Qui était-il ? Il ne se le rappelait. Les ténèbres s'agitaient autour de lui et il se sentait vide, aspiré par une chose froide, visqueuse. La mort venait à lui. Et dans un véritable tourbillon, il errait, plongeait, se perdait. Arakasï comprit que d'ici quelques secondes, il ne serait plus. Impuissant, soumis, il avait décidé de se laisser faire quand une image lui apparut brusquement. Des yeux, des yeux magnifique d'un bleu azur. Puis des cheveux de bouton d'or, une marguerite parmi eux enfin. La sienne. La soumission à la mort cessa un moment, le subconscient du rôdeur se révolta, batailla férocement. Il voulait se souvenir, une dernière fois. Arakasï la revoyait distinctement à présent. Maëlle, resplendissante de beauté, altière sur son corps équin. Il palpita d'espoir en tendant la main vers elle mais le rêve finit par le hanter. Des piques, des haches de pirates, des brumes entourèrent la centauresse, l'écorchèrent de toute part et celle-ci ruisselant de larmes de sang, affichait un regard mortifié.
"Tu m'as oubliée, abandonnée. Tu m'as oubliée !" lui répétait-elle inlassablement pendant qu'elle s''évanouissait peu à peu.
"Non ! Non ! Je ne t'ai pas... Milles excuses, pardonne moi !" Des larmes de sangs vinrent ruisseler également dans les yeux de l'elfe plus qu'atterré. Pire reproche il n'y avait, qui plus est qu'il était véridique. Puis la révolte, la fièvre, l'espoir de résistance, cessa brutalement et il retomba sans plus aucune force cette fois dans les mains de la mort qui se faisait un plaisir de
l'accueillir.
-Ne le bougez pas trop, vous le blesseriez d'avantage, voire pire.
Les soldats d'Outre-mer avaient essayés de déplacer leur chef mourant. Le laisser adossé contre le mur en dehors de la protection qu'offraient encore les Sabres relevait de la démence. Et pourtant, la comtesse avait raison. Il fallait ménager Jund, sans quoi la camarde l'emporterait définitivement.
Il n'y avait dorénavant que peu d'options pour s'en sortir. Jund était inconscient, certes. Mais le petit groupe de rescapés avait la chance de disposer d'une psioniste en son sein, même si beaucoup l'ignoraient...
Hélèna posa sa main froide contre le front de l'elfe. Elle ne sentit aucune réaction. Seul le cœur de l'elfe, aux battements inégaux, perçait encore dans la poitrine du maitre de l'Outre-mer. Mais pour combien de temps encore? La douleur aurait tôt ou tard raison de sa résistance. Il fallait se dépêcher.
Tournant la tête vers les soldats en livrée pourpre, la comtesse leur adressa un regard confiant et tendre avant de fermer les yeux et de se concentrer sur l'elfe à terre.
-----------
Les ténèbres obscurcissaient l'esprit de l'outre-îlien. Il allait partir. La mort allait l'envahir et le mener auprès de ses ancêtres. Mais la comtesse était déterminée à empêcher cela.
Jund semblait s'être résigné à résister à sa sombre ennemie. La question qui importait été de savoir pourquoi. Connaitre la réponse à cette question permettrait de gagner suffisamment de temps pour le sauver.
Mettant toutes ses facultés en action, Hélèna chercha activement la raison à ce renoncement. Elle découvrit, non sans surprises, des brides d'images de Maëlle, sa plus proche collaboratrice à la tête du palatinat de Prévèze. Comment pouvait-il la connaitre? Elle devait se trouver à Méthone à l'heure actuelle...
Faisant fie de sa curiosité un instant, la comtesse se reconcentra sur l'elfe mourant.
Il ne se débattait pas. Il restait calme, stoïque, face à la mort. Des larmes de sang coulaient le long de ses joues. Des regrets.
Mue par l'habitude, Hélèna avait conservée ses défenses mentales levées. Sa présence se trouvait donc de fait masquée à l'elfe. Sans réfléchir un instant de plus, elle abaissa ses protections, répandant de toute sa puissance mentale un éclat lumineux éblouissant qui perça à travers les ténèbres...
¤Jund... Votre heure n'est pas encore arrivée.¤
L'image mentale de l'elfe ne cilla pas. Alors qu'il se trouvait concentré sur les ténèbres l'entourant, ses yeux s'étaient focalisés sur l'apparition.
¤Qui êtes-vous pour me dire ça?¤
¤Quelqu'un que vous avez vu tomber.¤
La lumière éclatante baissa en intensité. A la place de l'être nimbé de lumière, apparut l'image mentale d'Hélèna. Elle portait sa tunique bleue rehaussée de sa toge blanche. Le drapé du vêtement lui conférait une allure altière assez déconcertante.
¤Mais... Et la flèche?¤
¤Que peut un trait contre la puissance de l'esprit? On tombe toujours pour mieux se relever. Et il en sera de même pour vous très bientôt.¤
La comtesse fit un tour sur elle même, comme observant les limbes éclairées par sa forme mentale.
¤C'est un peu vide, comme décoration, ne trouvez-vous pas?¤
¤Et selon vous à quoi ressemble l'esprit d'un mourant?¤
¤Cela dépend de la personne en question... Avez-vous mal?¤
L'elfe la regarda avec un air d'incompréhension.
¤Mal? Avec deux flèches dans la poitrine, je vois mal comment je pourrais me sentir bien.¤
¤Babka va vous remettre en état de combattre. C'est un bon soigneur, pour ce qui est des dégâts physiques.¤
¤Et vous? Vous ne soignez pas?¤
¤Seulement les esprits, lorsqu'ils en ont besoin. Mais on ne peut soigner un esprit qui ne le veut pas. Je suis devant vous pour vous permettre de tenir le coup jusqu'à ce que l'on soit en sécurité pour vous administrer des soins dignes de ce nom.¤
¤Et comment allez-vous vous y prendre?¤
¤La supériorité de l'esprit sur la matière. Mais pour commencer, nous allons changer de décor...¤
La comtesse fit un pas vers une volute de fumée grisâtre flottant mollement à la gauche de l'elfe. Elle ne fit rien d'autre que pousser la fumée, révélant une porte aux contours incertains.
