Le ton était donné, Anar fit quelques pas d’écart afin de s’éloigner de la comtesse Luciole et d’éviter tout contact avec cette dernière. Le froid ardent de la mort tournait autour de la créature telle une menace constante pour ceux qui seraient à proximité de la non-vivante. L’anarchiste avait écouté sans broncher les semonces du Spadassin tout en relevant mentalement chaque point qu’il pourrait utiliser par la suite. La rhétorique était un art auquel Anar avait été initié et exercé. Après la tirade d’Adola il s’apprêtait à répondre lorsque son ennemi entra dans la pièce. La tension monta d’un cran pour le paria. Celui qui avait assassiné, ou donné l’ordre d’assassiner ses frères, se tenait en cher et en os devant lui. Un réflexe inconscient lui fit poser la main sur sa dague mais sa raison lui indiquait qu’avec au moins deux assassins dans la même pièce, il n’aurait même pas le temps de dégainer son arme. Il fixa donc l’elfe d’un air méprisant et d’un regard rempli de rage alors que celui-ci justifiait sa présence dans la salle. Puis l’attention de l’elfe se porta sur le parchemin qu’Anar avait posé sur la table.
Et concernant cette dernière, je suis sûr que ce cher Anar est présent pour se plaindre de mes actes si me fis à ce petit parchemin sur la table qui est un extrait de nos règles. Et oui, j'ai eu un dilemme à débattre et dans ce cas-ci, ce ne sont pas les consignes de l'Ombre qui ont prévalues mais bien celle de mon alliance.
Anar, tu t'en es pris à Hélèna d'Ald'Rhune, membre des Fidèles de Maon, tu as pillé ses terres, mis en branle une rébellion contre l'Empire et ses dirigeants. Je ne pouvais rester les bras croisé devant tant d'affront envers mes alliés et envers Kalamaï. Je n'ai aucun regret de mon geste et je le ferai de nouveau si nécessaire
Le sang d’Anar ne fit qu’un tour. Il entrevu rapidement deux solutions à ce conflit. Le sang ou la diplomatie. Mais la deuxième solution nécessitait la participation active d’Adola car l’anarchiste ne se voyait pas du tout discuter avec Babka. Il n’avait pas à se justifier d’acte qui n’émanait de toute façon pas de lui uniquement, mais de toute la communauté anarchiste soudée. Anar ne donnait des ordres en aucun cas. L’Assemblée décidait et l’Assemblée, c’était le peuple tout entier. Et le conflit en Prévèze commençait à prendre des dimensions surréalistes. Même Adola était au courant. Anar prenait cela comme une bonne chose mais aussi comme une complication. Plus de popularité fait plus d’alliés…et plus d’ennemis. Anar était là pour se débarrasser indirectement de deux de ces ennemis : Xanis et Babka. Pour le premier, il fallait encore attendre, pour le second, tout se jouait maintenant. Son avanie ne devait pas rester sans réponse.
Spadassin vous dites qu’être membres de la corporation implique un respect des règles… et de la hiérarchie…Ce mot, Anar a toujours du mal à le prononcer.Le seigneur Babka a attaqué mes frères ce qui est une violation des règles de l’Ombre. La preuve que vous vouliez de cette infamie tiens de la bouche même de celui qui l’a commise. Sa déclaration corrobore mes plaintes et cet elfe soutiens qu’il réitérera. Seigneur Adola, si vous avez encore de l’autorité, vous qui parlez si souvent de hiérarchie, faites le savoir à celui-ci.
Son doigt accusateur pointa le Palatin de Maon.Votre soi-disante alliance n’a aucun sens autre que celui de l’oppression. Un regroupement de Palatin voulant faire pression sur votre très cher Sénat et qui n’hésite pas à attaquer quand leur pouvoir est menacé. Voila la raison de votre attaque. Le maintien de votre propre pouvoir et cela au mépris des règles de l’Ombre, vous qui m’avait averti il y a un certain temps de ces mêmes règles lors d’une sombre affaire d’espionnage, vous enfreignez ces règles ! Qui plus est vous vous targuez de recommencer comme bon vous chante. Je demande réparations et assurance que telle ignominie ne se refasse jamais. C’est à vous de décider Adola et non pas à ce Palatin d’une province unifiée par la force au mépris des peuples. Si vous respectez vos préceptes, c’est que l’Ombre vaut sa réputation et je vous aiderais pour combattre ces intrus qui se font passer pour nous. Dans le cas contraire, dites moi quelle différence il y a entre vous et ce regroupement de brigands au Quartier Mal Famé.
Les mots étaient secs, choisis et destinés à faire réagir. La dialectique devait faire ressortir une décision rapide, car le temps était pour Anar la plus précieuse de toutes les denrées.