Assise sur un petit muret près de la place publique, Ankoun regardait distraitement passer les villageois, marchands et autres qui déambulaient allègrement dans les rues. Bien qu’étant un peu à l’écart, la jeune femme ne manquait pas d’attirer les regards. Son habillement n’en était pas la cause, vu qu’il ne se différenciait en rien des autres, voir même qu’il était le moins voyant, avec ses couleurs sombres ou passées. Non, ce n’était pas ses habits. Pour la demoiselle, qui ne comprenait guère pourquoi on lui portait une quelconque attention, cela devait venir du fait qu’elle venait toujours ici. Poussant un profond soupir, elle se leva souplement, remit deux ou trois mèches derrière ses cheveux et se décida à aller au marché, lieu de bien des convoitises.
Comme à son habitude, la place du marché était bondée, et les étals offraient une multitude de couleurs et d’aspects aux yeux des badauds. Flânant « innocemment », Ankoun réussit à se saisir d’une pomme ainsi que d’un peu de pain, et un peu plus loin d’un petit poignard parfaitement adapté à sa main. Cela lui était tout aussi naturel que de respirer, mais elle faisait tout de même en sorte de ne pas être prise, se doutant que c’était en partie à cause de ça qu’elle s’était retrouvée enfermée à l’intérieur d’une geôle impérial. Un frisson la parcourut à ce souvenir. Et dire qu’elle n’avait toujours pas retrouvé ne serais-ce qu’un fragment de son passé…
En tous les cas, désormais, elle allait pouvoir manger un peu. Se retirant de la place, la demoiselle s’installa confortablement sur un banc de pierre couvert en grande partie de mousse et attaqua son modeste repas de bon cœur. Lorsque ce fut finit, elle resta assise quelques temps, réfléchissant à ce qu’elle allait bien pouvoir faire à présent. Elle n’avait nulle part ou aller, excepté la chambre d’auberge qu’elle payait, et désirait que cela change. Qu’elle puisse, au cas ou elle se trouverait de nouveau dans une mauvaise passe, se tourner vers un interlocuteur qui pourrait l’aider.
Une grimace crispa son visage. Qui voudrait venir en aide à une probable rôdeuse ou barde qui avait oublié tout de sa vie ? Personne de sensé en tous les cas. À moins que… Se redressant vivement, la demoiselle s’empressa de s’enfoncer dans les rues, son ample manteau retenu par une broche accroché à son cou. En quelques minutes, elle se retrouva face à la corporation des Itinérants, le regard déterminé bien que légèrement inquiet. Après tout, rien ne lui disait qu’elle serait acceptée. Mais qui ne tente rien n’a rien n’est-ce pas ?
Prenant une grande respiration, comme pour mieux se donner du courage, la jeune femme entra dans l’imposant bâtiment. Bâtiment qui perdit énormément de son emprise sur son esprit lorsqu’il vit l’état de vétusté dans lequel il était. Mais après tout, cela lui importait peu. Elle avait décidée de venir ici de son plein gré, aussi elle adhérerait à la corporation, un point c’est tout.
En parlant d’adhésion, encore faudrait-il qu’il y ait quelqu’un. Elle ne voyait pas l’ombre d’une personne en ces lieux, aussi Ankoun du-t-elle hausser la voix :
-Veuillez m’excuser, y a-t-il quelqu’un ?
Elle n’eut pas de réponse. Réitérant sa demande, la jeune femme attendit patiemment. Lasse au bout d’un moment, elle s’apprêta à repartir lorsqu’elle fut retenue par un bruit de pas allant en sa direction. Se tournant vers l’origine du bruit, elle attendit…