupportable et interminable ponctuée de crises de folie, un terme à cette vie sans bonheur aucun, un terme... A cette malédiction.

Gaur avait l'impression que par ponctions régulières, son esprit s'allégeait de la raison, et sombrait progressivement dans la folie qui jadis l'avait torturé. Il ne trouverait pas la rédemption, condamné à jamais à voir défiler les époque, se passer les guerres et choir les empires. Jusqu'a ce que les hommes tombent eux aussi sous le poids de leurs ânneries.

Au niveau de la dernière étagère, Gaur osa un dernier regard derrière lui. Il se résignait difficilement à abandonner la seule conversation qu'il avait eue depuis de nombreuses années. Mais il le devait, car Gaur se connaissait, cette conversation finirait en bain de sang, mais très peu pour lui, car il ne craignait plus la mort, car elle ne pouvait plus rien faire pour lui... L'immortalité, l'invulnérabilité... Si certain les désirent par dessus tout, Gaur donnerait n'importe quoi pour s'en débarrasser.

Gaur se détourna et se retira vers la sortie, son coeur avait tous les traits caractéristiques d'une pierre. Prochaine destination : la guilde des cultes, avec une once d'espoir, il y trouverait une piste.

Traînant le pas, Gaur croisa un homme et lui décocha un coup d'épaule(ou plutôt de coude étant donné que le visage de l'homme lui arrivait au milieu du torse).

Grommelant un mot d'excuse, tout en marchant, il se tourna vers l'homme en lui adressant une ridicule courbette à caractère ironique, un sourire sardonique aux lèvres les plates de son harnois claquant violemment.

Au niveau de la porte, Gaur l'ouvrit violemment et la referma derrière lui de la même manière, ce qui entraina un rivet oxydé en direction du sol marbré.

Le corridor était sombre, silencieux et dénué de toute présence. L’homme tout vêtu de noir, le visage protégé par un capuchon, avançait précautionneusement à travers le couloir qui menait à la grande bibliothèque.
Une fois parvenu à la grande double porte qui donnait accès à la salle principale et à ses étagères, l’homme stoppa son avancée et se courba dans la pénombre pour chercher une serrure par laquelle détecter une quelconque présence. Il n’y en avait aucune, naturellement, cette porte se verrouillait par magie… Ah, la magie alors…

L’homme sonda la porte en l’effleurant de sa main gantée. Aucun problème, seulement un des battants qui se trouvait être un peu penché vers l’extérieur, comme si l’on avait claqué violemment la porte depuis l’intérieur. Il poussa lentement la porte et se glissa furtivement à l’intérieur, referment doucement derrière lui.

La salle n’était pas déserte, l’homme le sentait, il se faufila derrière une étagère et s’accroupit au niveau d’une fente laissée entre deux ouvrages. Il scruta la grande pièce et aperçut de visu une silhouette de petite taille qui farfouillait entre deux étagères. Une fée, visiblement. L’homme ne s’attendait pas à une quelconque présence en cette heure.

Il jura doucement dans son capuchon et se déplaça silencieusement en rasant les murs jusqu'à l’étagère ou un petit écriteau doré nommait cette partie comme celle centrée sur l’évocation. Il fouilla rapidement les étagères, si bien qu’il laissa choir par inadvertance un lourd grimoire qui rebondit sur le sol dallé, provoquant un son lourd et grave qui se répercuta dans toute la pièce.

L’homme s’immobilisa, prêt à fuir le plus rapidement possible. Personne ne vînt, il avait perdu de vue la fée. Il pria pour qu’elle ne l’ait pas repéré.

Une longue série de cliquetis métalliques se firent entendre dans le corridor. La ronde de nuit d’un groupe de miliciens impériaux.
La patrouille comptait un lieutenant suivi de cinq sergents armés de fauchards et de hallebardes. Les cliquetis des hauberts résonnaient dans le couloir, ainsi que les bavardages grivois des miliciens. Le lieutenant les stoppa en levant la main, leva la visière de son armet et souffla : « Silence, on est pas dans une taverne ! » Il désigna un de ses hommes : « Toi, restes ici, fait le guet ». Suite aux railleries des soldats concernant la compétence de leur camarade, le reste du groupe pénétra dans la bibliothèque sans aucune discrétion.

