Sombre Coeur, Capitale du Royaume de la Rose Noire...

L'air satisfait, la Comtesse commença à marcher vers la porte. La tête baissée, elle traversa la pièce en déclarant avec hésitation :

- Je... Je vais quitter Naxos un moment... J'ai besoin de réfléchir... Et je ne suis pas en terrain neutre ici... Mes pensées se bousculent et je n'ose plus réfléchir... Si je vais en ville je pourrais faire abstraction de mon entourage pour penser à autre chose... Je suis préoccupée en ce moment, et je crains que rester ici une nuit de plus me rendrait totalement folle...

Elle était à présent dos à Polokyor, et elle sentait en lui son incompréhension. Se retournant, elle le fixa un moment et lui dit :

- Vous pouvez rester ici le temps qu'il vous plaira, j'espère que les hommes qui sont à mon service seront à la hauteur de vos exigences... Elle inclina sa tête en signe de respect, fit apparaître sa cape noire sur ses épaules, puis continua : Vengrahim reste pour s'occuper du domaine, je vous laisse entre ses mains... Elle recouvrit ses cheveux d'ében de sa capuche, puis s'inclina et sortit de la pièce.

Trouvant Vengrahim, elle lui annonça son départ et l'informa de quelques petites choses à garder sous silence. La plus grande confiance que la Comtesse puisse avoir était réfugiée en cet Homme.
Montant sur un cheval ordinaire, elle laissa son représentant sur les plaines du territoire de la Rose Noire, et partit au galop pour sortir de Naxos...

Une nuit de pleine Lune éveilla la Comtesse. Elle se prélassa un moment dans ses draps de soie avant de se rendre à la fenêtre, vêtue de sa robe de jour rouge sang. S’asseyant sur le rebord, elle contempla la nuit, son domaine et ses jardins qu’elle voyait parfaitement de là. Elle s’était perdue dans ses pensées lorsqu’une ombre fit son apparition dans le ciel étoilé ; les yeux perçants qui la fixaient ne pouvaient qu’appartenir à sa fidèle dragonne. Celle-ci n’eut cependant pas le temps de se poser près de la Vampire avant qu’elle ne l’aperçoive, un bruissement d’ailes ayant attiré son attention. Une fois ses griffes resserrées sur le même rebord que celui de la Comtesse, la petite créature se tourna vers sa Maîtresse. Satania lui adressa un sourire avant de communiquer avec l’esprit de Divithra :

- Y es-tu parvenue ? demanda-t-elle, pourtant persuadée de la réponse affirmative.
- Evidemment... Et en mains propres.
- Parfait. Il faut donc que je prépare mon voyage...

Elle se leva alors et fit quelques pas vers sa commode, lorsque la dragonne répondit :

- Ne peux-tu pas rester encore un moment ? Vengrahim se sentait bien auprès de toi, il n’a pas envie que tu t’en ailles à nouveau...

La Comtesse ouvrit un tiroir et en sorti une sorte de peignoir en soie, assorti à la perfection avec sa tenue. Le revêtant et dégageant ses cheveux en les attachant, elle regarda à nouveau Divithra. Elle la fixa un moment puis lui dit :

- Je n’ignore pas cela...
- Alors ne précipite pas ton départ.
- Si je n’avais aucune raison de partir, je ne m’en irais pas. Réfléchissant un moment, elle ajouta : Je partirais demain... Je compte sur toi pour veiller sur le Royaume, et m’avertir en cas de problème.
- Tu peux... Mais je te prie de faire attention...

Esquissant un sourire protecteur, la Vampire jeta un regard à ses appartements personnels lorsque Divithra prit son envol. Elle devrait plutôt partir tout de suite, mais ne se résigna guère à le faire sans en informer Vengrahim.
Sortant donc, elle se retrouva face à lui, qui lui apportait un verre de sang, comme chaque soir. Il parût étonné de la voir en dehors de sa chambre, mais ne posa aucune question. Ne sachant comment le lui dire, Satania prit le temps de boire son breuvage pour réfléchir à la chose. Dégustant jusqu’à la dernière goutte, elle fit disparaître le verre pour ne point s’en encombrer. Elle prit ensuite le bras de son Représentant, et voulut commencer à marcher lorsqu’il la retint. Le regard plein d’incompréhension, elle le considéra, puis il déclara :

- Que voulez-vous me dire, Comtesse ?