¤Mais... Comment avez-vous fait cela?¤
Avec un sourire malicieux, la comtesse répondit:
¤C'est la magie de la pensée. Tout y est possible pour qui le désire. Si vous voulez bien passer cette porte, nous y trouverons un endroit bien plus agréable...¤
D'abord hésitant, Jund s'approcha de la porte. Bien qu'essayant d'en voir les montants, ceux-ci semblaient se défiler inlassablement à ses regards. La porte n'avait pas de consistance à proprement parler. Cependant, elle existait, puisqu'elle se trouvait devant lui. Hélèna lui fit signe de la franchir, liant ce geste gracieux de la main à un sourire déconcertant de douceur.
Sans attendre plus, il fit le premier pas et quitta les limbes.
L'endroit qu'il atteignit fut pour lui un choc. Alors qu'il venait de faire un pas hors de sa prison de ténèbres, il se trouvait maintenant sur une terrasse surplombant une cité portuaire ensoleillée. Le muret de pierre, les dalles de la terrasse, l'olivier abritant le tout de son ombre, le chant des oiseaux dans les branches de l'arbre... Tout en ce paysage semblait n'être que paix et calme...
¤Étonnant, n'est-ce pas?¤
Jund tourna la tête vers celle dont il avait reconnu la voix.
¤Nous sommes où?¤
¤A Ald'Rhune. Vous vous trouvez sur l'une des terrasses des hauts quartiers. J'ai pensé que ce serait un endroit plus agréable pour continuer notre conversation.¤
¤C'est un bon choix. Mais comment faîtes-vous pour réaliser tout ça? Je veux dire, le bruit, les odeurs, les sensations... On s'y croirait.¤
¤Je me suis en partie basée sur un souvenir. Mais je ne vous cache pas que maintenir cette illusion est épuisante. En ce moment même, cela mobilise toutes mes forces. Je suis assise à côté de vous sans pouvoir bouger.¤
¤Mais c'est un énorme risque!¤
¤Il nous faut le prendre, pourtant. Notre survie à tous en dépend.¤
La comtesse s'assit sur l'un des bancs de pierre faisant face au panorama, avant d'inviter Jund à faire de même.
¤Nous sommes toujours coincés dans les cuisines du Chastel, à Roc-le-Chastel. Les Sabres et les soldats outre-îliens tiennent bon, mais finirons tôt ou tard par être débordés. Il nous faut emprunter le passage secret dont vous parliez. Seulement, vous seul en connaissez l'entrée.¤
¤Et comment allez-vous faire pour transmettre ces informations si vous ne pouvez bouger?¤
¤Naal a toujours été très réceptif. Il m'aidera à marcher et aura accès aux informations nécessaires à notre progression.¤
¤Et je suis transportable?¤
¤Pour le moment, oui, mais avec d'infinies précautions. Je bloque actuellement la douleur émanant de votre corps, c'est pourquoi vous ne la ressentez plus. Mais même si ça vous aide à tenir contre la mort, vous ne pouvez vivre sans corps. Il faut impérativement en prendre le plus grand soin.¤
¤Bon... Alors, l'entrée du souterrain est...¤
Le combat s'était un peu calmé grâce entre autre à l'arrivée d'un petit groupe de soldats d'Outre-mer. Leur commandant les menaient d'une main de fer mais d'un cœur de lion. Leur arrivée avait fait dévier l'intérêt des pirates vers eux, permettant aux Sabres de ne combattre qu'épisodiquement et non en continu comme jusqu'à présent. Ils profitaient du répit accordé, sachant que de toute façon viendrait le temps de la mort ou de la reddition.
Soudain, la voix de la comtesse résonna dans le crane de Naal:
¤Naal, c'est moi. Tu vas tout de suite suivre ce que je vais te montrer. Il en va de notre survie à tous.¤
¤Bien, madame.¤
L'officier des Sabres donna l'ordre à ses hommes de maintenir leur position avant d'aller à grands pas vers l'imposante cheminée présente dans la cuisine. Le feu qui d'habitude y brûlait s'était éteint, faute de combustible. Il s'approcha du pilier de gauche, et d'un geste machinal, passa sa main sur les décors de ce dernier. Le large pilier de pierre frémit un instant, avant de laisser apparaitre sur son flanc une petite fissure. Comme si cela lui était paru naturel, le Sabre y glissa la main et débloqua un petit loquet astucieusement placé. Une ouverture apparut alors dans le mur à côté du pilier. L'entrée du passage secret.
Naal fit signe à ses hommes de rassembler tout le monde pour s'engouffrer dans le boyau obscur et peu accueillant.
Les soldats en livrée pourpre, sous l'impulsion de leur commandant, venaient de repousser les pirates à l'extérieur de la cuisine au prix de plusieurs pertes. C'est difficilement qu'ils fermèrent la lourde porte de bois, avant de placer devant elle tout les meubles qu'ils pouvaient trouver. Cela allait leur faire gagner un peu de temps pour disparaitre...
Les Sabres avançaient en tête dans le tunnel. Fort heureusement, le petit groupe de survivants avait trouvé à l'entrée du souterrain un petit stock de torches. Ainsi, les Sabres se tenaient à l'avant du groupe. Venait ensuite le seigneur Babka et Naal, soutenant la comtesse Hélèna, l'aidant à marcher du mieux possible. Puis, allongé sur une civière de fortune faite de deux lances et d'un drap de table blanc trouvé dans une armoire et porté par deux soldats d'Outre-mer, venait Jund. A l'instar de l'elfe, une seconde civière avait été dressée. Sur cette dernière se trouvait l'héroïque soldat outre-îlien (Caraï) qui avait chargé seul les pirates et s'était retrouvé face au démon. Il était toujours vivant, aussi étonnant que cela puisse être...
