Il fallait au dénommé Shindo un endroit paisible où il pourrait apparaître incognito et découvrir sans dérangement les terres sur lesquelles on l’avait envoyé. Manque de chance, si celui qui l’envoyait connaissait la puissance, il ne semblait pas connaître les bases de la discrétion …
L’injuriant intérieurement, en retirant bien vite de tels propos de peur que celui-ci le surprenne, il attendit que l’aura blanchâtre qui l’entourait se dissipe afin qu’il puisse mieux détailler le lieu où il avait atterri. Il en avait conclu par le brouhaha étreignant et l’odeur d’alcool qui flottait dans l’air, qu’il se trouvait désormais dans une sorte d’auberge, ou de taverne.
Une fois totalement libre d’action et de cette pression magique interne obligatoire pour effectuer une téléportation, il entreprit de commencer la découverte de l’endroit.
Il aperçut trois ou quatre saltimbanques imbibés jusqu’aux os le regarder avec des yeux effarés.
* Rhaa, eux, ils m’ont vu, il va falloir remédier à ce problème … *
Sortant une main de ses manches tombantes, il claqua du doigt, se remémorant la formule à employer.
* Hop, toi et tes potes, vous allez oublier tout cela bien gentiment *
Puis, une voix lui parvint, le remettant à l’ordre. Il avait oublié - ou plutôt il passait outre - le fait qu’il ne devait en aucun cas se servir de sorts au-delà des possibilités des mortels.
Il se résigna donc à les laisser avec leur stupeur, de toute façon, Kalamaï n’était pas si faible au point de ne comporter des grands magiciens dans ses rangs ? Au pire, on accuserait leur alcoolisme …
Il marcha donc, le plus naturellement possible, et avec une démarche détendue, jusqu’à aller se nicher dans un des recoins de la grande salle, où il s’adossa au mur, légèrement de biais par rapport à la table.
Quelle agitation dans cette pièce tout de même ! En attendant – il ne savait pas quoi, mais il attendait -, Shindo découvrit son visage de son capuchon, laissant ainsi place à un visage plutôt décontracté et amusé, presque familier, impression totalement différente de celle qu’il devait produire lorsqu’il portait encore sa longue toge.
Il détailla les différentes races, certaines l’amusèrent.
Il était très admiratif envers deux personnes, l’une de petite taille, et l’autre beaucoup plus grande. Un nain et un géant, qui avaient en commun une musculature – et donc une force pure – très impressionnante. En plus d’être bien bâti, ces deux êtres semblaient – après une brève comparaison avec les autres personnes de la pièce – modestes et aimables. Voilà pourquoi, au premier abord, ils semblaient dignes de respect.
D’autres par contre, beaucoup moins imposants, se prenaient beaucoup plus au sérieux et parlait d’un ton hautain, comme un elfe noir, qui en plus de paraître faiblard en comparaison avec le géant, ne semblait posséder aucun réel talent magique. Il maniait un bout de fer quelconque, taillé bizarrement, et paraissait en être fier. Shindo en arriva à penser que Kalamaï était un univers fermé, où les habitants croyaient déjà tout connaître du monde qui les entoure, et peuvent ainsi, en comparaison de leurs confrères, se sentir supérieurs …
C’en était presque amusant.
Il observa tout ce qui se passait dans la pièce, inlassablement, sans quitter un sourire amusé et décontracté.
Puis voyant que les personnes venaient ici pour se nourrir ou sommeiller, il finit par se dire que rester sans rien faire attirerait des soupçons ; il mangerait, et pourquoi pas dormir.
Il ne savait pas s’il ressentait la faim et le sommeil ici, mais par mesure de précaution, il ferait comme si.
Voyant quelques ivrognes réclamer leur boisson avec un petit morceau de fer rond et doré, il pensa avec certitude que cela servait de monnaie d’échange ; des petits machins comme ça contre de la nourriture. Ne décelant aucun pouvoir dans ces trucs que tout le monde appelait « pièces », il s’interrogea sur leur valeur significative.
Il posa sa main sur la table et fit briller celle-ci, d’une faible lueur, à peine distinguable. Quelques secondes plus tard, il cessa ce contact et déposa la poudre qu’il en avait tirée dans une petite bourse noire. Il l’agita, prononça deux trois phrases, et la bourse s’alourdit considérablement. Il la rouvrit, et examina ce qu’il en restait.
Content du résultat, il rangea cette bourse, et reprit son observation, maintenant paré à une éventuelle visite des maîtres des lieux …