Elle détourna les yeux un instant, avant de le regarder à nouveau :

- Je vais devoir partir.

Il baissa les yeux avant de les clore. Ce fut plus fort qu’elle, le sentiment qu’éprouva son homme de main à cet instant la transperça, alors qu’elle n’avait aucunement pénétré son esprit. Soudainement, Vengrahim voulut la prendre dans ses bras, et elle le laissa faire, incapable de lui refuser cela... Elle lui chuchota doucement :

- Je te contacterais régulièrement par l’intermédiaire de Divithra... Je suis persuadée que tu t’occuperas à merveille du Royaume, comme d’habitude... Et je te promets de revenir le plus rapidement que je le pourrais...
- Prenez soin de vous... C’est tout ce que je vous demande...

Il desserra lentement son étreinte avant de la regarder dans les yeux. De chaudes larmes roulaient avec douceur sur son beau visage, malgré qu’il essayait de sourire... La Vampire déposa alors un baiser sur sa joue, provoquant un baisemain de la part de son Remplaçant. Ils allèrent ensuite s’occuper de parchemins importants qui ne pouvaient être traités que par la Comtesse, avant que celle-ci aille parler à ses apprentis. Vengrahim ne la quitta pas un instant, et elle imagina qu’il cherchait en secret une raison valable pour la faire rester.
Le lendemain n’arriva que trop vite pour l’Humain. Satania s’était vêtue de sa tenue de combat, la préférant pour les voyages. Avant de partir, elle prit à son tour l’initiative de prendre son sous-officier dans ses bras, tentant vainement de le rassurer... Puis lui adressant un dernier sourire, elle partit sous le regard inquiet des habitants de la Rose Noire.

Tant d’années avaient passé... Il était difficile d’imaginer que cela se produirait, même les principaux intéressés n’y croyaient pas vraiment. Elle-même était étonnée de son choix, mais après tout, pourquoi pas... Cela faisait bien longtemps que l’Argostole était paisible, calme... Déserte. L’Aventurière qui sommeillait en elle ne se manifestait que rarement : lorsque, seule dans sa chambre, elle laissait son esprit divaguer vers d’autres horizons... Parfois, elle se remémorait sa rencontre avec sa sœur, ses excursions dans la Ville Impériale, ou encore ses innombrables voyages... Le fait est que tout ceci résultait du passé, mais qu’importe aujourd’hui. La Comtesse allait repartir, c’était certain.


C’était le milieu de la nuit. La Lune éclairait divinement les Terres de la Rose Noire, elles-mêmes parcourues par une brise légère et douce. Deux chevaux étaient lancés au galop sur les plaines du Royaume... Suivant le sens du vent, les cavalières échangeaient joies et rires durant la course effrénée. Arrivées à un point qu’elles s’étaient fixé, elles ralentirent le pas avant de descendre de
leur bête.

- Bien joué petite sœur ! lança l’une d’elle.
- Merci, tu t’es bien débrouillée aussi ! rigola son interlocutrice.

Elles continuèrent à échanger, tandis qu’elles flattaient l’encolure de leur monture.

- C’était une belle course !
- En effet, mais la dernière avant un moment...
- Ne me dis pas que je t’ai fait dépasser tes limites...
- Pour cela, il faudrait que j’en ai !

Le sourire aux lèvres, la plus âgées des deux regarda son cheval dans les yeux, avant qu’il ne rejoigne l’écurie de lui-même. Sa sœur fit de même, et son destrier suivit l’autre au trot. Les deux jeunes femmes, gracieuses et délicates, observèrent le calme du Domaine, immobiles. Elles l’ignoraient, mais il se trouvait qu’elles illuminaient la nuit des yeux masculins qui les observaient de loin.

Lorsque la Comtesse dirigea son regard vers celui de sa sœur, elle lu de l’incompréhension. Regardant à nouveau les alentours, ce n’est qu’en observant les étoiles qu’elle osa parler :

- Je savais que je ne pouvais pas te le cacher éternellement...
- Que se passe-t-il ? s’inquiéta la cadette.
- Je vais partir... Puis, devant les yeux interrogateurs qui la regardaient, elle poursuivit : Marchons, je vais t’expliquer...

S’en suivit un discours muet, les esprits échangeant dans le silence de la nuit.