Derrière eux, et pour fermer la marche, se trouvait le reste des soldats outre-îliens encore valides ainsi que leur commandant (Volkmar).
Le petit groupe avait refermé l'entrée du souterrain derrière son passage. Mais tous savaient qu'il était toujours possible que leurs poursuivants les rattrapent dans le sombre boyau. Le combat en souterrain s'avèrerait toutefois les avantager: leurs ennemis n'auraient pas la place pour les attaquer à plus de deux côte à côte. Mais le mieux restait de ne pas se faire surprendre. Surtout avec deux blessés graves.
Le tunnel n'avait pas grand chose de remarquable. Il était sombre, comme tout souterrain. La lueur des torches permettait tout juste à éclairer faiblement le sol un mètre devant leurs pieds. Par endroit, le souterrain montrait des traces de consolidation. Ces dernières présentaient des parties finement ouvragées. Les sculptures dans la pierre dénotaient d'une réelle volonté de mise en valeur des travaux de maçonnerie...
Aucun d'entre eux ne parlait. Était-ce la peur que leurs ennemis les découvrent par ce moyen là ou gardaient-ils leur souffle en vu d'une marche forcée longue et pénible? Seul le bruit de leurs pas précipités résonnaient dans le long tunnel...
¤C'est vraiment agréable, comme boisson...¤
Jund tenait dans sa main un verre de cristal aux motifs évoquant un ciel étoilé. Un liquide à la robe cuivrée lui offrait une teinte agréable aux yeux.
Les rayons d'un éclatant soleil d'après-midi jouaient avec les ombres au travers du feuillage de l'olivier les surplombant lui et Hélèna.
Que les choses terrestres paraissaient lointaines, depuis l'esprit. L'elfe d'Outre-mer en aurait presque oublié qu'il se trouvait pourtant à deux doigts de la mort. Et pourtant. A l'heure où tout deux se trouvaient à déguster une délectable liqueur Kalamaïenne en profitant de la quiétude d'une magnifique après-midi baignée par le soleil prévèzien, leurs camarades arpentaient durement le sous-sol outre-îlien...
La comtesse profitait du soleil autant qu'elle le pouvait. Ici au moins, il ne mordait pas sa douce peau. La sensation des rayons solaires la réchauffant plutôt que la brûlant lui arracha un petit soupir de plaisir. La dernière fois qu'elle avait ressentie cela, c'était plus de cinquante années plus tôt, avant sa transformation. D'ailleurs, cette liqueur, son goût, sa couleur et son odeur émanait d'un souvenir de son ancienne existence. Il ne lui serait plus aussi agréable d'y goûter, dorénavant... D'autant que déjà fort rare à l'époque, le précieux liquide ne devait probablement plus se trouver maintenant. Mais cela devait rester chose secrète.
Rouvrant les yeux, Hélèna scruta un instant le ciel. Elle fronça soudain les sourcils, comme remarquant quelque chose ne devant pas être. Elle se tourna alors vers son voisin:
¤Nous sommes arrivés au bout du tunnel, mais Naal ne voit pas d'issue.¤
Jund lui sourit en répondant:
¤Il y en a une, mais camouflée. Il doit y avoir deux statues, l'une à gauche, l'autre à droite. Les deux représentent chacune un guerrier d'Outre-mer en armes. Elles doivent se faire face, comme deux soldats montant la garde.¤
La comtesse acquiesça: Jund venait de faire une bonne description de ce que Naal voyait à la lueur de sa torche. L'elfe d'Outre-mer reprit:
¤Le casque du soldat de gauche a une sorte de décoration gravée dans la pierre. Comme une pierre enchâssée. Il faut appuyer dessus pour déverrouiller l'accès.¤
¤C'est tout?¤
¤Oui. Le tunnel va alors remonter en pente douce pour finalement déboucher sous une grosse pierre plate engoncée dans la végétation.¤
-Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi n'avance-t-on plus?
La question, posée par l'un des soldats outre-îlien portant la civière du maitre de l'Outre-mer, eut une réponse étonnante: le Sabre le plus proche, à portée de vu de ce soldat, se tourna vers lui et haussa les épaules dans un signe d'ignorance.
Le même Sabre se pencha alors vers son capitaine:
-Euh...chef, qu'est-ce qu'on attend, au juste?
Naal leva alors le bras gauche vers le mur du même côté. A part l'obscurité, il n'y vit rien. Il fit alors signe à celui de ses hommes tenant une torche de s'approcher un peu.
Et en effet, comme prévu, il y avait là une statue de soldat. Il tenait son bouclier posé contre sa jambe et avait la main droite sur le pommeau de son épée de pierre. Et face à lui, un soldat de pierre identique gardait la pose de la même façon.
Le capitaine des Sabres Delta apposa doucement sa main sur le casque du soldat. Il découvrit rapidement l'ornement mentionné par la transmission mentale de la comtesse, et résolument, appuya dessus de toutes ses forces.
Tout d'abord, il ne se passa rien. Puis, un petit déclic métallique laissa la place à un léger tremblement. De la terre et de la poussière se répandirent dans le tunnel. Une odeur d'humus emplit soudainement l'air. Une légère lueur, autre que celle des torches, filtra par ce qui semblait être le bout du souterrain...
Un à un, les Sabres sortirent du tunnel. Ils tenaient tous fermement leurs armes dans leurs poings, prêts à en découdre avec n'importe quel adversaire. Sans un bruit, ils se placèrent en éventail autour de la sortie du tunnel. Naal, resté près de la sortie, fit alors signe au reste du groupe que la voie était libre. Et tous sortirent enfin de l'obscurité pour découvrir le sous-bois de la forêt bordant Roc le Chastel. Le tunnel débouchait heureusement suffisamment loin des murs de la cité. Cependant, il était possible d'entendre la rumeur du monstrueux carnage qui s'y faisait...
Babka, aidé par Naal, déposa la comtesse d'Ald'Rhune contre un arbre. Ainsi adossée et semi-consciente, Hélèna put suivre la sortie des deux civières et des soldats d'Outre-mer. L'elfe de Maon s'approcha de Jund et entreprit de lui prodiguer quelques soins en vu de le remettre sur pieds. Ou du moins essayer.
