Il est loin le temps où je gagnais mon pain quotidien en dépouillant les marchands de passage dans la petite ville où j’avais terminé mon errance après la mort de Père… Très vite, je me fis remarquer par les autochtones dont je parasitais les territoires, comme ils me le firent vite savoir. Mais il faut croire que mon visage aux traits inhabituel attisa leur curiosité, car plutôt que de me tuer discrètement, ils décidèrent de me prendre sous leur aile. Et c’est ainsi que peu à peu je gravis les échelons de la hiérarchie parallèle locale… jusqu’au moment où je quittai ceux qui étaient devenus mes amis, conquérant des terres à la têtes de mon armée naissante, pour finalement créer mon propre royaume.
Mais même après être devenue une seigneure rangée et respectée, je n’ai jamais oublié le chemin parcouru pour arriver à ce statut. Et surtout, j’ai continué à entretenir un réseau de plus en plus ramifié d’espions, voleurs et assassins, dans toutes les cités que les hasards de mes voyages me faisaient traverser. Maintenant que l’Empire était débarrassé de ses envahisseur et que sa reconstruction semble sur le point de s’achever, les guerres entre seigneurs voisins se multiplie, et il m’apparut judicieux d’utiliser ce réseau à bon escient pour espionner mes ennemis potentiels, et pourquoi pas, m’en servir également à nouveau pour m’enrichir. C’est pourquoi je décidai il y a quelques jours de prendre contact avec la fameuse Guilde de l’Ombre.
Je connaissais son existence depuis longtemps, et je savais qu’elle était située dans la Cité Impériale, mais mes renseignements s’arrêtaient là, et je dus déployer une grande partie de mon réseau d’informateurs locaux pour localiser le lieu exact. Mais cette attente ne fut pas vaine, car enfin aujourd’hui, je peux me présenter au fameux Spadassin… Après de longs jours de voyage, seulement accompagnée de fidèles subordonnés me précédant et me suivant à distance, me voilà enfin aux portes de la magnifique Cité Impériale, que j’avais déjà eu l’occasion de visiter brièvement par le passé, mais où je n’avais jamais pratiqué mon savoir de voleuse, pour diverses raisons. Me fiant à mes souvenirs de la géographie des lieux, je me dirige d’un pas leste vers le port.
Plus je m’approche du Quartier des Ruelles, plus je devine les regards qui m’observent depuis les recoins les plus sombres. Je souris en coin en songeant que j’aurais pu être à leur place si je n’avais décidé de prendre mon destin en main à une certaine époque… Mais me voilà déjà devant la façade crasseuse de l’échoppe que je cherchais, tenue par un soi-disant borgne, dont les informations les plus précises que j’avais récoltées mettaient sérieusement en doute ce que cachait son bandeau… Mon entrée fit donc converger vers moi un nombre impair d’yeux, le tenancier tout comme les deux alcooliques crasseux accoudés au comptoir semblant étonnés de m’apercevoir, dans ma tenue discrète mais toutefois soignée. Ou peut-être est-ce le masque miroir qui me couvrait le visage qui les intrigua.
Quoiqu’il en soit, je ne me laisse pas distraire, et je me dirige vers l’arrière-salle, dans le coin sombre où se trouve le mécanisme de l’entrée secrète, à l’abri des regards. L’idée n’est pas mauvaise, je doute que beaucoup d’habitués traînent près de l’entrée des toilettes pour dames, un peu incongrues en ce lieu… Juste à côté de la porte vermoulue, une étagère contenant quelques bouteilles antédiluviennes, servant uniquement à décorer vu l’aspect douteux de leur contenu. Je reste à l’arrêt devant les bouteilles… maudits informateurs, ne savent-ils pas que je ne bois pas d’alcool ? A quoi ça ressemble, une bouteille de rhum ? Ah, je crois deviner les lettres sur une étiquettes partiellement effacée : en effet, mes doigts agiles détectent vite le mécanisme caché derrière. Dans un déclic sourd, une statue pivote doucement, comme on me l’avait annoncé…
Je descends les escaliers, en prenant garde à ne pas glisser sur la mousse qui les recouvre. L’atmosphère est humide, presque étouffante, et le colimaçon n’est éclairé que par quelques torches disposées à intervalles juste trop longs pour éclairer correctement toutes les marches, mais parfait pour instaurer une ambiance troublante, voir inquiétante pour qui ne serait pas habitué à traîner dans des endroits sombres… Enfin, une porte en chêne massif, qui n’est pas là pour décorer si j’en juge par son épaisseur et les renforts métalliques qui la renforcent. Elle est entrouverte, et donne sur un petit couloir mieux éclairé que l’escalier. Au fond, une autre porte semblable devant laquelle pose un immense bureau tout aussi massif que la personne siégeant derrière. Le Spadassin. D’un pas ferme, je m’approche de lui, et me présente :
Bonjour Spadassin. Je n’ai pas besoin de préciser les raisons de ma présence, je doute que beaucoup de touristes viennent se présenter à vous par hasard… Ayant une idée de la puissance de la Guilde de l’Ombre, je suis persuadée que les recherches de mes informateurs ne vous ont pas échappées, tout comme vous devez certainement savoir qui je suis, mais je vais tout de même me présenter, car c’est la moindre des politesses : je me nomme Kibin Satsujin, et je dirige les terres de Sokushi. Je suis ici en qualité de voleuse, dans le but de faire profiter la guilde du réseau d’espions et autres acteurs de l’ombre que j’ai étoffé au cours des années, mais également de profiter des ramifications étendues dont votre Guilde dispose. J’espère donc vous être utile tout comme vous saurez m’apporter ce dont j’ai besoin.
J’incline la tête tout en terminant ma phrase. J’avais vite appris que cette coutume de mon pays était prise comme un signe de faiblesse ici, et j’avais du apprendre à m’en séparer, mais je pense que dans la situation actuelle, elle ne sera pas déplacée ni mal interprétée. Voyons voir ce que le Spadassin a à me dire…
Dernière édition par le Mar 29 Mai 2007 - 21:21, édité 1 fois