Alors qu’elles arrivaient devant le château, la conversation reprit à haute voix :

- Je t’accompagne. déclara la plus jeune.
- Es-tu sûre de toi ? répondit son aînée après une brève hésitation.
- Il est temps de mettre à profit mon entraînement.

Un sourire, une embrassade, et les deux jeunes femmes allèrent préparer le nécessaire à leur voyage. Les silhouettes encapuchonnées sortirent du Domaine par la suite, après de brèves explications au Représentant de la Comtesse. Décidemment, cette dernière l’étonnera toujours...

Précédemment...

La damoiselle se vint à la rencontre des gardes, en profitant pour faire annoncer leur venue. L’un des gardes se hâta vers le Royaume afin que l’accueil soit digne des invités, et finalement, les deux visiteurs poursuivirent leur route à pieds et sans embuche. Chacun tenait la bride de son cheval d’une main, tout en marchant assez près de l’autre pour pouvoir tenir sa main libre.

Alors qu’ils sortaient enfin de la forêt, le soleil disparut à l’horizon, et Faelyna se laissa aller à la contemplation du domaine qu’elle connaissait si bien... La nuit n’ôtait rien du charme de la Rose Noire, la rendant encore plus belle aux yeux de celle qui y était née. Les vastes plaines leur faisant face donnaient un petit aperçu de l’étendu du domaine, mais le mieux était à venir : ils auraient une meilleure vue de l’intérieur du Manoir. Elle se dirigea d’ailleurs vers lui, entraînant son homme avec elle, et deux écuyers se présentèrent à eux à une demi-lieue de l’entrée.

Ravi de vous revoir, Damoiselle. Sir.

Moi de même, Niall, sourit la jeune femme.

Babka adressa un signe de tête en guide de salutations aux deux serviteurs, qui partirent vers les écuries avec leurs chevaux après s’être inclinés poliment. La Psioniste se rapprocha alors de son compagnon, et après avoir échangé plusieurs regards amusés, elle se hissa sur la pointe des pieds pour murmurer à son oreille :

Venir ici avec toi est assez perturbant... Dans le sens positif du terme.

Elle lui vola un baiser avant de reprendre une distance raisonnable, ce que ses parents ne manqueraient pas d’apprécier... Son père tout du moins. Les voyageurs continuèrent leur balade plus ou moins sagement, jusqu’aux larges escaliers menant au Château, où la Comtesse ne tarda pas à faire son apparition... Elle portait une robe noire au corset rouge, orné de roses brodées finement.

Bonsoir Mère !

Faelyna lâcha la main de l’Elfe pour rejoindre celle qui les attendait en haut des marches. Les deux femmes s’enlacèrent chaleureusement, faisant fi des conventions qu’exigeaient leurs statuts.

Heureuse de t’accueillir... De vous accueillir.

Reculant d’un pas, la jeune femme se tourna vers son accompagnateur pour qu’il approche. Elle le regarda dans les yeux, comblée de l’avoir près d’elle, puis s’adressa successivement à lui et à la Vampire :

Je te présente la Comtesse Satania d’Ereldriira, Régente du Royaume de la Rose Noire et de la Lame Pourpre. Mère, voici le Sir Babka Irvin, Seigneur d’Helcar et Palatin de Maon.

Le successeur d’Oengus d’Héraldie, enchantée...

La Dame inclina la tête respectueusement, et son convive lui fit le baisemain traditionnel.

Où est Père ? reprit l’Humaine.

Satania lança un regard à un garde proche d’eux.

Il nous rejoindra dans la petite salle de réception. Suivez-moi !

Le couple suivit son pas tandis qu'elle passait les impressionnantes portes de chêne, découvrant par la même initiative le couloir principal de la demeure. Deux mezzanines s'étendaient à l'étage supérieur, offrant un plafond haut et un lustre magnifique en son centre. La luminosité et les dorures étaient omniprésentes, rendant l'atmosphère chaleureuse à souhait. La Comtesse avait fait honneur à sa race en bâtissant son empire : tout était riche et luxueux. Le moindre détail de la décoration avait été étudié pour en tirer le meilleur, l'aspect le plus attractif et majestueux à la fois... Pourtant, elle ne ressentait aucune crainte d'être volée : ses serviteurs travaillaient car ils le voulaient bien, et étaient récompensés à hauteur de leur investissement.
Tournant sur leur gauche, ils se rendirent dans une salle légèrement plus sombre. La pâleur de la Lune se reflétait sur le verre de la table à travers la grande fenêtre, tandis le velours rouge des sièges autour d'elle ressortait. Dans l'autre partie de la pièce, trois fauteuils faisaient face à une cheminée allumée depuis peu, et un tapis pourpre s'étalait sur le sol, sous une table basse en verre également. Satania fit apporter de quoi boire à ses visiteurs, puis s'installa sur la place à gauche de la cheminée.
Ces dernières décennies avaient été prospères, et cela se voyait. La belle Vampire affichait un visage détendu, malgré la présence d'un représentant de l'Empire chez elle, et pour cause... Elle savait qu'il n'était pas ici pour des raisons politiques. La sérénité était de mise, surtout quand sa fille paraissait aussi épanouie.