Tous les valides s'affairaient maintenant autour des blessés plus ou moins graves. La sécurité était assurée par les soldats d'élite Ald'Rhunais, chargés de faire le guet dans toutes les directions...
Hélèna se leva du banc de pierre et s'étira un court instant avant de se tourner vers Jund:
¤Cher ami, il nous faut une fois de plus changer de décor. Nous sommes en ce moment même en train de préparer votre réveil.¤
¤Cela implique que je doive laisser ici ce verre?¤
¤Je le crains en effet.¤
¤Allons-nous reprendre une porte?¤
¤Il le faut bien. Jusqu'à présent, nous nous trouvions dans une parcelle de mon esprit. Nous allons retourner dans le vôtre.¤
Pendant que Jund se relevait, Hélèna fit quelques pas vers le tronc de l'olivier. Juste avant d'atteindre l'arbre, elle s'arrêta. Elle posa alors sa main sur son écorce, avant de se reculer d'un pas et de contempler son œuvre avec un sourire. Au premier abord, Jund ne vit rien. Puis, enfin, il aperçu cette fameuse porte aux contours incertains. La même que celle qu'ils avaient empruntés pour rejoindre ce morceau d'Ald'Rhune.
¤Après vous.¤
La comtesse l'invitait une fois de plus à traverser cette porte autant mystérieuse que merveilleuse.
Ils débouchèrent dans une forêt. Non pas le sous-bois dans lequel se trouvaient leurs corps respectifs. Non, une vraie forêt. Une forêt qui paru familière à l'elfe d'Outre-mer. Les essences d'arbres, les parfums flottant au grès des courants d'air forestiers. Les bruits des animaux dans le lointain. Même la lumière du soleil à travers les somptueux ramages des grands arbres profondément ancrés dans le sol...
¤C'est vous ou moi, là?¤
¤C'est vous. Vous aviez ce souvenir. Je n'ai fait qu'utiliser votre esprit pour générer cette illusion.¤
¤Aëna.¤
La comtesse esquissa un doux sourire en contemplant la luxuriante végétation environnante. Quel cadre plus enchanteur pour une renaissance? Il fallait d'ailleurs commencer à s'y atteler. S'évader dans les souvenirs et les illusions permettait d'échapper à la douleur. Mais y rester signifiait se couper du monde physique... Hélèna surveillait depuis un petit moment les signes vitaux de l'elfe. La douleur s'était bigrement calmée, sûrement par l'effet des soins de Babka. Et respiration comme battement cardiaque se maintenaient désormais à un niveau raisonnable. Le réveil approchait donc à grand pas. Il fallait cependant rouvrir l'esprit de l'elfe aux stimulus extérieurs...
¤Écoutez. Vous n'entendez rien?¤
¤Quoi donc?¤
¤Des voix.¤
Jund tendit l'oreille. tout d'abord, il ne perçu rien. Puis, petit à petit, une espèce de bourdonnement se fit. Le bourdonnement enfla progressivement pour devenir un brouhaha fugace.
¤Je les entend.¤
¤Très bien. Essayez de séparer et reconnaitre l'une des voix.¤
L'elfe s'exécuta. Mais telles des lièvres à l'approche d'un prédateur, les voix fuyaient les tentatives d'identification. Hélèna se douta un moment de la difficulté rencontrée par Jund. Il n'y avait que peu de voix familières dans le lot. Peut être connaissait-il celle du commandant des soldats Outre-îlien? Mais pour l'instant, ce dernier se trouvait au milieu de ses hommes, un peu à côté, préférant sans doute laisser sa place à quelqu'un de plus qualifié en matière de soins.
Une idée traversa l'esprit de la comtesse. Elle n'avait plus à soutenir l'effort de maintenir seule une illusion. Non pas que cela lui soit aussi difficile en temps normal. Mais ajouté à sa blessure, elle ne disposait pas de ses pleines capacités de concentration. Cependant, c'était Jund qui maintenait, avec son aide certes, l'illusion mentale de la forêt. Elle pouvait donc reprendre suffisamment du contrôle de son corps pour se déplacer et parler...
Et c'est ce qu'elle fit. Jusqu'alors restée confortablement adossée à son tronc d'arbre, Hélèna se releva doucement en veillant à ne pas rompre le lien mental la reliant à Jund. Elle s'approcha avec douceur de la civière du palatin d'Outre-mer, où Babka achevait d'exercer son art. Elle s'assit en tailleur à proximité de la tête de l'elfe encore inconscient avant de prononcer quelques mots à son encontre.
Jund saisit et reconnu enfin l'une des voix. Il cru cependant un instant s'être trompé. Il posa un regard interrogateur vers l'image mentale d'Hélèna. Cette dernière lui fit un sourire malicieux comme elle seule en avait le secret.
¤C'est bien ma voix que vous avez entendu. Continuez. L'illusion que nous maintenons va petit à petit s'estomper pour laisser place à la reprise de vos sens.¤
¤Donc, vous allez disparaitre.¤
¤Oui et non. Vous ne me verrez plus, mais je serais toujours là. Et puis, je vous attend dehors. Mais sentez donc cette odeur! On dirait une odeur de terre humide...¤
¤Et de sang aussi...¤
¤C'est le vôtre, si j'en juge par ce que je vois physiquement.¤
¤J'aurais préféré ne pas le sentir...¤
¤Vous n'allez pas tarder à vous réveiller, maintenant. L'illusion n'a plus lieu d'être: vous sentez et entendez ce qui nous entoure réellement. Les autres sens vont suivre très vite. Ce n'est plus qu'une question de secondes...¤
Jund rouvrit enfin les yeux. Il parut tout étonné de voir le vrai ciel de ses yeux. Il inspira une goulée d'air frais avant de l'expirer avec délice. Que le ciel était beau. L'elfe d'Outre-mer nota d'ailleurs que l'après-midi était bien avancée: les quelques nuages qui voletaient au dessus de lui commençaient à prendre une teinte rosée, signe annonciateur du coucher de soleil.
