Le seigneur Malbrum semblait avoir des idées pour remettre sur pieds les itinérants. Mais après tout quoi de plus normal pour un marchant, la seule chose qui changeait ici était le produit.
Alerter ses confrères marchant et autres saltimbanques, oui bien sur c’était là où il fallait commencer mais à vrai dire personne ne savait exactement qui exerçait la profession de marchand.

Je pense que vous avez carte blanche du moment que vous respectez la loi et nos règles.
Par contre je ne saurai vous dire où se trouve les marchands hormis sur les marchés bien sûr. Prendre contact avec cette coalition marchande et voir quel est son véritable but me parait effectivement très judicieux.

Peut être serait-il intéressant de voit si une aide peut être possible de la part de l’Empire et de ses officiels. Et peut être aussi voir si une liaison privilégié avec l’Outre Mer peut être envisagé ?

La corporation allait revivre, c’était du moins le souhait de Regor et espérait vivre assez vieux pour le constater.

Del en avait eu marre des pas marrants du marais, alors sa marche avait quitté son marasme pour arriver dans la Capitale. Mais ni capitale, ni captivante était sa raison de s’amarrer à la plus grande des mers de maisons : tout juste l’envie de faire commerce de quelques morceaux d’humour et de farces, voir de démarrer quelques mercantiles démarches. Après tout, le fée était rompu à la tromperie et la moquerie, essayer l’escroquerie ne ferait pas d’accroc à son image de marque ou sa morale.

Del, donc, marche et vol, vers les marchands et voleurs, de la confrérie des Itinérants, considérants qu’il préfèrerait y trouver plus de frères que de cons sidérants de conseils débilitants.

Ne dérogeant pas au registre, Del rejeta sa tignasse en arrière et après un rire éraillé, joua, ou plutôt rejoua, son rôle pour rejoindre la corporation :

— Je m’intitule Del Irel Esm Aths, mais tu m’appeler Mangeru Npo Mmem Ur si ça t’amuse.

Del rit.

— Je suis un ménestrel expert en art pervers, vers ou en pauvre prose, en farces et massacres et en mensonges déments, songes-tu que j’ai ma place dans votre pâle palace ?

Le ricanement, encore, dès qu’il eut terminé sa phrase.

Registre ? Del rugit de rage en lui, les registres, ces réglés relents que dégurgitent les fonctionnaires, ils lui scient les nerfs au plus profond. Il allait tâcher de ne pas s’ancrer trop longtemps, avec cette encre sur les doigts qui met en émoi son pancréas et, hélas, son estomac. Son geste fut preste pour ne pas que la gerbe indigeste ne le prenne et que sa bile malhabile n’habille de vert sa signature habile.

Del Irel Esm Aths, Fée, Barde.

Il signa mais ne s’assigna pas à siéger sciemment ici plus longtemps. D’un coup d’aile léger et méchant, il prit la clé des champs.

Assise sur un petit muret près de la place publique, Ankoun regardait distraitement passer les villageois, marchands et autres qui déambulaient allègrement dans les rues. Bien qu’étant un peu à l’écart, la jeune femme ne manquait pas d’attirer les regards. Son habillement n’en était pas la cause, vu qu’il ne se différenciait en rien des autres, voir même qu’il était le moins voyant, avec ses couleurs sombres ou passées. Non, ce n’était pas ses habits. Pour la demoiselle, qui ne comprenait guère pourquoi on lui portait une quelconque attention, cela devait venir du fait qu’elle venait toujours ici. Poussant un profond soupir, elle se leva souplement, remit deux ou trois mèches derrière ses cheveux et se décida à aller au marché, lieu de bien des convoitises.
Comme à son habitude, la place du marché était bondée, et les étals offraient une multitude de couleurs et d’aspects aux yeux des badauds. Flânant « innocemment », Ankoun réussit à se saisir d’une pomme ainsi que d’un peu de pain, et un peu plus loin d’un petit poignard parfaitement adapté à sa main. Cela lui était tout aussi naturel que de respirer, mais elle faisait tout de même en sorte de ne pas être prise, se doutant que c’était en partie à cause de ça qu’elle s’était retrouvée enfermée à l’intérieur d’une geôle impérial. Un frisson la parcourut à ce souvenir. Et dire qu’elle n’avait toujours pas retrouvé ne serais-ce qu’un fragment de son passé…

En tous les cas, désormais, elle allait pouvoir manger un peu. Se retirant de la place, la demoiselle s’installa confortablement sur un banc de pierre couvert en grande partie de mousse et attaqua son modeste repas de bon cœur. Lorsque ce fut finit, elle resta assise quelques temps, réfléchissant à ce qu’elle allait bien pouvoir faire à présent. Elle n’avait nulle part ou aller, excepté la chambre d’auberge qu’elle payait, et désirait que cela change. Qu’elle puisse, au cas ou elle se trouverait de nouveau dans une mauvaise passe, se tourner vers un interlocuteur qui pourrait l’aider.
Une grimace crispa son visage. Qui voudrait venir en aide à une probable rôdeuse ou barde qui avait oublié tout de sa vie ? Personne de sensé en tous les cas. À moins que… Se redressant vivement, la demoiselle s’empressa de s’enfoncer dans les rues, son ample manteau retenu par une broche accroché à son cou. En quelques minutes, elle se retrouva face à la corporation des Itinérants, le regard déterminé bien que légèrement inquiet. Après tout, rien ne lui disait qu’elle serait acceptée. Mais qui ne tente rien n’a rien n’est-ce pas ?