Scylliem et Senaleb... commença cette dernière.

Sont à leur cours de maniement d'épée, avec leur père.

La porte se rouvrit l'instant d'après, et Faelyna esquissa un magnifique sourire : l'Officier général de la Rose Noire vint alors la prendre dans ses bras, visiblement tout aussi heureux qu'elle.

Ma chérie... Tu es magnifique...

Il s'écarta alors pour l'admirer à nouveau, lui fit faire un tour sur elle-même et l'admira encore, les yeux brillants de bonheur.

Père, je te présente le Sir Babka Irvin. Il dirige le Domaine d'Helcar et...

La province de Maon. Tu parles à un chef de guerre, ma fille, ajouta-t-il en souriant. Puis, il tendit la main au Palatin en se présentant : Vengrahim, Intendant de la Rose Noire et de la Lame Pourpre en l'absence de ses dirigeants.

Babka eut enfin la chance de mettre un visage sur le nom de la comtesse Satania dont son mentor lui avait glissé mot voilà quelques années. Il était évident que la beauté et le charme de Faelyna venait de sa gracieuse mère. Sa future épouse fit les présentations qui se déroulait dans le plus grand respect des coutumes et de la courtoisie.

Le successeur d’Oengus d’Héraldie, enchantée...

C'est bien cela chère Comtesse, je suis enchanté de mettre un visage sur votre nom, mon prédécesseur m'ayant déjà décrit votre beauté et ce avec une grande fidélité d'après ce que je vois. Celui-ci vous offrant ses plus cordiales salutations et aspire à venir prendre de vos nouvelles si vous accepté de le recevoir.

Le trio se dirigea ensuite à l'intérieur pour se rendre à une salle de réception. Les lieux étaient remarquablement bien décoré, digne de nombreuses demeures impériales. À peine installé, un homme entra également, prenant dans ses bras la compagne de l'elfe qui était bien sûr sa fille...

Ma chérie... Tu es magnifique...

Faelyna termina les présentations une fois que l'homme eut terminé de l'accueillir à la maison.

Père, je te présente le Sir Babka Irvin. Il dirige le Domaine d'Helcar et...

La province de Maon. Tu parles à un chef de guerre, ma fille.
Vengrahim, Intendant de la Rose Noire et de la Lame Pourpre en l'absence de ses dirigeants.

La palatin tendit également la main, serrant fermement celle du paternel.

Enchanté messire, c'est un honneur que de rencontrer les parents de cette chère Faelyna. Je constate que vous savez déjà qui je suis, vos informations sont une source sure. J'espère que vos rapports ne sont que positif envers ma personne.

L'elfe afficha un sourire, s'approchant de sa bien-aimé sans pour autant la prendre dans ses bras, même si le désir y était. Il se contenta de son regard de braise.

Sir Vengrahim, pardonnez ma désinformation mais qu'est-ce que la Lame Pourpre ? Je crois bien avoir entendu ce nom, mais aucun détail particulier ne m'est resté en mémoire.

La première rencontre avec les parents de Faelyna s'amorçait bien...son père sachant déjà qui je suis via ses informateurs et sa mère, belle et charismatique, semblait apprécier le présence de l'elfe. La suite de la soirée risquait d'être riche en surprise et discussion, surtout au moment de l'annonce de l'union des jeunes amoureux.

Enchanté messire, c'est un honneur que de rencontrer les parents de cette chère Faelyna. Je constate que vous savez déjà qui je suis, vos informations sont une source sûre. J'espère que vos rapports ne sont que positifs envers ma personne.

Voilà bien longtemps que nos rapports avec les domaines voisins sont excellents, puisque nous n'en avons que très peu !