-Bienvenue parmi nous.
Jund reconnu tout de suite cette douce voix cristalline...
HRP: Voila, voila... Record personnel battu en matière de taille^^. Bon, si quelque chose vous chagrine, toussa: me le dire et je changerais . Mais surtout: nous sommes sortis!
PS: Ara', j'ai gérée comme j'ai pu les dialogues. J'espère qu'ils seront à ton goût.
"Tu m'as oubliée, abandonnée. Tu m'as oubliée !" lui répétait-elle inlassablement pendant qu'elle s''évanouissait peu à peu.
"Non ! Non ! Je ne t'ai pas... Milles excuses, pardonne moi !" Des larmes de sangs vinrent ruisseler également dans les yeux de l'elfe plus qu'atterré. Pire reproche il n'y avait, qui plus est qu'il était véridique. Puis la révolte, la fièvre, l'espoir de résistance, cessa brutalement et il retomba sans plus aucune force cette fois dans les mains de la mort qui se faisait un plaisir de
l'accueillir.
-Ne le bougez pas trop, vous le blesseriez d'avantage, voire pire.
Les soldats d'Outre-mer avaient essayés de déplacer leur chef mourant. Le laisser adossé contre le mur en dehors de la protection qu'offraient encore les Sabres relevait de la démence. Et pourtant, la comtesse avait raison. Il fallait ménager Jund, sans quoi la camarde l'emporterait définitivement.
Il n'y avait dorénavant que peu d'options pour s'en sortir. Jund était inconscient, certes. Mais le petit groupe de rescapés avait la chance de disposer d'une psioniste en son sein, même si beaucoup l'ignoraient...
Hélèna posa sa main froide contre le front de l'elfe. Elle ne sentit aucune réaction. Seul le cœur de l'elfe, aux battements inégaux, perçait encore dans la poitrine du maitre de l'Outre-mer. Mais pour combien de temps encore? La douleur aurait tôt ou tard raison de sa résistance. Il fallait se dépêcher.
Tournant la tête vers les soldats en livrée pourpre, la comtesse leur adressa un regard confiant et tendre avant de fermer les yeux et de se concentrer sur l'elfe à terre.
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Les ténèbres obscurcissaient l'esprit de l'outre-îlien. Il allait partir. La mort allait l'envahir et le mener auprès de ses ancêtres. Mais la comtesse était déterminée à empêcher cela.
Jund semblait s'être résigné à résister à sa sombre ennemie. La question qui importait été de savoir pourquoi. Connaitre la réponse à cette question permettrait de gagner suffisamment de temps pour le sauver.
Mettant toutes ses facultés en action, Hélèna chercha activement la raison à ce renoncement. Elle découvrit, non sans surprises, des brides d'images de Maëlle, sa plus proche collaboratrice à la tête du palatinat de Prévèze. Comment pouvait-il la connaitre? Elle devait se trouver à Méthone à l'heure actuelle...
Faisant fie de sa curiosité un instant, la comtesse se reconcentra sur l'elfe mourant.
Il ne se débattait pas. Il restait calme, stoïque, face à la mort. Des larmes de sang coulaient le long de ses joues. Des regrets.
Mue par l'habitude, Hélèna avait conservée ses défenses mentales levées. Sa présence se trouvait donc de fait masquée à l'elfe. Sans réfléchir un instant de plus, elle abaissa ses protections, répandant de toute sa puissance mentale un éclat lumineux éblouissant qui perça à travers les ténèbres...
¤Jund... Votre heure n'est pas encore arrivée.¤
L'image mentale de l'elfe ne cilla pas. Alors qu'il se trouvait concentré sur les ténèbres l'entourant, ses yeux s'étaient focalisés sur l'apparition.
¤Qui êtes-vous pour me dire ça?¤
¤Quelqu'un que vous avez vu tomber.¤
La lumière éclatante baissa en intensité. A la place de l'être nimbé de lumière, apparut l'image mentale d'Hélèna. Elle portait sa tunique bleue rehaussée de sa toge blanche. Le drapé du vêtement lui conférait une allure altière assez déconcertante.
¤Mais... Et la flèche?¤
¤Que peut un trait contre la puissance de l'esprit? On tombe toujours pour mieux se relever. Et il en sera de même pour vous très bientôt.¤
La comtesse fit un tour sur elle même, comme observant les limbes éclairées par sa forme mentale.
¤C'est un peu vide, comme décoration, ne trouvez-vous pas?¤
¤Et selon vous à quoi ressemble l'esprit d'un mourant?¤
¤Cela dépend de la personne en question... Avez-vous mal?¤
L'elfe la regarda avec un air d'incompréhension.
¤Mal? Avec deux flèches dans la poitrine, je vois mal comment je pourrais me sentir bien.¤
¤Babka va vous remettre en état de combattre. C'est un bon soigneur, pour ce qui est des dégâts physiques.¤
¤Et vous? Vous ne soignez pas?¤
¤Seulement les esprits, lorsqu'ils en ont besoin. Mais on ne peut soigner un esprit qui ne le veut pas. Je suis devant vous pour vous permettre de tenir le coup jusqu'à ce que l'on soit en sécurité pour vous administrer des soins dignes de ce nom.¤
¤Et comment allez-vous vous y prendre?¤
¤La supériorité de l'esprit sur la matière. Mais pour commencer, nous allons changer de décor...¤
La comtesse fit un pas vers une volute de fumée grisâtre flottant mollement à la gauche de l'elfe. Elle ne fit rien d'autre que pousser la fumée, révélant une porte aux contours incertains.
