Le soleil, chaleureux et d'humeur gratifiante, joue haut dans le ciel d'un bleu pur à présent qu'il a dispersé ses dernières tâches nacrées, tel un signe élancé par les dieux, convolant avec les hautes aspirations des mortels. Le pavé, piétiné, foulé durement en toute part et ce d' une ferveur quasi-religieuse, subit pleinement les effets de l'enthousiasme qui se propage à tous les corps de chairs et d'esprits. Les femmes et les hommes, par milliers, campent fièrement autour de la grande place, attroupées qu'ils sont autour de l'Empereur, du corps d'élite de barde et des rescapés. Les vivats et les cris transperçent les murmures qui s'amplifient, remplacent les sifflements des trompettes qui se sont tues, attentistes quant à la suite.
Syv, nouveau chef de la corporation, droit et raid, le regard ardent et fier au milieu du professionnalisme de ses hommes et de la festivité du peuple, fixe avec une particulière attention l'un des rescapés. Ses yeux d'ébène le désabillent de haut en bas, lentement et sûrement, tel un félin devant sa futur proie, notant chaque infine information de sa description. Sa tenue comme tant d'autres des rescapés parait effilé, des blessures ressortent ici et là de son corps. Mais son port semble altier et noble, comme lui, et ne plient malgré les meurtrissures. La voix qui a surgie de nulle part, qui a entrecoupé son intervention avant de s'évanouir, il sait qu'elle lui appartient. Mentalement, Syv ne manque de penser à demander des précisions sur l'identité de cet homme. Il saurait tôt ou tard. son intuition, laquelle ne s'est jamais trompée lui murmurant insidieusement qu'il s'agit de l'homme qu'il a tant recherché. Le tavernier lui ayant appris il y a de cela quelques mois que l'un des itinérants du temps de l'ancien gestionnaire s'y trouvait.
Naturellement, comme prévenu par un étrange sentiment, son regard attentif se détache du personnage et se porte de façon entendu sur la foule murmurante qui se fend, de l'autre côté de l'arcade qui traverse la Grande Place. Un homme accompagné de gardes du corps s'avance résolument dans sa direction. Aucun doute quant à son identité. Des feux brûlent soudain dans les yeux d'ébènes du jeune homme à la peau hâlée, le personnage le plus puissant du monde en venant jusqu'à le cotoyer. Les soldats-bardes se mettent au garde à vous, leur visages impassibles et rivés devant eux, la population alentour plus agitée, plus impétueuse, s'engageant à lui faire signe et tenter de l'effleurer au passage.
Monseigneur. s'annonce le gestionnaire d'une voix chantante, tirant là sa plus belle révérence, avec autant de vivacité que de malice.
Bonjour Maître Syv, vous avez apporté le nécessaire ?
Un sourire étire les lèvres du jeune homme avant de répondre. Droit au but et sans détour, une entrée en matière qu'il appréciait. Sa main, s''attelant à captiver l'attention de l'empereur, s'élève lentement et pointe en direction des soldats à son côté qui s'empressent d'ouvrir le coffre qu'ils tiennent précautionneusement entre leur bras, comme s'il s'agit de leur propre vie; et lui révèlent le contenu à l'intérieur. Syv reprend la parole d'un ton assuré.
Conformément à vos injonctions et selon excatement vos désirs, Monseigneur. Les dieux sont assurément à nos côtés aujourd'hui. Et rien n'entâchera, j'en crois, cette merveilleuse journée qui s'annonce de façon imminente à son point culminant, heure de gloire et de recueillement.
Mon coeur n'attend plus que votre assentiment et le déroulement de ce qui a été élaboré, votre bénédiction. Dès lors que vous m'en donnerez l'ordre, nous pourrons commencer.
Un autre homme, plus discrètement les rejoint, et Syv découvre avec surprise qu'il s'agit d'Adola, le Spadassin lui-même, le meneur de l'expédition nordique. S'inclinant volontier devant ses encouragements, c'est avec une confiance et une sympathie renouvelée qu'il lui répond :
Je vous remercie très cher Adola, je prends note de ces bienveillantes considérations et vous en exprime toute ma gratitude. Soyez assuré de ma profonde conviction quant à remettre de l'ordre dans les affaires de la Corporation des Itinérants. J'en ai fais le serment, du haut de mon titre, je rendrai sa fonctionnalité pleine et entière à cette noble entité, qui je vous l'assure est loin d'avoir expiré son dernier mot.
Mais au delà de ça, je suis particulièrement enchanté de vous savoir à vue en si bon état et en si bonne santé. C'est étonnant, malgré tout ce que vous venez de subir, vous semblez encore pouvoir résister à d'autres mortelles intempéries à cet instant.
Syv se prend à rire, tapotant l'épaule du spadassin, s'amusant, non sans son habituelle ironie à épousseter sa tenue comme l'aurait fait tout autre personne censée incarner la richesse. Puis le sérieux scie à nouveau son regard, teinté d'une certaine sincérité.
Une telle énergie débordante ne peut qu'être le reflet de vos aptitudes et de votre efficacité mises au service de l'Empereur et l'Empire.
Sur un dernier hochement de tête respectueux, Syv se tourne vers l'empereur, attendant patiemment que la clé ouvre le bal qui n'attendait plus qu'elle, pour s'entamer.