Le père sourit également, à peu près sûr que Babka était conscient que sa présence ici avait nécessité l'accompagnement de sa fille, sans qui il n'aurait probablement jamais franchit les frontières...
Tandis que Faelyna sentit son homme s'approcher d'elle, la Seigneure vit que Satania s'en était également rendu compte. Heureusement, l'Elfe fit diversion en reprenant la parole :

Sir Vengrahim, pardonnez ma désinformation mais qu'est-ce que la Lame Pourpre ? Je crois bien avoir entendu ce nom, mais aucun détail particulier ne m'est resté en mémoire.

Il s'agit du Domaine de mon époux, intervint la Comtesse.

Elle se leva ensuite, servit de l'hydromel à ses convives, et reprit l'explication :

Nous avons rassemblé nos noms lors de notre mariage, puis nos territoires sous une même bannière.

La jeune Humaine se concentra pour ne pas poser le regard sur le Sir Irvin.

Depuis... Environ cinq ans, vu que ton frère en a quatre...

Le simple fait d'évoquer Scylliem fit sourire Faelyna, qui se retint de justesse d'aller les voir, lui et son aîné. Rêveuse, elle se rappela de leurs dernières retrouvailles à tous les trois, et sa mère ne manqua pas de le remarquer. Mais il n'était pas temps de penser à cela : la jeune femme leva les yeux sur son compagnon, souhaitant sans doute l'inciter à se lancer...

Les présentations était maintenant faites et le climat n'était pas trop mauvais, certes il était palatin mais pas forcément pour l'empire, mais plutôt pour son peuple. Pour lui, c'était simplement un royaume plus grand et plus peuplé, il n'avait que faire de l'empire, tant que ses citoyens allait bien. L'elfe se tourna vers Satania qui était toujours installé dans le fauteuil à gauche de la cheminée, il s'assura toutefois de conserver un angle de vue sur le père de sa bien-aimé.

Dame la Comtesse, Messire Vengrahim, vous devez vous doutez que notre présence ici et particulièrement la mienne, ne constitue pas une simple visite de courtoisie. Faelyna devait se rendre ici seule pour vous annoncer la nouvelle mais elle fut très convaincante et me voici aussi. Je vous apprend donc en cette belle soirée que j'ai demandé votre adorable fille en mariage voilà de cela quelques jours, ce qu'elle accepta.

Babka ne dit rien de plus, il attendait la réaction de l'un ou l'autre, voir même un mouvement de Faelyna pour démontrer l'intérêt qu'elle lui porte. Intérieurement, il était anxieux mais dégageait malgré tout une impression de confort dans cette annonce délicate. Après tout, il était plus que sûr de son choix et encore plus convaincu de l'amour qu'il portait pour elle.

Il s’était lancé, le cœur battant si fort qu’elle aurait pu l’entendre. Sa fille s’approcha de l’Elfe comme pour le rassurer : la Vampire fut encore plus sereine. Puisque Vengrahim n’avait pas eu la moindre réaction et demeurait figé, Satania décida de prendre les initiatives pour les féliciter. Elle se leva avec grâce et élégance, franchit les quelques pas qui les séparaient avec un sourire radieux, et se permit d’offrir une petite accolade à son futur gendre.

Bienvenue dans la famille, lui intima-t-elle avant de s’écarter. Je crois qu’en conquérant le cœur de notre fille vous avez gagné la plus belle des batailles...

La Comtesse enlaça alors Faelyna qui souriait également, puis déposa un baiser protecteur sur son front. Elle se tourna ensuite vers son Intendant, resté sans voix devant les dires du Sir Irvin. Amusée par son manque de réactivité -contrastant avec ses réflexes de combattant impartial-, la Maîtresse des lieux essaya de le faire revenir à la réalité.

Vengrahim ?...

Sortant de sa torpeur, l’Humain passa une main sur son visage.

La tradition aurait voulu que vous me demandiez la main de ma fille avant qu’elle n’accepte... Il regarda cette dernière avec résignation, et s’adressa à elle : Mais je suppose que tu es au-dessus de tout ça, et crois bien que tu tiens ça de ta mère !

Satania sourit à nouveau, mais le père n’avait d’yeux que pour Faelyna. Il eut un rictus désapprobateur, prit la main de son « petit trésor adoré », et la plaça au creux de celle de son compagnon... Un soupir plus tard, il déclara :

Soyez heureux.