¤Mais... Comment avez-vous fait cela?¤
Avec un sourire malicieux, la comtesse répondit:
¤C'est la magie de la pensée. Tout y est possible pour qui le désire. Si vous voulez bien passer cette porte, nous y trouverons un endroit bien plus agréable...¤
D'abord hésitant, Jund s'approcha de la porte. Bien qu'essayant d'en voir les montants, ceux-ci semblaient se défiler inlassablement à ses regards. La porte n'avait pas de consistance à proprement parler. Cependant, elle existait, puisqu'elle se trouvait devant lui. Hélèna lui fit signe de la franchir, liant ce geste gracieux de la main à un sourire déconcertant de douceur.
Sans attendre plus, il fit le premier pas et quitta les limbes.
L'endroit qu'il atteignit fut pour lui un choc. Alors qu'il venait de faire un pas hors de sa prison de ténèbres, il se trouvait maintenant sur une terrasse surplombant une cité portuaire ensoleillée. Le muret de pierre, les dalles de la terrasse, l'olivier abritant le tout de son ombre, le chant des oiseaux dans les branches de l'arbre... Tout en ce paysage semblait n'être que paix et calme...
¤Étonnant, n'est-ce pas?¤
Jund tourna la tête vers celle dont il avait reconnu la voix.
¤Nous sommes où?¤
¤A Ald'Rhune. Vous vous trouvez sur l'une des terrasses des hauts quartiers. J'ai pensé que ce serait un endroit plus agréable pour continuer notre conversation.¤
¤C'est un bon choix. Mais comment faîtes-vous pour réaliser tout ça? Je veux dire, le bruit, les odeurs, les sensations... On s'y croirait.¤
¤Je me suis en partie basée sur un souvenir. Mais je ne vous cache pas que maintenir cette illusion est épuisante. En ce moment même, cela mobilise toutes mes forces. Je suis assise à côté de vous sans pouvoir bouger.¤
¤Mais c'est un énorme risque!¤
¤Il nous faut le prendre, pourtant. Notre survie à tous en dépend.¤
La comtesse s'assit sur l'un des bancs de pierre faisant face au panorama, avant d'inviter Jund à faire de même.
¤Nous sommes toujours coincés dans les cuisines du Chastel, à Roc-le-Chastel. Les Sabres et les soldats outre-îliens tiennent bon, mais finirons tôt ou tard par être débordés. Il nous faut emprunter le passage secret dont vous parliez. Seulement, vous seul en connaissez l'entrée.¤
¤Et comment allez-vous faire pour transmettre ces informations si vous ne pouvez bouger?¤
¤Naal a toujours été très réceptif. Il m'aidera à marcher et aura accès aux informations nécessaires à notre progression.¤
¤Et je suis transportable?¤
¤Pour le moment, oui, mais avec d'infinies précautions. Je bloque actuellement la douleur émanant de votre corps, c'est pourquoi vous ne la ressentez plus. Mais même si ça vous aide à tenir contre la mort, vous ne pouvez vivre sans corps. Il faut impérativement en prendre le plus grand soin.¤
¤Bon... Alors, l'entrée du souterrain est...¤
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Le combat s'était un peu calmé grâce entre autre à l'arrivée d'un petit groupe de soldats d'Outre-mer. Leur commandant les menaient d'une main de fer mais d'un cœur de lion. Leur arrivée avait fait dévier l'intérêt des pirates vers eux, permettant aux Sabres de ne combattre qu'épisodiquement et non en continu comme jusqu'à présent. Ils profitaient du répit accordé, sachant que de toute façon viendrait le temps de la mort ou de la reddition.
Soudain, la voix de la comtesse résonna dans le crane de Naal:
¤Naal, c'est moi. Tu vas tout de suite suivre ce que je vais te montrer. Il en va de notre survie à tous.¤
¤Bien, madame.¤
L'officier des Sabres donna l'ordre à ses hommes de maintenir leur position avant d'aller à grands pas vers l'imposante cheminée présente dans la cuisine. Le feu qui d'habitude y brûlait s'était éteint, faute de combustible. Il s'approcha du pilier de gauche, et d'un geste machinal, passa sa main sur les décors de ce dernier. Le large pilier de pierre frémit un instant, avant de laisser apparaitre sur son flanc une petite fissure. Comme si cela lui était paru naturel, le Sabre y glissa la main et débloqua un petit loquet astucieusement placé. Une ouverture apparut alors dans le mur à côté du pilier. L'entrée du passage secret.
Naal fit signe à ses hommes de rassembler tout le monde pour s'engouffrer dans le boyau obscur et peu accueillant.
Les soldats en livrée pourpre, sous l'impulsion de leur commandant, venaient de repousser les pirates à l'extérieur de la cuisine au prix de plusieurs pertes. C'est difficilement qu'ils fermèrent la lourde porte de bois, avant de placer devant elle tout les meubles qu'ils pouvaient trouver. Cela allait leur faire gagner un peu de temps pour disparaitre...
Les Sabres avançaient en tête dans le tunnel. Fort heureusement, le petit groupe de survivants avait trouvé à l'entrée du souterrain un petit stock de torches. Ainsi, les Sabres se tenaient à l'avant du groupe. Venait ensuite le seigneur Babka et Naal, soutenant la comtesse Hélèna, l'aidant à marcher du mieux possible. Puis, allongé sur une civière de fortune faite de deux lances et d'un drap de table blanc trouvé dans une armoire et porté par deux soldats d'Outre-mer, venait Jund. A l'instar de l'elfe, une seconde civière avait été dressée. Sur cette dernière se trouvait l'héroïque soldat outre-îlien (Caraï) qui avait chargé seul les pirates et s'était retrouvé face au démon. Il était toujours vivant, aussi étonnant que cela puisse être...
Derrière eux, et pour fermer la marche, se trouvait le reste des soldats outre-îliens encore valides ainsi que leur commandant (Volkmar).
Le petit groupe avait refermé l'entrée du souterrain derrière son passage. Mais tous savaient qu'il était toujours possible que leurs poursuivants les rattrapent dans le sombre boyau. Le combat en souterrain s'avèrerait toutefois les avantager: leurs ennemis n'auraient pas la place pour les attaquer à plus de deux côte à côte. Mais le mieux restait de ne pas se faire surprendre. Surtout avec deux blessés graves.