Le lieutenant déclara à l’attention de ses hommes : « Allez faire un tour rapide et revenez, j’ai hâte de retourner à la caserne »

Ses hommes s’exécutèrent. Quelques minutes plus tard, un cri perçant résonna dans la pièce. Le lieutenant dégaina sa lourdé épée. Il baissa la garde quand il vit arriver deux de ses hommes qui tenaient par les bras ce qui apparaissait à ses yeux comme une jeune fille. Le lieutenant rangea son épée dans son fourreau et s’approcha d’un des deux sergents. Il lui décocha une tape sur l’arrière de la tête, le choc amorti par le camail du soldat. « Bougres d’ânes ! Vous valez pas un sou bandes de conscrits ! C’est juste une fillette ! Lâchez-moi ça vite fait, allez, on rentre… »

Le lieutenant se retourna et eut le temps d’apercevoir une silhouette qui quittait un recoin de la bibliothèque. Il l’apostropha : « Qui va là ? » La silhouette s’arrêta et repartit plus vite encore. Le lieutenant sortit une fois de plus son arme de son fourreau et siffla entre ses dents : « Coincez-le ! »

Mais il était trop tard, les miliciens tombèrent sur la dépouille du guet, un trou béant à la nuque qui versait trois filets de sang sur le sol dallé. L’individu s’était échappé…

Gaur se dirigeait à présent de nouveau vers la grande bibliothèque. En espérant que, cette fois ci, et en cette heure tardive, il pourrait l'étudier sans que personne ne le dérange.

Parvenu face aux grandes portes de la guilde du mana, il marqua une pause et savoura cet instant de solitude. Mais au même moment, la double porte s'ouvrit brusquement dans un grand fracas, et une silhouette sombre se précipita à l'extérieur.

Gaur resta une fraction de seconde immobile et lorsque l'inconnu passa près de lui, espérant le bousculer pour s'enfuir, Gaur tendit son lourd bras et ferma son gantelet d'acier sur l'épaule de l'inconnu.

"Hep ! Tu vas où comme ça toi ?"

Le fuyard se retira avec dextérité de la poigne de fer de Gaur et prit les jambes à son cou.

Voyant qu'il ne tirerait plus rien de l'homme en fuite, Gaur haussa les épaules en pensant qu'après tout, ce n'était pas ses affaires. Il entra dans l'enceinte de la guilde d'un pas lourd.

Mais il n'était pas au bout de ses surprises, dans le couloir qui menait à la grande bibliothèque, il tomba sur un groupe de soldats en pleine course, qui traversaient une espèce de nuage de fumée sombre et malodorante.

Le lieutenant de la patrouille s'arrêta net, visiblement soulagé de ce répit. Il fit signe à ses hommes de faire de même et s'appuya contre le mur.

Monseigneur, un homme s'est enfui, il a abattu un de mes gars et probablement volé quelque chose.

Le lieutenant avait toujours son armet fermé, ce qui rendait sa voix caverneuse et lointaine. Il finit par lever la visière de celui-ci, non pas par politesse, mais pour lui permettre de reprendre son souffle.

Il se tourna vers Eliess et dit brusquement d’une voix presque triomphante :

Celle là était présente dans la bibliothèque, je l’ai vu, elle est arrivée exactement quand l’assassin est parti. Elle est de mèche avec lui c’est certain !

Il fit deux pas vers elle mais s’arrêta quand l’énorme masse d’acier de Gaur Onauhar vînt se placer lourdement devant lui tel un mur de briques.

Le Lieutenant se tenait dans l'ombre de Gaur et s'efforçait de garder un air digne. Alors que celui-ci le dominait de toute sa masse d'un air agressif, comme il aimait à le faire.

Garde-toi de donner des jugements trop hâtifs, soldat. Il y a de bonnes lois, la où il y a de bonnes armes. Ajouta-t-il en posant son lourd gantelet sur la lame de son arme attachée à sa ceinture.