L’Intendant esquissa enfin un sourire ému en les regardant tour à tour, et la jeune Seigneure profita de l’instant pour entremêler leurs doigts discrètement... Geste que sa mère ne manqua pas. Se ressaisissant, l’Officier du Domaine s’excusa après des invités.

Je me dois de retourner à mon post, nous nous verrons plus tard !

Il embrassa Faelyna sur la joue, posa fièrement une main sur l’épaule de Babka, puis se dirigea vers la porte d’un pas décidé. Cependant, avant d’en franchir le seuil, Vengrahim se retourna vers sa Supérieure pour évoquer un « détail » :

Ne les laisse pas seuls, il ne faudrait pas qu’ils cèdent à la tentation avant la cérémonie !

Le visage radieux qu’affichait son Représentant, allié aux dernières paroles qu’il avait prononcées, demandèrent beaucoup de concentration à la Psioniste pour rester de marbre. Elle acquiesça avec sérieux avant qu’il ne sorte, après quoi la Comtesse échangea un regard complice avec sa fille.

Ton père est exceptionnel et irremplaçable... Ajoute à cela qu’il ne lit pas dans les esprits, il serait presque l’homme idéal... Quoiqu’il en soit, je vous fais porter un repas et, vu la longueur du voyage, tu pourras tout de suite lui montrer les appartements des invités.

S’éloignant du couple en direction de la sortie, elle allait partir mais ajouta une chose avant de disparaître.

Tâchez de ne pas vous faire remarquer... sourit-elle.

Et ils furent seuls, occasion immédiatement saisit par Faelyna pour embrasser son fiancé...

Elle lui avait fait faire le tour des lieux, ou du moins du bâtiment principal. Ils avaient finalement atterri dans les appartements qui seraient momentanément ceux de Babka, et s’étaient rassasiés, non sans avoir des idées derrière la tête...
Lorsque le repas fut terminé, l’invité s’inquiéta tout de même des intentions de sa future épouse concernant la nuit à venir.

Dis-moi, me laisseras-tu vraiment dormir seul ici cette nuit ? Il ne faudrait pas vexer ton père qui désire te voir utiliser ta chambre de jeune fille. Bien que tu sembles retenir énormément de ta charmante mère qui prévient de ne pas faire trop de bruit...

Malicieuse, la jeune femme se contenta de sourire en laissant son homme la prendre dans ses bras...

Je crois bien avoir marqué l'histoire de l'Empire en cette journée... un Palatin Impérial qui met les pieds sans encombre dans le domaine de la Rose Noire c'est du jamais vu...

Se blottissant contre lui, elle embrassa son cou avec douceur.

Je suis contente que cela se soit bien passé... Cela me conforte encore plus dans l’idée que tu es « le bon ».

La belle lui offrit alors un baiser provocateur et plein d’envie, Puis elle se releva lentement face à lui, et se dirigea ensuite vers la porte en reculant. Rayonnante, elle le fixa intensément et murmura :

Je te laisse te coucher, passe une bonne nuit...

Et elle s’éclipsa dans le couloir, un air toujours aussi malicieux sur le visage...

La jeune femme conduisit son compagnon jusqu’au petit salon, dans lequel ils avaient déjà discuté avec ses parents la veille. A cette heure-ci, seul son père pouvait venir dans cette partie du Manoir, et Faelyna savait que sa mère les attendrait à la bibliothèque.

En voyant les tourtereaux entrer, Vengrahim se releva pour les saluer : un baiser sur la joue de sa fille, une poignée de main pour son futur gendre. Il les invita ensuite à s’asseoir autour de la table, où des mets sucrés étaient déjà exposés, ravivant l’appétit de la demoiselle. Installé près de la fenêtre, l’Humaine prit place à sa gauche, et le convive face à elle. Décidé à détendre l’atmosphère, le père engagea la conversation :

Votre nuit fut reposante ?

Tout à fait ! lança joyeusement sa fille en plaçant sa serviette sur ses genoux.

Son sourire innocent le convint étonnement vite, et ils commencèrent à manger dans une bonne ambiance...

Dîtes-moi, reprit l’aîné, où vous êtes-vous rencontrés ?

Jetant un regard furtif à Babka, sa fiancée avala sa bouchée, puis se lança.

Je venais d’arriver à la Capitale, et il m’a prise pour Mère...