Le tunnel n'avait pas grand chose de remarquable. Il était sombre, comme tout souterrain. La lueur des torches permettait tout juste à éclairer faiblement le sol un mètre devant leurs pieds. Par endroit, le souterrain montrait des traces de consolidation. Ces dernières présentaient des parties finement ouvragées. Les sculptures dans la pierre dénotaient d'une réelle volonté de mise en valeur des travaux de maçonnerie...
Aucun d'entre eux ne parlait. Était-ce la peur que leurs ennemis les découvrent par ce moyen là ou gardaient-ils leur souffle en vu d'une marche forcée longue et pénible? Seul le bruit de leurs pas précipités résonnaient dans le long tunnel...
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¤C'est vraiment agréable, comme boisson...¤
Jund tenait dans sa main un verre de cristal aux motifs évoquant un ciel étoilé. Un liquide à la robe cuivrée lui offrait une teinte agréable aux yeux.
Les rayons d'un éclatant soleil d'après-midi jouaient avec les ombres au travers du feuillage de l'olivier les surplombant lui et Hélèna.
Que les choses terrestres paraissaient lointaines, depuis l'esprit. L'elfe d'Outre-mer en aurait presque oublié qu'il se trouvait pourtant à deux doigts de la mort. Et pourtant. A l'heure où tout deux se trouvaient à déguster une délectable liqueur Kalamaïenne en profitant de la quiétude d'une magnifique après-midi baignée par le soleil prévèzien, leurs camarades arpentaient durement le sous-sol outre-îlien...
La comtesse profitait du soleil autant qu'elle le pouvait. Ici au moins, il ne mordait pas sa douce peau. La sensation des rayons solaires la réchauffant plutôt que la brûlant lui arracha un petit soupir de plaisir. La dernière fois qu'elle avait ressentie cela, c'était plus de cinquante années plus tôt, avant sa transformation. D'ailleurs, cette liqueur, son goût, sa couleur et son odeur émanait d'un souvenir de son ancienne existence. Il ne lui serait plus aussi agréable d'y goûter, dorénavant... D'autant que déjà fort rare à l'époque, le précieux liquide ne devait probablement plus se trouver maintenant. Mais cela devait rester chose secrète.
Rouvrant les yeux, Hélèna scruta un instant le ciel. Elle fronça soudain les sourcils, comme remarquant quelque chose ne devant pas être. Elle se tourna alors vers son voisin:
¤Nous sommes arrivés au bout du tunnel, mais Naal ne voit pas d'issue.¤
Jund lui sourit en répondant:
¤Il y en a une, mais camouflée. Il doit y avoir deux statues, l'une à gauche, l'autre à droite. Les deux représentent chacune un guerrier d'Outre-mer en armes. Elles doivent se faire face, comme deux soldats montant la garde.¤
La comtesse acquiesça: Jund venait de faire une bonne description de ce que Naal voyait à la lueur de sa torche. L'elfe d'Outre-mer reprit:
¤Le casque du soldat de gauche a une sorte de décoration gravée dans la pierre. Comme une pierre enchâssée. Il faut appuyer dessus pour déverrouiller l'accès.¤
¤C'est tout?¤
¤Oui. Le tunnel va alors remonter en pente douce pour finalement déboucher sous une grosse pierre plate engoncée dans la végétation.¤
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-Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi n'avance-t-on plus?
La question, posée par l'un des soldats outre-îlien portant la civière du maitre de l'Outre-mer, eut une réponse étonnante: le Sabre le plus proche, à portée de vu de ce soldat, se tourna vers lui et haussa les épaules dans un signe d'ignorance.
Le même Sabre se pencha alors vers son capitaine:
-Euh...chef, qu'est-ce qu'on attend, au juste?
Naal leva alors le bras gauche vers le mur du même côté. A part l'obscurité, il n'y vit rien. Il fit alors signe à celui de ses hommes tenant une torche de s'approcher un peu.
Et en effet, comme prévu, il y avait là une statue de soldat. Il tenait son bouclier posé contre sa jambe et avait la main droite sur le pommeau de son épée de pierre. Et face à lui, un soldat de pierre identique gardait la pose de la même façon.
Le capitaine des Sabres Delta apposa doucement sa main sur le casque du soldat. Il découvrit rapidement l'ornement mentionné par la transmission mentale de la comtesse, et résolument, appuya dessus de toutes ses forces.
Tout d'abord, il ne se passa rien. Puis, un petit déclic métallique laissa la place à un léger tremblement. De la terre et de la poussière se répandirent dans le tunnel. Une odeur d'humus emplit soudainement l'air. Une légère lueur, autre que celle des torches, filtra par ce qui semblait être le bout du souterrain...
Un à un, les Sabres sortirent du tunnel. Ils tenaient tous fermement leurs armes dans leurs poings, prêts à en découdre avec n'importe quel adversaire. Sans un bruit, ils se placèrent en éventail autour de la sortie du tunnel. Naal, resté près de la sortie, fit alors signe au reste du groupe que la voie était libre. Et tous sortirent enfin de l'obscurité pour découvrir le sous-bois de la forêt bordant Roc le Chastel. Le tunnel débouchait heureusement suffisamment loin des murs de la cité. Cependant, il était possible d'entendre la rumeur du monstrueux carnage qui s'y faisait...
Babka, aidé par Naal, déposa la comtesse d'Ald'Rhune contre un arbre. Ainsi adossée et semi-consciente, Hélèna put suivre la sortie des deux civières et des soldats d'Outre-mer. L'elfe de Maon s'approcha de Jund et entreprit de lui prodiguer quelques soins en vu de le remettre sur pieds. Ou du moins essayer.
Tous les valides s'affairaient maintenant autour des blessés plus ou moins graves. La sécurité était assurée par les soldats d'élite Ald'Rhunais, chargés de faire le guet dans toutes les directions...
