La Grande Cour

La nouvelle recrue, Lulyane ayant quitté son bureau, le vieil homme alla prendre un peu d'air dans la grande cour puisque le cavalier dormait toujours sur son banc, il devait en avoir grand besoin. Circulant parmi les novices, il vit à l'entrée, le palatin et arcane, Xanis qui arrivait. Voilà justement la personne avec qui il était désireux de s'entretenir. Le mage bifurqua de son chemin qu'il croyait faire pour passer à proximité de l'arrivant, lui mettant une main sur l'épaule pour attirer son attention puisqu'il arrivait derrière lui.

Seigneur Xanis ! Je suis bien heureux de vous voir et j'aurais une discussion à avoir avec vous. Je ne sais si vous avez le temps, mais vous devez le prendre, il en va du bien de cette corporation. Rejoignez-moi dans le bureau du Thaumaturge dès que possible.

Le Gris continua son chemin, sans attendre de réponse, il attendait cet instant depuis longtemps et ne voulait pas perdre de temps. Le vieil homme n'aimait pas tourner autour du pot et son âge ne lui permettait pas d'écouler le sablier temporel en discussions futiles.

Du regard, il parcouru la cour, constatant que la comtesse avait réussi à faire quelques achats intéressant pour sa soif. Le mage lui fit un bref signe de la main et continua vers le bureau du Thaumaturge.

Plongé dans ses pensées, le regard dans le vague, il n'avait pas vu le Mage s'approcher de lui. Et dans cet étrange lieu où résident tant d'adeptes des arcanes, il est impossible de déceler précisément la mana de quiconque.
Faisant volteface, il fut surprit que le puissant Mage lui demande de lui suivre dans le bureau du Thaumaturge, prétextant un entretien important.

Piqué par la curiosité, il emboita le pas au vieillard, songeant qu'il serait judicieux de lui demander le soutien de la Corporation dans son enquête sur les deux sorcières qui sévissaient dans le Nord de Mésomnon, le Gris étant le Thaumaturge par intérim de l'Institution.
Une étrange jeune femme qui semblait osciller entre l'excitation et le désappointement ramassait des caisses et cages d'animaux sur le seuil de la porte principale. Il songea premièrement à une adepte de la nécromancie, mais plus il approchait de l'objet de sa curiosité, plus il lui apparut que son élément était le feu et non pas la terre.
Les deux seules classes d'Arcanes maîtrisant cet élément étaient les Démonologistes et les Sorciers. C'est lorsqu'elle leva les yeux sur lui qu'il comprit à quoi lui serviraient les petits êtres qui s'agitaient plus ou moins bruyamment, totalement désintéressés par le monde qui entourait leurs geôles. La jeune femme -d'une très grande beauté- n'était plus tout à fait du même plan d'existence qu'eux. Sa vie, au sens où on l'entend couramment, avait prit fin quelques temps auparavant. Elle était d'une race qui semblait en pleine explosion démographique ces derniers temps, les Vampires.

Rien de bien étonnant donc à sa beauté, la magie qui courrait dans ses veines se chargeait du glabre de sa peau fine, de sa douceur et de la finesse de ses traits. L'harmonie et la mesure de son corps avaient, tout comme la chatoiement envoutant de ses yeux et de ses cheveux, la même origine.
Le Patriarche lui adressa toutefois un signe de tête respectueux et un rictus qui, pour quiconque connaissait Xanis, était signe d'une grande ironie ou du grande bienveillance.

Elle s'empêtrait, s'emmêlait les mains. Chaque fois qu'elle ramassait une cage, l'autre tombait... Elle commença à douter que ce fut une bonne idée.
Quelle impression devait-elle donner ? A peine arrivée, à peine inscrite et déjà, elle passait aux yeux de ses condisciples pour une...
Pour une cloche !
Pour une paysanne mal dégrossie et niaise ! Elle qui souhaitait plutôt donner l'image d'une aristocrate, qui préférait mettre en avant son élégance.
Raté !

- Une cloche, ma pauvre fille ! C'est tout ce dont tu as l'air. Une cloche !"

Elle remarqua soudain que l'elfe noir la regardait et semblait lui porter de l'intérêt. Il s'était approché un peu et elle ressentait une aura qui émanait de lui. Une sensation sur laquelle elle était incapable de mettre des mots. Comme si quelque chose en elle entrait en résonance avec quelque chose en lui. La mana ! Ce ne pouvait être que ça ! Elle ressentait la magie qui se dégageait de lui, et elle lui semblait familière.
Il lui adressa un signe de tête respectueux et un étrange sourire, indéfinissable.

- Qu'est-ce qu'il a ? Il se fout de ma gueule ? Il ferait mieux de m'aider à ramasser mes cages ! Pffff... La galanterie se perd !" fulmina-t-elle, intérieurement.

Puis, elle se ravisa. Quelque chose lui disait que l'inconnu ne lui était pas hostile. Alors, elle lui fit un sourire. Amical et sympathique. Comme elle n'en avait plus adressé à quiconque depuis longtemps.