Cette humaine était ici depuis pas mal de temps, c'est vrai, mais dans l'enceinte de la bibliothèque. Tu l'as aperçue arriver de l'opposé. C'est à dire qu'elle aurait aussi bien pu apercevoir l'intrigant, le poursuivre, perdre sa trace, et revenir sur ses pas.

Il regarda par dessus le Lieutenant et aperçut de visu Enguerrand. Bien que ce ne soit pas dans les habitudes de Gaur d'avoir des supérieurs, et encore moins de s'incliner devant eux, il fit un signe de tête respectueux et ajouta, toujours par dessus le soldat :

Seigneur, l'Exehal a reçu la visite de trois brigades des armées d'Outre-Mer. Et je leur ai fait bon accueil, mais malheureusement, je n'ai pu garder plus d'un soldat vivant. Et il s'est fendu le crâne sur le mur de sa cellule.

Gaur contourna le lieutenant et se plaça face aux reste de la patrouille.

J'allais justement poser la même question. Qu'est-ce qui se passe ici ? J'ai en effet croisé un homme encapuchonné, je ne l'ai qu'entre-aperçu mais j'ai pu constater qu'il était plus qu'un simple fréquenteur de bordels. Il doit être éxtrémement bien préparé pour arriver a voler quoi que ce soit ici...

Gaur se tourna de nouveau vers Enguerrand.

Il avait donc un livre ? Sans aucun doute provenant de cette bibliothèque. Il faudrait voir avec un membre de la guilde si l'on pourrait dénicher quelques informations sur l'ouvrage en question.

Le visage d’Eliess s’anima d’une grimace contrariée presque ulcérée par les propos du Lieutenant , elle ne put s’empêcher de lui lancer son regard le plus sombre .
Confondue et rassurée par l’intervention de Gaur .

Je vous remercie de prendre ma défense Gaur, répliqua Eliess

Amusée par la superbe du lieutenant amoindrie par l’impressionnante carrure de l’orc elle se détendit et à l’égard du soldat :
Vous ne manquez pas d’esprit de me confondre en complice avec cet intrus moi qui suis une disciple assidue dans ces lieux de la connaissance, puisse Nimburr m’être témoin d’une quelconque traîtrise ! j’ai voulu prendre en filature ce voleur mais j’ai perdu sa trace dans les couloirs pour finir sur la dépouille d’un drow qui gisait dans la grande cours.

Par ailleurs pour voler un manuel dans cette guilde du mana il faut avoir une sacrée raison . Il serait précieux de savoir quel ouvrage proprement dit il a dérobé , je suis d'accord avec vous Gaur . Faire un inventaire ... mais ça risque d'être long.
Dites moi Enguerrand vous qui l'avait entre apperçut le dernier vers quelle direction fuyait il ? A moins qu'il ai laissé malencontrueusement un indice quelque part pour au moins nous aiguiller sur son identité.

Monseigneur Enguerand, je me porte volontaire pour rechercher l'intrigant et lui donner ce qu'il mérite. Assura Gaur d'un air las. Je prendrais cette patrouille avec moi. Ajouta t-il en montrant vaguement les miliciens peu confiants de le suivre.

Sans attendre de réponse, Gaur se dirigea à grands pas lourds vers la sortie, suivi de loin par le groupe de miliciens.

A peine inscrit à la guilde du mana, Elrim entra dans la bibliothèque et fut surpris par l'agitation environnante. Ne désirant point être déranger, il fit un hochement de tête en signe de respect pour tout le monde et alla chercher un grimoire sur la nécromancie. Le grimoire était noir avec des signes Kabalistiques sur la couverture, il traitait de la manière d'éveiller un mort en lui donnant un semblant d'âme. Elrim passa sa matinée à éxaminer le bouquin, à le lire et le relire en détails, jusqu'à l'avoir totalement vidé de ses ressources culturelles. Pris par la faim, Elrim décida d'aller à la tavern du loup qui boite pour se restorer, il reviendrait peut être après quand il y aura moin de vacarme.