Prenant une grande respiration, comme pour mieux se donner du courage, la jeune femme entra dans l’imposant bâtiment. Bâtiment qui perdit énormément de son emprise sur son esprit lorsqu’il vit l’état de vétusté dans lequel il était. Mais après tout, cela lui importait peu. Elle avait décidée de venir ici de son plein gré, aussi elle adhérerait à la corporation, un point c’est tout.
En parlant d’adhésion, encore faudrait-il qu’il y ait quelqu’un. Elle ne voyait pas l’ombre d’une personne en ces lieux, aussi Ankoun du-t-elle hausser la voix :

-Veuillez m’excuser, y a-t-il quelqu’un ?

Elle n’eut pas de réponse. Réitérant sa demande, la jeune femme attendit patiemment. Lasse au bout d’un moment, elle s’apprêta à repartir lorsqu’elle fut retenue par un bruit de pas allant en sa direction. Se tournant vers l’origine du bruit, elle attendit…

Celui qui allait vers elle ne tarda pas à apparaître à ses yeux couleur d'embruns. C'était un homme âgé, qui semblait presque habité par une joie profonde. Sa voix était rocailleuse et fatiguée, et son corps sec était parcourut de tremblements intermittents. Ses yeux la détaillait de haut en bas, cherchant sans doute a récolter des informations sur l'inconnue qu'elle était. Un sourire amusé passa sur les traits fins de la demoiselle qui rajusta une mèche derrière son oreille droite.
Elle se décida à répondre, se demandant s'il y avait quelqu'un d'autre dans ces locaux décrépis. Peut être. En attendant, sa voix s'éleva, répondant aux attentes de son interlocuteur :

-Bien le bonjour l'ancien. Veuillez m'excuser de vous déranger en cette heure avancée de l'après-midi, mais je souhaiterai faire partie de la corporation des Itinérants. Si cela m'est permit, bien entendu.

A peine la jeune femme eut-elle finit sa phrase que le vieillard la prit par la main, retrouvant une force qu’il n’avait plus depuis bien longtemps. Quelle journée bénie pour lui ! Deux aspirants en une seule journée, cela tenait presque au miracle, tellement les demandes d’intégrations se faisaient rares et donc précieuses. Il lui expliqua rapidement ce qui lui fallait faire pour intégrer la corporation. A l’évocation du métier, la jeune femme se rembrunit, ses yeux perdant l’éclat qui les avait habité auparavant. Tout tournait en ce moment autours de son amnésie. Sortant de ses pensées moroses, elle prit la plume que le vieil homme lui tendait sans plus de cérémonie, et tout en écrivant, elle se présenta :

-Je dois vraiment vous paraître impolie en ne déclinant pas mon identité. Je m’appelle Ankoun Fallaenn, enchantée de vous rencontrer.

D’une écriture fine et ronde, le nom s’inscrivit sur le recueil poussiéreux. S’arrêtant un moment, la plume hésita, alors que celle qui la tenait se mordait la lèvre inférieure. Et maintenant, qu’allait-elle marquer ? Relevant ses yeux, qu’elle posa dans ceux de son interlocuteur, elle se décida à jouer carte sur table :

-Cela va sans doute vous paraître absurde mais… Pour tout vous dire, j’ignore mon origine et mon métier. Cela fait environ une semaine que je me suis réveillée en ayant perdu tout mon passé, excepté mon nom et prénom. Je ne sais donc pas quoi mettre sur ce recueil…

Sa voix se stoppa, attendant la réaction de son interlocuteur. Elle avait été franche, peut être que cela la condamnerait, mais elle voulait y croire. Au moins, elle n’avait rien caché au vieil homme. Cela devait bien mériter un quelconque récompense…
Un hululement dans le bâtiment la fit tressaillir légèrement. Elle connaissait ce cri. Jetant un regard circulaire, elle ne vit rien de plus que ce qu'elle n'avait vu en entrant. Etrange. Une douce chaleur se répandait dans ses entrailles. Comme si une personne qui lui était chère se trouvait dans la même place qu'elle. Si jamais elle était acceptée, elle irait faire un tour d'exploration. Elle voulait savoir.

La jeune demoiselle était bel et bien présente en ce lieu pour s'inscrire au corpus, décidément la situation semblait vouloir s'améliorer pour les itinérants... Elle écrivit son nom sur le registre puis s'arrêta.

-Cela va sans doute vous paraître absurde mais… Pour tout vous dire, j’ignore mon origine et mon métier. Cela fait environ une semaine que je me suis réveillée en ayant perdu tout mon passé, excepté mon nom et prénom. Je ne sais donc pas quoi mettre sur ce recueil…

Il l'a regarda longuement sans mot dire, cherchant en elle ce qu'elle pouvait exercer comme métier, son charme naturel pouvait en faire une barde magnifique, ce même regard pouvait aussi être cruellement utile pour convaincre les clients de son commerce. Le vieil homme était convaincu qu'elle n'était pas une esclavagiste, ce corps fin ne pouvant résister à la rudesse de la marchandise. Rôdeuse ? Il faudrait voir comment elle se débrouille dans les bois...

Et bien mon enfant, n'inscrivez rien pour l'instant. J'accepte votre adhésion et vous n'aurez qu'à venir compléter le registre lorsque vous aurez trouvé votre vocation ou retrouvé votre mémoire. Qui sait, si vous possédez un royaume, peut-être vous chercheront-ils.

Regor reprit la plume et le registre pour aller les ranger et revint aussitôt, tendant la main à Ankoun pour l'invité à faire le tour des lieux.

Seriez-vous assez aimable pour tenir ma main durant la visite, cela m'aidera à conserver mon équilibre, je ne me souviens pas où j'ai mis mon bâton de marche...