Quand je te dis que tu lui ressembles ! rit l’Intendant.

Quoiqu’il en soit, il m’a offert mon repas et nous avons... Fait connaissance.

... Et Sir Irvin a-t-il été charmé immédiatement ?

Le paternel posa alors son regard curieux sur l’Elfe, un sourire aux lèvres. La jolie brune reprit alors la dégustation de son assiette comme si de rien n’était, attentive toutefois à la moindre de réponses de celui qui lui faisait face...

Je ne pensais pas que tu pourrais tenir aussi longtemps sans m'embrasser, surtout avec le regard de braise que tu as présentement.

Souriante, la demoiselle se passa de tout commentaire et l’entraina à sa suite dans les nombreux couloirs du Manoir. Cependant, avant d’atteindre l’ultime porte qui les condamnerait à rester sages, Faelyna se retourna une dernière fois pour l’embrasser à nouveau. Elle se hissa ensuite sur la pointe des pieds et chuchota à son oreille :

C’est parce que, contrairement à toi, mon « appétit » est calmé car je me souviens du moindre détail de cette nuit... Mais vois le bon côté des choses : tu n’es pas contraint de mentir puisque pour toi il ne s’est rien passé...

Satisfaite de cette petite mise au point, elle lui vola un autre baiser, se retenant de rire, puis reprit l’initiative abandonnée plus tôt d’ouvrir la porte. Sa mère se trouvait déjà là, aussi noble que si elle avait été Impératrice, dans une robe pourpre des plus sublimes. Lorsqu’ils entrèrent dans la pièce, elle posa son regard sur eux et se leva prestement, voulant les accueillir comme il se devait.

Comment se porte ma fille ?

A merveille, assura la concernée.

J’espère qu’il en est de même pour vous, Sir. Bien que l’on ne puisse guère dormir mieux que dans ce Royaume impénétrable...

La Comtesse esquissa un sourire bienveillant à l’invité, puis tout en prenant son temps, alla refermer les ouvrages présents sur la table. La jeune femme en profita pour dire à son compagnon qu’il s’agissait là de sa salle d’études, que cette bibliothèque renfermait tous les savoirs de l’Empire qu’elle avait accumulés. Après la brève explication, la jolie brune lança à l’attention de sa mère :

Ils sont couchés je suppose...

C’est exacte, oui. Tu les verras à leur réveil.

La damoiselle n’insista pas, se contentant de bouillir intérieurement d’impatience. Afin de la distraire de son attente, la Vampire changea de sujet de discussion en s’adressant à son futur gendre :

Puisque vous connaissez à présent le chemin qui mène à moi, le Sir Oengus me trouvera sans doute également.

Elle avait dit ceci en faisant léviter les livres jusqu’à leurs emplacements respectifs, et joignant ses mains devant elle, la Régente se tourna vers lui.

Cela pourra attendre la fin de la Cérémonie, mais il sera le bienvenu, tout comme vous.

La jeune femme fut étonnée mais reconnaissante de la proposition de son compagnon : il comprenait que sa présence était importante, pour l’une comme pour l’autre. Elle lui adressa un petit sourire de remerciement, même si elle connaissait d’avance la réponse de sa mère. Cette dernière la lui fit alors entendre, en croisant ses jambes élégamment.

Il est évident que je m’en voudrais de ne pas assister au mariage de ma fille... C’est pourquoi je serais présente, d’une certaine façon. Nul ne le remarquera, ce qui assurera la tranquillité de la cérémonie.

Quelqu’un toqua à la porte, et un serviteur entra sous l’ordre de la Comtesse, les bras chargés de verres et de plusieurs récipients. Il les déposa sur la table, s’inclina et ressortit aussitôt. Dans les luxueuses bouteilles en cristal se trouvaient jus de fruits, hydromel et bien sûr, du sang pour la Maîtresse des lieux. Son verre s’emplit et vint seul devant elle, et Satania le souleva dans leur direction :

A votre union, et à la belle vie qui vous attend.

Elle le porta ensuite à ses lèvres, qui rougirent un peu plus au contact de l’élixir. Un petit sourire de fierté s’esquissa lorsqu’elle couva son enfant du regard, enfant qui n’en était plus une. Celle-ci choisit d'ailleurs ce moment pour aborder une question cruciale avec sa mère :

Voudrais-tu m’aider à choisir ma robe ?

Avec plaisir, sourit-elle.