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Hélèna se leva du banc de pierre et s'étira un court instant avant de se tourner vers Jund:
¤Cher ami, il nous faut une fois de plus changer de décor. Nous sommes en ce moment même en train de préparer votre réveil.¤
¤Cela implique que je doive laisser ici ce verre?¤
¤Je le crains en effet.¤
¤Allons-nous reprendre une porte?¤
¤Il le faut bien. Jusqu'à présent, nous nous trouvions dans une parcelle de mon esprit. Nous allons retourner dans le vôtre.¤
Pendant que Jund se relevait, Hélèna fit quelques pas vers le tronc de l'olivier. Juste avant d'atteindre l'arbre, elle s'arrêta. Elle posa alors sa main sur son écorce, avant de se reculer d'un pas et de contempler son œuvre avec un sourire. Au premier abord, Jund ne vit rien. Puis, enfin, il aperçu cette fameuse porte aux contours incertains. La même que celle qu'ils avaient empruntés pour rejoindre ce morceau d'Ald'Rhune.
¤Après vous.¤
La comtesse l'invitait une fois de plus à traverser cette porte autant mystérieuse que merveilleuse.
Ils débouchèrent dans une forêt. Non pas le sous-bois dans lequel se trouvaient leurs corps respectifs. Non, une vraie forêt. Une forêt qui paru familière à l'elfe d'Outre-mer. Les essences d'arbres, les parfums flottant au grès des courants d'air forestiers. Les bruits des animaux dans le lointain. Même la lumière du soleil à travers les somptueux ramages des grands arbres profondément ancrés dans le sol...
¤C'est vous ou moi, là?¤
¤C'est vous. Vous aviez ce souvenir. Je n'ai fait qu'utiliser votre esprit pour générer cette illusion.¤
¤Aëna.¤
La comtesse esquissa un doux sourire en contemplant la luxuriante végétation environnante. Quel cadre plus enchanteur pour une renaissance? Il fallait d'ailleurs commencer à s'y atteler. S'évader dans les souvenirs et les illusions permettait d'échapper à la douleur. Mais y rester signifiait se couper du monde physique... Hélèna surveillait depuis un petit moment les signes vitaux de l'elfe. La douleur s'était bigrement calmée, sûrement par l'effet des soins de Babka. Et respiration comme battement cardiaque se maintenaient désormais à un niveau raisonnable. Le réveil approchait donc à grand pas. Il fallait cependant rouvrir l'esprit de l'elfe aux stimulus extérieurs...
¤Écoutez. Vous n'entendez rien?¤
¤Quoi donc?¤
¤Des voix.¤
Jund tendit l'oreille. tout d'abord, il ne perçu rien. Puis, petit à petit, une espèce de bourdonnement se fit. Le bourdonnement enfla progressivement pour devenir un brouhaha fugace.
¤Je les entend.¤
¤Très bien. Essayez de séparer et reconnaitre l'une des voix.¤
L'elfe s'exécuta. Mais telles des lièvres à l'approche d'un prédateur, les voix fuyaient les tentatives d'identification. Hélèna se douta un moment de la difficulté rencontrée par Jund. Il n'y avait que peu de voix familières dans le lot. Peut être connaissait-il celle du commandant des soldats Outre-îlien? Mais pour l'instant, ce dernier se trouvait au milieu de ses hommes, un peu à côté, préférant sans doute laisser sa place à quelqu'un de plus qualifié en matière de soins.
Une idée traversa l'esprit de la comtesse. Elle n'avait plus à soutenir l'effort de maintenir seule une illusion. Non pas que cela lui soit aussi difficile en temps normal. Mais ajouté à sa blessure, elle ne disposait pas de ses pleines capacités de concentration. Cependant, c'était Jund qui maintenait, avec son aide certes, l'illusion mentale de la forêt. Elle pouvait donc reprendre suffisamment du contrôle de son corps pour se déplacer et parler...
Et c'est ce qu'elle fit. Jusqu'alors restée confortablement adossée à son tronc d'arbre, Hélèna se releva doucement en veillant à ne pas rompre le lien mental la reliant à Jund. Elle s'approcha avec douceur de la civière du palatin d'Outre-mer, où Babka achevait d'exercer son art. Elle s'assit en tailleur à proximité de la tête de l'elfe encore inconscient avant de prononcer quelques mots à son encontre.
Jund saisit et reconnu enfin l'une des voix. Il cru cependant un instant s'être trompé. Il posa un regard interrogateur vers l'image mentale d'Hélèna. Cette dernière lui fit un sourire malicieux comme elle seule en avait le secret.
¤C'est bien ma voix que vous avez entendu. Continuez. L'illusion que nous maintenons va petit à petit s'estomper pour laisser place à la reprise de vos sens.¤
¤Donc, vous allez disparaitre.¤
¤Oui et non. Vous ne me verrez plus, mais je serais toujours là. Et puis, je vous attend dehors. Mais sentez donc cette odeur! On dirait une odeur de terre humide...¤
¤Et de sang aussi...¤
¤C'est le vôtre, si j'en juge par ce que je vois physiquement.¤
¤J'aurais préféré ne pas le sentir...¤
¤Vous n'allez pas tarder à vous réveiller, maintenant. L'illusion n'a plus lieu d'être: vous sentez et entendez ce qui nous entoure réellement. Les autres sens vont suivre très vite. Ce n'est plus qu'une question de secondes...¤
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Jund rouvrit enfin les yeux. Il parut tout étonné de voir le vrai ciel de ses yeux. Il inspira une goulée d'air frais avant de l'expirer avec délice. Que le ciel était beau. L'elfe d'Outre-mer nota d'ailleurs que l'après-midi était bien avancée: les quelques nuages qui voletaient au dessus de lui commençaient à prendre une teinte rosée, signe annonciateur du coucher de soleil.
-Bienvenue parmi nous.
Jund reconnu tout de suite cette douce voix cristalline...
HRP: Voila, voila... Record personnel battu en matière de taille^^. Bon, si quelque chose vous chagrine, toussa: me le dire et je changerais . Mais surtout: nous sommes sortis!
PS: Ara', j'ai gérée comme j'ai pu les dialogues. J'espère qu'ils seront à ton goût.