Nous trouverons bien une occupation à mon cher et tendre en attendant...

La jolie brune adressa un clin d’œil malicieux au concerné, puis reprit :

Pourquoi ne pas le laisser dans la chambre des deux petits démons ?...

Pour leur déjeuner ? Oui, cela me parait envisageable...

Les deux Dames rirent à cette seule idée, puisque leur imagination fertile leur avait offert une vision parfaite du spectacle. Faelyna, plus ou moins sérieuse, s’expliqua plus clairement avec son fiancé :

Mes frères prendraient ton sang pour un grand cru, tu seras donc très tentant pour eux...

Elle lui offrit un regard significatif avant de se pencher pour l’embrasser, ce que la Vampire ne désapprouva absolument pas. Après tout, les Molosses sataniques ne font pas des Fauves...

Le reste du séjour se déroula à merveille : Babka fit la connaissance du reste de la famille, en particulier des deux petits démons sanguinaires. Très intelligents pour leur âge, ils comprirent rapidement que ce nouvel arrivant était bien plus qu'un simple invité pour leur sœur, et il dut faire ses preuves pour les convaincre de son potentiel en tant que beau-frère. La Seigneure se régalait de voir la façon très naturelle avec laquelle il discutait avec les enfants, mais bien sûr, garda ce détail pour elle...

Lorsqu'il fut temps de partir, il fut délicat de l'annoncé aux garnements, déjà habitués à leur présence. Faelyna fit son possible pour atténuer la tristesse de ses frères, qui à cet âge se traduisait davantage en colères, mais ne put leur promettre de revenir tôt : elle savait que de nouvelles obligations la retiendraient. Alors, elle les endormit à l'aube de leur départ pour qu'ils profitent d'elle jusqu'aux derniers instants, puis retrouva son fiancé dans le couloir...

Il discutait à voix basse avec sa mère, d'une certaine "capacité à calmer les crises de larmes invisibles" si la jeune femme avait bien saisit. La conversation s'arrêta lorsqu'elle fit son apparition près d'eux, et finalement, la Vampire les invita à la suivre. Elle ne pouvait les accompagner jusqu'au-dehors, mais les mena tout de même dans le hall principal avant de les laisser continuer seuls. Elle prit la chaire de sa chaire dans ses bras, lui murmura de prendre soin d'elle et quelques autres "conseils de mamans", après quoi elle fit de même avec son futur gendre, bien qu'il soit légèrement plus grand qu'elle.

N'oubliez pas, vous êtes le bienvenu... lui intima-t-elle. Desserrant son étreinte, elle ajouta à l'attention de sa fille : Et toi, rends-lui la mémoire.

Amusée, l'Humaine esquissa un magnifique sourire avant de prendre son amant par la main, tout en l'incitant à s'approcher de la porte. Décidément, elle ne pouvait vraiment rien lui cacher... Face au regard désapprobateur de Babka, elle lui offrit un baiser d'excuse, puis après un dernier clin d’œil à sa mère, le couple se faufila dehors sous les premiers rayons du soleil.

Ils n'eurent pas même le temps de descendre les marches qu'un certain Intendant les y rejoignit, la Comtesse ayant fait remplacer Vengrahim pour qu'il puisse dire au revoir à sa fille, et qu'il la voit une dernière fois avant le jour de l'Union. C'était sans compter qu'en la voyant dans ce pantalon noir et ce corset beige, le paternel réaffirmerait d'un air ému sa ressemblance avec Satania... Elle avait choisi une tenue plus pratique pour le voyage, ce qui eut pour effet de réveiller l'imagination de son cher et tendre. Peu importait : à la nuit prochaine, ils seraient dans une auberge, assez éloignée de tout pour profiter pleinement de ce qui leur viendrait à l'esprit... Evidemment, le reste du trajet devrait être beaucoup plus sage puisqu'ils auraient avec eux des adolescents -presque- apprentis chevaliers. Soit. Ils se montreraient aussi discrets que possible.

On leur apporta leurs destriers, toujours aussi fièrement remarquables, et la damoiselle embrassa son père une ultime fois avant de monter sur son cheval. Il salua ensuite le Sir Irvin, qui imita le geste de sa belle. Un dernier signe de la main, un dernier regard ; après quoi ils se mirent à chevaucher ensemble sur les vastes plaines de la Rose Noire, jusqu'à la forêt et la fin du territoire...

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